Samedi soir, le président Lasso a mis fin à l’état d’urgence déclaré il y a huit jours dans six des 24 provinces du pays, les plus touchées par les manifestations. Ce couvre-feu prévoyait la mobilisation de l’armée et un couvre-feu nocturne de sept heures pour trois provinces, notamment Pichincha, dont la capitale est Quito. Près de 14 000 manifestants indigènes sont mobilisés dans tout le pays pour protester contre la hausse du coût de la vie et exiger notamment une baisse des prix des carburants. Les affrontements ont fait six morts et des dizaines de blessés. Quito est en grande partie paralysée et ses accès bloqués par de nombreux barrages routiers. Les manifestants ont tenté à deux reprises, jeudi et vendredi, de pénétrer dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, d’où ils ont été repoussés par les forces de l’ordre.

Mercredi 21 juin, les étudiants de la faculté d’agronomie a bloqué la route Roosevelt pour exprimer leur rejet de l’élection d’un magistrat permanent à la Cour constitutionnelle par le Conseil supérieur de l’université. Pendant que la séance se déroulait et que les conseillers élisaient le magistrat, la police nationale a réprimé la manifestation. Elle a arrêté un militant du syndicat étudiant, Michael Alexander Castillo. Celui-ci a été remis en liberté mais il sera poursuivi pour « atteinte à l’ordre public », et dans une cadre d’une plainte pour « détention illégale et de coercition » liée au fait qu’un bus a été détourné par un groupe de manifestants cagoulés sur la route Roosevelt.

Leider Johany Noscue, alias ‘Mayimbú’, un des commandant de la dissidence des FARC et l’un des hommes les plus recherchés de Colombie, a été abattu par l’armée dans la municipalité de Suárez (Cauca). Quelques jours auparavant, les forces colombiennes ont également tué Ricardo Abel Ayala, alias « Cabuyo », un autre commandant dissident des FARC, dans une zone rurale de la ville de Barbosa. Cabuyo commandait le 36e front des dissidents des FARC. Ayala est devenu célèbre pendant les pourparlers de paix de La Havane lorsqu’il a été choisi pour coordonner un programme pilote de déminage humanitaire. Cependant, lorsque l’accord de paix a été signé en 2016, il a refusé de déposer ses armes.

Ricardo Abel Ayala

La police équatorienne a arrêté Leonidas Iza à Pastocalle, à une vingtaine de kilomètres au sud de Quito, un des points chauds des protestations du mouvement indigène. L’arrestation a eu lie mardi, au deuxième jour consécutif de manifestations, pour l’essentiel des barrages et barricades de fortune sur les routes, dans au moins onze des 24 provinces du pays. Quatre policiers à Quito et un procureur dans la province de Cotopaxi ont été temporairement détenus par les manifestants. Leonidas Iza, un ingénieur agronome de 39 ans, est le président de la très puissante Confédération des nationalités indigènes de l’Equateur (Conaie), la plus grande organisation de peuples indigènes, à l’origine de protestations populaires depuis plusieurs semaines. La Conaie proteste contre la hausse des prix des carburants, mais aussi contre le manque d’emplois, pour un contrôle des prix des produits agricoles, et contre l’octroi de concessions minières dans les territoires autochtones. Elle exige une renégociation des dettes des paysans auprès des banques et un moratoire d’un an sur leur remboursement. L’arrestation a provoqué un regain d’activité des manifestants.

Le 9 juin est en Colombie la « Journée de l’étudiant tombé », en commémoration d’une marche d’étudiants qui a eu lieu en juin 1929 en protestation contre le gouvernement responsables du massacre des travailleurs des bananeraies en décembre 1928 (voir ici notre récit de cet événement). Au cours de cette marche, un étudiant en droit de l’Université nationale de Colombie, Gonzalo Bravo, a été tué par un soldat chargé de la sécurité du palais présidentiel. Ce jeudi, des manifestants cagoulés ont investi les locaux de l’Universidad Industrial de Santander à Bucaramanga. Ils ont allumé des fumièges, fait exploser des grenades artisanales et brisé quelques vitres (première photo). A Bogota, les manifestants étudiants de l’Université du district ont investi le campus de la Macarena, bloqué des routes, et se sont affronté aux formes anti-émeutes (seconde photo). D’autres manifestations et heurts ont eu lieu à Medellín, à Narino et à Cali.

Jeudi après-midi, des heurts ont eu lieu dans les environs du quartier de Toba de la ville de Rosario, plus précisément sur la route nationale 11, qui passe devant le quartier. Ce quartier est habité de dizaines de familles pauvres, dont beaucoup de femmes et d’enfants, des travailleurs qui ont occupé les terrains vagues pour y construire des habitations précaires. Le coût du loyer en ville est inaccessible pour ces familles aujourd’hui menacées d’expulsion et défendues par des organisations politiques, mais aussi des associations d’étudiants et d’enseignants, des habitants du voisinage, etc. Face aux menaces d’expulsion, les habitants ont bloqué la route et n’ont pas permis aux véhicules de circuler. Lorsque la police est intervenue pour dégager la route, ils ont résisté avec des pierres et des bâtons.

 

De grandes manifestations ont eu lieu contre les féminicides et la violence de genre dans les principales villes argentines, vendredi après-midi, dans le cadre du mouvement qui en est à sa septième année et qui s’intitule « Ni Una Menos » (Pas un de moins). A San Luis, une capitale provinciale, lors de l’une des deux marches de la ville, des manifestantes féministes ont brisé des vitres de l’hôtel de ville, du palais de justice, de magasins et d’églises. En Argentine, un féminicide a été enregistré en moyenne toutes les 35 heures l’année dernière.

Dans la ville de Cordoba

Des manifestants ont bloqué la circulation avec des barricades incendiaires dans le secteur de la Plaza Baquedano à Santiago. Des rassemblements ont lieu chaque vendredi dans ce secteur de la ville pour exiger la libération des prisonniers de la révolte sociale. La circulation a été déviée et les carabiniers sont intervenus pour éteindre les barricades et disperser les manifestants.

La nuit du 25 mai, une bombe a explosé à la caserne des forces spéciales  des carabiniers (force de police militarisée) de Melipulli (Puerto Montt). Cette action a été menée 17 ans après cette nuit où les carabiniers ont enlevé José Huenante, un jeune habitant d’un quartier populaire, un jeune Mapuche qui a été porté disparu. L’action a été revendiquée par le groupe Negra venganza – Nucleos de Melipulli Jose Huenante. Voir tout le communiqué ici

Les étudiant.e.s  du Politécnico Jaime Isaza Cadavid, à Medellin, ont manifesté pour dénoncer l’agression sexuelle commise par un professeur sur une étudiante. Ils ont bloqué une avenue, entrainant l’intervention des forces anti-émeutes (ESMAD). Les affrontements s’en sont suivis, amenant notamment à l’incendie d’une moto appartenant à la municipalité. En raison de ces heurts, l’administration de l’école a fait évacuer le personnel enseignant et administratif, les étudiants, les visiteurs et les prestataires de services.