Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont manifesté hier soir, samedi à Bilbao et à Bayonne, des deux côtés de la frontière franco-espagnole. Elles réclamaient « la fin de la dispersion » de plus de 400 détenus liés à ETA et leur rapprochement du Pays basque. A Bilbao, la ville la plus importante de la communauté autonome du Pays basque en Espagne, les manifestants étaient plus de 70.000. Dans le même temps, ils étaient près de 10.000 à Bayonne dans les Pyrénées-Atlantiques.

Sur la banderole de tête du défilé à Bilbao, était écrit en basque et en castillan : « droits de l’homme, résolution et paix. Prisonniers basques au Pays basque ». Les familles de prisonniers ouvraient le défilé où a résonné le slogan « les détenus basques à la maison ». Plus de 400 prisonniers basques membres ou proches d’ETA sont dispersés dans 73 prisons en France comme en Espagne.

La manifestation de Bayonne

Mikel Kabikoitz Carrera Sarobe, a été condamné hier soir à Paris à la réclusion criminelle à perpétuité pour la mort d’un policier français en mars 2010 et pour direction d’une organisation terroriste. Mikel Kabikoitz Carrera Sarobe avait déjà été condamné en avril 2013 à Paris à la réclusion à perpétuité avec une période de sûreté de 22 ans pour le mort de deux gardes civils espagnols en 2007 à Capbreton (Landes). Le 16 mars 2010, un commando armé d’ETA s’emparait de cinq véhicules dans un dépôt-vente de Seine-et-Marne. Peu après, un contrôle de routine de membres du commando dégénérait en deux fusillades successives entre forces de l’ordre et etarras. Le chef de patrouille était tué par balles lors de la deuxième, à Dammarie-les-Lys (Seine-et-Marne).

Un mois plus tard, ETA assumait dans un communiqué sa participation aux faits, tout en rejetant la responsabilité sur les policiers, accusés d’avoir tiré les premiers. Cinq autres membres présumés du commando d’ETA impliqué dans la fusillade ont été condamnés à des peines allant de 14 ans à 25 ans de réclusion. Ils ont été condamnés pour divers crimes, parmi lesquels tentative de meurtre, séquestration et diverses infractions en lien avec une entreprise terroriste.

Mikel Kabikoitz Carrera Sarobe

La justice espagnole a ouvert aujourd’hui le grand procès, plusieurs fois reporté, de 35 militants de la gauche indépendantistes basques – dont deux de nationalité françaises – accusés d’avoir perpétué entre 2005 et 2008 l’activité de Batasuna, un parti interdit par la justice espagnole mais légal en France. Les militantes basques françaises Aurore Martin, 36 ans, et Haizpea Abrisketa, 37 ans comparaissent libres devant l’Audience nationale – juridiction spécialisée dans les affaires de terrorisme – aux côtés de dirigeants historiques du mouvement Batasuna et de deux autres partis indépendantistes.

Avant l’audience, les 35 militants se sont présentés à la presse, en rang serré derrière une banderole où était écrit: « Plus de procès politiques ». Ce procès est en préparation depuis huit ans et doit s’achever en mars 2016. Jugés pour « participation à une organisation terroriste », les 35 militants doivent répondre d’activités politiques (signatures d’articles, conférences de presse, meetings…) menées après l’interdiction de l’organisation. Ils encourent jusqu’à dix ans de prison et l’interdiction d’exercer des mandats publics pendant au moins dix ans. En janvier, les audiences avaient été repoussées après l’interpellation d’avocats de la défense, également accusé de complicité avec ETA.

Les inculpés avant l'audience

Le tribunal d’application des peines de Paris a accepté mardi la demande de libération conditionnelle de Lorentxa Guimon, ancienne militante française d’ETA qui est atteinte de la maladie de Crohn. Une expertise médicale réalisée en août dernier avait relevé les difficultés de suivi du traitement pour Lorentxa Guimon, incarcérée à Rennes et âgée de 46 ans, qui souffre de cette maladie chronique du système digestif depuis de nombreuses années. Interpellée en 2003, elle doit purger une peine de 20 ans de détention, résultat de la confusion de plusieurs condamnations pour ses activités au sein de l’ETA.

Le parquet a immédiatement fait appel de la décision du tribunal d’application des peines. « La jurisprudence de la chambre d’application des peines en la matière nous oblige à être très prudents car une décision favorable pour un autre prisonnier a été cassée en appel début 2015», a souligné l’avocate de Lorentxa Guimon.

Lorentxa Guimon

Sept autobus ont été entièrement brûlés et un autre très abîmé, dans le dépôt de la compagnie de transports Bizkaibu à Derio (Pays Basques) vers 1 heure du matin. Des tracts évoquant un prisonnier de l’ETA, Ibón Iparagirre, atteint du sida et incarcéré en janvier 2010, suite à une condamnation de 299 années de prison pour une explosion de voiture devant un commissariat à Ondarroa deux ans plus tôt. Il y a moins d’un an, le 21 août 2014, cinq bus avaient été incendiés déjà à Loiu, tout près de Derio, et leur incendie avait été revendiqué par courriel demandant la libération de prisonniers de l’ETA.


Ibón Iparagirre
Les autobus incendiés

Ce 19 octobre, un nouveau procès commencera à l’Audience Nationale de Madrid contre les 5 militants d’Askapena arrêtés en 2010. Askapena fait partie des nombreux mouvements basques considérés comme des satellites de l’ETA pour faire application de la législation antiterroriste. Le tribunal compte demander 6 ans d’emprisonnement contre les 5 ainsi que la dissolution d’Askapena, de l’association des fêtes de Bilbao, de l’association Herriak Aske et de la société de commerce équitable Elkar-Truke.

Voir notre précédent article, plus complet.

Le symbole d'Askapena

Plus de 10.000 personnes ont défilé samedi à Saint-Sébastien pour réclamer la libération d’Arnaldo Otegi, dirigeant de Sortu, le parti de la gauche indépendantiste, emprisonné pour appartenance à l’ETA, et d’autres prisonniers politiques. Ils ont défilé derrière une grande bannière sur laquelle on pouvait lire, en basque: « libérez Arnaldo (Otegi) et Rafa (Diez) », dirigeant du syndicat basque LAB. Ils ont scandé « independenzia ». Parmi les manifestants se trouvaient des dirigeants de la gauche abertzale (indépendantiste), du parti de gauche radicale Podemos et d’ERC (Esquerra Republicana de Catalunya, gauche indépendantiste en Catalogne). Arnaldo Otegi, 57 ans, ex-membre de l’ETA condamné notamment pour l’enlèvement du directeur d’une usine Michelin dans les années 1970, est l’ancien porte-parole de Herri Batasuna, puis Batasuna. Il a été une nouvelle fois interpellé en 2009 et condamné un an plus tard pour « appartenance à l’ETA », dans le cadre de la doctrine Garzon (« tout est ETA »). Otegi, qui devrait sortir de prison en avril 2016, reste cependant le secrétaire général du principal parti indépendantiste basque, Sortu.

La tête de la manifestation

Le 28 septembre 2010 la police espagnole arrêtait 7 militants de l’organisation basque de solidarité internationaliste Askapena (« Libération ») dans plusieurs villes et villages en Pays basque sud (voire notre article de l’époque), un huitième sera arrêté le 13 octobre 2008 à Hendaye en Pays basque nord en application d’un mandat d’arrêt européen (voir ici). Cinq d’entre eux (David, Aritz, Walter, Gabi et Unai) seront emprisonnés et finalement libérés sous caution (30.000 à 60.000 euros) après trois à six mois de prison.

Leur procès commencera le 19 octobre 2015 à l’audience nationale, à Madrid. Pour l’accusation, Askapena fait partie de la trame « Tout est ETA » donc tout est qualifié de « terroriste » pour la Justice espagnole. Une doctrine mise au point au début des années 2000 par la Justice aux ordres, contre le mouvement social et de libération nationale basque. Le but était de criminaliser toutes les organisations et militants engagés pour un Pays basque indépendant et socialiste.Les réquisitions demandent six ans de prison contre les militants basques, mais aussi l’interdiction ainsi que la dissolution d’Askapena, de l’association des fêtes de Bilbao, de l’association « Herriak Aske » (Pays Libre) et de la société de commerce équitable Elkar-Truke !

Le Comité solidarité basque Lille organise une réunion débat mercredi 14 octobre à 19h à la MRES – 23 rue Gosselet Lille, et une autre le vendredi 16 octobre à 18h30 à la Mairie de Grenay, avec la présence de l’avocat d’une militante basque emprisonnée à Bapaume.

Voir le site d’Askapena

La police espagnole a arrêté ce mardi, en collaboration avec la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) française, deux dirigeants de l’organisation séparatiste basque, David Pla et Iratxe Sorzabal, dans un gîte rural de Saint-Etienne-de-Baïgorry. Elle a permis l’arrestation de deux autres etarras présumés également présents sur les lieux. L’un est le propriétaire du gîte, Pantxo Florès, et l’autre un militant nationaliste basque, fils de réfugié espagnol, Ramuntxo Sagarzazu. Des faux papiers et des armes, auraient été découverts sur place.

Les quatre personnes arrêtées vont être placées en garde à vue, qui peut durer jusqu’à 96 heures en matière de terrorisme, avant un probable transfert vers le parquet de Paris. David Pla et Iratxe Sorzabal seraient tous deux membres du « comité exécutif » d’ETA. Ils ont été présentés par le ministre de l’intérieur espagnol comme « les dirigeants politiques les plus importants d’ETA et les plus recherchés ». Iratxe Sorzabal Diaz (43 ans) est l’ancienne porte-parole de 1997 à 1999 de Gestoras, un mouvement de soutien aux prisonniers basques. Elle a déjà été condamnée à plusieurs reprises à de la prison en France ces dernières années pour son appartenance à ETA. Elle était recherchée depuis au moins dix ans par les justices française et espagnole. David Pla, 40 ans, vivait, quant à lui, dans la clandestinité depuis 2011.

L'opération policière à Saint-Etienne-de-Baïgorry

La garde civile espagnole a procédé hier mardi, en matinée, à l’arrestation à Biscaye, dans le Pays Basque de quatre personnes accusées d' »apologie du terrorisme » au profit d’ETA. Les mis en cause sont accusés d’avoir organisé le 25 juillet dernier à Otxandio, à Biscaye, un hommage à Luzia Urigoitia Ajuria, membre d’ETA, qui a trouvé la mort le 22 juillet 1987 dans un affrontement armé avec les forces de sécurité espagnoles. Au cours de l’année dernière, la garde civile espagnole a mené une vaste opération contre des personnes accusées d' »apologie du terrorisme » sur les réseaux sociaux en Espagne. Cette opération s’est soldée par l’arrestation d’une dizaine de personnes.

Une fresque en l'honneur de Luzia Urigoitia Ajuria