« Non à la guerre ! » et « Pas de mobilisation ! », scandaient les manifestants à Moscou. L’opposition à la mobilisation aura valu à au moins 1.332 personnes d’être arrêtées, mercredi en Russie, lors de manifestations improvisées dans au moins 38 villes du pays. Il s’agit des plus importantes protestations en Russie depuis celles ayant suivi l’annonce de l’offensive de Moscou en Ukraine fin février. Plusieurs manifestants arrêtés se sont vu remettre un ordre de mobilisation au poste de police après avoir été interpellé, et le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a jugé auprès de journalistes qu’il n’y avait là rien d' »illégal ». Un témoin raconte qu’après son arrestation, les policiers l’ont conduit dans une pièce à part où ils ont voulu lui faire signer une convocation à se rendre dans un centre de mobilisation de l’armée : « Soit tu signes ça, soit tu passeras dix ans prison ». Mardi, à la veille de la mobilisation partielle, le Parlement avait voté de lourdes peines de prison pour ceux qui refuseraient de rejoindre l’armée ou déserteraient. Le texte n’est cependant pas encore entré en vigueur. Les sabotages anti-guerres se poursuivent en Russie. Le feu a été mis au commissariat militaire à Lomonosovo à Saint Petersbourg, un commissariat est chargé de mobiliser des gens pour les envoyer à l’Ukraine (photo) et dans la ville de Togliatti des cocktails Molotov ont été lancés sur la bâtiment de l’administration de la ville.

Plus de mille manifestants ont été arrêtés aujourd’hui mercredi en Russie lors de manifestations spontanées contre la « mobilisation partielle » pour l’offensive en Ukraine, annoncée dans la matinée par le président Vladimir Poutine. Les mobilisations ont eu lieu dans au moins 38 villes du pays. Il s’agit des plus importantes protestations en Russie depuis celles ayant suivi l’annonce de l’offensive de Moscou en Ukraine fin février.

Maria Aliokhina, 33 ans est la chanteuse des Pussy Riot, un collectif féministe punk depuis dix ans dans le collimateur des autorités russes. Ses prises de position contre le pouvoir lui valent régulièrement arrestations et séjours en prison. Maria Aliokhina a déjà purgé une peine de deux ans pour avoir joué une « prière punk » dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou en 2012. Suite à l’intensification de la répression consécutive à la guerre en Ukraine, les autorités lui avaient annoncé que que son assignation à résidence (pour avoir appelé à manifester pour la libération des prisonniers politiques) allait être changé en une détention dans une colonie pénitentiaire. C’est ce qui l’a déterminé à s’évader .

Après avoir laissé son téléphone portable, et elle sortie vêtue de l’uniforme du Delivery Club (un équivalent d’Uber Eats en Russie), qu’une amie a réussi à lui faire passer. Blouson à capuche qui dissimule son visage, gros sac carré réfrigéré dans le dos. Un complice la conduit ensuite en voiture jusqu’à la frontière avec la Biélorussie, à six heures de route. Il a fallu trois tentatives pour passer la frontière de la Lituanie.  Maria Aliokhina est à Vilnius, elle y a retrouvé des membres de son groupe dont sa petite amie, Lucy Shtein, qui eux aussi se sont enfuis.

 

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Le soir du 2 mars, à Voronej, un cocktail Molotov a été lancé contre la porte d’entrée du bureau d’inscription et d’enrôlement de l’armée compétant pour deux quartiers de la ville. Malheureusement, le visage de l’incendiaire présumé a été filmé par les caméras de vidéosurveillance et à l’heure actuelle la police essaye de l’identifier. Le 13 mars, un homme a jeté vers 5 heures du matin des cocktails Molotov sur la porte du bureau d’inscription et d’enrôlement de l’armée, dans la région de Sverdlovsk pour protester contre l’envoi de conscrits en Ukraine. Malheureusement, l’homme âgé de 25 ans de 25 ans a été arrêté et accusé de tentative de meurtre, car le gardien se trouvait dans le bâtiment à ce moment-là. Le gardien n’a pas été blessé.

Par ailleurs, le militant de 21 ans responsable de l’incendie du bureau d’inscription et d’enrôlement de l’armée de Loukhovitsy, dans la région de Moscou, la nuit du 28 février, a été arrêté le 8 mars à la frontière entre la Biélorussie et la Lituanie. Alors qu’il partait en cavale, il avait déclaré avoir fait cette action dans le but de détruire les dossiers personnels des conscrits pour empêcher la mobilisation dans ce district. Il avait ajouté: « J’espère que je ne verrai pas mes camarades de classe en prison ou sur les listes des morts. (…) Nos protestations devraient être inspirées dans le sens d’une action plus radicale. Et cela devrait briser encore plus l’esprit de l’armée et du gouvernement russes. Que ces ordures sachent que leur propre peuple les déteste et les anéantira. » Il avait été extradé d’urgence et emmené au Département des affaires intérieures de Russie de Loukhovitsy. Le 13 mars, tôt le matin, il a réussi à s’enfuir du bureau des enquêtes criminelles en sautant par une fenêtre. Il a réussi à franchir une clôture de trois mètres de haut et a disparu jusqu’à ce jour. Bon vent!

 

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Il y aurait eu au total 13 600 arrestations dans plus de 140 villes de Russie depuis le début du conflit. Lors des arrestations, la police a passé à tabac des manifestants et utilisé contre eux des tasers. A Moscou, trois femmes ont été aspergées d’eau avant d’être frappées. Au commissariat, les personnes arrêtées sont bien souvent battues, humiliées et soumises à d’autres formes de mauvais traitements. Beaucoup ont déclaré qu’elles n’ont pas eu l’autorisation de consulter un avocat et ont été privées de nourriture, d’eau ou de literie. Dans un cas particulier, au poste de police de Brateyevo à Moscou le 6 mars, une manifestante a enregistré un policier en train de la menacer : « On va tous vous tuer ici et c’est tout. Nous aurons une autre récompense pour ça », alors qu’elle était tirée par les cheveux et frappée au visage.

 

Une semaine après le début de l’attaque russe en l’Ukraine, les forces de sécurité russes arrêtent tous ceux qui s’y opposent dans la rue, perquisitionne les derniers médias indépendants et a déployé un nouvel arsenal juridique pour dissuader toute critique. La Russie a mis, ce vendredi, sur les rails de lourdes sanctions pénales en cas de distribution d’ « informations mensongères sur l’armée » et bloqué des médias. La chambre basse du Parlement, la Douma, a adopté à l’unanimité un amendement qui prévoit diverses peines pouvant aller jusqu’à quinze ans de prison en cas de propagation d’informations visant à « discréditer » les forces armées. Un amendement séparé, lui aussi adopté vendredi, prévoit par ailleurs des sanctions pour les « appels à imposer des sanctions à la Russie », confrontée à de dures mesures de rétorsion occidentales pour son invasion de l’Ukraine. Ces textes, qui s’appliquent à la fois aux médias et aux particuliers russes comme étrangers, ont été approuvés par la Chambre haute vendredi soir. Il ne leur manque plus que la signature du président pour entrer en vigueur. Enfin, plus de 8.000 personnes ont été arrêtées en Russie pour avoir manifesté, notamment à Moscou et Saint-Pétersbourg depuis le 24 février.

 

Hier samedi, la police russe a arrêté environ 500 personnes dans la trentaine de villes où des rassemblements anti-guerre ont eu lieu. Aujourd’hui dimanche, cette police a arrêté plus de 900 personnes qui participaient à des manifestations dans une quarantaine villes de Russie. Le total des manifestants arrêtés depuis le début de la guerre en Ukraine s’élèverait à 4 000. Une pétition internet contre la guerre avec l’Ukraine a obtenu plus de 800 000 signatures en deux jours, tandis que le mot-clic #нетвойне (non à la guerre) était en tête des tendances sur Twitter samedi. Deux députés communistes qui avaient voté pour la reconnaissance de l’indépendance des républiques du Donbass mardi ont dénoncé l’invasion. « J’ai voté pour la paix, pas pour la guerre […], pas pour qu’on bombarde Kiev », a écrit le député Mikhaïl Matveïev. Les anarchistes russes d’Avtonom ont carrément appelé à soutenir l’Ukraine (voir ici).

Des manifestations spontanées ont eu lieu dans de nombreuses villes russes contre la guerre menée en Ukraine. À Novossibirsk, Saint-Pétersbourg, Moscou ou Ekaterinbourg, au total une quarantaine d’autres villes du pays. Partout les manifestant-es criaient «нет войне» c’est à dire «non à la guerre». Ces manifestations se sont faites par les autorités au nom des lois anti-COVID ou des règlements sur les manifestations non-autorisées. A ce jour, plus de 1 800 manifestants ont été arrêtés, dont la moitié dans la capitale.

 

Les autorités russes ont renforcé mercredi leur surveillance des activités sur internet en bloquant le site web du service de protection de la vie privée Tor, qu’elles accusent de permettre l’accès à des contenus illégaux. Le service russe de supervision des communications, Roskomnadzor, a déclaré que le site web avait été interdit sur la base d’une décision de justice. Le site web en question est inaccessible et il n’y a qu’un accès limité au navigateur Tor, ainsi qu’à d’autres éléments de son infrastructure. Le réseau d’anonymat Tor est utilisé pour cacher les adresses IP des ordinateurs afin de dissimuler l’identité d’un internaute. La Russie a également pris pour cible les réseaux privés virtuels (VPN). Elle a ainsi cherché à bloquer 14 d’entre eux cette année, mais certains services sont toujours opérationnels.

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La répression politique contre les élus et responsables communistes continue en Russie. Le Premier secrétaire du Comité régional de Khabarovsk du Parti Communiste de la Fédération de Russie, Piotr Perevezentsev, a été arrêté. Il est détenu depuis 48H pour avoir organisé une action de protestation contre les fraudes électorales (voir notre article sur les précédentes arrestations et leur contexte).

Piotr Perevezentsev

 

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