Vincenzo Vecchi, l’ex-militant altermondialiste, coupable, selon la justice italienne, de « dévastation et pillage » lors des manifestations de Gênes en 2001, ne sera pas extradé vers l’Italie. La cour d’appel de Lyon, vers laquelle le dossier avait été renvoyé, a estimé ce vendredi que le mandat d’arrêt européen émis à son encontre n’était pas applicable. Après Rennes et Angers, c’est la troisième fois qu’une cour d’appel rend ce même verdict, le ministère public s’étant chaque pourvu en cassation – ce qu’il pourrait encore être tenté de faire.
Mardi 21 mars, Alfredo Cospito a été victime d’une crise cardiaque. Son état général se dégrade après plus de 150 jours de grève de la faim. Selon les médecins, il risque la paralysie à vie, et a peut-être déjà des répercussions irréversibles pour sa santé.
Vendredi dernier, Alfredo Cospito avait décidé de prendre les suppléments en vue de l’audience de ce vendredi 24 mars. Cette audience devant le tribunal de surveillance de Milan discutera de la demande de la défense de reporter la peine pour des raisons de santé sous forme d’assignation à résidence. Si les magistrats acceptaient la demande, le régime 41bis dans lequel est enfermé Alfredo Cospito depuis le printemps 2022 serait en fait abrogé. Alfredo Cospito avait pris la décision de prendre un complexe multivitaminé pour arriver lucide à l’audience mais avait finalement décidé de se limiter uniquement à de l’eau et du sucre. La semaine dernière, le médecin consultant qui avait examiné Cospito, avait indiqué aux avocats que ses « conditions nutritionnelles » « s’aggravaient » et qu’il avait fait part de son inquiétude concernant les « dommages irréversibles » dus à la longue période de grève de la faim.
Le jeudi 23 mars, des mobilisations s’organisent dans plusieurs villes d’Europe. À Bruxelles, un rassemblement est prévu à 15h devant l’ambassade d’Italie, rue Joseph II, 22/24 à 1000 Bruxelles.
Le 24 février la Cour de Cassation a rejeté la dernière possibilité de sortie d’Alfredo Cospito du 41bis par les voies légales. Cette décision explique la colère et la radicalité des manifestant.e.s de Turin, samedi 4 mars: casse de vitrines des banques et de boutiques, de voitures de luxe, etc. (voir notre article). Il y a eu encore des manifestations importantes mais, surtout après des signes de convergence avec le mouvement étudiant et le syndicalisme de base (une grève ouvrière locale a intégré le mot d’ordre «Alfredo hors du 41bis»), la pression répressive a augmenté. C’est pour cela que le mouvement solidaire recourt à des rassemblements décentralisés dans les quartiers populaires et à des actions directes. Dans la nuit du 9 mars, un site de distribution du réseau TIM, le deuxième opérateur de téléphonie mobile en Italie, a été incendié dans un quartier de Rome (TIM collabore e.a. dans la mise en œuvre de bracelets électroniques pour contrôler les personnes assignées à résidence).
La lutte se focalise maintenant sur la menace d’alimentation forcée. Un procureur a tenu à rappeler qu’il était illégal en Italie d’attenter à ses jours. A l’opposé, des médecins ont rappelé que leur déontologie leur interdisait de poser un acte contre la volonté du patient. Cependant, l’expérience d’autres pays montre que les autorités ont toujours trouvé des médecins complices pour appliquer la nutrition forcée. Le 18 mars, journée international des prisonniers et prisonnières politiques, le Secours Rouge organise une projection du documentaire « Jusqu’au dernier souffle » qui retrace l’histoire judiciaire des militants anarchistes, Alfredo Cospito et Anna Beniamino et permet une meilleur compréhension du régime de torture qu’est le 41 bis. Des camarades seront présent.e.s pour une discussion après la projection.
Turin était en état de siège pour la manifestation de vendredi en soutien à Alfredo Cospito. Centre ville clôturé, Piazza Castello interdite d’accès, Palais de Justice protégé, et marché de Porta Palazzo prématurément fermé. La préfecture avait demandé des renforts d’autres régions. La police, les carabiniers et la police financière ont été déployés. et un hélicoptère avait également été demandé. Des contrôles ont été organisés dans les trains, dans les gares et à l’aéroport. Les militants grecs et espagnols étaient particulièrement visés.
Après quelques prises de parole, plus de mille manifestants sont parti de la Piazza Solferino encadré d’un dispositif policier énorme. Des murs ont été tagués, quelques barricades ont été érigées avec des bennes à ordures et quelques vitrines de banques et élément du mobilier urbain ont été détruits. La police a lancé des grenades lacrymogènes sur les manifestants Porta Palazzo. Les manifestants ont arraché un panneau de signalisation pour l’utiliser comme bélier et ont ensuite essayé d’allumer un feu avec des palettes de bois. La police est intervenue avec des canons à eau pour déloger les manifestants du centre de Turin. Plusieurs affrontements distincts ont alors eu lieu. Une partie de la manifestation a été assiégée dans la cour de la radio militante « Black Out », qui suivait les événements en direct. 34 manifestants ont été arrêtés. Au moins onze mandats d’arrêt seraient en préparation.
Une lettre d’Alfredo Cospito a finalement pu passer le mur de la censure.
Voici son contenu:
Ma lutte contre le 41bis est une lutte individuelle en tant qu’anarchiste, je ne suis certainement pas en train d’exercer un chantage [terme qui revient dans la presse du régime à propos de sa grève de la faim, NdE]. Je ne peux tout simplement pas vivre dans un régime inhumain comme celui des 41bis, où je ne peux pas lire librement ce que je veux, livres, journaux, périodiques anarchistes, revues artistiques et scientifiques, de littérature et d’histoire. La seule chance que j’ai d’en sortir est de renier mon anarchie et de vendre quelqu’un pour le mettre à ma place. Un régime où je ne peux avoir aucun contact humain, où je ne peux plus voir ou caresser un brin d’herbe ou étreindre un être cher. Un régime où les photos de vos parents sont confisquées. Enterré vivant dans une tombe dans un lieu de mort. Je poursuivrai mon combat jusqu’au bout, non pas en raison d’un « chantage », mais parce que ce n’est pas la vie. Si le but de l’état italien est de me faire « dissocier » des actions de ceux de l’extérieur, sachez que je ne supporte pas de chantage, en tant que bon anarchiste je crois que chacun est responsable de ses propres actions, et en tant qu’affilié du courant anti-organisations, je ne me suis jamais « associé » à personne et donc je ne peux pas me « dissocier » de qui que ce soit, l’affinité est une autre chose. Un anarchiste conséquent ne s’éloigne pas des autres anarchistes par opportunisme ou par commodité. J’ai toujours revendiqué fièrement mes propres actions (même devant les tribunaux, raison pour laquelle je me retrouve ici) et n’ai jamais critiqué celles des autres, encore moins dans une situation comme celle dans laquelle je me trouve. La plus grande insulte pour un anarchiste est d’être accusé de donner ou de recevoir des ordres. Quand j’étais dans le régime de haute surveillance, j’avais quand même la censure, et je n’ai jamais envoyé de « pizzini » [messages écrits en prison sur des petits bouts de papier pour envoyer des informations ou des ordres à l’extérieur, NdT], mais j’ai envoyé des articles pour des journaux et des revues anarchistes. Et surtout, j’étais libre de recevoir des livres et des revues, d’écrire des livres et de lire ce que je voulais, bref, j’avais le droit d’évoluer, de vivre. Aujourd’hui je suis prêt à mourir pour que le monde prenne conscience de ce qu’est réellement le 41bis, 750 personnes le subissent sans mot dire, continuellement dépeintes comme des monstres par les mass media. Maintenant c’est mon tour, vous avez d’abord fait de moi un monstre en tant que terroriste assoiffé de sang, puis vous m’avez sanctifié en tant qu’anarchiste martyr qui se sacrifie pour les autres, et maintenant vous me montrez à nouveau en tant que [mot impossible à lire]. Quand tout sera fini, je n’ai aucun doute, je serai porté sur les autels du martyr. Non Merci, je ne le ferai pas, je ne me prêterai pas à vos sales jeux politiques. En réalité, le vrai problème de l’État italien est qu’il ne veut pas rendre publiques toutes les violations des droits de l’homme dans ce régime, le 41bis, au nom d’une « sécurité » pour laquelle il faut tout sacrifier. Eh bien ! Vous auriez dû y penser avant de mettre un anarchiste ici, je ne connais pas les motivations réelles ni les manœuvres politiques qui se cachent derrière. Pourquoi quelqu’un m’a utilisé comme une « boulette de viande empoisonnée » dans ce régime. Il n’était pas difficile de prévoir quelles seraient mes réactions face à cette « non-vie ». L’Etat italien est le digne représentant de l’hypocrisie d’un Occident qui ne cesse de donner des leçons de « morale » au reste du monde. Le 41bis a donné des leçons répressives bien accueillies par des États « démocratiques » comme la Turquie (les camarades kurdes en savent quelque chose) et la Pologne. Je suis convaincu que ma mort mettra un obstacle à ce régime et que les 750 qui le subissent depuis des décennies pourront vivre une vie digne de ce nom, quoi qu’ils aient fait. J’aime la vie, je suis un homme heureux et je n’échangerais pas ma vie contre celle d’un autre. Et c’est précisément parce que je l’aime que je ne peux pas accepter cette non-vie sans espoir… Merci camarades pour votre amour Toujours pour l’anarchie Jamais plié Alfredo Cospito
Suite à la décision de la Cour de cassation de novembre 2022, l’affaire Vincenzo Vecchi a été rejugé ce vendredi 24 février. Après Rennes et Angers, la cour d’appel de Lyon est la troisième a traité cette affaire (lire de précédents articles ici et ici). La cour d’appel de Lyon rendra sa décision le 24 mars. Si la cour d’appel refuse l’extradition, le ministère public pourra une fois de plus introduire un pourvoi en cassation.
Pour en savoir plus sur l’affaire Vicenzo Vecchi : https://www.comite-soutien-vincenzo.org/
Vendredi 24, peu après la fin de la manifestation de soutien à Alfredo Cospito devant l’ambassade d’Italie, un camarade s’est fait arrêter par des policiers en civil. Ceux-ci ont dû être protégé par des policiers en uniforme lorsque d’autres manifestants sont venu au secours du camarade arrêté.
Finalement, celui-ci a été embarqué. Le camarade a été remis en liberté après que son identité ai été établie et que lui ai été remis une convocation pour une affaire de « graffiti ».
Comme l’arrestation a eu lieu après la manifestation pour Alfredo Copito, et que la date des faits mentionnée sur la convocation est celle du la nuit du 16 février, il y a lieu de supposer penser que le dossier concerne les tags et jets de peintures effectués sur l’ambassade d’Italie en solidarité avec Alfredo Cospito. Les policiers affirment se baser sur la ressemblance entre les chaussures portées par le camarade et celles visibles sur la vidéo de l’action. Cette initiative avait été l’occasion d’un emballement politico-médiatique en Italie: articles de presse, déclarations de politiciens, et jusqu’à un tweet indigné de Giorgia Meloni le 17 février…
Les initiatives de soutien à Alfredo continue à se multiplier: rassemblements et manifestations, tags (sur le consulat d’Italie à Marseille, sur l’ambassade d’Italie au Portugal, un peu partout en Italie), et actions directes (attaque à l’explosif contre un tribunal de Pise, action contre la Casa d’Italia à Zurich, etc.). Voici une vidéo tentant de récapituler les initiatives solidaires à Bruxelles:
Les juges suprêmes ont avancé à deux reprises la date de la chambre du conseil, compte tenu de l’état de santé de Cospito, en grève de la faim depuis quatre mois et qui avait perdu plus de 45 kilos. L’anarchiste a été détenu dans la prison de Sassari, puis il a été transféré au pénitencier d’Opera (Milan) parce qu’il dispose d’un service de soins intensifs, et enfin il a été conduit à l’hôpital San Paolo, qui dispose d’une salle pour les détenus en prison. Des rassemblements solidaires avaient lieu à Turin et à Rome. 65 personnes s’étaient aussi rassemblées devant l’ambassade d’Italie à Bruxelles. Après la manifestation, un des participants a été brièvement arrêté, le temps de se faire inculper pour tag.
Finalement, Alfredo reste au 41 bis. C’est ce qu’a décidé la Cour de cassation, qui a rejeté le recours déposé par la défense contre le régime carcéral dur. La décision a été rendue à l’issue de la séance du conseil, qui a débuté à 10 heures ce vendredi. L’accès au tribunal, conjointement avec la salle du conseil, était surveillé par la force publique et la séance n’a pas été suivie, ce qui signifie que ni les avocats ni les représentants de l’accusation n’étaient présents. Ils avaient auparavant déposé des actes d’accusation écrits. Dès qu’ils ont appris la nouvelle, les manifestants pro-Cospito ont crié « assassins » à l’extérieur de la Cour d’appel.
Le 24 février, un tribunal doit se prononcer sur le maintien ou non d’Alfredo Cospito en régime d’isolement 41bis. Actuellement, Alfredo est hospitalisé au service de médecine pénitentiaire de l’hôpital San Paolo, son état de santé reste critique après plus de 100 jours de grève de la faim. En raison de ce transfert, il est provisoirement au régime d’isolement « normal » (et plus au 41bis). Il a recommencé à prendre des suppléments vitaminés afin de pouvoir arriver lucide à l’audience, mais il n’a pas pu les assimiler. La Cour de cassation se réunit vendredi suite à la demande du procureur général adjoint d’annuler l’ordonnance du tribunal de surveillance de Rome, qui confirmait le régime 41 bis. Ce vendredi est donc une journée cruciale dans la lutte d’Alfredo. Des manifestations, rassemblement, assemblées se tiendront ce jour là dans plusieurs villes d’Italie.
À Bruxelles, nous appelons à une mobilisation en solidarité avec Alfredo et les autres prisonnier.e.s révolutionnaires encore détenu.es en 41bis en Italie, à savoir trois membres des Brigades Rouges PCC: Nadia Lioce, Roberto Morandi et Marco Mezzasalma. Une quatrième militantes des BR soumise au chantage « 41bis ou collaboration », Diana Blefari, s’est suicidée en prison. Rassemblement ce vendredi 24 février 2023 à 17h, devant l’ambassade d’Italie – Rue joseph II, 22-24 , 1000 Bruxelles (Métro Art-Lois)
Le régime 41bis, empêche toute forme de communication. Il prévoit l’isolement, l’interdiction de tout moment en commun entre détenus et de toute activité interne à la prison, le silence, la censure du courrier, une heure de parloir par mois, séparés par une vitre par un interphone et avec l’enregistrement des dialogues, dix minutes d’appels téléphoniques par mois avec une membre de la famille qui a reçu une autorisation et qui est obligé d’appeler à partir d’une caserne des Carabiniers. Les détenus ont l’interdiction de recevoir des journaux et des livres, la majorité du courrier est bloqué de manière préventive, ils n’ont pas la possibilité d’acheter des journaux et ont des fortes limitation quant aux objets qu’ils peuvent garder dans leur cellule (il y a un nombre maximale de livres, d’habits, de nourriture, de papier et de stylos).
Après 100 jours de grève de la faim, Cospito, qui a perdu plus de 40 kg pendant sa grève de la faim et s’est récemment déplacé en fauteuil roulant, a glissé et est tombé dans la douche et s’est cassé le nez la semaine dernière. Entre 1000 et 1500 manifestants solidaires ont défilé à Rome en solidarité avec Alfredo (photo). Parmi eux, plusieurs groupes politiques mais aussi beaucoup de jeunes lycéens. La manifestation était encadrée d’un impressionnant dispositif policier. Un traitement médiatique alarmiste avait provoqué la fermeture de tous les commerces sur le parcours. La manifestation a traversé des quartiers populaires avec de bons échanges avec les habitants.
Le ministre de la Justice, Carlo Nordio, a déclaré mardi que l’État ne conclura « aucun accord » avec les anarchistes : « On ne négocie pas face à la violence », a déclaré le ministre, faisant allusion aux dernières actions radicales solidaires comme les attaques contre les représentations diplomatiques italiennes à Berlin et à Barcelone, les affrontements affrontements avec la police dans le quartier du Trastevere à Rome dans la nuit de samedi à dimanche (un policier blessé, 41 personnes ont été citées à comparaître), une attaque au cocktail Molotov contre un poste de police de Rome le week-end dernier, de l’incendie de cinq voitures appartenant au géant des télécommunications TIM dans la capitale et de deux voitures de la police locale à Milan. M. Nordio a déclaré que la décision de le maintenir ou non dans ce régime serait prise après consultation des autorités judiciaires.
Ci-dessous: collages à Bruxelles (y compris sur la chambre de commerce belgo-italienne):