La ville de Cizre vit depuis plusieurs jours un terrible couvre-feu assuré par les snipers de l’armée turque qui abattent quiconque ôse sortir de chez lui. Les ambulances ne peuvent pas circuler et les familles sont affamées. Des milliers de Kurdes affluent vers la ville depuis Şırnak et Silopi pour manifester leur soutien à la population, ils risquent ainsi leur vie. Les manifestants ont commencé à arriver il y a quelques heures et ont dû traversé le fleuve du Tigre qui longe la ville. On sait à présent que les manifestants ont été attaqué par la police spéciale turque avec des gaz lacrymogènes et des canons à eau. Des balles auraient également été tirées vers les manifestants. La foule chante « Bijî berxwedana Cizîrê », « Vive la résistance de Cizre ».

Les premiers manifestants arrivés à Cizre cet après-midi

Des élus du principal parti kurde de Turquie, son chef de file en tête, ont entamé mercredi une marche pour rallier à pied la ville kurde de Cizre afin de rompre le blocus imposé depuis près d’une semaine par les autorités sur la ville. Le convoi de l’HDP, emmené par ses deux coprésidents Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag et deux ministres, a été bloqué par les forces de l’ordre autour de Midyat. La délégation a alors décidé de continuer sa route à pied, soit une marche de 90 km.

Les forces de sécurité turques ont imposé il y a six jours un couvre-feu strict sur Cizre, où des affrontements ont éclaté entre les forces de sécurité et des jeunes militants kurdes proches du PKK. Les snipers de l’armée tirent sur les habitants qui sortent de chez eux après l’heure du couvre feu. Au moins sept civils ont ainsi été tués, dont deux mineurs. Environ 120.000 personnes ne peuvent plus sortir de la ville à cause du couvre-feu.

Par ailleurs, dans de nombreuses villes, les locaux du HDP, dont son quartier général d’Ankara, ont été la cible de nombreuses attaques de la part de manifestations nationalistes qui accusent le mouvement de soutenir le PKK. Enfin, une vaste opération policière a visé le Parti Socialiste des opprimés (ESP). Des descentes de police ont eu lieu dans les locaux d’ESP de Maltepe et d’Ataşehir, ainsi que dans des domiciles. Au moins 11 personnes ont été arrêtées.

Le convoi de l'HDP bloqué par les militaires sur la route de Cizre
Le siège de l'HDP attaqué par les nationalistes

Le service secret du Gouvernement Régional Kurde irakien, le Parastin a détenu 1 semaine, fouetté et torturé deux Yézidis, Schîar Elias Hashem (20 ans) et Willie Khudaida (19 ans), qui prenaient la défense du HPS (Unités de Protections du Shingal, la guérilla yézidie du PKK dont le commandant avait été arrêté en avril dernier par la police kurde irakienne) sur Facebook, ils sont à priori toujours détenus, comme de nombreux Yézidis et militants proches du PKK au Kurdistan irakien. Huit guérilleros du PKK auraient également été remis à l’armée turque.

Le Gouvernement Régional Kurde est une région quasi-autonome du nord de l’Irak gouvernée par le PDK, un parti de droite en conflit avec le PKK. Condamnant de temps à autres les bombardements de l’armée turque sur son territoire, elle aide dans les faits la Turquie soit par passivité, soit par collaboration à réprimer le PKK sur son territoire. Une nouvelle fuite -à prendre avec des gants- affirme que le PDK aurait ordonné en 2014 aux Peshmerguas (l’armée régulière kurde irakienne) de ne pas attaquer l’Etat Islamique. Probablement pour déstabiliser l’état irakien et gagner en autonomie.

Les deux jeunes militants torturés par Parastin.

L’armée turque a tué civils et militants à plusieurs reprises à Dersim, Diyarbakir, Hakkari, Silopi, Batman, Muş, Yüksekova et Cizre. Plusieurs photos insoutenables circulent sur les médias sociaux, montrant entre autres un très jeune enfant blessé par balle, et un autre ,pas beaucoup plus âgé, atrocement torturé. A Cizre la ville est complètement bouclée, la population est immobilisée par un couvre-feu. De nombreux véhicules lourds militaires occupent ces villes insurgées qui ont -pour certaines- déclarées l’auto-gestion. La population résiste et répond aux massacres, à la torture et aux innombrables rafles dont le nombre s’est intensifié ces 4 derniers jours. A Yüksekova, la guérilla a repoussé l’armée turque qui était pourtant assistée par des jets et des hélicoptères, une base militaire y avait déjà été détruite par les guérilleros le 3 septembre. En tout, 25 soldats turcs ont été tués dans des actions de représailles de la part du PKK. A l’intérieur même des villes, les émeutiers attaquent les soldats à coups de pierres, de cocktails molotov et de kalachnikov. A Gelîyê Doskî, la ville a été bombardée toute la nuit du 4 au 5 par l’armée turque, la guérilla a répliqué à ces tirs de mortiers sur la colline Çalareşkê où deux soldats ont été abattus.

Embuscade dans la région du Madrin.

Quatre policiers ont été tués ce jeudi matin dans l’explosion d’un IED attribué aux combattants du PKK au passage de véhicules des forces de l’ordre qui se rendaient sur les lieux d’un incendie dans un quartier périphérique de la ville de Mardin. L’IED a explosé au passage du convoi, projettant le véhicule blindé à quelques mètres de la route, causant la mort d’un gradé et de trois agents de police. L’armée turque poursuit ses bombardements: les bases de Bezelê, d’Avashin, d’Oremar, de Bager, de Grana et de Bilican, harcelées par la guérilla, ont effectué des tirs d’artillerie hier et aujourd’hui.

A l'arrière plan: le blindé détruit

La Turquie est en train de mettre en place un système qui récompensera ceux qui dénonceront les membres des groupes révolutionnaires tels que le PKK ou le DHKP-C. La hauteur de la récompense dépend de la qualité de l’information. La dénonciation d’un membre ‘lambda’ sera récompensée 200.000 livres (€61.000), alors que la dénonciation d’un cadre ou l’empêchement d’une action sera payée 4 millions de livres (€1.23 millions). Le communiqué précise que l’informateur ne doit pas nécessairement avoir la nationalité turque pour être une balance, mais qu’il ne peut pas être lui même membre d’une organisation considérée comme terroriste par le régime.

Depuis la reprise des hostilités (la fin du mois de juillet dernier), au moins 2.500 révolutionnaires ont été emprisonnés en Turquie.

Un policier des forces spéciales turques.

Les faits ont eu lieu aux premières heures de ce dimanche 30 août, aux alentours de 2h du matin, la police a encerclé une maison où s’étaient retranchés trois jeunes Kurdes, dans le quartier « Kobané » (à ne pas confondre avec la ville syrienne) de la ville de Silopi, province de Şırnak. Vers 6h du matin, la police est entrée pour récupérer les corps et les emmener vers le checkpoint de Habur. Deux des militants avaient 20 et 22 ans, le troisième n’a pas été identifié. Dans la journée, il a été confirmé que les trois étaient des civils et n’appartenaient pas à la guérilla.

Dans la journée de dimanche, dans le centre-ville de Silopi, un blindé de la police a été attaqué en représailles, un policier est mort et trois autres ont été blessés. Au même moment, le commissariat local était la cible d’un lance-roquette. Enfin, cette nuit, toujours à Silopi, une mère de 55 ans et sa fille de 14 ans ont été la cible d’un sniper de la police. Elles dormaient sur le toit de leur maison. La mère est décédée.

Du coté des actions de la guérilla, il est difficile de transmettre toutes les nouvelles du Nord-Kurdistan tant les actions sont nombreuses. Notamment, deux commandos HPG ont attaqué un commissariat dans la nuit du 29 au 30, à Nazımiye dans la province du Dersim. 16 policiers ont été tués et 2 guérilleros sont morts dans les combats.

La maison où se trouvaient les trois.

La Cour Suprème d’Hambourg vient de condamner Mehmet Demir a trois ans de prison pour appartenance à une organisation terroriste, le PKK, et d’en avoir été un ‘cadre supérieur’. L’accusation est basée sur le fait que Mehmet a co-organisé le Newroz (« Nouvel an kurde ») ainsi qu’un évenement culturel en 2013. Le président du conseil de la cour a déclaré: « le pouvoir judiciaire doit s’accorder avec les décisions prévues par le pouvoir politique, […] le PKK est une organisation terroriste qui commet des meurtres à l’étrangers en lien avec ses objectifs« . Toutefois il a également reconnu que la répression du peuple kurde en Turquie, le soutien turc à ISIS et l’exécution à Paris par le MIT (renseignements turcs) de trois militantes Kurdes en 2013 étaient des vérités bien connues. Cette condamnation est encore une fois faite via la loi 129b, régulièrement utilisée pour condamner les mouvements révolutionnaires turcs et kurdes en Allemagne.

A Dortmund cette fois, Bedrettin Kavak, un militant kurde de 57 ans originaire de Batman qui a déjà purgé 22 années de prison en Turquie -dont plusieurs années dans la prison de Diyarbakir où la torture est régulière- a été arrêté il y a 4 jours, également accusé d’être membre du PKK. Il a de gros problèmes de santé, a fait une attaque cardiaque il y a deux ans et a besoin d’assistance médicale.

Enfin, Ahmet Çelik, ancien cadre de YEK-KOM (Fédération des associations kurdes d’Allemagne) est également détenu depuis le 16 juillet sous les mêmes accusations.

Manifestation pour Mehmet Demir.

La semaine dernière, les renseignements suédois annonçaient dans la presse que 300 personnes de nationalité suédoise combattaient en ce moment aux cotés des YPG/YPJ dans la partie syrienne du Kurdistan. Suite au débat médiatique provoqué par cette annonce, le PYD (Parti de l’Union Démocratique, duquel dépendent les YPG/YPJ) a confirmé les chiffres, annonçant que plus de 500 Européens combattaient dans les brigades internationales intégrées aux YPG/YPJ, les ‘Lions du Rojava’. Ces chiffres ne tiennent probablement pas comptent des combattants de l’IFB (Brigade Internationale de Libération) qui regroupent les militants communistes et anarchistes étrangers. Le PYD a communiqué qu’il encourageait d’abord les militants qui le contactaient à aider à la reconstruction, et qu’il ne faisait pas campagne pour recruter des combattants.

Entre 1936 et 1939, 500 militants suédois avaient rejoint les Brigades Internationales pour prêter main forte au camps révolutionnaire dans la guerre civile espagnole. 160 d’entre-eux sont morts au combat, les survivants ont été persécutés à leur retour en Suède.

Notes sur le Kurdistan

Combattants internationaux des YPG.

Onze douaniers et leur chauffeur ont été capturé par le PKK dans la région de Van au poste frontalier de Kapikoy, qui sépare la Turquie de l’Iran. Dans un autre incident, un soldat turc a été tué et trois autres ont été blessés dans des affrontements dans la région de Diyarbakir. Les combattants du PKK ont attaqué à la roquette et aux armes de longue portée une unité de l’armée qui gardait un barrage hydroélectrique dans le district de Kulp, près de Diyarbakir. En réponse, l’armée a mené une opération aérienne. De nombreux autres incidents armés ont été signalés.

Un tribunal turc a décidé dimanche d’incarcérer cinq maires de villes à majorité kurde du sud-est du pays, accusés d’avoir essayé de « détruire l’unité » nationale en appelant à l’autonomie de la région. Parmi les maires placés en détention provisoire en attente de leur jugement se trouvent les co-maires de Sur, un district de la ville de Diyarbakir, Seyid Narin et Fatma Sik Barut. La maire de la ville de Silvan (région de Diyarbakir), Yuksel Bodakci, est également détenue. Dans la région d’Hakkari (frontalière avec l’Irak et l’Iran), ce sont les co-maires de la ville, Dilek Hatipoglu et Nurullah Ciftci, qui ont été mis en détention. Le responsable local du HDP, Ismail Sihat Kaya, a également été arrêté à Hakkari.

Les maires détenus ont tous été élus sur les listes du Parti pour la paix et la démocratie (BDP), proche du HDP, qui a réalisé une percée historique lors des législatives du 7 juin en obtenant 13% des voix.La justice turque reproche à ces maires d’avoir essayé de « détruire l’unité de l’Etat et l’intégrité du pays ». Aucune date de procès n’a encore été annoncée. Enfin, les détenu-e-s du TKP/ML ont débuté une grève de la faim de 3 jours, dans toutes les prisons de Turquie, pour protester contre les massacres au Kurdistan turc et contre les opérations contre les groupes révolutionnaires perpétrés par l’armée et l’AKP.

Combattants du PKK