Plus de 10.000 personnes selon les organisateurs ont défilé dans le calme samedi à Ajaccio, à l’appel du comité de soutien pour Yvan Colonna, condamné vendredi à perpétuité avec 22 ans de sûreté. Derrière une banderole proclamant en corse ‘Justice pour Yvan’, la mobilisation a été un succès, malgré la pluie. ‘On déborde de la famille nationaliste, se réjouissait Jean-Christophe Angelini (autonomiste). C’est qu’il y a deux débats avec cette affaire. L’un, sur la culpabilité ou l’innocence, sur lequel chacun a son idée. Un deuxième, sur la conduite du procès. Là, tout le monde a les idées claires: ce qui s’est passé est intolérable. La justice anti-terroriste a un fonctionnement anachronique. Elle est dangereuse pour la démocratie. Cette affaire n’est pas une question corse.‘ Dans le cortège, Jean-Claude Guazelli, élu territorial issu de la droite expliquait: ‘Je regarde, je ne vois pas beaucoup d’hommes politiques de droite ou de gauche. Ils n’ont, comme d’habitude, pas le courage d’assumer leurs opinions. Ce sont des gens frileux. Pourtant, ce qui s’est passé au procès est scandaleux. On a atteint le sommet de l’absurde. Les juges étaient en service commandé et ils n’avaient pas peur de le montrer.‘ La manif s’est achevée par une déclaration d’Edmond Simeoni (autonomiste), affirmant: ‘Ce n’est pas une affaire entre les corses et l’Etat, ou les corses contre l’Etat. C’est une affaire de justice: il faut rayer ces institutions anti-terroristes du paysage.

Des incidents ont éclaté après la dislocation du cortège. Il y a d’abord eu quelques escarmouches devant la préfecture: des jets de bouteilles et de projectiles enflammés par des jeunes. Les CRS et gendarmes mobiles ont répondu par des gaz lacrymogènes. Ils ont fini par charger, matraquant au passage des personnes se trouvant sur la terrasse du café Napoléon. Poubelles brûlées, vitrines de la Banque Populaire brisées, jets de pierres, de pétards et de cocktails Molotovs: la bataille de rue a opposé quelques dizaines de jeunes très mobiles aux forces de l’ordre pendant plus de 1h30. Vers 19h, le calme est revenu.

Voir le dossier sur le procès Colonna dans Rue89

Les barrières nadar ont disparu de Paris, et pris le chemin de Strasbourg. Cinq mille barrières métalliques, soit 50% du stock, ont été prêtées par la préfecture de police pour la protection du Sommet de l’OTAN prévu les 3 et 4 avril prochains. Vingt-huit chefs d’Etat y sont attendus, dont le président des Etats-Unis. Mais aussi 40.000 à 60.000 manifestants associatifs, politiques et radicaux.

Jamais, pour l’organisation d’un grand événement, le dispositif de sécurité n’avait atteint ces proportions. Depuis le 20 mars, et jusqu’au 5 avril, la France, pour ce 60ème anniversaire de l’Alliance atlantique, est sortie de l’espace Schengen et le contrôle aux frontières a été réintroduit. Au total, 11.000 policiers et gendarmes vont être déployés à Strasbourg, dont 85 unités mobiles de maintien de l’ordre – 45 compagnies de CRS sur la soixantaine que compte la métropole et 40 unités de gendarmes, dont certaines rappelées de Guadeloupe -, des effectifs du renseignement, de la police judiciaire, des brigades fluviales, des laboratoires de police scientifique ambulants. Batteries anti-aériennes, murs anti-émeutes, blindés sont prévus. Il y aura même la Garde républicaine avec 75 chevaux! Trois PC de sécurité seront mis en place. Les allemands, co-organisateurs du sommet à Kehl et Baden-Baden, ne sont pas en reste: ils ont annoncé une mobilisation de 14.000 policiers. Certains, d’ailleurs, travailleront sur le territoire français dans le cadre des accords de coopération.

Strasbourg est déjà sur le pied de guerre. Aucun accord n’a encore été trouvé pour le trajet de la manifestation des anti-OTAN. Le village, lieu de rendez-vous traditionnel des altermondialistes où sont attendues 6.000 personnes, a eu toutes les peines à trouver sa place, au sud de la ville. La préfecture avait demandé 20.000 euros de caution aux organisateurs… Deux zones, rouge et orange, ont été délimitées dans le centre-ville où la circulation sera très réduite. Chaque résident, ou commerçant, devra se munir d’un badge. Les autoroutes A350 et A35 seront bloquées. Treize établissements scolaires vont être fermés, ainsi que 25 terrains sportifs. La collecte des déchets sera modifiée, les marchés annulés, les plaques d’égout scellées! Les policiers ont fait enlever des balcons les drapeaux arc-en-ciel pacifistes.

Le jeudi 12 mars, une occupation pacifique (assemblée générale et conférence de presse) du hall de l’ESC était prévu. Cette action avait pour but de dénoncer la sélection sociale matérialisée par les droits d’entrée exorbitant de cette école (7000€ en licence et 12000€ en master) et la différence flagrante de moyens entre les grandes écoles et l’université. Environ 300 personnes y ont participé et se sont installées dans le hall d’entrée. Après quelques minutes d’occupation, les forces de l’ordre sont arrivées (plus précisément la Brigade Anti-Criminalité) et ont chargé les manifestants sans sommation. Les forces de l’ordre de la B.A.C ont utilisé abusivement des grenades lacrymogènes alors que ils étaient dans un lieu clos, qu’ils ne portaient pas de brassards et que des étudiants de l’ESC (non-manifestants) étaient présents.

Le jeudi 19 mars, journée de mobilisation interprofessionnelle sur toute la France rassemblant 3 millions de personnes dans les rues, a donné lieu à une action de blocage économique et d’auto-réduction organisée par l’université du Mirail. Cette action s’est très bien déroulée jusqu’à l’intervention de la B.A.C et des CRS qui ont chargé à plusieurs reprises sur les manifestants sans sommation avec l’utilisation immédiate de matraques, de grenades assourdissantes et de ‘flash-balls’. Des passants, pris à parti, ont soutenus les manifestants (créations de chaînes de salariés entre les étudiants et la police, prise en charge des blessés dans des commerces environnant,…). C’est à cette occasion qu’un étudiant a été blessé d’un tir à courte portée de ‘flash-ball’ au visage. Son oeil droit a définitivement perdu la vue.

Un étudiant qui participait à la manifestation de Toulouse est à l’hôpital. Un CRS lui a tiré dessus avec son flash ball à moins de 10 mètres de distance: ‘J’y vois tout noir. La rétine est décollée, avec un hématome interne, le plancher orbital fracturé. Le pronostic des médecins est réservé…’ Joan, 25 ans, va subir dans les prochains jours deux interventions délicates, pour tenter de lui sauver l’oeil. Dans le meilleur des cas, il retrouvera un petite partie de sa vision.

Victime d'un flash-ball

Victime d’un flash-ball

Lors d’une manifestation étudiante de nuit le mardi 17 mars, deux camarades des Jeunesses Communistes Marxistes-Léninistes de Pau et un militant syndicaliste-étudiant ont étaient arretés et emmenés au commissariat pour une garde à vue de 13h avec son lot d’humilitations. Cette arrestation a eu lieu alors que la police reprimait violemment la manifestation étudiante, à coups de matraques et de grenades lacrymogènes.

14h. Place de l’Amérique Latine, comme le 29 janvier, les représentants syndicaux, massés sur la passerelle font leurs discours. Après les discours, la marche: entre 15.000 et 20.000 personnes. Fin du cortège (revenu au point de départ), les groupes s’attardent, discutent, tandis que des responsables de la CGT font leur possible pour disperser tout les arrivants. Un millier de personnes convergent vers la sous-préfecture. Comme la dernière fois, les CRS se sont installés dans une rue transversale longeant le bâtiment. Comme la dernière fois, les manifestants les encerclent des deux côtés. Mais contrairement à la dernière fois, ils ne sont pas vingt, c’est une dizaine de cars qui sont à l’arrêt.

Les pavés ont alors volé, ainsi que des cocktails Molotov. Les CRS ont riposté, aidés de grenades lacrymogènes volant dans le ciel, propulsées par leurs fameux lanceurs Cougar. Le gaz s’est répandu et leur charge a suivi, dégageant la voie jusqu’au front de mer, puis repoussant les groupes jusqu’à l’esplanade devant la sous-préfecture. Ils se sont alignés, cachés derrière leurs boucliers. Quelques groupes épars s’avancent pour faire pleuvoir la pierre sur les hommes en armure. La réplique se fait à coup de gaz. Soudain, un mouvement de foule, un groupe d’une vingtaine de personnes se rue sur de trois agents de la BAC qui avaient tenté d’extraire un manifestant. Opération ratée, ils n’ont récolté que des coups. Quelques instants plus tard, c’est un RG qui est repéré, il parviendra à s’enfuir après avoir molesté un civil.

Le temps passe, les grenades pleuvent et les CRS finissent par charger et repoussent les manifestants de l’esplanade, au niveau du rond point. Le rebord de pierre est démantelé pour fournir des projectiles. Plus loin dans la rue commencent les préparatifs d’une barricade, un chantier abandonné non loin servira de ressource. Une nouvelle charge tente de fermer la tenaille, mais les manifestants se replient et une pluie de pavés stoppe les CRS, les forçant à reculer. Les manifestants reculeront finalement dans la rue, pressés par les jets de grenades et les petites charges. La barricade sommaire est montée, mais une rumeur monte. Les CRS envoyés à Nantes seraient en chemin pour prendre les manifestants en tenaille. Les manifestants rejoignent alors le centre ville où ils se dispersent. Les trainards sont rattrapés, matraqués et arrêtés.

Manifestation à Saint-Nazaire

Manifestation à Saint-Nazaire