Cinq combattants étrangers (2 Espagnols, 2 Américains et un 1 Canadien) combattaient au Rojava aux cotés des YPG, dans la brigade internationale intégrée, les ‘Lions du Rojava’. Il y a deux semaines, ils ont prit la décision de sortir de Syrie, pour ce faire ils ont décidé de passer par la province du kurdistan autonome irakien (KRG). Les 5 se dirigeaient vers Erbil pour y prendre un avion, mais ils ont d’abord été arrêtés le 23 octobre à Dahuk et maintenus en résidence surveillée par la police kurdo-irakienne jusqu’au 25 octobre, date à laquelle on leur a rendu leurs passeports et où ils ont pu poursuivre leur route, c’est en tout cas ce qu’ils pensaient avant de disparaître. Le 26 octobre, l’ambassade espagnole à Bagdad a confirmé que les 5 étaient détenus en régime d’isolement par les autorités kurdes à Erbil.

Du coté du Mont Shengal, où les HPG et les YPS repoussent l’Etat Islamique, les Peshmergas du Gouvernement Régional Kurde (KRG) ont fermé la route du Rojava, qui permettaient aux guérillas d’envoyer du matériel et des combattants. Des manifestations ont eu lieu à Kersê et à Serdeşt pour protester contre la décision du KRG.

Notre dossier ‘Notes sur le Kurdistan’ vient d’être mis à jour. Deux diagrammes ont été ajoutés, ils présentent la composition de la nouvelle alliance ‘Syrian Democratic Forces’ qui regroupe 13 groupes armés au Rojava et dans le nord de la Syrie. Le second diagramme donne une idée de la composition politique de l’Armée Syrienne Libre (FSA). Les notes concernant les SDF et la FSA ont également été ajoutées.

Les informations concernant les BOG (Forces Unies de Libération) ainsi que le IFB (Front International de Liberation) ont également été complétées.

Voir notre dossier ‘Notes sur la géographie et les organisations politiques au Kurdistan’.

Drapeau du PKK.

Comme nous vous l’écrivions il y a quelques jours, la population de la province kurde irakienne de Sulaimani se rebelle contre le pouvoir du KDP (Parti Démocratique du Kurdistan). Les manifestants réclament que les travailleurs du secteur public -infirmiers, professeurs et fonctionnaires- soient payés, ils n’ont en effet pas touché de salaire pour ces trois derniers mois, malgré les rentrées pétrolières dont est censé profiter le quasi état kurde irakien du Gouvernement Régional Kurde (KRG).

Massoud Barzani, le président -non élu- du quasi-état est accusé de piocher dans la manne financière et de profiter de la crise politique, provoquée notamment par la guerre contre l’Etat Islamique, pour rester au pouvoir.

Lors d’accrochage entre la police et les manifestants dans la région -traditionnellement plus hostile au KDP- de Sulaimani, plusieurs protestataires ont été tués : ce vendredi un garçon de 13 ans est mort de ses blessures à Qaladze alors que les locaux du KDP étaient incendiés. Dans la même ville, la même soirée, trois manifestants ont été abattus par balle et des dizaines d’autres blessés. Les émeutes se sont également propagées jusqu’à aujourd’hui à Said Sadiq et à Kalar où les locaux du KDP ont également été incendiés. Enfin, à la suite de la manifestation de jeudi soir à Sulaimani même, 9 personnes ont été blessées, dont 5 policiers. Ce samedi soir au même endroit, la police a utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser les milliers de manifestants rassemblés.

A Qaladze où les émeutes ont été les plus intenses, un couvre-feu entre en application ce dimanche soir, les cafés et maisons de thé ont reçu l’ordre de fermer boutique.

Manifestation à Kalar.

Le Gouvernement Régional Kurde (KRG), cette région autonome irakienne pratiquement indépendante est dirigée par la famille Barzani qui détient le pétrole irakien et l’exporte massivement vers la Turquie, entre autres. Il y a quelques semaines, deux jeunes opposants au régime de Barzani avait été arrêté et torturé par le Parastin, les services secrets du KRG, pour avoir défendus le PKK sur Facebook (voir notre article). Nous apprenons aujourd’hui qu’une autre personne a été arrêtée le 4 août dernier pour avoir partagé une photo d’Abdullah Öcalan, le leader du PKK, sur internet. Esa Barzani (qui est un parent éloigné du président kurde irakien Massoud Barzani), est détenu sans être inculpé après que les agents du Parastin l’aient enlevé à son domicile.

A Sulaimani, de nombreux travailleurs du secteur public, infirmiers, enseignants et fonctionnaires manifestent ce jeudi soir devant un hotel 5-étoiles où se tient aujourd’hui une réunion des 5 partis légaux du Kurdistan Irakien. Le but de cette réunion est de reconduire à nouveau le président Massoud Barzani, de plus en plus impopulaire. Malgré la très juteuse rente pétrolière, voilà trois mois que les travailleurs du service public n’ont pas touché leur salaire, ils accusent la famille Barzani de se servir avant tout le monde. Les médias officiels du KDP (le parti de Barzani) accusent les manifestants de déstabiliser le quasi-état kurde alors que l’Etat Islamique n’est qu’à quelques dizaines de kilomètres de là… Des manifestants ont caillassé les nombreux policiers qui gardaient l’hôtel. Les travailleurs du service public se sont mis en grève pour une semaine.

Affrontements à Sulaimani.

L’aviation turque a mené mardi dernier une nouvelle série de frappes d’envergure contre les camps du PKK de Sinat et de Haft Anin dans le nord de l’Irak. L’opération, qui a mobilisé des chasseurs-bombardiers F-16 et F-4. L’armée turque a lancé au moins deux autres grandes opérations de ce genre contre les bases-arrière kurdes ces dernières semaines.

Des F16 turcs

Le service secret du Gouvernement Régional Kurde irakien, le Parastin a détenu 1 semaine, fouetté et torturé deux Yézidis, Schîar Elias Hashem (20 ans) et Willie Khudaida (19 ans), qui prenaient la défense du HPS (Unités de Protections du Shingal, la guérilla yézidie du PKK dont le commandant avait été arrêté en avril dernier par la police kurde irakienne) sur Facebook, ils sont à priori toujours détenus, comme de nombreux Yézidis et militants proches du PKK au Kurdistan irakien. Huit guérilleros du PKK auraient également été remis à l’armée turque.

Le Gouvernement Régional Kurde est une région quasi-autonome du nord de l’Irak gouvernée par le PDK, un parti de droite en conflit avec le PKK. Condamnant de temps à autres les bombardements de l’armée turque sur son territoire, elle aide dans les faits la Turquie soit par passivité, soit par collaboration à réprimer le PKK sur son territoire. Une nouvelle fuite -à prendre avec des gants- affirme que le PDK aurait ordonné en 2014 aux Peshmerguas (l’armée régulière kurde irakienne) de ne pas attaquer l’Etat Islamique. Probablement pour déstabiliser l’état irakien et gagner en autonomie.

Les deux jeunes militants torturés par Parastin.

Tandis que la guérilla continue à embraser le Kurdistan Nord, l’armée turque a lancé mercredi une intervention terrestre dans le nord de l’Irak vers un camp du PKK. Deux brigades de bérets bleus, les unités commandos de montagne de l’armée turque, tentent de prendre le contrôle du camp du PKK à Haftanin, tout proche de la frontière. Des accrochages ont immédiatement éclaté. Les hélicoptères de transport Sikorsky turcs, au nombre de huit apparemment, ont alors été contraints de suspendre leurs rotations, pendant que des hélicoptères Cobra d’attaque bombardaient la zone. Des chasseurs bombardiers, des drones et des tanks, depuis la Turquie, interviendraient en renfort de l’opération. Le but de cette intervention, la première depuis 2011, serait de rejoindre le quartier général du PKK sur le mont Kandil, mais celui-ci aurait été partiellement évacué depuis les bombardements des dernières semaines.

Commandos de montagne de l’armée turque

Devant la complexité de la situation kurde (des dizaines d’organisations réparties sur quatre pays), nous publions une page spéciale listant la plupart des mouvements kurdes et la situation de ces mouvements dans chaque pays.

Mise à jour : plusieurs nouveautés (organisations syriennes). Et un organigramme très complet.

Nos notes sur la géographie et les organisations politiques au Kurdistan.

Organisations kurdes

Le Congressional Research Service a diffusé le 22 juillet un document sur les effectifs des troupes américaines déployées en Irak et Afghanistan et ceux des mercennaires (« contractors ») des firmes sous-traitantes du Département de la Défense (DoD) entre 2007 et 2014. Pour l’Afghanistan, c’est en mars 2011 que les effectifs militaires y ont été les plus élevés: 99.800. 90.339 « contractors » (toutes fonctions confondues) au service du DoD étaient alors recensés. Ce chiffre n’est pas le plus élevé: en décembre 2012, 110.404 « contractors » étaient présents sur le théâtre afghan (pour 65.800 soldats). En fait, de septembre 2011 à juin 2013, plus de 100.000 « contractors » étaient présents. En ce qui concerne les security contractors (PSC), le pic a été atteint en juin 2012 avec 28.686 agents de sécurité présents en Afghanistan sous contrat avec le DoD.

Pour l’Irak, 169.000 soldats étaient présents en septembre 2007 contre 154.825 contractors (les PSC ne sont donnés qu’à partir de décembre 2007: 9 952). En Irak, le nombre de troupes a atteint 0 en mars 2012 après les retraits successifs des forces US. Les effectifs des contractors ont en revanche augmenté jusqu’en septembre 2008 (163.446 « contractors ») pour atteindre l’équilibre en mars 2010: 95.900 soldats et 95.461 « contractors ». Les PSC ont été les plus nombreux en juin 2009 avec 15.279 agents présents.

Lire le document

USA: Les chiffres des mercenaires payés par les USA en Irak et Afghanistan

Quatres combattants étrangers des YPG avaient été arrêtés en Irak alors qu’ils rentraient vers leurs pays respectifs (Deux Etats-Uniens, un Russe, et un quatrième non confirmé). Ils ont fini par être libérés après 23 jours de détention. Robert Alleva et Michael Fonda (les deux américains) ont confirmé que les 4 avaient été enfermés dans la même cellule que des membres de l’Etat Islamique, malgré qu’ils aient répété à plusieurs reprises aux officiels du PDK (Parti Démocrate du Kurdistan, parti de droite au pouvoir au Kurdistan irakien) qu’ils étaient membres des YPG. Il n’y a pas besoin de préciser les risques qu’ont encouru les quatre en étant enfermé dans la même cellule que des islamistes. Cet emprisonnement est probablement un nouveau mouvement du PDK pour écarter les Kurdes progressistes syriens et turcs du Kurdistan irakien.

Robert Alleva et Michael Fonda