Depuis que l’ex-chef de l’armée et actuel président Abdel Fattah al-Sissi a destitué l’islamiste Morsi en juillet 2013, le nouveau pouvoir réprime toute opposition. Après les islamistes (1.400 partisans de Morsi ont été tués), le pouvoir s’en est pris à l’opposition laïque et de gauche, emprisonnant des dizaines de jeunes militants, qui avaient en grande partie soutenu l’éviction de M. Morsi avant de se retourner contre les nouvelles autorités.

Vingt-trois militants ont été condamnés dimanche à trois ans de prison pour avoir participé à une manifestation non autorisée. Ils avaient été arrêtés en juin après avoir pris part à un rassemblement appelant à l’abrogation d’une loi controversée limitant le droit de manifester. Ils étaient accusés de « participation à une manifestation illégale, vandalisme et entrave au trafic routier ». Parmi les condamnés figurent deux célèbres militantes des droits de l’homme, Yara Sallam et Sanaa Seif, la soeur de Alaa Abdel Fattah, une figure de la révolte de 2011 et dissident de longue date actuellement jugée pour des chefs d’accusation similaires. Sanna Seif est en grève de la faim depuis près de deux mois.

Depuis que les militaires ont destitué en juillet 2013 l’ex-président islamiste Morsi, les autorités mènent une répression implacable contre tout type d’opposition, notamment contre les mouvements de la jeunesse, fer de lance de la révolte de 2011 qui avait chassé Hosni Moubarak du pouvoir. Des dizaines de militants ont ainsi été emprisonnés pour avoir violé une loi controversée limitant le droit de manifester.

Parmi ces militants Alaa Abdel Fattah, jugé dans un nouveau procès après avoir été condamné, avec 24 autres personnes, par contumace à 15 ans de prison. Il était accusé d’avoir attaqué un policier durant une manifestation illégale. Ce verdict avait été annoncé par surprise, le jeune militant de gauche et deux autres prévenus qui se trouvaient à l’extérieur du tribunal s’étaient vu refuser l’entrée par la police. Ils avaient été arrêtés immédiatement après l’annonce du verdict. Un tribunal égyptien a ordonné hier lundi sa libération sous caution d’Alaa Abdel Fattah et de deux autres détenus.

Alaa Abdel Fattah

Alaa Abdel Fattah

Le 18 août, Alaa Abd El fattah a commencé une grève de la faim illimitée. Cette grève de la faim conteste sa troisième détention depuis le 25 janvier, et a été motivée par la détérioration des conditions de santé de son père, ainsi que l’emprisonnement continu de sa sœur Sanaa depuis le 21 juin. Alaa a mentionné à sa famille que sa grève de la faim reflète de sa décision de ne plus coopérer avec un système égyptien. Arrêté le 28 novembre 2013 chez lui pour s’être engagé contre la nouvelle loi anti-protestation, il avait été libéré en mars dernier sous caution. Quelques semaines après sa libération, il a une nouvelle fois été condamné le 11 juin à 15 ans de prison, pour avoir participé à des manifestations non autorisées en compagnie de 24 autres militants.

Alaa Abd El Fattah est emprisonné une première fois en 2006, alors qu’il était venu protester en soutien à des activistes poursuivis pour avoir « insulté le président ». Co-fondateur avec sa femme de l’agrégateur de blogs en arabe Manalaa.net, il était alors déjà une figure importante de la liberté d’expression. Fin octobre 2011, il est emprisonné pour incitation à la violence contre le régime militaire transitoire. Alaa est libéré deux mois plus tard. En novembre, Alaa est arrêté une nouvelle fois puis remis en liberté sous caution avant d’être une nouvelle fois condamné, pour la quatrième fois depuis 2006.

Egypte: Alaa Abd El fattah en grève de la faim

En Egypte, des dizaines d’activistes égyptiens ont organisé samedi matin, comme il le font depuis des mois, un rassemblement contre la loi qui restreint le droit de réunion. Les organisateurs avaient annoncé leur intention de marcher sur le Palais présidentiel, et la police les en a empêchés. 24 manifestants ont été arrêtés. Un tribunal administratif a décidé de renvoyer la loi devant la Cour constitutionnelle pour révision. Le problème c’est que la loi sera révisée par la personne même qui l’a promulguée, l’ancien président Adly Mansour. À Berlin, en Irlande, à Londres et dans d’autres pays, des rassemblements ont eu lieu en opposition la loi anti-manifestation et en solidarité avec les prisonniers politiques.

Egypte: Manifestation contre la loi anti-manifestation

En lutte contre l’opposition islamiste des Frères musulmans, le gouvernement égyptien frappe également toute forme d’opposition ou de dissidence. Torture, perquisitions dévastatrices et détention abusive ciblent également les forces démocratiques et progressistes qui critiquent le régime militaire, et les institutions jugées corrompues (police, justice, notamment). A côté de la répression des membres et sympathisants des Frères musulmans, tous assimilés à des terroristes par un décret de décembre 2013, la répression des forces progressistes semble marginale, elle est pourtant bien réelle. En mai, une ONG de la gauche égyptienne (le Centre égyptien pour les droits économiques et sociaux) a vu ses locaux envahis et son personnel terrorisé par un raid de la police.

Samedi, qui était jour de solidarité internationale avec les prisonniers égyptiens, la dispersion au Caire de la manifestation de gauche qui réclamait l’abolition de la loi régulant les manifestations et la libération des prisonniers politiques a été violente, avec quelques aides de la police en civil jouant du bâton pour permettre à la police d’interpeller les manifestants plus facilement. Les militants de gauches arrêtés sont bastonnés par les policiers dans les commissariats des heures durant, certains ont été torturés à l’électricité par les agents de la sécurité nationale est arrivée, et s’est occupée de nous un par un. On a entendu des cris, et les gens étaient torturés à l’électricité. Ceux qui ont été transférés en prison ont connus bastonnades et viol.

Trois des sept femmes belges participant à l’action internationale féminine de dénonciation du blocus de la bande de Gaza étaient mercredi soir en attente à l’aéroport de Rome, d’où elles devaient prendre un vol vers le Caire vers 21h30. Elles y seraient bloquées en raison de leur inscription sur une liste noire, probablement en raison de leur participation il y a deux ans à l’opération « Bienvenue en Palestine ». Elles sont les dernières participantes, parmi la centaine d’activistes pacifistes de la « Coalition Internationale des Femmes Contre le Blocus de Gaza », à ne pas encore avoir rejoint la capitale égyptienne, où quatre autres femmes belges sont toujours retenues par la police locale qui compte les expulser.

En dehors des trois Belges en attente à Rome, des quatre autres retenues à l’aéroport du Caire et des quatre femmes américaines et irlandaise (dont la Prix Nobel de la paix Mairead Maguire) déjà expulsées manu militari par la police égyptienne dès leur arrivée dans la capitale, quelque 90 autres militantes pacifistes de l’action sont venues s’asseoir dans l’aéroport en question. Parmi les participantes figure notamment la résistante algérienne Djamila Bouhired.

Egypte: Quatre manifestantes belges retenues

Dans la province de Gharbiya, des centaines d’ouvriers de la Samanoud Felt Fabric Company ont entamé leur troisième semaine de grève. Ils dénoncent des retards dans le paiement de leurs salaires ainsi qu’une détérioration de leurs conditions de travail. Certains ouvriers n’ont pas encore touché leur paye du mois de septembre. Samedi, à l’issue de négociations qui n’ont pas abouti, les ouvriers ont réoccupé les voies de chemin de fer qui relient les province de Damietta, Daqahlia et Gharbiya. Les forces de l’ordre ont tiré des grenades lacrymogène sur les grévistes qui bloquaient les voies et leur lançaient des pierres. Quatre policiers et six manifestants ont été blessés, d’après les médecins, certains de ces derniers par balle. Trois ouvriers ont été interpellés.

En Egypte, Haitham Mohamedin, dirigeant des Socialistes révolutionnaires (trotskiste) et militant pour les droits sociaux et humains a été arrêté hier jeudi par les forces armées dans un barrage de contrôle à la périphérie de la ville de Suez. Après avoir été fouillé et vu ses effets personnels confisqués, il a été retenu dans le barrage de l’armée avant d’être conduit au poste de police d’Attaka, en attendant de comparaitre devant le procureur pour des charges et accusations encore inconnues.

Lundi, la police a arrêté deux ouvriers de la société Suez Steel. Tous deux sont accusés d’avoir incité leurs collègues à mener des actions de grève. Suite à ces arrestations, les ouvriers en grève ont tenté de bloquer la route principale entre Suez et Ain Al-Sokhna mais l’armée est rapidement intervenue pour les en empêcher et reprendre le contrôle autour de l’usine. Les deux ouvriers faisaient partie d’un groupe de quinze personnes que la compagnie accusent d’être à l’origine du mouvement de protestation. Cela fait maintenant plus de trois semaine que les travailleurs de l’usine située dans la zone industrielle Al-Ataqa à Suez sont en grève. Ils exigent une augmentation de leurs primes et indemnités. Suez Steel est une société privée qui emploie 2200 ouvriers contractuels et 2000 intérimaires. La semaine dernière, la direction a menacé de réduire ses effectifs en réponse à la grève, mettant en avant une énorme diminution des bénéfices ces trois dernières années.

L’armée à proximité de l’usine Suez Steel

L'armée à proximité de l'usine Suez Steel

Alors qu’un hélicoptère de l’armée survolait le palais présidentiel, dans le quartier d’Héliopolis, des manifestants ont dirigé leur pointeur laser vers l’appareil, forçant son pilote à le dérouter, puis à se poser sans encombre. Le vidéo montre l’appareil bombardé de rayons lasers, devenu fluorescent, survolant des centaines de milliers de personnes massées dans la nuit suite à la manifestation géante organisée dimanche 30 juin contre le président Morsi.