De la prise de possession par la France de la Nouvelle-Calédonie en 1853 jusqu’à 1858, les attributions de terres aux colons étaient limitées. Mais à partir de 1858, l’administration française entame une politique de colonisation offensive, spoliant les autochtones. De 1862 à 1877, l’emprise foncière européenne passe de 27.000 à 150.000 ha. En assimilant les jachères à des terres vacantes qu’elle accapare l’administration déstabilise l’économie vivrière. Le bétail des colons dévaste les cultures autochtones. Les Canaques sont repoussés dans les hautes vallées de la chaîne sur des terrains pauvres, et sont décimés par les maladies importées par les colons (il y avait 32.000 Canaques en 1860, et 24.000 en 1878).

C’est pendant cette sombre période que Louise Michel arrive en Nouvelle-Calédonie. Communarde célèbre qui, circonstance aggravante pour les tribunaux d’exception, avait fait le coup de feu sur les barricades. D’abord détenue au fameux camp de Satory près de Versailles, elle assiste alors aux exécutions en masse des Communards, elle passe vingt mois en détention et se voit condamnée à la déportation. Créé par Napoléon III en 1864, le bagne néo-calédonien accueillera au total 40.000 prisonniers dont 5.000 communards. Embarquée en août 1873, Louise Michel arrive à Nouméa après quatre mois de voyage. Elle est assignée sur la presqu’île Ducos et prend vite la défense des Canaques contre la spoliation coloniale, tandis que la majorité des déportés épousaient les préjugés racistes coloniaux.

Elle se lie d’amitié avec un Canaque et ils deviennent ami : elle lui apprend à lire, à calculer. Lui, conte les légendes de sa tribu, les voyages aventureux, les épopées guerrières. Louise recueille et transcrit ces récits, et en étudiait les différents dialectes. Malgré les avertissements, elle part à la rencontre d’une tribu à laquelle elle se lie. Elle pu parler avec eux des misères et des luttes, et ils s’entendirent de telle manière que cette tribu prêta assistance à un communard évadé reconnu comme « ami des malheureux », alors que l’usage était d’être sans pitié avec bagnards évadés.

Louise Michel à Nouméa

Louise Michel à Nouméa

En 1878, un chef canaque de Komalé appelé Ataï, tente plusieurs fois pacifiquement d’obtenir des autorités françaises la fin des spoliations. Il déclare au gouverneur français, en déversant d’abord un sac de terre: « Voilà ce que nous avions », et ensuite déversant un sac de pierres: « Voici ce que tu nous laisses », et lorsque le gouverneur lui conseille de construire des barrières pour protéger les cultures du bétail des colons, il répond: « Quand mes légumes iront manger ton bétail, je construirai des barrières. »

La spoliation continuant, Ataï et d’autres chefs (Cavio chef de Nékou secondé par Dionnet chef de guerre à Bourail) se décident pour l’insurrection. Les préparatifs d’une offensive sur Nouméa sont conduits dans le plus grand secret. Plusieurs clans sont impliqués dont ceux de Houailou et Canala. Un événement imprévu va précipiter les événements. Le 19 juin 1878, un ancien forçat, gardien d’une propriété coloniale est assassinée par des Canaques. L’administration coloniale réagit en incarcérant 10 chefs de tribus. La préparation de l’attaque de Nouméa est abandonné et l’offensive est lancée de Poya à la Baie Saint Vincent. La veille de l’insurrection, un groupe de Canaques vint faire ses adieux à Louise. Louise leur donna son écharpe rouge de la Commune, conservée à travers mille difficultés, et leur apprit à couper les fils télégraphiques.

Le 25 juin les quatre gendarmes de La Foa sont assassinés et les canaques massacrent la plupart des colons, propriétaires et gérants, de la région. Au total 40 civils sont tués. L’insurrection, se répand comme une trainée de poudre. A Nouméa c’est la panique, on croît que l’avance des insurgés va se poursuivre vers le sud. Une vingtaine de Canaques sont exécutés à Dumbéa (les derniers Ouamous) suite au pillage d’un magasin. Tous les Canaques vivant à Nouméa sont internés à l’île Nou.

L'insurrection canaque

L’insurrection canaque

La réaction militaire est inadaptée aux tactiques de la guérilla des Canaques. Les forces coloniales tombent dans des embuscades et leur chef, le commandant Gally Passeboc, est tué le 3 juillet. Il est remplacé par son second Rivière qui va former des colonnes de contre-guérilla associant aux gendarmes et troupes coloniales, des déportés politiques et de droit commun, des colons français et arabes, et des auxiliaires canaques. Toutefois, en juillet et en août les colonnes tendent à s’enliser dans une guérillas peut productive, brûlant les villages et détruisant les récoltes mais n’arrivant pas à cerner les insurgés. Un fort est construit à La Foa pour servir de base à la contre-insurrection. Il est attaqué en vain par 500 guerriers canaques.

Mais un officier de marine réussit à retourner et rallier le grand chef des Canala, Gélina et surtout son chef de guerre Nondo. Les Canaques sont désormais divisés. Les troupes française cernent le périmètre des insurgés et attaquent par surprise le1er septembre à Fonimoulou, en progressant hors des sentiers canaques. Ataï est surpris dans son campement par la colonne Le Golleur-Gallet formée de Canalas et de déportés dirigés un surveillant du bagne. Dans un passage fameux de ses Mémoires, Louise Michel a raconté la mort d’Ataï:
« Ataï lui-même fut frappé par un traître. Que partout les traîtres soient maudits ! Suivant la loi canaque, un chef ne peut être frappé que par un chef ou par procuration. Nondo, chef vendu aux blancs, donna sa procuration à Segou, en lui remettant les armes qui devaient frapper Ataï. Entre les cases nègres et Amboa, Ataï, avec quelques-uns des siens, regagnait son campement, quand, se détachant des colonnes des blancs, Segou indiqua le grand chef, reconnaissable à la blancheur de neige de ses cheveux. Sa fronde roulée autour de sa tête, tenant de la main droite un sabre de gendarmerie, de la gauche un tomahawk, ayant autour de lui ses trois fils et le barde Andja, qui se servait d’une sagaie comme d’une lance, Ataï fit face à la colonne des blancs. Il aperçut Segou. Ah ! dit-il, te voilà ! Le traître chancela un instant sous le regard du vieux chef ; mais, voulant en finir, il lui lance une sagaie qui lui traverse le bras droit. Ataï, alors, lève le tomahawk qu’il tenait du bras gauche ; ses fils tombent, l’un mort, les autres blessés ; Andja s’élance, criant : tango ! tango ! (maudit ! maudit !) et tombe frappé à mort. Alors, à coups de hache, comme on abat un arbre, Segou frappe Ataï ; il porte la main à sa tête à demi détachée et ce n’est qu’après plusieurs coups encore qu’Ataï est mort. Le cri de mort fut alors poussé par les Canaques, allant comme un écho par les montagnes. »

Le chef insurégé canaque Ataï

Le chef insurégé canaque Ataï

L’insurrection continue mais les insurgés sont déstabilisés. Des renforts arrivent d’Indochine et, à partir de septembre les insurgés sont sur la défensive. ils seront définitivement écrasés avec la chute de la forteresse canaque d’Adio en décembre 1878. Près de 5% des Canaques auront été tués (un millier sur une population totale de 24.000) au combat ou par la répression qui fut féroce : tous les chefs (sauf un) furent exécutés sans jugement. 200 européens (sur 16.000) avaient été tués. L’administration confisqua les terres des clans rebelles qui furent déplacés et cantonnés dans le Sud et à l’île des Pins. Déstabilisée par cette saignée, le cantonnement et la destruction de ses structures coutumières, et l’accaparement des terres, la population canaque va décroître jusqu’en 1921 où elle tombera à 16.000 individus, la moitié de ce qu’elle était soixante ans plus tôt.

La tête d’Ataï qui avait été mise à prix est conservée dans du formol, montrée à Nouméa puis emportée en métropole. Quant à Louise Michel, elle obtient l’année suivante l’autorisation de s’installer à Nouméa et de reprendre son métier d’enseignante, d’abord auprès des enfants de déportés (notamment des Algériens), puis dans les écoles de filles. Louise Michel restera sept années au total en Nouvelle-Calédonie, où elle aura créé le journal Petites Affiches de la Nouvelle-Calédonie. Elle est de retour à Paris le 9 novembre 1880 (suite à l’amnistie générale) où elle est chaleureusement accueillie par la foule. Elle reprend ses activités politiques, sans oublier la tragédie calédonienne, puisqu’elle publie à Paris, en 1885 les Légendes et chansons de gestes canaques transcrites douze ans plus tôt.

permis de Louise Michel de s'établir à Noumea

permis de Louise Michel de s’établir à Noumea

De 1933 à 1939, un million d’Allemands ont été appréhendés et 275.000 condamnés pour activité antifasciste à 600.000 années de prison ; il y avait en permanence entre 150 et 300.000 Allemands dans les camps de concentration — sans compter les Allemands détenus pour motifs racistes. En 1939 par exemple, il y avait 112.000 personnes en prison après une condamnation politique, 27.000 « politiques » en attente de jugement, et 160.000 autres enfermés sans jugement dans les camps de concentration. Avec la guerre, le nombre des détenus allaient augmenter encore : Résistants, familles de résistants, travailleurs déportés indisciplinés, otages, allaient rejoindre les camps de concentration.

La torture des prisonniers politiques à Buchenwald

La torture des prisonniers politiques à Buchenwald

Dans les camps de concentration et d’extermination, les SS employaient un grand nombre de détenus comme auxiliaires : chefs de chambrée, employés de bureau, chefs d’équipe dans les ateliers, personnel d’entretien, etc. Occuper une de ces places augmentait considérablement les chances d’échapper à la mort. C’est d’abord aux prisonniers allemands de droit commun que les SS confièrent ces postes, mais leurs vols et leurs trafics perturbaient l’ordre des camps. Les militants communistes noyautèrent peu à peu l’administration des camps. Ils parvinrent, grâce à une utilisation centralisée et rationnelle des possibilités ainsi offertes, à donner aux SS l’apparence d’une « bonne administration » tout en développant un vaste réseau de solidarité et de lutte. Partout où ils purent infiltrer l’appareil des camps, la condition des déportés s’améliora, tandis que les droits communs volaient la nourriture des détenus et que les organisations chauvines polonaises et ukrainiennes rivalisaient avec les SS dans la persécution des Juifs et des Russes.

Quelques un des 60.000 déportés tués à Buchenwald

Quelques un des 60.000 déportés tués à Buchenwald

Les communistes allemands constituèrent dans tous les camps une organisation clandestine, mais c’est à Buchenwald, près de Weimar, qu’elle fut la plus développée et la plus efficace. Buchenwald était l’un des plus grands camps de concentration sur le territoire de l’Allemagne. 239.000 personnes y ont été détenues à partir de 1937. 56.000 prisonniers de 18 nationalités y ont trouvé la mort.

Quelques un des 60.000 déportés tués à Buchenwald

Quelques un des 60.000 déportés tués à Buchenwald

Au printemps 1942, l’organisation clandestine avait pris le contrôle de presque toutes les fonctions « civiles » du camp. Elle sauva la vie de nombreux condamnés à mort. Un des procédés consistait à échanger l’identité du condamné avec celle d’un détenu ordinaire qui venait de mourir : on enlevait au détenu condamné le morceau de peau tatoué de son numéro et on lui retatouait le numéro du détenu décédé. Un autre procédé consistait à déclarer le condamné atteint du typhus et à l’affecter dans les locaux de quarantaine où les SS n’osaient pénétrer. L’organisation de Buchenwald réussit à monter le système médical équipé de matériel volé aux SS ; elle assurera la solidarité alimentaire envers les malades et les prisonniers de guerre soviétiques privés de nourriture, mit au point un service d’information alimenté par une radio clandestine.

Elle fut à l’origine de la création d’un Comité international (ILK) en aidant à la constitution d’une organisation clandestine par nationalité (onze organisations nationales furent finalement membres de l’ILK). Elle obtint de remarquable succès dans le sabotage la production de guerre dans les usines employant la main d’œuvre déportée. A Dora (qui dépendait de Buchenwald et où on produisait les fusées « V 2 »), 80% de la production étaient mis au rebut ; à l’usine Gustloff, la production chuta de 55.000 fusils à quelques milliers avec le début du travail concentrationnaire, et les trois quarts de la production fut par la suite renvoyés par la Wehrmacht comme inutilisables. Il était prévu de produire 10.000 pistolets par mois, mais la production resta « à l’essai » pendant deux ans, et dans l’intervalle, une quantité incroyable de matières premières et d’énergie avait été délibérément gaspillée.

L’organisation clandestine constitua une branche militaire, l’Organisation Militaire Internationale (IMO), dans la perspective d’une insurrection armée. Le service « armement », dirigé par Franz Bera, avait réunis et caché 91 fusils avec 2500 cartouches, une mitrailleuse avec 2000 cartouches, vingt armes de poing, 200 cocktails molotov, des grenades artisanales, des couteaux, des cisailles, etc. Certaines armes avaient été construite au camp à partir de pièces volées une à une dans les usines d’armement. Pour protéger le secret de toute cette activité, elle développa au plus haut point l’espionnage des autorités SS et liquida discrètement de nombreux mouchards.

Les armes de l'organisation clandestine de Buchenwald

Les armes de l’organisation clandestine de Buchenwald

Aux derniers jours du camp, l’organisation de Buchenwald parvint à empêcher le départ de 21.000 de détenus dans les « marches de la mort ». Le 11 avril 1945, à 11 heures du matin, les troupes américaines approchent (on entend le grondement de la canonnade) et les unités SS des casernes jouxtant le camp reçoivent l’ordre d’évacuation. Le massacre de tous les prisonniers restant est à craindre et, dans le même moment, la désorganisation de la garnison est à son comble. Le moment est choisi par l’IMO pour déclencher l’insurrection armée. Chaque groupe national reçoit ses instructions et ses armes. Les miradors et les bâtiments clés sont pris d’assaut.

Voici le témoignage de Pierre Durand, un des combattant français :
« Au pas de course, Henri Guilbert revient de l’état-major international. Le signal est donné : on passe à l’attaque ! Le colonel Manhès et Marcel Paul transmettent leurs directives : « Ordre est donné au commandant de la compagnie de choc de se rendre au Block 50 accompagné de dix hommes pour prendre livraison des armes destinées aux unités françaises. »  Dans une course effrénée, nous descendons les rues du camp pour aboutir rapidement au lieu indiqué. Un camarade allemand nous indique du doigt notre destination. Nous pénétrons dans une immense cave remplie de charbon. Deux détenus allemands, munis de pelles, avec une énergie rageuse, écartent le charbon et dégagent le mur du fond, Puis à l’aide de gros marteaux, sur toute la longueur du mur, font voler en éclats une mince cloison derrière laquelle nous découvrons un petit arsenal : fusils, revolvers, munitions, grenades. Rapidement nous sont remises les armes destinées aux forces françaises. Quelques minutes plus tard, nos quatre compagnies reçoivent leur contingent d’armes. Le colonel Manhès, Marcel Paul me transmettent les ordres. Notre unité rejoint rapidement le secteur indiqué et dix minutes plus tard les 120 hommes de la compagnie de choc, fusils et grenades en main, montent au pas de course à cette immense place d’appel… La compagnie de choc atteint son objectif : la porte, le Bunker, les locaux administratifs sont investis. Les SS surpris, en proie à la panique, décampent à toute vitesse.» 

L'insurrection de Buchenwald Boris Taslitzky

L’insurrection de Buchenwald Boris Taslitzky

A 14H30, les 850 combattants de l’IMO ont libéré le camp dans un bref mais violent combat contre des SS démoralisés et rapidement débandés. 150 gardes SS avaient été capturés, 1.500 fusils, 180 lances-fusée antichar « Panzerfaust » et 20 mitrailleuses récupérés.
A 16H les premiers soldats américains entrent dans le camp. Le premier officier allié à pénétrer à Buchenwald témoigne : « Nous entrons dans le camp : aucune trace de combat ; il n’y a pratiquement aucune résistance des S.S. (…) Ça et là, dans le camps, nous apercevons certains hommes qui ont perdu déjà l’aspect de déportés politiques. Ils portent des grenades accrochées à la ceinture, des fusils, des Panzerfaust ; ils donnent l’impression de vouloir constituer une force révolutionnaire dans le camp. »

L'insurrection de Buchenwald

L’insurrection de Buchenwald

Une semaine plus tard, le 19 avril 1945, les déportés rassemblés sur la place d’appel prêtèrent le serment suivant:

« Nous, les détenus de Buchenwald, nous sommes venus aujourd’hui pour honorer les 51.000 prisonniers assassinés à Buchenwald et dans les Kommandos extérieurs par les brutes nazies et leurs complices. 51.000 des nôtres ont été fusil lés, pendus, écrasés, frappés à mort, étouffés, noyés, empoisonnés et tués par piqûres. 51.000 pères, frères, fils sont morts d’une mort pleine de souffrances, parce qu’ils ont lutté contre le régime des assassins fascistes. 51.000 mères, épouses et des centaines de milliers d’enfants accusent. Nous, qui sommes restés en vie et qui sommes des témoins de la brutalité nazie, avons gardé avec une rage impuissante la mort de nos camarades. Si quelque chose nous a aidés à survivre, c’était l’idée que le jour de la justice arriverait.
AUJOURD’HUI NOUS SOMMES LIBRES
Nous remercions les armées alliées, les Américains, les Anglais, les Soviétiques, et toutes les armées de libération qui luttent pour la paix et la vie du monde entier. Nous rendons hommage au grand ami des antifascistes de tous les pays, à l’organisateur et initiateur de la lutte pour un monde nouveau, que F.D. Roosevelt
[qui venait de mourir]. Honneur à son souvenir. Nous ; ceux de Buchenwald, Russes, Français, Polonais, Tchécoslovaques et Allemands, Espagnols, Italiens et Autrichiens, Belges et Hollandais, Luxembourgeois, Roumains, Yougoslaves et Hongrois, nous avons lutté en commun contre les SS, contre les criminels nazis, pour notre libération.
Une pensée nous anime
NOTRE CAUSE EST JUSTE, LA VICTOIRE SERA NOTRE.
Nous avons mené en beaucoup de langues la même lutte dure et impitoyable. Cette lutte exigeait beaucoup de victimes et elle n’est pas encore terminée. Les drapeaux flottent encore et les assassins de nos camarades sont encore en vie. Nos tortionnaires sadiques sont encore en liberté. C’est pour ça que nous jurons, sur ces lieux de crimes fascistes, devant le monde entier, que nous abandonnerons seulement la lutte quand le dernier des responsables sera condamné devant le tribunal de toutes les nations : L’écrasement définitif du nazisme est notre tâche.
NOTRE IDEAL EST LA CONSTRUCTION D’UN MONDE NOUVEAU DANS LA PAIX ET LA LIBERTE.
Nous le devons à nos camarades tués et à leurs familles. Levez vos mains et jurez pour démontrer que vous êtes prêts à la lutte. »

« – Qui est encore membre du Comité central? Où sont les postes d’émissions? Où sont les imprimeries? Parle! Parle! Parle!
Maintenant je peux compter les coups plus tranquillement, la seule douleur que je sente, c’est la morsure de mes dents sur mes lèvres.

– Déchaussez-le

C’est vrai, la plante des pieds est encore sensible, je le sens maintenant.
(…)


– Parle! Parle!

Je passe ma langue sur mes gencives et j’essaie de compter les dents cassées. Je ne peux pas achever mon calcul. (…)

C’est maintenant seulement un rêve, un cauchemar fiévreux, les coups tombent, après on me lave à l’eau et encore des coups et encore: « Parle! Parle! Parle! » et encore des coups, je n’arrive pas à mourir. Mère, père, pourquoi m’avez-vous fait si fort?»
(Ecrit sous la potence, pp 30-32)

« Un beau jour, aujourd’hui sera du passé, on parlera de la grande époque et des héros anonymes, qui créé fait l’histoire. Je voudrais que tout le monde sache qu’il n’y a pas de héros anonymes. Ils étaient des gens, ayant des noms, des figures, des désirs et des espoirs, et la douleur du dernier d’entre les derniers n’était pas moindre que celle du premier dont le nom demeurera. Je voudrais que tous ceux-là vous soient toujours proches comme des gens que vous auriez connus, comme des membres de votre familles, comme vous-même. » (Ecrit sous la potence, pp 81-82)

Julius Fučík nait dans une famille ouvrière, son père travaillant dans la métallurgie. En 1913, la famille Fučík déménage de Prague à Plzeň où Julius étudie au lycée public fait du théâtre amateur et s’intéresse à la littérature.

En 1920 il commence des études à Prague et rejoint les rangs du Parti tchécoslovaque social démocrate des travailleurs, avant de se retrouver dans ses courants de gauche. En mai 1921, ce courant fonde le Parti Communiste Tchécoslovaque (PCT). Fučík écrit pour le journal communiste local de Plzeň et, après avoir fini ses études, Fučík travaille comme éditeur au journal littéraire Kmen et s’engage dans le mouvement d’avant-garde artistique Devětsil. Il devient responsable pour le travail culturel au sein du PCT. En 1929, il rejoint le magazine littéraire Tvorba et écrit pour le quotidien communiste Rudé Právo. Il fait de la propagande pour des grèves en Bohême il sera arrêté à plusieurs reprises par la police politique tchécoslovaque.

julius_fucik.gif

En 1930 et 1934, il visite l’Union soviétique et en avait dressé un portrait enthousiaste dans plusierus reportages et un livre: Au Pays où demain est déjà hier (V zemi, kde zítra již znamená včera) (1932). il devint le correspondant du Rude Pravo à Moscou et épouse, en 1938, Fučík épouse Augusta Kodeřičová, plus tard connu sous le nom de Gusta Fučíková.

À la suite des Accords de Munich, le gouvernement à Prague dissout le PCT en septembre 1938 qui continue ses activités dans la clandestinité. Après l’invasion nazie en mars 1938, Fučík continue de publier dans des journaux, surtout sur des sujets historiques et littéraires, mais il travaille surtout pour le PCT clandestin, assume la publication du Rudé Právo, et en devient, début 1941, membre du Comité central.

Le 24 avril 1942, il est arrêté avec six autres membres du Parti à Prague par la Gestapo, probablement par coïncidence, durant une descente de police. Fučík fut d’abord détenu à la prison de Pankrác à Prague où il fut interrogé et torturé. À cette époque il écrivit son Reportage écrit sous la potence (Reportáž psaná na oprátce, connu en France et en Belgique sous le titre Ecrit sous la potence), avec un crayon et du feuilles de papier à cigarette qu’un gardien lui fournit secrètement. Lui et un autre gardien conservèrent par la suite les documents, les 167 pages manuscrites, pendant la guerre.

julius_fucik4.gif

Julius Fučík fut lui emmené à Berlin-Plötzensee, et pendu le 25 août 1943 en même temps que 186 autres personnes ce jour-là. C’est au camp de concentration de Ravensbrück que Gusta Fučíková appris l’exécution de son mari. Rescapée des camps, elle reçu la visite du gardien qui avait sauvé le manuscrit d’Ecrit sous la potence.

julius_fucik3.gif

Le reportage traite de la période de l’arrestation et de la détention, de la résistance et de la trahison, des bourreaux et des victimes, parfois avec ironie, toujours avec une immense humanité, un grand esprit d’observation, un courage lucide, plein de confiance dans la cause communiste. L’essentiel de ces pages fut publié après la guerre sous forme d’un petit livre dont le succès fut énorme. Il s’agit de l’ouvrage en langue tchèque le plus traduit de par le monde (88 langues pour 300 éditions) et le plus publié au 20e siècle ; rien qu’en Tchécoslovaquie, il y eut 38 éditions.

L’impact de l’exemple et du livre de Julius Fučík explique le déchaînement réactionnaire contre sa mémoire : il aurait été un traître qui informait la Gestapo, il aurait été un lâche qui n’aurait pas obéi à une consigne de suicide au moment de l’arrestation, il ne serait pas mort car les nazis l’auraient protégé et emmené avec eux en Amérique latine après 1945, tout le récit n’aurait été qu’une invention de la propagande communiste et le livre lui même serait un faux, etc.

A Berlin, dans un de Pankow se dresse un mémorial à Julius Fučík. Composé de quatre colonnes, on peut voir sur l’une, son portrait, et sur une autre, en allemand, en russe et en tchèque, les dernières lignes qu’Écrit sous la potence adresse aux hommes : « Je vous ai aimé. Soyez vigilant »

fucik_pankow.jpg

1857 – Enfance

Clara Zetkin est née Clara Eissner, le 5 juillet 1857 à Wiederau, près de Chemnitz, en Saxe. Fille d’un instituteur de village, Clara Eissner se destine elle-même à l’enseignement et étudie à l’école normale féminine de Leipzig. Dès le milieu des années 1870, elle fréquente les mouvements féministes, participant aux discussions des Allgemeinen Deutschen Frauenvereins (Association générale des femmes allemandes) et elle commence à adhérer à la mouvance socialiste. En 1878, elle avait brillament réussi son examen mais bien qu’elle aimât beaucoup sa profession, elle allait choisir une autre voie en adhérant aux idées socialistes qui se développaient dans l’essor industriel de l’Allemagne de Bismarck.

Maison d'enfance de Clara Zetkin

Maison d’enfance de Clara Zetkin


Maison d'enfance de Clara Zetkin

Maison d’enfance de Clara Zetkin


Clara Zetkin

Clara Zetkin

1878 – August Bebel: ‘La Femme et le socialisme’

Die Frau und der Soczialismus

Die Frau und der Soczialismus


August Bebel

August Bebel

Dans la vague de chauvinisme triomphant qui se déchaîna après la guerre franco-allemande de 1870, la répression frappa les socialistes allemands, à commencer par leur représentant au parlement, August Bebel. C’est durant les trois années de prison qu’il dû purger pour ‘insultes à sa Majesté’ que Bebel écrivit un livre qui transforma des millions de consciences: La Femme et le socialisme, qui dût être édité en Suisse en raison de la censure anti-socialiste. Des milliers d’exemplaires furent envoyés en Allemagne sous une fausse couverture indiquant : Rapports des directeurs d’entreprise. Ce livre eut un succès foudroyant.

Le problème abordé, aussi, était d’une importance capitale: à l’heure où le mouvement ouvrier rassemblait ses forces contre les capitalistes et l’Etat réactionnaire, pouvait-il renoncer à la moitié féminine de la classe?

Bebel devait lutter contre des préjugé à l’intérieur même du mouvement ouvrier. Au premier Congrès de la Ière Internationale (Genève, 1866), les partisans de Proudhon voulaient que l’Internationale interdise le travail des femmes, leur domaine naturel étant selon eux la cuisine et leur profession naturelle la maternité. Chez les ouvrières également, les ‘chaînes du passé’ marquaient les mentalités: les jeunes travailleuses plaçaient le plus souvent leurs espoirs dans un mariage qui leur épargnerait le sort de leurs mères et les délivrerait du bagne de la manufacture, fut-ce au prix de la relégation dans une cuisine.

Bebel inscrivit la question dans le processus socio-historique, entamant son livre par une étude très documentée sur les différentes formes d’oppression subies par les femmes dans l’histoire. Combattant l’idée de la ‘sujétion naturelle’ de la femme à l’homme, il démontra la liaison inséparable existant entre la question féminine et la question sociale, entre la libération de la femme et celle de la société toute entière des lois du profit.

Et Bebel d’exposer ce que le socialisme pourra apporter aux femmes: ‘Dans la société nouvelle, la femme sera complètement indépendante socialement et économiquement, elle ne sera plus soumise même à un semblant de domination et d »exploitation’, elle sera libre vis-à-vis de l’homme, elle sera son égale et elle disposera de son destin. Elle recevra la même éducation que l’homme sauf dans les domaines où la différence des sexes exige des exceptions; vivant dans des conditions naturelles, elle pourra développer toutes ses forces et ses aptitudes physiques et intellectuelles; elle choisira le mieux à ses désirs, à ses tendances et à ses dispositions et elle agira dans les mêmes conditions que l’homme… Pour choisir son partenaire en amour, elle sera aussi libre que l’homme. Elle courtise ou se fait courtiser et ne contracte une union qu’en considérant ses sentiments.’

On mesure mal aujourd’hui la portée révolutionnaire de ces lignes qui eurent un impact immense. Clara Zetkin rendra de nombreuses fois hommage à Bebel et à son travail de pionnier. Elle le connaitra d’ailleurs personnellement; c’est Bebel qui se chargera de la faire admettre dans un sanatorium en Forêt-Noire, lorsqu’elle sera atteinte de tuberculose peu après le Congrès de Paris en 1889.

1878 – Socialiste et féministe

En 1878, Clara Zetkin rompt avec sa famille et adhère au Sozialistischen Arbeiterpartei (SAP), ancêtre du SPD, parti interdit par Bismarck la même année. Elle participe aux réunions socialistes clandestines et y rencontre le révolutionnaire russe Ossip Zetkin, un militant populiste banni de Russie. Ossip Zetkin est arrêté et expulsé d’Allemagne à l’été 1890. Clara Zetkin sera bientôt elle-même expulsée de Saxe vers Zurich, et elle rejoint Ossip en 1882 à Paris, où ils vécurent pauvrement dans le 13e arrondissement. Ils y vécurent pauvrement et eurent deux enfants: Maxime et Konstantin. Elle est rédactrice à l’organe du parti, Der Sozialdemokrat. Bien qu’ils ne soient pas mariés, Clara prend le nom de son compagnon et le gardera jusqu’à sa mort.

Ossip fut le secrétaire du premier groupement d’ouvriers étrangers, surtout russes et roumains, à Paris. Avec Clara, ils rédigent des correspondances pour la presse socialiste allemande. Ils font la connaissance de Louise Michel, Jules Guesde, Paul Lafargue et sa femme Laura, fille de Marx. Ossip Zetkin décède de tuberculose en 1889.

Clara Zetkin et ses fils

Clara Zetkin et ses fils

Clara Zetkin

Clara Zetkin

1878 – Théoricienne du fémininsme prolétarien

Clara Zetkin est appelée à participer à la préparation au Congrès ouvrier international qui se tiendra à Paris en juillet 1889 et qui donnera naissance à la IIe Internationale. Elle y présentera un rapport sur la situation des travailleuses sous le capitalisme et y prononcera le premier discours de sa vie: Pour la libération de la femme, à une époque où elles n’avaient le droit de vote dans aucun pays. Dans son discours, elle expose qu’‘en combattant la main dans la main avec les ouvriers socialistes, les femmes se montrent prêtes à prendre part à tous les sacrifices et efforts de la lutte, mais elles sont aussi décidées, à juste titre, à exiger après la victoire tous les droits qui leur reviennent.’. Ses interventions sont déterminantes dans la décision de la IIe Internationale à inviter les socialistes de tous les pays à impliquer les femmes dans la lutte des classes, et un an plus tard, le programme social-démocrate (dit ‘programme d’Erfurt’) qui intégrait la revendication de l’égalité économique, politique et juridique de la femme. Clara s’était affirmée à la fois comme dirigeante politique d’envergure internationale, et comme théoricienne des problèmes féminins. Elle avait 32 ans.

Jusqu’en 1890, tout moyen d’expression était interdit au mouvement socialiste. Seul le groupe parlementaire social-démocrate porté au Reichstag lors des élections ne put être liquidé par Bismarck. Lorsque August Bebel et Wilhelm organisèrent la lutte illégale, les femmes jouèrent un grand rôle. Progressivement, elles s’engagèrent en masse dans la lutte des classes, et notamment dans les grandes grèves des années ’80. En 1889, de puissantes grèves générales amenèrent à l’abolisation, en janvier 1890, de la loi contre les socialistes. Clara Zetkin pu revenir en Allemagne avec ses deux enfants.

C’est en 1892 que paraît le premier numéro de Die Gleichheit (L’Egalité), premier journal politique féminin, longtemps seul dans son genre en Europe. Clara Zetkin, fixée à Stuttgart, en est la rédactrice en chef et elle l’animera jusqu’en 1917 et en fera un véhicule puissant pour la diffusion de ses idées. Dans Die Gleichheit, Clara Zetkin ne se contenta pas de vastes démonstrations théoriques, elle dénonça aussi au jour le jour la condition de la femme prolétarienne, celle des étameuses de miroirs empoisonnées au mercure, qui accouchaient d’enfants mort-nés, celle des travailleuses d’une filature de jute que leur patron payait si peu qu’elles ne pouvaient se permettre qu’un repas chaud par semaine: ‘ce n’est pas de la toile que vous débitez, écrit Zetkin aux patrons des filatures, c’est de la vie humaine toute chaude…’

Au Congrès de Gotha, en 1896, le SPD adopte la résolution présentée par Clara Zetkin. En août 1907, elle est élue responsable du secrétariat international des femmes, et c’est aussi elle qui fait adopter par le congrès de l’Internationale la résolution selon laquelle ‘les partis socialistes de tous les pays ont le devoir de lutter énergiquement pour l’instauration du suffrage universel des femmes.’

Elle se mariera en 1899 avec le peintre Friedrich Zundel, avec lequel elle restera mariée jusqu’en 1928, en conservant le nom de Zetkin.

A Paris, elle participe activement à la fondation de la Deuxième Internationale où elle réclame l’égalité complète des droits professionnels et sociaux de la femme ainsi que sa participation active à la lutte des classes.

En août 1907, les 56 déléguées de 14 pays réunies à Stuttgart dans la première Conférence Internationale des femmes socialistes élurent Clara Zetkin à la présidence du secrétariat international des femmes socialistes.

Clara Zetkin

Clara Zetkin

Die Arbeiterinnen und Frauenfrage der Gegenwart

Die Arbeiterinnen und Frauenfrage der Gegenwart

Lire le discours de Clara Zetkin sur la libération de la femme – format pdf

1908 – La ‘Journée Internationale de la Femme’

Le 8 mars 1910, lors de la 2e Conférence internationale des femmes socialistes à Copenhague, Clara Zetkin propose la création de la journée internationale des femmes, journée de manifestation annuelle afin de militer pour le droit de vote, l’égalité entre les sexes, et le socialisme. Cette initiative est à l’origine de la Journée Internationale des Femmes, manifestation qui se déroule tous les ans le 8 mars.

Dès 1911, un million de femmes manifestent en Autriche-Hongrie, au Danemark, en Suisse, en Allemagne, puis les années suivantes en France, aux Pays-Bas, en Russie et en Suède. Le 8 mars 1914, les femmes réclament le droit de vote en Allemagne. La date n’est tout d’abord pas fixe, et ce n’est qu’à partir de 1917, avec la grève des ouvrières de Saint-Pétersbourg, que la tradition du 8 mars se met définitivement en place. Le 8 mars 1921, Lénine décrète le 8 mars Journée des femmes. En 1924, la journée est célébrée en Chine et en 1946 dans les républiques populaires d’Europe de l’Est. Le 8 mars 1977, les Nations Unies officialisent la Journée Internationale de la Femme.

Tract pour la journée des femmes

Tract pour la journée des femmes

Affiche soviétique pour la journée des femmes

Affiche soviétique pour la journée des femmes

1914 – Internationaliste et pacifiste

Dans le parti social-démocrate allemand, Clara Zetkin tient une place particulière par ses analyses et sa pratique marxiste, par la fermeté de ses positions de classe contre le capitalisme et l’impérialisme. Elle vient à se situer, avec cette autre femme extraordinnaire que fut son amie Rosa Luxembourg, à l’aile gauche d’un SPD qui est de plus en plus puissant mais qui s’installe dans le réformisme.

Les perspectives de guerre accentuent le clivage. Au congrès du SPD de septembre 1907, à Essen, Clara Zetkin s’en prend avec vigueur au chauvinisme d’un Noske.

Au Congrès socialiste international de Bâle, en novembre 1912, elle lance aux femmes du monde entier un appel à lutter contre la guerre impérialiste, que cite Aragon dans son magnifique roman Les Cloches de Bâle (l’épilogue a d’ailleurs pour titre Clara).

Clara Zetkin participe à l’aile gauche du SPD, et devient très proche de Rosa Luxemburg. Opposante à la première guerre mondiale, en septembre 1914, elle adresse à plusieurs journaux des pays neutres une lettre condamnant la politique du SPD qui vient d’approuver l’entrée en guerre de l’Allemagne.

Elle fonde clandestinement en décembre 1914 avec Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht, Paul Levi, Ernest Meyer, Leo Jogiches et Franz Mehring le Spartakusbund (Ligue spartakiste) et elle mène de nombreuses actions pacifistes. En mars 1915, étant passée illégalement par la Hollande, elle assure à Berne la tenue d’une conférence internationale des femmes socialistes où s’affirme l’opposition à la guerre. Ce qui lui vaudra, à son retour en Allemagne, d’être inquiétée, arrêtée, emprisonnée comme l’est depuis l’année précédente Rosa Luxembourg.

Clara Zetkin et Rosa Luxembourg

Clara Zetkin et Rosa Luxembourg

Affiche du Spartakusbund

Affiche du Spartakusbund

1920 – Co-fondatrice du KPD

Rosa Luxembourg va constituer en mars 1917 avec d’autres opposants exclus du SPD un parti social-démocrate indépendant, auquel Clara Zetkin adhère. Le SPD la limoge de Die Gleichheit qu’elle avait créée, qui était son oeuvre, et à travers laquelle elle avait continué, malgré la censure, à faire passer un souffle révolutionnaire et internationaliste. Les événements se précipitent, la révolution d’Octobre en Russie, en Allemagne, les grèves puis la révolution de novembre 1918, la répression sanglante du mouvement spartakiste par la droite sociale-démocrate où s’illustre Noske, l’assassinat en janvier 1919 à Berlin de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg.

En 1920, Clara Zetkin rejoint Ernst Thalmann, Ernst Toller et Walther Ulbricht pour former le Parti communiste d’Allemagne, dont elle devient dirigeante (membre du bureau central jusqu’en 1924 puis membre du comité central de 1927 à 1929). La révolution allemande de novembre 1918 permet au mouvement féministe d’obtenir le droit pour les femmes de voter et d’être élues: Clara Zetkin est élue députée KPD au Reichstag en 1920 et elle sera à chaque fois réélue pendant toute la durée de la République de Weimar.

Clara Zetkin à la tribune

Clara Zetkin à la tribune

1920-1924 – Clara Zetkin et Lénine

Clara Zetkin avait rencontré Engels au Congrès ouvrier socialiste international de Zurich en 1893. C’est en 1907 qu’elle rencontra Lénine une première fois, au Congrès de Stuttgart, et elle y était alors plus connue que lui.

L’autorité de Clara Zetkin dans le mouvement ouvrier international était telle qu’à l’automne 1920, Lénine lui demande d’aider à la création d’un puissant mouvement féminin international. Il a avec elle, dans son bureau du Kremlin, plusieurs conversations sur la question féminine qu’elle rapporte dans ses Notes sur mon carnet.

Si elle est pleine d’admiration et d’affection pour Lénine, elle n’hésite pas à le contredire pour défendre son propre point de vue. Ainsi, lorsque Lénine lui repproche la trop grande attention accordée, selon lui, par le KPD aux problèmes du sexe et aux théories de Freud, ‘j’objectai, raconte-t-elle, que la question sexuelle et celle du mariage sous la domination de la propriété et de l’ordre bourgeois engendraient toutes sortes de problèmes, de conflits et de souffrances pour les femmes de toutes classes et couches sociales. La guerre et ses conséquences, disais-je, avaient, s’agissant justement des rapports sexuels, extraordinairement aggravé les conflits existants et les souffrances des femmes, les avaient rendus perceptibles des problèmes qui, jusqu’ici, leur étaient restés cachés.’

Clara Zetkin

Clara Zetkin

Lire le texte de Clara Zetkin sur ses rencontres avec Lénine (1924)

1921-1933 – Dirigeante du Komintern

A soixante ans passés, membre de la direction du KPD, Clara Zetkin devient membre du Comité Exécutif de la IIIe Internationale, l’Internationale communiste, le Komintern. Elle le sera de 1921 à 1933 (durant cette période, elle vivra surrtout à Moscou). Le Comité Exécutif la charge, en décembre 1920, d’aller saluer le Congrès de Tours d’où va naître le Parti communiste français. Elle y parvient malgré un formidable dispositif policier ayant pour consigne de la refouler. En octobre 1921, pour effectuerla même mission à Milan, il faudra lancer les policiers sur de fausses pistes et la grimer et lui faire porter une perruque. Clara Zetkin dirige également le secrétariat féminin de la III° Internationale et dirige le périodique Die Kommunistische Fraueninternationale.

Elle est proche d’Alexandra Kollontaï au sein de l’Internationale, mais se retrouvera au cours des années 1920 isolée politiquement, en particulier après l’exclusion de Paul Levi. Elle conserve néanmoins toutes ses fonctions et responsabilités.

Clara Zetkin et Alexandra Kollontaï

Clara Zetkin et Alexandra Kollontaï

Clara Zetkin et Kliment Vorochilov

Clara Zetkin et Kliment Vorochilov

1925-1933 – Dirigeante du Secours Rouge International

C’est le 29 décembre 1922 que la Société des vieux bolcheviks, lors d’une de ses sessions, lance l’idée d’une association russe d’aide et de solidarité internationale aux combattants de la Révolution. Très vite, l’idée est reprise par l’Internationale Communiste. Le Secours Rouge International est fondé et a rapidement de nombreuses sections nationales. L’organisation se veut donc la plus large possible mais se dote d’une structure très centralisée: le congrès des associations nationales membres, réuni au moins tous les deux ans, élit un Comité Exécutif siégeant deux fois par an. Julian Marchlewski (un des co-fondateurs, en 1893, avec Rosa Luxembourg du Parti social-démocrate de Pologne) sera le premier président du Comité Central du SRI jusqu’à sa mort, survenue en 1925. A la mort de Julian Marchlewski, c’est Clara Zetkin qui assume la présidence du SRI.

Julian Marchlewski

Julian Marchlewski

Clara Zetkin

Clara Zetkin

Consulter l’histoire du Secours rouge International (et de sa section belge)

1923-1933 – Contre le fascisme

Clara Zetkin fut la première à donner, dans un rapport qu’elle présente au Comité Exécutif du Komintern en 1923, une analyse lucide de la nature du fascisme et de ses bases de masse, à partir de son instauration en Italie et de ses phénomènes avant-coureurs en Allemagne. Cela dix ans avant la définition classique formulée par Georges Dimitrov. Et contre le fascisme, contre la guerre qui continue d’être sa hantise, elle défend au sein du Komintern l’idée du ‘front unique’ bien avant qu’elle ne prévale.

Opérations de la cataracte, pieds gelés et gangrène, sans parler de sa tuberculose ancienne, c’est une vieille dame usée qui, en tant que doyenne du parlement allemand doit en août 1932, selon l’usage, prononcer le discours d’ouverture.

Hitler touche alors au but. Les élections du 31 juillet lui ont donné 38% des voix. A la première séance du nouveau parlement, le 30 août, la masse de ses députés en uniformes brun de S.A., saluent le bras tendu Goering qui va se faire élire président du Reichstag. Clara Zetkin, députée communiste, 75 ans, presque aveugle, monte lentement à la tribune, soutenue par deux personnes. D’une voix d’abord à peine audible, mais qui s’affermit de plus en plus, elle prononce un long appel à combattre l’hitlérisme: ‘Il s’agit d’abord et avant tout d’abattre le fascisme qui veut réduire à néant par le fer et par le sang les manifestations de classe des travailleurs. L’exigence de l’heure, c’est le front unique de tous les travailleurs pour faire reculer le fascisme.’

Clara Zetkin au Reichstag

Clara Zetkin au Reichstag

Numéro 9 de 'Masses'

Numéro 9 de ‘Masses’

Clara Zetkin

Clara Zetkin

Lire le discours de Clara Zetkin au Reichstag contre le fascisme

1933 – L’exil et la mort

Contrainte de fuir l’Allemagne après l’arrivée des nazis au pouvoir et l’interdiction du KPD, elle arrive à Moscou à bout de force et meurt quelques semaines plus tard le 20 juin 1933, à 75 ans, dans une maison de repos d’Arkhangelskoïe, près de Moscou. La tombe de Clara Zetkin se trouve le long des murs du Kremlin, sur la Place Rouge.

Monument Clara Zetkin

Monument Clara Zetkin

dernière actualisation: novembre 2019

Voici plusieurs années que le Secours Rouge met et remet ce guide en ligne. S’ilrestee encore insuffisante, c’est en raison du flou juridique qui règne sur la question.
Le principal problème est que non seulement les textes de lois sont susceptibles d’interprétation et font parfois l’objet d’une jurisprudence complexe, mais qu’à ces textes s’ajoutent une foule de règlements communaux. Dans plusieurs cas, ces règlements sont anti-constitutionnels, mais le savoir ne consolera que médiocrement le manifestant qui se retrouvera au cachot pour les avoir bravés. Il reste dans ces cas la possibilité de consacrer une fortune pour obtenir que le Conseil d’Etat annule le règlement après des mois de procédure… mais le conseil communal est libre de revoter le même règlement et tout est à recommencer.
Nous vous invitons à utiliser ce « guide » avec souplesse, en considérant que ce qui est autorisé dans une commune est parfois interdit dans une autre (les diffs de tracts sont parfois assimilées à une « activité publicitaire » interdite sur la voie publique…). Cet exercice est d’autant plus difficile qu’il faudra faire face au bluff de policiers qui prétendront interdites des choses autorisées… Mais enfin, un guide imparfait vaut mieux que pas de guide du tout.
Merci de nous signaler les lacunes, les confirmations, les questions qui se sont posées et qui n’y figurent pas, etc. Nous actualiserons et complèterons ce guide en ligne au fur et à mesure…

Que la publication de ce guide légal ne soit pas compris comme une invitation à respecter la loi.
Le travail anti-répression du Secours Rouge est partie intégrante du combat révolutionnaire anti-capitaliste. Et si nous pensons qu’il faut utiliser les moyens légaux, nous savons qu’ils ne suffiront pas pour renverser l’ordre existant. Comment pourrait-il en être autrement puisque le droit ne fait qu’entériner un rapport de force social, ne fait que faciliter la reproduction de l’ordre existant. Adopter les limites du droit bourgeois pour lutter contre le pouvoir de la bourgeoisie, c’est se couper le pied pour le faire entrer dans la chaussure.
Ce guide légal vise donc à aider à faire les choix (Est-ce légal ? Est-ce illégal?) et à permettre de savoir quand on franchit la ligne qui autorise la répression légale, et donc de prendre les dispositions d’usage, à commencer par l’anonymat…

1. Dans les « lieux publics »

1.1. Qu’est-ce qu’un lieu public ?

C’est la rue, les cafés, les transports en communs, les salles de spectacles, les réunions ouvertes à tout le monde. Mais pas : les parties des entreprises non ouvertes au public, les écoles, etc.

1.2. « Vos papiers ! »

Tout policier a le droit de demander la présentation des pièces d’identité dans un lieu public (les policiers en civil devront vous montrer leur carte). Théoriquement, on a le droit de prouver son identité « de quelque manière que ce soit » (permis de conduire, carte d’étudiant, passeport…), mais pratiquement, les policiers ne se satisfont que de la carte d’identité ou du passeport.
Si l’on a pas ses papiers sur soi, le policier peut nous donner une contravention et/ou procéder à une arrestation administrative pour vérification d’identité.

1.3. Les fouilles « de sécurité »

Les fouilles superficielles (dites « fouilles de sécurité ») sont autorisées sans formalité particulière dès que le policier considère que l’activité présente un risque de menace réelle pour l’ordre public : fouilles des vêtements, simple palpation du corps et des vêtements (sans déshabillage), sac, valise et voiture. Les policiers ne peuvent vous demander de les suivre dans un combi pour vous y déshabiller partiellement. La fouille ne doit pas forcément être effectuée par une personne de votre sexe. La fouille « de sécurité », comme la fouille du véhicule, ne peut durer plus d’une heure. Dans certains cas, les agents de sécurité peuvent procéder à cette fouille (voir 1.10.).

1.4. Les saisies

La police peut saisir tout ce qui a servi à commettre une infraction, ou tout objet « suspect ».
On a le droit de réclamer une liste des objets saisis (ils devront être restitués en cas d’acquittement, si aucune poursuite n’est intentée, ou si la confiscation n’a pas été prononcée par le tribunal qui vous aurait condamné).
La police n’a pas le droit de consulter le contenu d’un téléphone portable ni de confisquer celui-ci. Si elle estime qu’il contient une preuve importante, elle a besoin d’une autorisation du juge pour saisir et consulter le téléphone portable. Celui-ci ne peut pas être saisi définitivement, sauf si la police prouve qu’il a été volé ou utilisé pour commettre une infraction, et qu’un juge l’a décidé.

1.5. Arrestation administrative

La police peut vous amener au commissariat sans mandat (« arrestation administrative »). Théoriquement ils doivent le faire « en cas d’absolue nécessité », si vous faite obstacle à la liberté de circulation, si vous « perturbez la tranquillité publique », si des indices sérieux indiquent que vous vous préparez à commettre une infraction, etc. L’arrestation administrative a une durée maximale de 12 heures. Il existe quelques exceptions à cette règle. Une arrestation dans la zone ‘Eurostar’ entraîne une privation de liberté de 24 heures. Les étrangers en situation irrégulière peuvent être privés de liberté durant 24 heures. L’arrestation administrative en cas de troubles sur la voie publique en état d’ivresse est limitée à 6 heures. Il faut toujours insister pour qu’une personne de confiance soit avertie de l’arrestation. Pour les mineur-e-s, les policiers sont obligés d’accepter. Pour les majeur-e-s, l’appel sera autorisé pourvu qu’il ne risque pas de nuire à une éventuelle enquête judiciaire. Les motifs de ce refus doivent être mentionnés dans le registre de privations des libertés. Ce sont les policiers qui décident de vous laisser téléphoner vous-même ou de téléphoner à votre place (ce qu’ils font le plus souvent).
Le droit à l’avocat dès le commissariat de police est garanti en Belgique depuis le 1er janvier 2012. L’arrêt Salduz (Cour Européenne des Droits de l’Homme) passé en novembre 2008 mentionne l’obligation de présence d’un avocat dès le premier interrogatoire d’un suspect par la police sauf raisons impérieuses pour circonstances particulières dans le cadre du droit à un procès équitable. Le droit belge a transposé cet arrêt dans une loi publié dans le Moniteur le 5 septembre 2011.
Une directive ministérielle donne le droit aux policiers de photographier les personnes en arrestation administrative « s’il y a soupçon qu’un délit ait été commis ou qu’il y ait appartenance à un mouvement ». Autrement dit, c’est à leur discrétion, et pratiquement quasiment systématique pour les activités politiques.
L’arrestation administrative peut devenir une arrestation judiciaire à partir du moment où les policiers préviennent le procureur du roi. Sa durée maximale est de 48 heures (voir ci-dessous).

1.6. Arrestation judiciaire avec mandat d’arrêt

La police peut vous arrêter sur ordre du procureur du roi ou du juge d’instruction qui doit avoir « des indices sérieux de culpabilité » à votre charge. L’arrestation judiciaire a une durée maximale de 48 heures (c’était 24 heures avant le 29 novembre 2017). Au-delà de ce délai, seul un juge d’instruction peut décider, après vous avoir entendu-e-, de vous inculper, et/ou de vous envoyer en prison en vous décernant un mandat d’arrêt. Il faut exiger de pouvoir contacter un avocat et demander que ce soit mis dans le procès-verbal.

1.7. Arrestation judiciaire sans mandat d’arrêt

La police peut vous arrêter sans ordre du procureur du roi ou du juge d’instruction en cas de flagrant délit. Les policiers doivent immédiatement avertir le procureur du roi qui décide de maintenir ou non l’arrestation. L’arrestation judiciaire a une durée maximale de 48 heures (c’était 24 heures avant le 29 novembre 2017). Au-delà de ce délai, seul un juge d’instruction peut décider, après vous avoir entendu-e, de vous inculper et/ou de vous envoyer en prison en vous décernant un mandat d’arrêt.

1.8. Maltraité-e

Si vous avez été brutalisé-e, faites établir un certificat médical dans les 48 heures (pensez que les hématomes n’apparaissent qu’au bout de quelques heures). Recueillez les témoignages (e.a. photographiques). Si vous avez reçu des coups, exigez des soins et une visite à l’hôpital.

1.9. Conseils en cas d’interpellation

Restez calme, ne cherchez pas inutilement le conflit, résistez aux provocations mais soyez ferme face à tout débordement (tentative de saisie d’un agenda par exemple).
Si les policiers sortent de la légalité et commettent un acte manifestement abusif et grossièrement illégal, on peut résister, même activement, même violemment, mais en proportionnant toujours sa résistance à l’acte abusif (vous pouvez vous cramponner à l’agenda que le policier essaie de vous arracher des mains, mais non lui allonger des coups de pieds).
Il ne s’agit pas de rébellion. Le mieux est toujours dans ce cas d’ameuter des témoins et de leur expliquer ce qui se passe, de demander à ce que l’on photographie ou filme la scène, que l’on note les détails, votre nom, que l’on recueille les témoignages.
En cas d’arrestation, il faut vérifier que les heures de début et de fin de l’arrestation, qui doivent être notées dans un registre spécifique, correspondent à la réalité. Le registre doit aussi mentionner la raison de l’arrestation, les objets saisis et l’identité des policiers qui ont procédé aux fouilles. Les policiers doivent demander de signer le registre à la sortie. Si le registre n’est pas complet ou contient des erreurs, il ne faut surtout pas le signer.
Lors d’une arrestation, vos effets (ceinture, portefeuille, téléphone,…) sont placés dans un sac scellé en votre présence. On vous demandera de signer un bordereau à ce moment (bordereau attestant que ces affaires sont les vôtres), et au moment où l’on vous remet ce sac, à votre libération. Ce document n’est pas une document judiciaire. Certains policiers remettent les effets malgré le refus de signer le reçu, d’autres non.

1.10. Et les vigiles?

Une loi approuvée le 1er décembre 2016 par le conseil des ministres prévoit une série de changements pour les vigiles et agents e sécurité (Securail, STIB, etc.). Jusqu’ici, les contrôles, à l’entrée d’un magasin ou d’une salle de spectacle par exemple, n’étaient pas obligatoires. On pouvait refuser de s’y soumettre et surtout, ces contrôles ne pouvaient se réaliser de manière systématique. Désormais, les vigiles pourront procéder à des palpations superficielles et fouiller vos sacs. Des fouilles qui devront néanmoins se justifier par la présence d’une menace potentielle lors d’un événement ou encore lorsque le niveau de la menace le justifie. Les vigiles pourront donc empêcher l’accès aux personnes à certains lieux et auront également la possibilité de contrôler votre identité. Autre volet important de la réforme : les vigiles pourront être armés dans des domaines militaires, au Parlement européen, ainsi que dans les ambassades

2. Aux manifs

2.1. Conseils pour aller à la manif

Pour aller à la manifestation, laissez votre agenda à la maison et idéalement votre téléphone chez vous (en cas de poursuites judiciaires, la police peut évidement aller chercher chez votre opérateur toutes les informations contenues sur votre carte SIM, mais il n’y a aucune raison de leur simplifier la vie et de leur donner accès à des informations sans instruction judiciaire). Si vous prenez votre téléphone, il est important d’active le verrouillage (et si possible, pour les smartphones, activez le chiffrement et enlevez votre carte SD).
Adoptez les chaussures de sport ou de sécurité. Habillez-vous de sombre pour vous fondre si besoin dans la foule des manifestants. Prenez un bonnet, une casquette ou une capuche « au cas ou ». Les plus motivés y ajouteront des gants et, à tout hasard, des lunettes de protection. Dans tous les cas, prenez un peu d’argent, le numéro de téléphone de votre avocat (éventuellement écrit au bic sur votre bras), votre carte d’identité et les prescriptions médicales si vous suivez un traitement.
Si possible, n’allez pas seul-e-s à la manif. Le mieux est d’y aller en groupe et de revenir en groupe. Il est utile de discuter des choix et des craintes des autres membres du groupe.

2.2. Manif autorisée, manif « tolérée », manif interdite

Manifester compte parmi les droits constitutionnels entravés d’innombrables règlements de police. Les communes exigent une autorisation préalable, le plus souvent demandée via un formulaire en ligne.
Manifester sans autorisation crée une situation d’insécurité juridique puisque vous pourriez vous faire réprimer par la police locale pour manifestation « non autorisée » (cf. le chapitre 9).
Sauf à redouter des incidents – ce qui l’amène à étouffer les manifs dans l’œuf – la méthode adoptée par la police en Belgique est généralement de tolérer les manifestations non autorisées.
Les policiers en civil viennent aux renseignements (« combien de temps cela va-t-il durer ? », « quel sera l’itinéraire ? ») et sauf exception (trajet trop contraire à la circulation automobile, durée trop longue, manque d’effectif, proximité d’une représentation diplomatique, tenue d’un Sommet européen, etc.), la manifestation sera tolérée et encadrée. Mais rappelons-le : c’est un simple usage, une simple manière de faire. La police trouve pour l’instant plus « économique » de procéder ainsi, cela peut changer du tout au tout très rapidement, et à chaque événement.
Que la manifestation soit statique ou mobile, qu’elle viennent de tel ou tel courant politique auquel est associé telle ou telle pratique (tags en chemin par exemple), autant de facteurs qui commanderont la tolérance ou la répression.
La tolérance est totalement nulle à proximité d’une représentation diplomatique (un règlement de police interdit à Bruxelles des manifestations à moins de 50 mètres d’une ambassade) ou dans la « zone neutre » Selon l’Article 11 du Règlement général de police de la ville de Bruxelles: La zone neutre comprend la rue Ducale, la rue de Louvain (de la rue du Nord à la rue Royale), la rue Royale (du carrefour des rues de la Croix de Fer, de l’Enseignement et du Treurenberg à la Place Royale), la place des Palais, la place du Trône, la rue Bréderode et l’intérieur de la zone délimitée par ces voies publiques. Le 8 mars 2012, la chambre a adopté une modification à ce règlement, étendant la zone neutre. Celle-ci inclut dorénavant, outre le périmètre précité, le parlement de la Communauté Française, la maison des parlementaires flamands et le complexe du Forum appartenant à la Chambre. Tout rassemblement dans cette zone peut entraîner une arrestation administrative ainsi qu’une amende de 250€.

2.2. Vous êtes filmé-e

A chaque manifestation des policiers filment et photographient les manifestant-e-s à fin de fichage. Dans certains pays, il y a une discipline des manifestant-e-s qui, à défaut de l’empêcher totalement, limite considérablement cette activité (on empêche les photographes d’opérer au sien même de la manif, on se masque, on se groupe derrière des calicots, etc.).
Attention, la technique est très au point. Lors du Sommet de Laeken en 2000, les manifestants ont été poursuivis sur base de photos prises de l’hélicoptère de la police ! Ils étaient parfaitement reconnaissables sur les clichés.
En Belgique, la ‘loi anti-burqa’ (Loi visant à interdire le port de tout vêtement cachant totalement ou de manière principale le visage) est entrée en vigueur début juillet 2011. Celle-ci puni tous ceux qui se présentent dans les lieux publics le visage masqué ou dissimulé en tout ou en partie, de manière telle qu’ils ne soient pas identifiables.

2.4. Utilisation de la force par les policiers

Tout policier peut « en tenant compte des risques que cela comporte », recourir à la force en respectant trois principes :
– 1. Principe de légalité : l’objectif poursuivi doit être légitime et prévu par la loi (contrôle d’identité légal, fouille légale, arrestation légale…)
– 2. Principe de nécessité : il ne doit pas y avoir d’autre moyen que la force pour atteindre l’objectif légal.
– 3. Principe de proportionnalité : l’usage de la force doit être strictement nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi.
En outre, l’usage de la force doit être précédé d’un avertissement, sauf si cela rend l’action inopérante.
Les policiers peuvent faire usage de leur arme dans trois cas :
– 1. Légitime défense.
– 2. Contre des personnes armées ou en direction de véhicules où se trouvent des personnes armées en cas de flagrant délit commis avec violence, et quand les policiers ont de bonnes raisons de croire que ces personnes ont une arme prête à l’emploi et qu’elles vont l’utiliser.
– 3. En cas d’absolue nécessité pour défendre les personnes, les lieux ou les biens confiés à leur protection.
Pratiquement, la police a une interprétation TRÈS extensive de ce cadre.

2.5. Peut-on photographier ou filmer la police?

On a le droit de filmer la police mais ils ne se laissent pas faire et peuvent prétexter une rébellion à posteriori. En revanche, la jurisprudence n’est pas claire concernant la diffusion de ses images, d’autant que les procès portent parfois sur le cadre de la diffusion des images (des policiers ont porté plainte pour « diffamation » parce qu’ils étaient reconnaissables sur les photos d’une exposition sur les violences policières..

3. Dans un lieu privé

3.1. Qu’est-ce qu’un lieu privé ?

Les domiciles particuliers, les entreprises dans leur partie fermée au public, les écoles, les réunions ou les fêtes où l’on ne peut entrer que sur invitation (domicile, dépendances, local utilisé à des fins personnelles)

3.2. Les cas où la police peut entrer chez vous sans mandat

La police peut entrer chez vous en cas de flagrant délit, d’indices sérieux relatifs aux infractions sur les stupéfiants, en cas d’incendie ou d’inondation, ou si vous avez donné votre accord.

3.3. Les cas où la police peut entrer chez vous à votre insu

Le juge d’instruction peut autoriser les services de police à pénétrer dans un lieu privé à l’insu du propriétaire ou de l’occupant, ou sans le consentement de ceux-ci s’il existe des indices sérieux que les faits punissables constituent ou constitueraient un délit punissable de plus d’un an de prison ou sont ou seraient commis dans le cadre d’une organisation criminelle et si les autres moyens d’investigation ne semblent pas suffire à la manifestation de la vérité. (cf point 5)

3.4. Munie d’un mandat, la police peut-elle entrer chez vous à n’importe quelle heure ?

Non, la perquisition doit avoir lieu entre 5 heures du matin et 21 heures.

3.5. Avez-vous le droit le droit d’assister à toute la perquisition ?

Il semblerait que oui, mais c’est un point que nous ne sommes pas parvenus à éclaircir totalement.

3.6. Conseils aux militant-e-s à la porte desquels les flics viennent sonner

Restez calme. N’ouvrez pas tout de suite (en cas de perquisition ordinaire, c’est-à-dire s’ils ne prennent pas d’assaut votre appartement en défonçant les portes). Vérifiez s’il s’agit bien d’une perquisition.
Les policiers peuvent présenter une simple demande de visite domiciliaire comme s’il s’agissait d’une perquisition. Or, vous avez le droit de vous opposer à la première (sauf point 3.1.). Ne cédez pas aux pressions : les policiers présenteront votre refus d’ouvrir sans mandat comme quelque chose de « louche », et a contrario le fait que vous les laissiez entrer comme « la preuve » que vous n’avez rien à vous reprocher. Refusez cette logique. Pas de mandat, par d’accès !
Demandez à voir le mandat qui peut être glissé sous la porte ou dans la boîte aux lettres. Le lire posément, vérifier la date, notez le nom du juge d’instruction. Prévenir un proche et/ou un avocat. Ensuite ouvrir.

4. Le « droit de résistance »

4.1. Qu’est-ce qu’une « rébellion » ?

C’est une résistance contre les forces de l’ordre qui agissent pour exécuter les lois, avec violence (même légère) ou menaces (le policier doit craindre un danger réel et imminent). C’est un délit.
Vous n’êtes pas en rébellion si vous refusez seulement d’obéir à un ordre ; vous résistez passivement (vous vous couchez par terre, etc.), vous vous enfermez dans un refuge, vous vous enfuyez pour échapper à une arrestation, vous proférez des « menaces » clairement fantaisistes.
Vous êtes en rébellion si vous vous débattez quand vous êtes tenu-e par un policier ; vous frappez un policier sans légitime défense ; vous foncez violemment sur un barrage de policier.
Vous êtes en rébellion avec circonstances aggravantes si vous êtes « en bande » (deux personnes suffisent) ; vous êtes armé-e (ne serait-ce que d’une pancarte, d’un boulon).
Bien entendu, les policiers usent et abusent de l’accusation de rébellion, et cela donne lieu à une jurisprudence complexe. Si résister passivement en se couchant par terre ne peut être qualifié de rébellion, on a vu des militants poursuivis pour rébellion « parce qu’ils s’étaient raidis » lorsque les policiers les avaient empoignés! Cette interprétation abusive est néanmoins en recul: il faut que la réaction physique du manifestant soit dirigée contre le policier pour qu’il y ait rébellion.

4.2. Quand pouvez-vous résister légalement?

Si un policier commet une illégalité grave et flagrante (entrer dans une maison sans mandat de perquisition, ni accord des occupants, coups sur un manifestant au sol,…), vous avez le droit de l’empêcher, même par la violence.
Il faut que cette violence soit proportionnelle, c’est-à-dire strictement nécessaire pour éviter l’action illégale des policiers (vous pouvez leur refermer la porte au nez ou former un cordon humain, mais pas leur envoyer des coups de poings pour les empêcher d’entrer – mais s’ils frappent, vous pouvez répondre à leurs coups).
Ceci pour la théorie, car c’est le tribunal qui décidera si l’illégalité était assez flagrante pour pouvoir résister (et les policiers fourniront certainement une version bétonnée et à leur avantage des faits). Avant d’agir, il est prudent de s’assurer qu’on sera en mesure de prouver l’action illégale des policiers.

4.3. Peut-on invoquer la « légitime défense » contre un policier?

Oui, comme contre n’importe qui, et ils peuvent aussi s’en servir contre vous. Mais les conditions légales sont très strictes. On peut répondre à une attaque (conditions cumulatives) :
– 1. S’il y a violence,
– 2. Accompagnée d’une menace grave (pas seulement contre celui qui riposte mais aussi contre d’autres personnes : votre ami-e se fait sauvagement frapper par un policier, vous avez le droit d’aller le défendre si toutes les présentes conditions sont réunies),
– 3. Actuelle ou imminente (on ne peut donc pas riposter dix minutes après l’attaque ; cela sera considéré comme des représailles et pas comme de la légitime défense)
– 4. Injuste (illégale, arbitraire : si les policiers utilisent la force en respectant scrupuleusement les conditions légales, légalement, vous n’avez pas le droit de réagir).
– 5. Dirigée contre des personnes et pas des biens (vous ne pouvez pas résister si le policier démoli votre appareil photo, mais bien s’il maltraite un autre manifestant).
– 6. Proportionnelle (on ne peut répondre à une bourrade par un coup de barre de fer).

4.4. La violence peut-elle être légalement excusée par une provocation policière ?

La provocation est un fait qui suscite la colère ou la crainte, qui entraîne une infraction par réaction spontanée. Pour que votre violence soit légalement excusée pour cause de provocation policière (physique ou verbale), cette dernière doit être :
– 1. Illégale
– 2. Exercée contre une ou des personnes
– 3. Actuelle
Ici aussi, veillez à rassembler preuves et témoignages.

4.5. L’arrestation illégale et arbitraire

Une arrestation est illégale si elle ne repose sur aucune base juridique, si elle est non-conforme à la loi. Elle devient arbitraire si le policier y procède par caprice, par représailles (« tu la fermes ou je t’embarque »), s’il commet une faute lourde, si le policier a une volonté de nuire et de ne pas respecter la loi. Le policier ne commet un délit que si l’arrestation est illégale ET arbitraire.

5. Espionnage policier

La loi du 20 juillet 2002 (modifiée par la loi du 6 janvier 2003) concernant les « méthodes particulières de recherches et d’enquête» autorise le placement secret de micros et de caméras dans les domiciles privés pour faciliter les enquêtes sur les infractions pouvant déboucher sur une condamnation de plus d’un an de prison — c’est-à-dire presque toutes les infractions prévues par le Code pénal à l’exception d’une poignée d’entre elles (comme la grivèlerie, l’abandon de famille, ou l’empoisonnement de chevaux…). Pour toutes les autres infractions, le seul fait qu’il existe des « indices sérieux » de faits punissables « portant atteinte au respect des lois » suffit à ce que soient appliquées les « méthodes particulières de recherches ». L’infraction ne doit même pas être commise car la loi est non seulement « réactive » mais « proactive » : elle peut s’appliquer dans le cas où une infraction pourrait être commise…
La loi prévoit une « cause d’excuse légale » pour toutes les infractions commises par les policiers appliquant ces « méthodes particulières de recherche » — le jeu de la rétroaction ayant même permis de couvrir les infractions commises par des policiers avant le vote de la loi… La loi prévoit que le Procureur peut ordonner une perquisition ou intercepter du courrier sans mandat du juge d’instruction non seulement du suspect mais aussi de tiers (une personne à qui le suspect a écrit par exemple)…
La loi prévoit l’organisation de « dossiers répressifs confidentiels » dont les pièces (par exemple les films des caméras cachées, les enregistrements des micros) ne seront accessibles qu’au procureur et au juge d’instruction. Ni l’accusé, ni son avocat, ni même le juge ne pourront accéder à ce dossier ! Ils devront se contenter de procès-verbaux rédigés par les policiers à partir de ces films et enregistrements.

5.1. L’analyse de risque

Le quotidien politique a été transformé considérablement par la technologie d’information. Des dates de réunions sont convenues par mail, messagerie ou SMS, des informations sont rapidement recherchées dans des sites web etc. Qu’il s’agisse du PC, de l’internet ou de la téléphonie mobile, chaque outil procure des possibilités qui peuvent et doivent être utilisées dans la militance. Toutefois, la sécurité ne doit pas être oubliée. Elle ne doit pas paralyser non plus. Nous devons nous adapter à la situation actuelle et à la contre-révolution par notre mode de travail en utilisant ces moyens techniques. Il peut être pertinent, par exemple, d’utiliser TAIL ou se rendre dans un cyber-café pour effectuer différents types de recherches.

5.1bis. Les méthodes particulières de recherches

Les méthodes particulières de recherche sont: l’observation, l’infiltration et le recours aux indicateurs. Ces méthodes de recherche, de collecte, d’enregistrement et de traitement des informations sont mise en oeuvre en vue de poursuivre les auteurs d’infractions sur la base d’indices sérieux que des faits punissables vont être commis ou ont déjà été commis, qu’ils soient connus ou non.

5.2. Les écoutes téléphoniques

Dans le cadre normal : les écoutes se font sur mandat du juge d’instruction. Elles peuvent porter sur le contenu des conversations, ou simplement sur le recensement des numéros appelés et des numéros appelants (appareils « Zoller » et « Malicieux » pour la téléphonie fixe, requêtes aux opérateurs). En vue de permettre l’écoute, la prise de connaissance ou l’enregistrement direct de communications ou de télécommunications privées à l’aide de moyens techniques, le juge d’instruction peut à l’insu ou sans le consentement de l’occupant ou du propriétaire, ordonner la pénétration à tout moment dans un lieu privé ou un domicile.

5.3. Les écoutes directes

Elles se font dans le même cadre légal que les écoutes téléphoniques. Partez de l’idée qu’aucune information n’est à l’abri de la police, mais que les techniques de celle-ci sont parfois très lourdes et parfois fragiles. Théoriquement, les flics peuvent écouter à travers une fenêtre, voire à travers une cloison. Ils peuvent y faire pénétrer un micro pas plus gros qu’un fil. Ils peuvent semer des micro-mouchards dans les cafés et lieux que vous fréquentez, etc. Les écoutes directes sont légales dès le moment où elles se font depuis l’espace public et sans intrusion dans le domicile de la personne visée, c’est-à-dire quand l’appareil d’écoute se trouve à l’extérieur. C’est le procès Varga (2007) qui fait jurisprudence.

5.4. Photographies et enregistrements vidéo

Il semblerait qu’elles se fassent dans le même cadre que les écoutes téléphoniques, mais nous n’avons pu confirmer cette information.

5.5. Comptes bancaires

Le procureur du roi peut requérir, s’il existe des indices sérieux que les infractions peuvent donner lieu à une peine d’un an ou plus, la liste des comptes bancaires et toutes les données à ce sujet: la liste des transactions bancaires réalisées sur une période déterminée y inclus les renseignements concernant tout compte émetteur ou récepteur.

5.6. Infiltrés et provocateurs

La loi déjà mentionnée sur les « méthodes particulières de recherches » autorise non seulement l’espionnage par micro et caméra, mais encadre aussi l’usage des infiltrés et des indicateurs. C’est aussi pour cela que la loi prévoit une « clause d’excuse légale » pour toutes les infractions commises par les policiers appliquant ces « méthodes particulières de recherche ». La loi autorise policiers à commettre des délits pour autant qu’ils ne soient pas légalement plus graves que le délit sur lequel ils enquêtent… Le procureur du roi peut autoriser l’indicateur à commettre les infractions qui sont absolument nécessaires au maintien de sa position d’informateur. Elles doivent être proportionnelles à l’intérêt de maintenir la position de l’indicateur et ne peuvent en aucun cas directement et gravement porter atteinte à l’intégrité physique des personnes.

5.7. Filature et géolocalisation téléphoniques

Elles se font dans le même cadre légal que les écoutes téléphoniques. Grâce à votre téléphone portable on peut non seulement écouter mais aussi vous suivre à la trace. La précision est de l’ordre de quelques mètres. Pour s’en prémunir, on peut par exemple, retirer la batterie de son téléphone portable (ce qui devient difficile avec les récents smartphones), le laisser à la maison ou le passer à quelqu’un d’autre. Ici aussi, les données que les opérateurs sont tenus de stocker constituent une réserve d’informations (qui s’est connecté à qui à partir de quel endroit) à disposition de la police et de la justice.

5.8. Espionnage des mails et de la circulation sur le net

Elles se font dans le même cadre légal que les écoutes téléphoniques. Vos mails peuvent être lus par la police, sur demande du juge d’instruction. Les fournisseurs d’accès internet ont l’obligation légale de garder plusieurs mois d’archives.

5.9. Codage du disque dur et cryptage des communications

Il est possible de protéger la confidentialité de sa correspondance électronique et des données stockées sur votre ordinateur au moyen du cryptage. Le cryptage n’est pas interdit en Belgique. Il est d’ailleurs utilisé par les banques, des ONG comme Amnesty International, des bureaux d’avocats, etc. Le Secours Rouge international utilise les programmes classiques comme PGP pour les mails, Veracrypt pour les disques durs, « Signal » comme messagerie. Néanmoins, cette protection reste plus que relative dans la mesure où son emploi peut être peu sûr, par exemple s’ils placent un logiciel-espion sur le clavier,…

6. Au commissariat

6.1. Convoqué-e !

Vous avez reçu une convocation « pour une affaire vous concernant ». Inutile d’appeler la police: ils ne vous diront pas de quoi il s’agit. Il n’y a aucune obligation à se rendre à une convocation au commissariat. Mais vous prenez le risque d’en recevoir une deuxième, une troisième, et finalement de voir la police venir vous trouver. Il n’est pas clair si des refus successifs de répondre à une simple convocation peuvent déboucher sur un signalement, en pratique, cela semble varier selon la gravité supposée du dossier.

6.2. Embarqué-e !

La police peut vous amener au commissariat dans le cadre d’une « arrestation administrative », d’une « arrestation judiciaire avec mandat d’arrêt », ou d’une « arrestation judiciaire sans mandat d’arrêt » (cf. point 1.6, 1.7, 1.8).

6.3. Les fouilles

Avant la mise en cellule, la police procède à une fouille dite « fouille à corps ». Il s’agit d’une fouille plus approfondie que la simple fouille « de sécurité ». Elle peut impliquer que l’on vous demande d’enlever quelques vêtements. Elle ne requiert pas le déshabillage complet car la finalité de cette fouille est de trouver des objets dangereux. Elle doit être effectuée par un policier du même sexe.
Toute fouille plus approfondie relève de la « fouille judiciaire ». Elle ne peut se faire que si vous êtes sous le coup d’un mandat d’arrêt. Elle peut durer au maximum six heures. Tout examen de l’intérieur du corps (anus, vagin, bouche) ne peut se faire que par un médecin avec un mandat du juge d’instruction, ou du procureur du roi s’il y a flagrant délit. La « fouille judiciaire » doit en principe être faite par un policier du même sexe sauf en cas de manque d’effectif.

6.4. Empreintes digitales/photos/ADN

Les empreintes digitales peuvent être prises sur une personne âgée de plus de 14 ans qui est l’auteur d’un délit punissable en Belgique et qui est soit à disposition des autorités judiciaires soit entendu, et dont le lien avec un fait concret a été prouvé et pour autant qu’il ne s’agisse pas d’un fait mineur. Toutes les personnes qui peuvent faire l’objet d’une prise d’empreintes peuvent aussi faire l’objet d’une photographie d’identification. C’est le cas également des personnes arrêtées administrativement dans le cadre du maintien et du rétablissement de l’ordre public si de sérieux incidents ont éclaté lors de l’événement, ainsi que pour toute personne arrêtée administrativement dont l’identité n’a pu être établie avec certitude dans les délais requis. Une directive ministérielle donne également le droit aux policiers de photographier les personnes en arrestation administrative ‘s’il y a soupçon qu’il y ait appartenance à un mouvement (directive notamment dirigées contre les groupes de hooligans, mais qui concerne aussi les manifestants). La finalité de ces prises de vue est l’identification ultérieure de la personne dans le cadre d’autres infractions ou troubles de l’ordre public. Notons ici que:
– si on a affaire à des personnes qui agissent conformément à la loi,
– si des magistrats compétents ont donné en ce sens des directives générales ou particulières,
– si les principes relatifs à l’usage de la contrainte ont été respectés,
– alors, la contrainte, dans le sens où le policier agit contre la volonté de la personne concernée, peut être utilisée pour relever les empreintes digitales et prendre des photos.
Un échantillon ADN ne peut être prélevé qu’en cas d’arrestation judiciaire et à la requête d’un juge d’instruction.

6.5. Sous traitement ?

Si vous souffrez d’une maladie antérieure à l’arrestation qui nécessite des soins particuliers ou réguliers, signalez-le le plus vite possible à un officier de police. Exigez de recevoir votre traitement (c’est le moment de produire vos prescriptions). Expliquez (si possible devant témoins) les conséquences néfastes que pourraient provoquer un manque de soins.

6.6. L’interrogatoire

Vous avez le droit de ne rien dire. Vous avez le droit de relire, de modifier, ou d’ajouter quelque chose à votre déclaration. Vous avez le droit d’en recevoir copie. Vous ne la recevrez pas toujours tout de suite, mais parfois plus tard, et sur votre demande. Il faut donc la demander, mais il n’est pas illégal de ne pas la recevoir tout de suite. Vous avez le droit de ne pas la signer. Il vaut mieux ne pas la signer, ce qui n’entraîne aucune sanction. La signature d’un PV erroné peut être très dommageable. On peut aussi signer par inadvertance un document autorisant les policiers à faire une perquisition sans mandat à son domicile. Vous pouvez demander une copie de l’audition gratuitement. Ces droits ne souffrent d’aucune exception.

6.7. Conseils aux militant-e-s concernant l’interrogatoire

Ne dites que vos noms et adresse. Pour le reste, répétez simplement : « je n’ai rien à déclarer », ou « je fais usage de mon droit au silence ». Ne vous laissez pas entraîner dans un enchaînement de questions d’abord anodines (« quel est le métier de vos parents ? »). Répétez calmement « je n’ai rien à déclarer », ou « je fais usage de mon droit au silence » cinquante fois s’ils posent cinquante questions. Les policiers connaissent cette attitude et, s’ils font les étonnés pour vous faire croire qu’elle est « exceptionnelle », ils savent que vous êtes dans votre droit. Si vous avez l’air suffisamment têtu-e ou déterminé-e, l’interrogatoire sera vite fini. Il est possible qu’on vous remette en cellule quelques heures pour vous « amollir » avant une nouvelle tentative. Gardez la même ligne de conduite. Les arguments des policiers selon lesquels cela « aggravera votre cas », « prolongera votre garde à vue », « indisposera la justice », etc. ne sont que des ruses éculées pour obtenir des informations. Vous n’êtes pas au café : n’essayez pas d’évangéliser les flics ! Vous êtes sur leur terrain : ne provoquez pas la confrontation. Ne racontez pas votre vie à vos éventuels compagnons de cellule, mais rappelez leur leurs droits, informez les des limites de la détention administrative, etc. N’en dites pas trop, il n’est pas exclu que des policiers en civil soient en cellule, que des micros soient placés dans la cellule ou qu’un de vos compagnons soit très bavard dans sa déclaration.
Ne signez rien ! Un banal document peut contenir votre acceptation d’une « visite de consentement » à votre domicile, c’est-à-dire une perquisition sans mandat et en votre absence. L’enjeu, c’est l’information. La police la veut, elle ne doit pas l’avoir. Ce n’est qu’en fonction de ce critère que vous sortirez vainqueur ou vaincu de cette épreuve.

6.8. Inculpé?

Vous pouvez être entendu comme témoin, comme suspect-e ou comme inculpé-e. Une inculpation n’implique pas forcément une privation de liberté, et vous pouvez traverser les étapes judiciaires successives (Chambre du Conseil, Chambre des mises, et finalement tribunal) sans forcément passer par la case prison. Mais le juge d’instruction peut néanmoins restreindre votre liberté (interdiction d’aller à l’étranger, de fréquenter certaines personnes, etc.) – restrictions qui devront être validées par la Chambre du conseil (cf. point 8.7.)

7. Chez le juge d’instruction

7.1. L’interrogatoire

Ici aussi, vous avez le droit de ne rien dire. Vous entendrez de la bouche du juge les mêmes arguments que de la bouche des flics en faveur de la collaboration. Il est de la plus élémentaire sagesse de ne faire une déclaration qu’après en avoir mesuré les éventuelles conséquences avec vos proches, vos camarades et votre avocat. Si vous êtes inculpé-e-, vous pouvez être mis-e sous mandat d’arrêt, c’est-à-dire emprisonné-e. Il s’agit alors dans tous les cas d’une procédure judiciaire et non plus administrative. Endéans les cinq jours, cette arrestation devra être confirmée ou infirmée par une chambre du conseil.

7.2. L’avocat

Suite à l’arrêt «Salduz», vous pouvez disposer d’un avocat dès votre premier passage chez le juge d’instruction. Votre avocat est indiscutablement votre allié, mais il n’a pas forcément la même logique que vous. Certains avocats ne se préoccupent que de la liberté de leur client, quoiqu’il puisse en coûter aux co-inculpé-e-s. C’est une logique qui n’est pas acceptable pour un-e militant-e. Les avocats ont cet avantage et cet inconvénient de réfléchir en termes de droits. Sur ce terrain, ils sont de précieux conseil, mais ils ont tendance à « enfermer » votre situation sur le seul terrain du droit, sans en mesurer les autres enjeux (politiques, collectifs, etc.). Il est parfois utile de « perdre » un peu sur le terrain légal si c’est pour davantage gagner sur le terrain politique et collectif. Cette analyse là, votre avocat ne pourra pas la faire pour vous. Il pourra juste vous aider à la faire en vous donnant la mesure des risques légaux et pénaux.

7.3. Le mandat d’arrêt

Le mandat d’arrêt est un acte par lequel un juge d’instruction prive de liberté un individu pendant le déroulement de l’enquête qui le concerne, après l’avoir inculpé. Sous mandat d’arrêt, l’inculpé est en détention préventive. Le mandat d’arrêt doit être délivré dans les 24h de la privation de liberté de la personne, que le juge doit avoir entendue quant aux faits reprochés et à sa situation personnelle. Le mandat d’arrêt doit être motivé, ce qui signifie qu’il doit faire apparaître les raisons qui ont conduit le juge d’instruction à ordonner la privation de liberté de l’inculpé. Le degré de précision de cette motivation varie suivant l’importance de la peine à laquelle les faits suspectés pourraient donner lieu s’ils étaient établis. Si l’infraction suspectée est de nature à entraîner une peine de plus de 15 ans de prison, la motivation devra uniquement faire apparaître l’absolue nécessité d’un mandat d’arrêt pour les besoins de la sécurité publique. Si la peine susceptible d’être encourue est inférieure à 15 ans, le mandat d’arrêt devra exposer non seulement les considérations qui témoignent de cette absolue nécessité pour la sécurité publique, mais également les éléments qui autorisent à craindre certains risques. Le mandat d’arrêt peut être levé à tout moment par le juge d’instruction.

8. En prison

8.1. Introduction

Il ne sera question ici que des questions qui se posent les premiers jours de la détention.

8.2. Au secret/à l’isolement

La mise au secret (et sac durée) est décidée par le juge d’instruction, alors que l’isolement peut être décidé par l’administration pénitentiaire. Les procédures diffèrent suivant les établissements pénitentiaires. Ce qui suit est donc à considérer comme des ‘règles générales’ qui sont adaptées suivant les prisons et les situations.
L’isolement peut être imposé à la suite d’une mesure de sécurité particulière, d’un régime de sécurité individuel particulier ou d’une sanction particulière. Ces mesures ne peuvent être maintenues plus de 7 jours, et prolongées au maximum 3 fois. Lors de l’isolement en cellule, le détenu est privé d’activités communes, sauf celles qui ressortent du droit à la liberté de culte et de philosophie ainsi qu’au séjour en plein air. Le directeur peut autoriser le détenu à prendre part à des activités de formations communes. Le détenu à l’isolement conserve le droit à recevoir des visites de personnes extérieures dans un local équipé d’une séparation vitrée. Le téléphone est limité à un entretien par semaine, sans préjudice du droit à téléphoner à un avocat ou à une personne chargée de l’assistance judiciaire. La loi prévoit que le détenu à l’isolement puisse recevoir une visite régulière du directeur et d’un médecin-conseil pour s’assurer de l’état du détenu.

8.3. L’accès au dossier

L’accès au dossier est accordé au cas par cas. Mais toujours dans les 24h ou 48h qui précèdent la chambre du conseil. (voir point 8.7)

8.4. La visite des proches

Sauf raison impérative, la prison ne peut refuser la visite des parents proches, excepté lorsque le prisonnier se trouve à l’isolement. Les règlements varient de prison à prison sur ce que l’on peut apporter à la visite. Les prévenu-e-s n’ont généralement pas le droit de porter leurs propres vêtements, mais ils ont droit à leur linge (prévoir du linge blanc, certaines prisons refusent les t-shirts de couleur…). Un nombre limité de livres est généralement autorisé (attention, parfois les journaux sont comptés comme des livres).

8.5. La cantine

Le service social de la prison prévoit un petit minimum en arrivant : vous recevrez quelques timbres, du savon, et parfois même un bon d’achat immédiat pour la cantine. La détention coûte cher, et c’est dans les premiers jours que l’on a grand usage d’unités téléphoniques, de timbres, etc. Vos proches doivent au plus vite verser de l’argent à votre nom sur le compte de la prison (il faut téléphoner à la prison pour obtenir ce numéro).

8.6. Pour contacter une prison

Les adresses et numéros de téléphones de toutes les prisons de Belgique sont accessibles sur notre page ‘Prisons’

8.7. La Chambre du conseil

Dans les 5 jours de la délivrance du mandat d’arrêt par le juge d’instruction, l’inculpé devra comparaître devant la chambre du conseil assisté d’un avocat. La chambre du conseil est une juridiction d’instruction qui statue sur la régularité du mandat d’arrêt et sur le maintien en détention préventive de l’inculpé. Après avoir entendu l’inculpé et son avocat, la chambre du conseil peut décider de lever le mandat d’arrêt et d’ordonner la libération de l’inculpé. En cas de maintien en détention préventive, le mandat d’arrêt sera confirmé pour une durée d’un mois. L’inculpé devra ensuite comparaître de mois en mois.

9. La répression « administrative »

9.1. Généralités

Les communes peuvent se baser sur certaines de leurs prérogatives (lutter contre les troubles sur la voie publique, les entraves à la circulation, veiller à la propreté de l’espace public) pour prendre des mesures qui limitent directement l’activité politique. Il ne s’agit pas de mesures judiciaires mais administratives : le policier communal (ou l’auxiliaire de police) dresse un procès-verbal et le/la manifestant-e ou le/la colleur/euse d’affiche doit payer une amende. Ces mesures vont en s’élargissant et en s’amplifiant. Elles deviennent un vrai problème pour la militance. Il est à noter que la plupart de ces mesures violent des droits constitutionnels ou des droits politiques fondamentaux, et qu’il est techniquement possible d’aller en justice contre la commune pour violation de vos droits constitutionnels, et de gagner cette procédure. En effet, la Convention Européenne des Droits de l’Homme n’admet une dispersion des manifestants que dans les cas où des délits sont projetés ou a fortiori, commis. La dispersion d’une manifestation pacifique interdite par un règlement communal est par exemple abusive, car cela viole la Constitution et la Convention Européenne des Droits de l’Homme qui garantissent la liberté de manifester, d’expression et de réunion. Il faut néanmoins préciser que ces démarches juridiques pour faire « valoir vos droits » devant le Conseil d’Etat ou à la Cour des Droits de l’Homme à Strasbourg prennent un temps fou et coûtent une fortune – pratiquement, elles sont hors de portée d’une initiative individuelle. D’autant qu’au mieux, la commune risque de devoir annuler l’acte administratif condamné… quitte à le revoter à l’identique la semaine suivante et attendre la prochaine condamnation…

9.2. L’affichage

Certains règlements communaux font payer pour affichage sauvage le/la colleur/euse surpris-e en train de coller, mais parfois aussi, à défaut, l’éditeur/trice responsable (pourtant légalement responsable du seul contenu de l’affiche), voire même le « bénéficiaire » de l’affichage. Le Secours Rouge a été confronté au cas d’une commune s’en prenant, faute de trouver l’éditeur responsable, à la graphiste qui avait signé l’image de l’affiche ! Et à défaut de paiement, ce sont les huissiers qui prennent le relais. Pratiquement, à moins de se limiter aux quelques rarissimes espaces d’affichage libre, la pression de ces communes est telle qu’elles font du choix de l’illégalité le meilleur choix : renoncer à mettre un éditeur responsable ou une signature collective trop identifiable, et ne pas se faire attraper en collant…

9.3. Les manifestations

Si, dans la situation actuelle, le choix de l’illégalité semble le plus opportun dans les communes qui répriment le plus largement (jusqu’à l’éditeur responsable inclusivement) l’affichage « libre » ou « sauvage », il semble qu’il reste de bon conseil de demander l’autorisation de manifester. Ces autorisations sont rarement refusées, et si c’est le cas, il est alors encore temps de réfléchir à l’organiser sans autorisation. La répression des manifestations non-autorisées obéit à des critères très variés, allant du caractère plus ou moins vindicatif du bourgmestre ou du chef de corps à des considérations de classe (on embarquera moins vite des étudiants belges que des réfugiés kurdes) en passant par des considérations « techniques » (plus ou moins d’embarras de circulation estimé, plus ou moins de policiers disponibles)…

Angela Davis est née le 26 janvier 1944 à Birmingham en Alabama, dans le sud raciste et ségrégationnistes des Etats-Unis. Adolescente, elle bénéficie d’un programme expérimental de l’organisation religieuse quaker qui place des étudiants noirs du Sud dans des écoles mixtes du Nord. Elle suit alors les cours d’une école secondaire à New York. Elle est logée chez un pasteur qui avait été persécuté pour sa lutte contre le maccarthisme. Elle se rend ensuite en Californie où elle participe aux mobilisations contre la guerre du Vietnam et à l’organisation des étudiants noirs à San Diego.

Angela Davis refusera aussi bien la position séparatiste noire (qui veut fonder un Etat afro-américain indépendant) que la position intégrationniste de Martin Luther King. Elle adhère au courant qui, sur base du marxisme, veut unir la lutte des Noirs dans une lutte générale révolutionnaire anticapitaliste. De la même manière, elle veut intégrer la lutte féministe dans cette lutté générale, et mène un combat contre les valeurs patriarcales au sein du mouvement noir américain. Elle adhère assez tard (en 1968) au Parti communiste des USA et au Black Panther Party.

Angela Davis

Angela Davis

En 1969, elle enseigne à l’Université de Californie à Los Angeles – mais en est renvoyée à cause de son engagement politique, notamment dans le comité de soutien aux Frères de Soledad. Les Frères de Soledad étaient trois prisonniers noirs américains politisés, dont Georges Jackson. Né à Chicago, celui-ci avait été condamné à l’âge de 18 ans à Los Angeles en Californie. Pour avoir conduit la voiture pendant le braquage d’une station service, à un an de prison minimum. La peine n’avait pas de maximum : chaque année une commission se réunissait pour décider la prolongation de sa détention. Georges Jackson était devenu communiste en prison et avait politisé et organisé en 1966 un groupe de prisonniers noirs à Saint Quentin. En janvier 1970, avec deux autres détenus, il avait tué un gardien en représailles du massacre de trois prisonniers militants noirs par un autre gardien. Incarcérés en régime de haute sécurité à la prison de Soledad (le nom des Frères de Soledad vient titre d’un livre célèbre écrit par Georges Jackson en prison).

Le 7 août 1970, le frère de George Jackson, armé, fait irruption dans le tribunal du Comté de Marin lors d’un procès de trois prisonniers politiques noirs qu’il libère et à qui il donne des armes. Les quatre hommes prennent un juge, un procureur et trois jurés en otage, exigeant la mise en liberté des trois Frères de Soledad. La police intervient à la sortie du tribunal et Jonathan Jackson, deux prisonniers noirs, et le juge sont abattus.

La prise d'otage de Marin County

La prise d’otage de Marin County

La police et le FBI se déchaîne contre le mouvement noir révolutionnaire américain. Angela Davis figure parmi les personnes arrêtées : on l’accuse d’avoir fourni les armes à Jonathan Jackson et d’avoir organisé l’attaque du tribunal. Recherchée par le FBI, elle est arrêtée après deux semaines dans un hôtel, puis emprisonnée pendant seize mois à New York dans une cellule d’isolement aménagée spécialement pour elle. Elle entame une grève de la faim pour exiger la fin de l’isolement.

wantedsm.jpg

Le cas d’Angela Davis a été une cause célèbre, d’innombrables artistes se sont engagés pour elles (les Rolling Stones, Nina Simone, John Lennon et d’autres), et un mouvement de solidarité de masse a lieu aux États-Unis puis dans le monde entier. Le 8 octobre 1970, les Weathermen dynamitent le fameux palais de justice de Marin County, théâtre de la prise d’otage, en solidarité avec les prisonniers politiques, dont notamment Jonathan Jackson et Angela Davis.

Angela Davis obtient qu’un tribunal fédéral enjoigne aux autorités pénitentiaires de suspendre son isolement, jugeant injustifié que ce régime soit motivé par les opinions politiques de la détenue. Le 5 janvier 1971, elle est inculpée par l’État de Californie de meurtre, kidnapping et conspiration. Transférée en Californie, détenue à San Marin puis à San José, elle comparaît avec Ruchell Magee, le seul militant survivant de la fusillade.

Free Angela Davis

Free Angela Davis

La sœur d’Angela Davis, l’avocate Fania Davis, sillonne le monde pour appuyer les mobilisations et expliquer la situation d’Angela, celle des prisonniers politiques aux États-Unis, raconter le Black Power. En France, le mouvement de soutien est particulièrement fort : Jean-Paul Sartre, Gerty Archimède (communiste et féministe, la première femme députée de Guadeloupe), Nathalie Sarraute, Marguerite Duras, Jacques Prévert, Jean Genet (qui l’avait rencontrée aux USA où il était venu soutenir le mouvement noir) et des milliers de manifestants la soutiennent. Le 3 octobre 1971, entre 60.000 et 100.000 personnes défilent à Paris pour réclamer sa libération. (voir ici le film de la manifestation)

Louis Aragon et Fania Davis manifestation à Paris

Louis Aragon et Fania Davis manifestation à Paris

Le 4 juin 1972, elle est acquittée. Peu de temps auparavant, le 21 août 1971, Georges Jackson est tué dans la cour de la prison de San Quentin dans une prétendue tentative d’évasion. Ruchell Magee, lui, est condamné en 1975 pour enlèvement et meurtre à la prison à vie, peine qu’il purge toujours, la justice californienne lui ayant refusé toutes ses demandes de liberté conditionnelle.

A sa sortie de prison, Angela Davis recommence à militer et à publier sur les fronts de l’anti-impérialisme, de l’antiracisme, de la paix au Vietnam et du féminisme. Elle écrit plusieurs livres dont certains traduits en français comme Femmes, race et classe en 1981 ou Les goulags de la démocratie en 2006. Au début des années 80, elle se présente aux élections sur les listes du Parti communiste des USA. Elle enseigne aujourd’hui et continue à dénoncer les guerres impérialistes (ainsi en Irak), l’industrie carcérale et la peine de mort aux États-Unis.

Angela Davis Fidel Castro

Angela Davis Fidel Castro

« Je ne suis ici que parce que des centaines de milliers de gens, aux Etats-Unis, en Afrique, en Europe, en Amérique Latine, ont manifesté pour demander ma libération. Nous avons été puissants collectivement. La solidarité internationale a été, et reste, essentielle. C’est elle qui m’a sauvée. Sans ces soutiens, je serais peut-être encore en prison, comme Ruchell Magee, mon coaccusé. »

En Amérique comme en Europe, le début des années ’20 sont des années de crise et de luttes sociales. Les grèves tournent en affrontements violents dans plusieurs grandes villes des États-Unis, comme à Boston. En 1920, de nombreux attentats anarchistes frappent les responsables politiques. Les bureaux de la banque Morgan à Wall Street sont soufflés par un attentat à la charrette piégée qui fait 38 morts et 200 blessés. Une vague de répression s’abat sur les anarchistes mais aussi sur les communistes, les socialistes et les syndicalistes américains.

Deux braquages ont lieu à ce moment dans le Massachusetts : le premier contre une fabrique de chaussures à Bridgewater le 24 décembre 1919, l’autre à South Braintree le 15 avril 1920. Durant ce dernier braquage, le caissier de la manufacture et son garde du corps sont tués. La police soupçonne immédiatement les anarchistes italiens et opère plusieurs arrestations dans ce milieu, dont Nicolas Sacco et Bartolomeo Vanzetti.

Nicolas Sacco, né en 1891 dans un village d’Italie du Sud, émigre aux États-Unis en 1908 ; ouvrier cordonnier à Boston, il se rend au Mexique en 1917 pour éviter la mobilisation. D’abord républicain, Sacco devient socialiste, puis anarchiste militant. Bartolomeo Vanzetti, né en 1888 dans l’Italie du Nord, d’une famille bourgeoise, s’intéresse très tôt au socialisme puis à l’anarchisme. À vingt ans il émigre à New York où il exerce toutes sortes de métiers. C’est un militant syndicaliste actif et influent. Ils sont arrêté près d’une voiture volée « appartenant » à un autre anarchiste italien et que la police va affirmer être celle du braquage. Sacco et Vanzetti refusent de collaborer avec la police.

Sacco et Vanzetti

Sacco et Vanzetti

Le premier procès débute le 22 juin 1920. Un certain nombre de témoins à charge qui n’ont vu le braquage que de loin affirment avoir « reconnu » des Italiens. Les témoins à décharge, des immigrés italiens sont ignorés bien qu’ils leur fournissent un alibi à Vanzetti. Le 16 août 1920, Vanzetti est condamné pour le premier braquage de 12 à 15 ans de prison, Nicola Sacco ayant pu prouver qu’il avait pointé à l’usine ce jour là.

C’est au second procès qui a lieu à Dedham du 31 mai au 14 juillet 1921 que Sacco et Vanzetti sont condamnés sans preuve à la peine capitale pour le braquage meurtrier de South Braintree. Le juge Thayer qui préside le tribunal affirme que « Leurs principes comportent le crime » et que « la preuve qui condamnait ces accusés était [leur] conscience d’avoir fait le mal ». Les amis des condamnés, des dirigeants syndicaux et des démocrates bourgeois Boston lancent une campagne qui aura un écho immense. Des comités de défense se mettent en place dans le monde entier pour sensibiliser l’opinion sur cette injustice. Ce sera une des premières grande campagne du Secours Rouge International.

Manifestation Sacco et Vanzetti

Manifestation Sacco et Vanzetti


Manifestation Sacco et Vanzetti

Manifestation Sacco et Vanzetti


Manuifestation Sacco et Vanzetti

Manuifestation Sacco et Vanzetti


Manifestation Sacco et Vanzetti

Manifestation Sacco et Vanzetti


30 mai 1927: Manifestation à Bruxelles du Secours Rouge pour Sacco et Vanzetti

30 mai 1927: Manifestation à Bruxelles du Secours Rouge pour Sacco et Vanzetti


Les banderoles du Secours Rouge pour la manifestation du 30 mai 1927 à Bruxelles

Les banderoles du Secours Rouge pour la manifestation du 30 mai 1927 à Bruxelles

Voir le film d’une manifestation à Paris, au Bois de Vincennes, le 7 juillet 1927

En novembre 1925, un bandit avoue de sa prison être l’auteur, avec des membres d’un autre gang, du braquage de South Braintree, mais le juge Thayer refuse de rouvrir le dossier, ce qui relance la vague de protestation internationale. En 1926 la condamnation à mort est confirmée. Malgré la mobilisation internationale intense et le report à plusieurs reprises de l’exécution, Nicola Sacco, Bartolomeo Vanzetti et Celestino Madeiros sont exécutés par chaise électrique dans la nuit du 22 au 23 août 1927, à la prison de Charlestown, suscitant une indignation générale. Le 23 août 1977, le gouverneur du Massachusetts absout les deux hommes et les réhabilite officiellement.

De nombreuses oeuvres (dont un livre d’Howard Fast, l’auteur de Spartacus) ont été consacrée à l’affaire, mais la plus célèbre est la chanson Here’s to you de Joan Baez, sur une musique d’Ennio Morricone, pour la bande originale du film Sacco et Vanzetti de Giuliano Montaldo (1971). La chanson reprend les paroles mêmes de Vanzetti: « Here’s to you Nicola and Bart / Rest forever here in our hearts / The last and final moment is yours / That agony is your triumph. »

A sa condamnation, Vanzetti, avait en effet écrit au juge Thayer : « Si cette chose n’était pas arrivée, j’aurais passé toute ma vie à parler au coin des rues à des hommes méprisants. J’aurais pu mourir inconnu, ignoré : un raté. Ceci est notre carrière et notre triomphe. Jamais, dans toute notre vie, nous n’aurions pu espérer faire pour la tolérance, pour la justice, pour la compréhension mutuelle des hommes, ce que nous faisons aujourd’hui par hasard. Nos paroles, nos vies, nos souffrances ne sont rien. Mais qu’on nous prenne nos vies, vies d’un bon cordonnier et d’un pauvre vendeur de poissons, c’est cela qui est tout ! Ce dernier moment est le nôtre. Cette agonie est notre triomphe. »

Les funérailles de Sacco et Vanzetti

Les funérailles de Sacco et Vanzetti

28/07/2005

« Le Mur »

Né dans une famille pauvre d’origine kurde, Yilmaz Güney débute par de petits rôles dans le cinéma. Il commence à écrire comme scénariste et nouvelliste, ce qui lui vaut 18 mois de prison en 1961 pour « propagande communiste ». À sa sortie, il joue dans une quarantaine de films où ses rôles d’antihéros victimes d’injustices le rendent très populaire. À partir de 1966, il se lance dans la réalisation, il enchaîne des films qui sont à la fois engagés et très populaires. En 1974 il est condamnés à deux ans de prison pour avoir hébergé des révolutionnaires. Libéré peu après grâce à une amnistie générale, il tourne immédiatement un nouveau film mais une nouvelle fois arrêté et est condamné à 15 ans de prison pour « complicité » dans un attentat.

En prison, Guney écrit trois romans, des scénario et réalise à partir de sa cellule trois films: Sürü (Le troupeau) en 1978, Düşman (L’Ennemi) en 1979, et Yol (La permission) en 1982. Ce film racontant l’histoire de cinq prisonniers en permission, remporte un immense succès international ainsi que la Palme d’or à Cannes. Peu après, Güney s’évade de prison et se réfugie en France où il termine son existence dans la clandestinité en raison d’une demande d’extradition de la Turquie. En 1983, déchu de sa nationalité par le gouvernement turc, il signe sa dernière œuvre Duvar, Le Mur.

page_festivalde-trt-yilmaz-guney-gerginligi_302172448.jpg

Le Mur décrit la vie dans un pénitencier à Ankara à l’automne 1981, un an après le coup d’Etat du 12 septembre 1980 du général Evren. Quand on lui a demandé pourquoi son nouveau film parlerait d’une prison, Güney a répondu: « c’est le sujet le mieux approprié à la situation actuelle de la Turquie. » Güney a tourné son film en 1983, en exil, avec des bouts de ficelles et une foule de volontaires, dans une vieille abbaye dans un petit village au nord de la France. Devant la caméra, une centaine d’enfants kurdes (certains venus de Berlin) et avec entre 100 et 200 figurants adultes, généralement des travailleurs d’ateliers de confection ou d’usines de la région parisienne. Une centaine de techniciens amateurs ont collaboré à ce film.

Ce n’est qu’indirectement que le film est politique, mais il l’est puissamment: les personnages suivis sont des condamnés de droit commun, généralement des enfants. Militarisation, règne des petits chefs, sadisme des gardiens, sévices sexuels, délation, gangs, passages à tabac, mutineries réprimées par l’armée et mises en scène macabres, le tableau est terrible et sonne terriblement juste: Yilmaz Güney qui a été enfermé 12 ans dans les prisons turques, sait de quoi il parle.

Güney parvient encore à faire ressortir la bonté humaine, avec la figure du vieux gardien, « tonton Ali », qui tente de protéger « ses enfants », et qui est joué par le seul acteur professionnel du film: Tuncel Kurtiz, le plus important acteur de sa génération (40 ans de carrière, plus de 70 films dont Le troupeau), et qui est décédé l’année passée.

duvar_194537.jpg

Le Mur est le dernier film de Yilmaz Güney, mort en septembre 1984 en exil. Güney: « Je n’ai pas voulu construire la copie conforme d’une prison donnée en Turquie. Il s’agissait plutôt d’une synthèse de toutes les prisons que j’ai connues. Il en a été de même de l’histoire. Bien que l’axe central en soit la révolte des enfants du dortoir 4 à la prison ouverte d’Ankara en 1976, les histoires individuelles parallèles proviennent de témoignages ou d’observations accumulées lors de mes séjours dans différents pénitenciers. (…) Cela a parfois été dur, voire douloureux, en tout cas sans complaisance. C’était la seule façon de rendre la réalité la plus sincère possible. (…) A nous de dire les réalités de la Turquie, pour faire en sorte qu’elles puissent enfin changer ; à eux d’interdire et d’emprisonner pour que rien ne change. Mais pour combien de temps encore ?… »

Quelques extraits:

Dossier(s): Archives Culture antirep Tags:

Notre film

Décembre 1922 – Fondation du MOPR en Russie soviétique

Premier logo du SRI

Premier logo du SRI

C’est le 29 décembre 1922 que la Société des vieux bolcheviks, lors d’une de ses sessions, lance l’idée d’une association russe ‘d’aide et de solidarité internationale aux combattants de la Révolution’ (MOPR); celle-ci reçoit le nom de Secours rouge. Très vite, l’idée est reprise par l’Internationale Communiste et le Secours Rouge s’adjoint de nombreuses sections nationales. Lors de sa première conférence, le Secours Rouge définit ses buts: ‘La conférence souligne particulièrement la signification politique du S.R.I. comme un des leviers les plus importants du front unique pour attirer les larges masses des travailleurs et des paysans sans distinction de parti à la solidarité avec les combattants révolutionnaires emprisonnés.’ L’organisation se veut donc la plus large possible mais se dote d’une structure très centralisée: le congrès des associations nationales membres, réuni au moins tous les deux ans, élit un Comité Exécutif siégeant deux fois par an; ce dernier choisit en son sein un Présidium de neuf membres.

Affiche du SRI

Affiche du SRI

Affiche du MOPR

Affiche du MOPR

1922-1924 – Julian Marchlewski, premier président du SRI

Julian Marchlewski était un des co-fondateurs, en 1893, avec Rosa Luxembourg du Parti social-démocrate de Pologne qui est dissout deux ans plus tard à la suite d’arrestations massives. Il prend part en Pologne à la révolution de 1905. Il rejoint le parti bolchevique, émigre en Allemagne où il est co-fondateur de la Ligue Spartakus et participe à la lutte révolutionnaire en Allemagne. Il est arrêté et plus tard échangé avec la Russie soviétique contre un espion allemand. En 1920, il dirige le Comité révolutionnaire polonais provisoire qui voulait proclamer la République socialiste soviétique polonaise, et qui est dissout après la contre-offensive des armées blanches et la victoire de la réaction en Pologne. Il sera le premier président du Comité Central du SRI jusqu’à sa mort, survenue en 1925.

Julian Marchlewski

Julian Marchlewski

Affiche pour le cinquième anniversaire du MOPR/SRI

Affiche pour le cinquième anniversaire du MOPR/SRI

Septembre 1924 – Le SRI compte déjà 19 sections nationales

En septembre 1924, le SRI tient sa première Conférence internationale. Il réunit à ce moment 19 sections nationales, à savoir:

-Allemagne: Rote Hilfe Deutschlands
-Autriche: Osterreichische Rote Hilfe
-Bulgarie: Organisation für die Unterstützung für die Opfer der kapitalistischen Diktatur
-Espagne: Socorro Rojo Internacional
-France: Secours Rouge International
-Grande-Bretagne: International Class War Prisoners Aid
-Mexique: Liga Pro Luchadores Perseguidos
-Norvège: Norges Roede Hjelp
-Pays-Bas: Rode Hulp Holland
-Pologne: Kommission für die Unterstützung von politischen Gefangenen
-Suède: Internationella röda hjälpen – svenska sektionen
-Union soviétique: Internationale rote Hilfe fûr die Kämpfer der Revolution
-USA: International Labor Defense

Bulletin du SRI

Bulletin du SRI

Carte postale de la section britannique du SRI

Carte postale de la section britannique du SRI

1921-1922 – SRI et SOI

Le Secours Ouvrier International est créé en 1921, un an avant le SRI. Son fondateur est Willy Münzenberg, proche de Lénine, futur député du parti communiste d’Allemagne, très lié aux milieux de l’avant-garde artistique. C’est l’époque du vote du Komintern en faveur de la politique de front unique, entraînant le développement d’organisations de masse. 1921, c’est aussi l’époque de la grande famine en URSS. Le 13 juillet, Maxime Gorki lance un appel international pour que l’on vienne en aide aux affamés. De retour d’un voyage dans ce pays, l’Allemand Münzenberg crée l’Internationale Arbeitershilfe (IAH, SOI en français) rassemblant de nombreuses organisations de gauche et des personnalités du monde entier, comme Albert Einstein, Anatole France, Henri Barbusse. Bientôt partiront du monde entier des bateaux de vivres, sous les auspices du SOI. Le SOI devient tellement puissant qu’il installe toutes sortes d’usines en URSS, bâtit des immeubles, répare les anciens.

Dans un second temps, le SOI devient l’organisation d’entraide internationale du prolétariat en lutte. Le SOI organise des collectes pour soutenir les grévistes, accueille les enfants des grévistes, etc. Les enfants des grévistes du Borinage seront ainsi recueilli par des familles ouvrières françaises et allemandes la durée de la grève.

Willi Münzenberg

Willi Münzenberg

Carnet du SOI

Carnet du SOI

Solidarité du SOI

Solidarité du SOI

Ecouter Ernst Buch qui chante la marche du SOI

Mai 1923 – Fondation de la section française du SRI

En France, L’Humanité annonce le 5 mai 1923 la fondation d’un « Comité de Secours rouge ». Constitué à l’initiative du Parti communiste et de la CGTU, il résulte de la fusion du Comité de secours aux réfugiés étrangers et du Comité pour les victimes du fascisme italien, nés quelques mois plus tôt. Il fonctionne d’abord sur le principe des adhésions collectives d’organisations, jusqu’à son premier congrès constitutif en mai 1925. La section française du SRI est ensuite réorganisée sur la base des adhésions individuelles, dont le nombre dépasse les 40 000 à la fin des années 1920.

Direction de la section française du SRI en 1926: de gauche à droite, assis] Marty, Daniel Renoult, Cadeau, [et debout] Cordier, Rocher, Wallet, Geny, Michel

Affiche en arabe du SR de France: « Ne nous oubliez pas ! »

Mai 1923 – Fondation de la section suisse du SRI

C’est Willi Trostel, un des fondateurs du Parti Communiste de Suisse, qui, de 1923 à 1939, assuma la direction du Secours rouge suisse en qualité de permanent du Secours rouge international. Trostel servait d’homme de liaison avec le centre. Il voyageait beaucoup pour le Secours rouge international (URSS, Allemagne, France, Autriche, Belgique, Hollande, Espagne, Tchécoslovaquie, Danemark, Suède et Norvège), transportant plusieurs fois de grosses sommes d’argent. Il était en contact avec tous ceux qui revenaient de Moscou. En outre, il était rédacteur de l’organe international du Secours rouge international, membre de son comité exécutif et co-responsable de la maison d’édition « MOPR » à Zurich. Au début des années 1930, il participait aux Plénums du comité central du Parti Communiste de Suisse en tant que secrétaire du Secours rouge, il fut élu à cette instance, en 1936. Il assista au VIIe congrès mondial du Komintern. Il succomba à une crise cardiaque durant la guerre.

1924-1933 – Clara Zetkin, présidente du SRI

A la mort de Julian Marchlewski, c’est la grande dirigeante communiste féministe allemande Clara Zetkin qui assume la présidence du SRI. Née en 1857, elle fréquente dès le milieu des années 1870 les mouvements féministes et adhère au parti socialiste. Après l’interdiction du parti par Bismarck en 1870, elle s’exile à Zurich. A Paris, elle participe activement à la fondation de la Deuxième Internationale où elle réclame l’égalité complète des droits professionnels et sociaux de la femme ainsi que sa participation active à la lutte des classes. De retour en Allemagne après l’abrogation des lois anti-socialistes, elle développe le mouvement féminin socialiste et milite sans relâche pour les droits des femmes. En 1907, lors de la première conférence internationale des femmes socialistes, Clara Zetkin est désignée à la présidence du secrétariat international des femmes socialistes à Stuttgart. Le 8 mars 1910, lors de la 2e Conférence internationale des femmes socialistes à Copenhague, elle propose la création d’une ‘journée de manifestation annuelle afin de militer pour le droit de vote, l’égalité entre les sexes, et le socialisme’. Cette initiative est à l’origine de la Journée Internationale des Femmes qui se déroule tous les ans le 8 mars. Elle participe à l’aile gauche du parti social-démocrate allemand et devient très proche de Rose Luxemburg. Opposante à la première guerre mondiale, elle participe avec Rosa Luxemburg à la création en 1915 de la Ligue Spartakiste et elle mène de nombreuses actions pacifistes, et organise notamment une conférence internationale pacifiste des femmes socialistes en 1915 à Berlin, ce qui lui vaudra d’être arrêtée à plusieurs reprises. La révolution allemande de novembre 1918 permet au mouvement féministe d’obtenir le droit pour les femmes de voter et d’être élues. Clara Zetkin adhère au Parti communiste d’Allemagne. Elle est ensuite députée du KPD de 1920 à 1933. Elle sera membre de la direction du KPD et de l’International communiste. En août 1932, présidant le Reichstag en tant que doyenne, elle appellera à combattre le nazisme. Contrainte à l’exil après l’arrivée des nazis au pouvoir et l’interdiction du Parti Communiste d’allemagne (KPD), elle meurt quelques semaines plus tard à Moscou.

Clara Zetkin

Clara Zetkin

Voir notre dossier sur Clara Zetkin

Mai 1925 – Fondation de la section belge du SRI

Son président en est depuis mai 1925 l’écrivain Charles Plisnier (membre du PCB depuis 1921) qui, outre à titre de dirigeant du SRI, participe à de nombreux congrès, voyage dans toute l’Europe comme émissaire de l’Internationale des Jeunesses Communistes, échappe de justesse à la terreur blanche qui sévit dans les Balkans, est nommé commissaire politique lors de l’insurrection soviétique de la Ruhr, participe au Congrès de Moscou et est élu au Présidium juridique international.

Charles Plisnier

Charles Plisnier

1926-1927 – La campagne pour Sacco et Vanzetti

Sacco et Vanzetti

Sacco et Vanzetti

Les années 1919-1920 sont des années de crise aux Etats-Unis. En 1919, on recense 4,1 millions de grévistes qui réclament de meilleurs salaires et une réduction du temps de travail. Les grèves dégénèrent en violence et donnent lieu à des affrontements dans plusieurs grandes villes, comme à Boston. L’année 1920 est marquée par de nombreux attentats anarchistes: les responsables politiques sont touchés, comme le maire de Seattle ou celui de Cleveland, chez lequel une bombe explose. Les bureaux de la banque Morgan à Wall Street sont soufflés par un attentat qui fait 38 morts et 200 blessés. Les autorités prennent des mesures de répression contre les anarchistes mais aussi contre les communistes et les socialistes américains. Certains sont emprisonnés, d’autres contraints de s’exiler.

Le 5 mai 1920, deux anarchistes italiens, Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti sont arrêtés; ils sont soupçonnés d’avoir commis deux braquages (le 24 décembre 1919 à Bridgewater et le 15 avril 1920 à South Braintree où deux convoyeurs sont tués). Le 16 août 1920, Vanzetti seul est condamné pour le premier braquage à 15 ans de prison. Le second procès qui se clôt le 14 juillet 1921 les condamne tous les deux à la peine capitale pour les crimes de South Braintree, malgré le manque de preuves formelles. Des comités de défense et le Secours Rouge y joue un rôle de premier plan. Le 12 mai 1926, leur condamnation à mort est confirmée. Le 26 mai, un bandit dénommé Madeiros avoue de sa prison être l’auteur du braquage de South Braintree, mais le juge refuse d’en tenir compte. Malgré une mobilisation internationale intense et le report à plusieurs reprises de l’exécution, Sacco, Vanzetti et Madeiros passent sur la chaise électrique dans la nuit du 22 au 23 août 1927, suscitant une immense réprobation. Le 23 août 1977, exactement 50 ans après, le gouverneur du Massachusetts absout les deux hommes.

Manifestation pour Sacco et Vanzetti

Manifestation pour Sacco et Vanzetti

30 mai 1927: Manifestation à Bruxelles du Secours Rouge pour Sacco et Vanzetti

30 mai 1927: Manifestation à Bruxelles du Secours Rouge pour Sacco et Vanzetti

Les banderoles du Secours Rouge pour la manifestation du 30 mai 1927 à Bruxelles

Les banderoles du Secours Rouge pour la manifestation du 30 mai 1927 à Bruxelles

Notre dossier sur l’affaire Sacco et Vanzetti

Documentaire sur l’affaire: Première partieDeuxième partieTroisième partieQuatrième partie

1925-1929: Répression du Secours rouge en France

En France, le Secours rouge doit répondre aux offensives judiciaires visant le Parti communiste qui se multiplient tout au long des années 1920. Ainsi, lors de la campagne contre la guerre du Rif au Maroc, en 1925-1926, des centaines de militants sont arrêtés et condamnés. Le 22 avril 1927, dans un discours à Constantine, le ministre de l’Intérieur, Albert Sarraut, proclame « le communisme, voilà l’ennemi ! », auquel Paul Vaillant-Couturier répond le lendemain dans L’Humanité, un brin provocateur : « oui, c’est nous l’ennemi ! ». L’escalade répressive engagée par les autorités, renforcée par la radicalisation du discours communiste et l’adoption par le PC de la stratégie dite de « classe contre classe », culmine à l’approche de la « journée rouge » contre la guerre, le 1er août 1929, avec l’inculpation de centaines de militants et l’ouverture d’une information pour complot contre la sûreté de l’État.

Tract du SR après la « journée rouge » du 1er août 1929

Avril-juillet 1928 – La crise avec la fraction trotskiste en Belgique

En 1928, Plisnier et quelques membres de la section belge du SRI (dont le secrétaire général Guyomard) s’alignent sur Trotsky, en opposition à la direction collective Staline-Zinoniev-Kamenev (la ‘troïka’). La fraction, qui contrôle le Comité Central, essaie d’entraîner la section belge du SRI dans la voie d’un conflit avec l’Internationale Communiste. La direction internationale (le Comité Exécutif et le Présidium) du SRI prononça la dissolution du Comité Central belge au motif qu’il aurait violé la plate-forme du SRI, tandis qu’au sein de la section belge, la lutte de lignes est acharnée (les fédérations bruxelloise et liégeoise rejetèrent ouvertement la ligne du Comité Central contrôlé par les trotskistes et cessent de lui remettre les cotisations). La crise se solda par l’exclusion des trotskistes, et principalement de Plisnier. Celui-ci continuera un temps son engagement trotskiste, puis renoncera très vite à toute activité politique pour se consacrer à la littérature (prix Goncourt 1937 pour Faux passeport, roman basé sur son expérience d’émissaire de l’Internationale Communiste).

Brochure trotskiste

Brochure trotskiste

Décembre 1928 – Pierre Vermeylen, président de la section belge du SRI

Après l’exclusion de Plisnier, c’est le brillant avocat Pierre Vermeylen qui prend la direction de la section belge du SRI. Pierre Vermeylen avait été membre des Jeunesses Communistes puis du Parti Communiste. Il démissionna du Parti Communiste en 1930, en raison de plusieurs désaccords politiques, sans pour autant renoncer à son engagement dans le Secours Rouge. Sous sa présidence le Secours Rouge connaîtra en Belgique un grand développement.

Pierre Vermeylen était alors entouré d’une remarquable équipe d’avocats qui s’engagera dans la Résistance et sera décimée par la Gestapo: Maurice-Robert Beublet (décapité à la hache à Berlin), l’avocat Jean Bastien (mort au camp de concentration de Sachsenhausen) ou Robert Lejour (qui lui succédera à la tête du SR et qui sera abattu par ses geôliers à la prison de Liège). D’autres survécurent comme l’avocat cinéphile Jean Fonteyne (futur sénateur communiste entre 46-49), comme Albert Van Ommeslaghe (qui sera également sénateur du PCB après-guerre), Luc Peereboom (futur juge de paix), Georges Van Steenbeek, Israël Joudanine, Jacques Cyprès, et quelques autres.

Plaidoirie de Pierre Vermeylen

Plaidoirie de Pierre Vermeylen

Meeting à Bruxelles en 1930

Meeting à Bruxelles en 1930

1932: Jean Chaintron, secrétaire général du Secours Rouge en France

Membre actif de la section lyonnaise du Secours rouge, Jean Chaintron adhére au Parti communiste fin 1931, à la cellule de la Croix Rousse. Il devient permanent du SRI à Paris, un membre de son Comité central puis de son secrétariat et le directeur de son hebdomadaire La Défense (1932-1934). Fondateur du Parti communiste algérien (PCA) en octobre 1936, Jean Chaintron sera aussi commissaire politique des Brigades internationales pendant la Guerre civile espagnole, où l’un de ses frères a trouvé la mort. Grand résistant, il fut l’un des deux seuls préfets communistes nommés par le général de Gaulle en 1945.

Jean Chaintron

Juin-juillet 1932 – La grande grève des mineurs en Belgique

La crise économique touche durement les charbonnages et le patronat en fait peser le poids sur les mineurs qui vivent déjà dans une misère noire. Le chômage touche un ouvrier sur cinq à une époque où l’assurance chômage n’est pas universelle et où les conditions d’attributions viennent encore d’être réduites. De nouvelles baisses de salaires sont décidées alors que, les mois précédents, les salaires avaient déjà chuté de 30%! Le 28 juin, la grève éclate au Borinage, elle s’étend dans le Centre. Le 7 juillet, il y a 30.000 grévistes au Borinage et 15.000 dans le Centre et à Charleroi. Les puissantes organisations socialistes n’interviennent pas; seuls le Parti Communiste, le Secours Rouge et, surtout, le Secours Ouvrier International organisent la solidarité. La répression policière et patronale est terrible: manifestants tués, familles grévistes expulsées de leur maison, etc., et cela dans le black-out médiatique. A Roux, le bourgmestre socialiste décrète l’interdiction de rassemblement. Les femmes prennent alors la tête des manifestations, afin de tempérer quelque peu la répression, en brandissant banderoles et calicots sur lesquels on peut lire ‘Non à la crise’, ‘Plutôt la mort que la faim pour nos enfants’, obtenant des travailleurs des autres secteurs qu’ils se joignent à la grève. Les dirigeants socialistes et les syndicats réformistes dénoncent les travailleurs révolutionnaires à la police. L’Etat de siège est proclamé à Mons, Charleroi et Liège, les rassemblements de plus de 5 personnes étaient interdits en rue. La grève prend un caractère insurrectionnel: des barricades sont construites, le château d’un directeur de charbonnage est incendié. Le gouvernement fait intervenir l’armée qui doit protéger non seulement les charbonnages mais aussi les Maisons du Peuple contre les grévistes rendus furieux par la trahison des socialistes. Les enfants des familles grévistes sont accueillis dans des familles ouvrières allemandes et françaises membres du SOI. Voyant le prolétariat dénoncer sa politique de plus en plus largement, les centrales socialistes tentent de reprendre le contrôle. Elles décrètent une grève, obtient des avantages mineurs et organise la fin du mouvement.

Manifestation à Roux

Manifestation à Roux

9 juillet: notre SR fleurit le monument Tayenne au cimetière de Marchienne

9 juillet: notre SR fleurit le monument Tayenne au cimetière de Marchienne

Juillet 1932 – Le gouvernement belge interdit le Secours Rouge

Alors que la grève des mineurs prend un caractère insurrectionnel, le gouvernement tente de proscrire les seules forces qui soutiennent les mineurs. Il fait poursuivre le Parti Communiste pour ‘complot’. Il fait arrêter les principaux dirigeants communistes: Glineur, Lahaut, Cordier, Thon, Leemans, et bien d’autres encore (on n’osa toutefois pas s’en prendre à Jacquemotte, devenu député). Les journaux communistes sont purement et simplement interdits tout comme la Centrale Révolutionnaire des Mineurs (CMR), l’Opposition Syndicale Révolutionnaire, les Amis de l’URSS… et le Secours Rouge. C’est l’équipe des avocats du Secours Rouge qui s’occupa de la défense des dirigeants communistes et des organisations poursuivies. Elle arracha la libération des dirigeants et, après des mois de guérilla juridique, obtint le non-lieu pur et simple. Le ‘complot’ n’irait jamais devant un tribunal.

1932-1933 – ‘Misère au Borinage’

En 1933, un membre important de la section belge du Secours Ouvrier International, (il dirigeait sa Commission de politique sociale) le docteur Paul Hennebert, mène l’enquête sur 25 familles du coron d’un charbonnage où les représailles patronales consécutives à la grève de 32 sont féroces. Ni les syndicats socialistes ni l’Assistance publique n’interviennent. Les familles sont expulsées de leur maison. Le résultat de l’enquête paraît dans une brochure publiée par la section belge du SOI en juillet 1933, une brochure bouleversante intitulée On crève de faim au levant de Mons. De son côté, l’avocat cinéphile Jean Fonteyne, membre du Secours Rouge, avait filmé la manifestation pour Tayenne.

Cela amène André Thirifays (animateur du Club de l’Ecran) à proposer à Henri Storck de réaliser un film sur le sujet. Jean Fonteyne qui était à la fois responsable au Secours Rouge et animateur du Club de l’Ecran, réalise des repérages, trouve un financement, obtient la collaboration des familles ouvrières qu’il connaissait bien, puisqu’il les avait plus d’une fois défendues en tant qu’avocat du Secours Rouge. Henri Storck, auquel s’est joint Joris Ivens, commence la réalisation. Avec très peu d’argent, devant se cacher de la police mais soutenus par toute la population, le tournage se passa dans des conditions difficiles et exaltantes. Comme tout documentaire, il mêle la réalité et la fiction et ceci d’autant plus prodigieusement que ce mélange ne relève pas de la volonté directe des réalisateurs. En effet, dans le film, les deux auteurs avaient organisé, avec des figurants borains, une manifestation de mineurs marchant derrière un portrait de Karl Marx. Les manifestants tenaient en fait leur propre rôle dans la manifestation d’hommage à un ouvrier gréviste tué par la police. Les habitants du corons y participèrent comme à une vraie manifestation. La gendarmerie prit aussi cette reconstitution pour une vraie manifestation et intervint brutalement pour la disperser, ce que la caméra de Storck et Ivens filma également.

‘Crise dans le monde capitaliste. Des usines sont fermées, abandonnées. Des millions de prolétaires ont faim!’ C’est sur ces mots de manifeste et de révolte que s’ouvre ce film fondateur du cinéma belge et une des références les plus importantes du film documentaire. Le film est dur, magnifique. Il a gardé toute sa force, son impact émotionnel d’indignation et de compassion. Il a donné à la classe ouvrière les images les plus fortes de son histoire et de ses luttes. Parmi elles: les expulsions, l’entassement des enfants dans les maisons taudis, leurs visages émaciés et absents, la procession avec le portrait de Karl Marx, le ramassage du mauvais charbon sur les terrils à l’aube, le mineur mendiant etc., sans oublier le choc du raccord des plans: les maisons vides, alors que des sans-abri dorment dehors, une quasi-famine et aucune aide tandis que des sommes importantes sont dépensées pour la construction d’une église…

Joris Ivens, Henri Storck et Jean Fonteyne

Joris Ivens, Henri Storck et Jean Fonteyne

Pour en savoir plus sur le film

Novembre 1932 – Premier congrès du Secours Rouge International

C’est en novembre 1932, à l’occasion du dixième anniversaire du SRI, qu’eu lieu, à Moscou, dans la célèbre salle des colonnes de la Maison des syndicats (là où s’était tenu le congrès de l’Internationale syndicale rouge, où l’on exposera la dépouille de Staline), le premier Congrès international du Secours Rouge. Le SRI compte à cette époque 71 sections nationales totalisants 13,8 millions de membres (5.556.000 pour l’URSS). Pierre Vermeylen y représentait la section belge tandis que la section française était représentée par Marie-Louise Cachin, fille du fondateur du PCF, brillante avocate.

Brochure du SRI

Brochure du SRI

Octobre 1934 – Pour les insurgés asturiens

Affiche pour les asturiens

Affiche pour les asturiens

Affiche pour les asturies

Affiche pour les asturies

En octobre 1934, des insurrections prolétariennes ont lieu à Madrid, en Catalogne et dans les Asturies. Dans les deux premiers cas, la contre-révolution triomphe assez facilement. En revanche, des soviets sont organisés dans la seule région qui y soit prête, la région minière des Asturies. Cette insurrection est parfois appelée la ‘Commune espagnole’ ou la ‘Révolution d’octobre’ puisqu’elle culmine en octobre 1934 lorsque l’armée rouge des mineurs contrôle un territoire de quelques 1.000 km² autour d’Oviedo et au sud de cette ville. L’insurrection est matée dans le sang par les troupes d’Afrique commandées par Franco. La répression ordonnée par le gouvernement est terrible: 1.000 morts et 20.000 prisonniers pour lesquels le Secours Rouge International fait campagne.

Notre dossier sur l’insurrection des Asturies

Années ’30 – Le SRI au zénith

Le danger fasciste augmenta considérablement les responsabilités, les tâches, mais aussi l’écho et la popularité du Secours Rouge International. De nouvelles sections nationales apparaissent, tandis que celles qui ne souffrent pas directement de la répression fasciste (comme en Pologne, en Italie et bientôt en Espagne et en Allemagne) connaissent un grand développement. Voir à ce propos le document suivant:

Rapport sur le Secours Rouge en France en 1935

Le secouriste rouge

Le secouriste rouge

Labor Defender

Labor Defender

Réunion de la section mexicaine

Réunion de la section mexicaine

Le chant du Secours Rouge

-Pour briser l’ardeur des meilleurs combattants,
-Pour vaincre l’essor ouvrier montant,
-Le Bourgeois fait donner sa police.
-Prison, tribunaux, matraqueurs, répression,
-Fascistes tout prêts à servir les patrons,
-Ont jeté tout un peuple au supplice.

Contre ce monde malade
-Jusqu’au jour de l’assaut final
-Protégeons nos camarades
-Qu’un régime infernal
-Frappe dans nos rangs
-Secours à nos combattants!

-Martyrs blancs et noirs des pays coloniaux,
-Chinois et Roumains tous unis au tombeau,
-Innocents qu’on refuse d’absoudre
-Vos cris resteraient sans écho, sans espoir
-Si chacun de nous comprenant son devoir
-N’allait vers vous par le Secours Rouge.

Refrain

-Chacun des méfaits du bourgeois assassin
-Dressant contre lui tout le genre humain
-Porte atteinte à sa propre puissance.
-Unis par ses coups ceux qu’il frappe si fort
-Invinciblement lui préparent le sort
-Du tsarisme écroulé dans sa fange.

Refrain

Pour écouter la musique

Francesco Lo Sardo

Francesco Lo Sardo

Septembre 1933 – Le procès et de contre-procès du Reichstag

Le 27 février 1933, le Reichstag (parlement) était en feu. Les nazis hurlèrent au complot communiste et instaurèrent un régime de terreur. La police allemande avait arrêté à Berlin le dirigeant communiste Dimotrov et deux autres bulgares et l’accusait de l’incendie du Reichstag en complicité avec un vagabond hollandais arrêté sur les lieux de l’incendie, Van der Lubbe, et le président de la fraction communiste au Reichstag, Torgler.

Willi Münzenberg organisa un grand contre-procès. Le président de la section belge du Secours Rouge, Pierre Vermeylen, était le seul ‘apparenté communiste’ du jury. Münzenberg avait veillé à ce qu’il fut pluraliste. Le président du contre-procès était le King’s Councellor Pritt du barreau de Londres. A ses côtés siégeaient l’avocat new-yorkais célèbre pour avoir défendu Sacco et Vanzetti. Siégeait aussi dans la commission le bourgmestre socialiste de Stockholm, un avocat français, une parlementaire libérale néérlandaise, etc. Le contre-tribunal siégea à Londres et rendit son verdict trois jours avant l’ouverture du procès de Berlin, le 18 septembre, en déclarant qu’il était bien probable que le véritable incendiaire fut Hermann Goering, alors ministre de l’intérieur du Land de Prusse.

Au procès, Dimitrov se défendit froidement des accusations et réplique en accusant ses accusateurs, poussant Goering à la faute. Ce procès vaudra à Dimitrov une renommée mondiale. Après avoir été acquitté, il gagne l’Union Soviétique, devient secrétaire général de l’Internationale Communiste de 1934 à sa dissolution en 1943. En 1944, Dimitrov retourne en Bulgarie dont il dirige le Parti communiste, et fonde la République populaire de Bulgarie.

Procès du Reichstag

Procès du Reichstag

Contre-procès

Contre-procès

1360757893-cpa-secours-rouge.jpg

1934 – Bob Claessens, responsable à la section belge du SRI

En 1934, Bob Claessens devient secrétaire régional pour Anvers de la section belge du Secours Rouge International, et finalement membre du Comité exécutif du SRI en Belgique. Avocat, il plaide dans tous les procès politiques. C’est pour le SRI qu’il part en 1937 en Espagne avec mission d’unifier l’aide sanitaire et de rationaliser le service de santé militaire (un de ses deux parrains au Parti, Pierre Ackerman, commissaire politique de la 12e Brigade Internationale, tombe à ce moment sur le front de Madrid). Claessens participe aux travaux du Bureau Européen du SRI en 1937, à Paris, et devient secrétaire international de l’organisation.

Arrêté par la Gestapo en juin 40, il est détenu à Breendonck puis déporté à Neuengamme (où il commença son oeuvre de conférencier au profit de ses co-détenus), puis à Dachau. A la libération, il collabore au journal du Front de l’Indépendance où ses articles sur l’art sont remarqués, plaide et travaille dans le cabinet d’un ministre communiste jusqu’en 46. En 47, il devient responsable des intellectuels du Parti communiste. En 48, il est élu au Comité central et devient responsable à l’appareil de propagande. Il donnera dès lors libre cours à son éclatant talent de conférencier devant des salles combles d’où sortira le Cercle d’Education Populaire. Le succès populaire de ses conférences amena la RTBF à l’inviter pour des causeries sur la peinture à la radio et à la télévision à partir de 1963. En 1969, Claessens publie son chef d’œuvre: Notre Breughel. Il aura le temps d’en mesurer le succès avant de mourir le 7 août 1969.

Autre dirigeant de la section belge du SRI à l’époque, Charles Jacquemotte, frère ainé du fondateur du PCB, qui mourra en déportation à Dachau en février 1945.

Bob Claessens

Bob Claessens

1935 – Robert Lejour, président de la section belge du SRI

En 1935, Pierre Vermeylen s’oppose à son tour à la ligne du Praesidium du Secours Rouge International. Il démissionne de son poste, et s’éloigne du mouvement communiste pour se rapprocher du parti socialiste, dans les rangs duquel il sera après-guerre sénateur et ministre. C’est l’avocat Robert Lejour, devenu membre du Parti Communiste, et qui avait accompagné Vermeylen à Moscou en juillet 1934 lors de la discussion entre le Comité Central de la section belge et le Praesidium international, qui en devient président. Sous l’occupation nazie, Robert Lejour fut le fondateur du mouvement ‘Justice Libre’, qui regroupait les avocats, les juristes et les juges résistants dans le cadre du Front de l’Indépendance. Il dû passer à la clandestinité le 16 décembre 1942. Il commanda une unité de partisans armés jusqu’à son arrestation le 9 mai 1944. Robert Lejour fut abattu le 22 juin à la prison de Liège par un geôlier nazi.

Robert Lejour

Robert Lejour

1936 – Le Secours Rouge devient en France le Secours populaire

Suite des événements de février 1934, le Parti communiste opère progressivement un rapprochement avec les socialistes et les radicaux en préconisant une large alliance antifasciste. Ce tournant unitaire du PC, qui reçoit l’aval de l’Internationale communiste lors de son 7e congrès à l’été 1935, débouche sur la constitution du Front populaire, victorieux aux élections législatives de 1936.
Le Secours rouge se transforme, en changeant à deux reprises sa dénomination au cours de l’année 1936. Optant dans un premier temps pour l’appellation « Secours rouge de France », en mars 1936, il devient à l’automne suivant le « Secours populaire de France et des colonies ». Le Secours populaire connaît un important développement et devient une véritable organisation de masse bénéficiant d’une forte base de masse – ses effectifs progressent de moins de 35 000 en 1933 à plus de 180 000 cinq ans plus tard.

Publication du Secours Populaire de France de 1936

1936-1939 – La guerre d’Espagne

Préparé de longue date, le soulèvement militaire fasciste éclate le 17 juillet 1936, mais sa mise en échec partielle contraignit les militaires putchistes (soutenus par l’Eglise, Hitler et Mussolini), et le gouvernement de Front Populaire (soutenu par l’URSS et, très timidement, par les démocraties occidentales) à se livrer une guerre totale, imprévue, longue et meurtrière. Dans la logique du Front Populaire, le Secours Rouge est devenu en France le Secours Populaire: il est en première ligne pour aider l’Espagne républicaine. En Belgique comme partout, les membres du SRI organisent des quêtes pour acheter du lait pour les enfants d’Espagne, des collectes de vivres et de vêtements. Des camions de la solidarité parcourent la campagne, on affrète des péniches, des trains et des bateaux.

Affiches du SRI catalan

Affiches du SRI catalan

Affiche du comité de Valence

Affiche du comité de Valence

1933-1940 – Le soutien aux antinazis exilés ou emprisonnés

Les campagnes pour dénoncer les crimes nazis, celle exigeant l’acquitement de Dimitrov, celle exigeant la libération de Thaelmann (dirigeant du Parti Communiste d’Allemagne) eurent un grand retentissement. Le Comité Thaelmann, créé à Paris en mars 34, avait organisé en outre un grand nombre de meetings (rassemblant plus de 100.000 personnes rien qu’en 1935!), lâché des centaines de ballons sur l’Allemagne sur lesquels étaient écrit Freiheit für Thälmann, envoyé des délégations, organisé un contre-tribunal avec 300 juristes, etc.

Le Secours Rouge allemand souffrira beaucoup de la répression nazie. Par milliers, ses membres et ses dirigeants sont envoyés en camp de concentration. Ils seront nombreux à être exécutés, comme Johanna Kirchner qui avait été emprisonnée par Vichy et livrée à la Gestapo en 1942. C’est une des rares dirigeantes du Rote Hilfe qui venaient du parti socialiste. D’abord condamnée à dix années d’emprisonnement, Johanna Kirchner fut rejugée et exécutée le 9 juin 1944. Le Secours Rouge a pu maintenir une activité clandestine sporadique. C’est ainsi qu’un autre dirigeant du Rote Hilfe, Wilhelm Beuttel qui avait reconstitué l’organisation en Allemagne fut arrêté par la Gestapo en 1943 et exécuté en 1944.

Le Défense

Le Défense

Tribunal

Tribunal

Affiche de la section belge

Affiche de la section belge

1936-1939 – Dans les griffes de la Gestapo

Le site Nicht mehr anonym (‘Plus jamais anonyme’) a mis en ligne les fiches des personnes arrêtées par la Gestapo de Vienne. Voici les fiches de quelques membres du Secours Rouge autrichien clandestin.

Léopold Blatsky

Léopold Blatsky

Le chauffeur automobile Leopold Blatzky a été arrêté le 23 mars 1943 comme cotisant au SR. Condamné le 18 novembre 1943 pour ‘haute trahison’ à 10 ans de réclusion. Détenu jusqu’à la fin de la guerre.

Ernst Bohl

Ernst Bohl

Le porteur de valise Ernst Bohl a été arrêté le 22 février 1944 comme cotisant au SR. Condamné le 2 juin 1944 pour ‘haute trahison’ à 3 ans de réclusion. Détenu jusqu’à la fin de la guerre.

Alfred Eschner

Alfred Eschner

L’ajusteur Alfred Eschner organisait dans l’usine à gaz Leopoldau, dans le cadre du SR, le soutien aux familles des collègues de travail antifascistes emprisonnés. Arrêté le 21 janvier 1942, condamné à mort le 19 décembre 1942 pour ‘haute trahison’, et exécuté à Vienne le 13 avril 1943.

Josef Fatina

Josef Fatina

Le retraité Josef Fatina donnait et encaissait les cotisations pour le SR. Arrêté le 26 mai 1941 et condamné le 4 février 1943 pour ‘haute trahison’ à 6 ans la réclusion. Sa femme, Franziska Fatina, a également été arrêtée.

Johann Dragosits

Johann Dragosits

Le chauffeur Johann Dragosits recrutait et récoltait des dons pour le SR. Arrêté en septembre 1942, condamné à mort le 15 mars 1944 pour ‘haute trahison’ et exécuté le 24 mai 1944.

Josef Blaschek

Josef Blaschek

L’employé des postes Josef Blaschek a été arrêté le 24 février 1944, membre du SR, il aide un militant communiste évadé, Friedrich Schwager. Condamné à mort le 30 juin 1944 pour ‘haute trahison’ et ‘aide à l’ennemi’. Exécuté le 30 août 1944 à Vienne.

Voir d’autres fiches

1940-45 – La section belge du SRI se fond dans ‘Solidarité’, la ‘Croix-Rouge du Front de l’Indépendance’

En 1941 est fondé, à Bruxelles, dans la clandestinité, le Front de l’Indépendance qui regroupera vite l’ensemble de la Résistance anti-hitlérienne – à l’exception de la droite catholique-royaliste et de quelques réseaux d’espionnages liés aux services secrets anglais.

En 1942, le Front de l’Indépendance se dote d’une organisation d’aide aux victimes de la répression nazie et à leurs familles, aux réfractaires au travail obligatoire, aux illégaux, aux persécutés. Ce sera ‘Solidarité’, la ‘Croix-Rouge du Front de l’Indépendance’. Le Secours Rouge se dissout dans cette nouvelle organisation large qui aura bientôt son organe clandestin national intitulé Solidarité.

A cela s’ajoutent des organes de presse régionaux. Ainsi par exemple, au cours de l’été 1943, paraissent deux mensuels édités par le comité régional Huy-Waremme de ‘Solidarité’. L’Entr’Aide est fondé en juin 1943. Ronéotypé puis imprimé (à 2.000 exemplaires), il compte au total 5 numéros et est diffusé jusqu’à juillet 1944. Le second, Bulletin intérieur de Solidarité, connaît une existence bien plus brève.

Cassandre

Cassandre

Février 1971 – Première refondation du Secours Rouge en Belgique

Dans les années 1970, en plein essor du militantisme en Europe, dans le but de venir en aide aux militants arrêtés durant les manifestations et les grèves, le Secours Rouge était une première fois refondé. Cette refondation fut menée à bien par des organisations marxistes-léninistes comme le Parti Communiste Marxiste-Léniniste de Belgique (PCMLB), les maoïstes de l’organisation ‘Université Usine Union’ et de ‘Tout le pouvoir aux travailleurs’ et par les trotskistes de la Jeune Garde Socialiste (organisation de jeunesse de la Ligue Révolutionnaire des Travailleurs, l’actuelle LCR).

Journal du SR

Journal du SR

SR ULB 1971

SR ULB 1971

1971-1976 – Echec de refondation d’un Secours Rouge International

Cette refondation du Secours Rouge n’était pas propre à la Belgique. De semblables démarches en France (sous la présidence de l’ancien commandant de la résistance armée communiste Charles Tillon et avec l’adhésion de Jean-Paul Sartre), en Italie (avec l’adhésion de Dario Fo et de Franca Rame) et ailleurs. Parmi les fondateurs du SR italien, Sergio Spazzali, avocat des brigadistes rouges et militant communiste lui-même, puisqu’il fut l’un des fondateurs de la ‘Cellule pour le PCC’, un des courants constitutifs du PCPM. Sergio Spazzali est mort en exil, à Paris. Finalement, seul le nouveau Secours Rouge allemand (Rote Hilfe) passera le cap du reflux des luttes à la fin des années ’70, et le projet d’unir ces organisations en un nouveau SRI échoua.

Charles Tillon, Secours rouge

Charles Tillon, Secours rouge

Affiche du SR italien

Affiche du SR italien

Affiche du Secours Rouge de France

Affiche du Secours Rouge de France

Livre du SR italien

Livre du SR italien

Décembre 1985 – Fondation de l’Association des Parents et Amis des Prisonniers Communistes (APAPC)

Le 15 décembre 1985, quatre militants des Cellules Communistes Combattantes sont arrêtés et placés à l’isolement carcéral. Leurs proches se forment aussitôt en Association des Parents et Amis des Prisonniers Communistes (APAPC). Ils lutteront d’abord pour que soit mis fin au régime d’isolement, ensuite pour que soit appliqué aux prisonniers les procédures de libération conditionnelle.

Affiche de l'APAPC

Affiche de l’APAPC

Affiche de l'APAPC

Pour en savoir plus sur la lutte des Cellules Communistes Combattantes

Décembre 2000 – Fondation de la Commission pour un Secours Rouge International

Logo du SRI

Logo du SRI

Le premier ‘tour de table’ pour la refondation d’un Secours Rouge International, convoqué par l’Association des Familles et des Amis des Prisonniers Politiques (Espagne) a rassemblé à Lyon, en décembre 2000, des délégués de Belgique, France, Suisse et Italie. L’APAPC y représentait la Belgique. C’est à la suite de cette réunion que sont issus la Commission pour un SRI, et la Plate-forme pour un SRI.

Pour en savoir plus sur la Commission pour un SRI

Janvier 2001 – L’APAPC devient Secours Rouge/APAPC, section belge de la Commission pour un Secours Rouge International

A la suite de la réunion de Lyon, la question s’est posée pour l’APAPC de se convertir en Secours Rouge. Cela supposait plusieurs changement, et notament un élargissement du cadre de travail et un nouveau caractère politique. Quelques proches des prisonniers des CCC qui s’étaient engagé sur base de rapports personnels avec eux prirent un peu de distance (en continuant à participer aux initiatives consacrées à ces prisonniers), mais l’essentiel de l’APAPC réalisa sans difficulté sa ‘conversion’ en Secours Rouge/APAPC, et celui-ci, sur ces nouvelles bases, avec un apport de nouveaux membres venus notamment de l’ex-PCMLB, connu une phase de croissance qui coïncida avec la fin de la campagne pour la libération de Pierre Carette, le dernier prisonniers des CCC.

Manifestation pour Pierre Carette

Manifestation pour Pierre Carette

040105_-_affiche_jpeg.jpg

Décembre 2005 – Le Secours Rouge/APAPC fête ses vingt années d’existence

Au moment où le Secours Rouge/APAPC fête ses vingt années d’existence, il connait des tensions internes qui se résoudront l’année suivante. Le travail militant n’en ralentit pas pour autant. Le Secours Rouge/APAPC est alors une des forces fondatrices de la Coordination Anti-Répression avec l’Espace Marx et le ‘Collectif des plaignants du 23 février 2003’ (fondé après la brutale répression de la manifestation de Steenokerzeel). La Coordination Anti-Répression organisera plusieurs conférences (sur la criminalisation des luttes, le pays basque, sur les lois anti-terroristes, sur la sécurité informatique) jusqu’à sa mise en veilleuse suite à la dissolution du ‘Comité des plaignants’ dont les derniers membres actifs ont rejoints le Secours Rouge. Par ailleurs, le Secours Rouge a développé une relation particulière avec le Bloc Marxiste-Léniniste qui prendra fin en 2009.

Solidarité

Solidarité

Logo CAR

Logo CAR

Plate-forme de la Coordination Anti-Répression

Novembre 2005 – Vers la refondation du Secours Rouge International

En novembre 2005, se tient la première Conférence internationale de Bâle, à l’initiative de la Commission pour un SRI, visant à relancer la lutte internationale contre la répression. 42 délégués de 25 organisations de 7 pays ont participé à cette première conférence. Au fil des conférence s’est constitué un ‘groupe de Bâle’ pour la refondation d’un véritable SRI. Le passage de la simple coordination de groupes indépendants à la construction d’une organisation internationale centralisée, est complexe. Surtout qu’il s’agit de forces ayant des histoires, des cultures politiques, des réalités militantes et des terrains de luttes très différentes. Chaque conférence enregistre des progrès qui sont expérimentés/vérifiés dans la pratique commune les mois séparant les conférences.

Délégués à Bâle

Délégués à Bâle

Juin 2008 – Le Secours Rouge/APAPC dans le collimateur…

Début 2007, la police italienne découvre les photos de quatre membres du Secours Rouge de Belgique chez un révolutionnaire italien. Pendant un an et demi, la police belge espionne les 4 militants: écoutes téléphoniques, étude des mails et des comptes bancaires, caméras vidéo braquées sur les domiciles, etc. En vain: l’espionnage ne révèle que des activités politiques légales et publiques. Tentant le tout pour le tout, la juge d’instruction envoie le 5 juin, à 5h du matin, dans dix domiciles, des commandos anti-terroristes, armés et cagoulés pour éveiller les militants, leurs familles et leurs proches. Les perquisitions se révèlent également infructueuses. La juge s’acharne pourtant. Elle met les militants en prison et les inculpe de ‘participation à activité terroriste’! Une grande vague de solidarité se lève en réaction à ces arrestations. Deux mois plus tard, les chambres du conseil remet en liberté tous les inculpés, en attendant de décider si il y aura ou non matière à procès. Le justice belge va dès lors user de manoeuvres dilatoires pour éviter un procès qui s’annonce mal pour elle et, dix ans plus tard, le 5 octobre 2018, l’affaire est définitivement prescrite. Lire la chronologie de l’affaire

Manifestation pour le SR belge

Manifestation pour le SR belge

Manifestation pour le SR belge

Manifestation pour le SR belge

 

colweb-2.jpg

Pour nous aider à compléter cet historique et à monter une exposition itinérante sur le sujet, merci de nous faire parvenir des documents d’époque ou de bonnes reproductions de documents sur l’histoire du Secours Rouge.

– [fond rouge]Avis [/fond rouge]

La publication de ce guide légal n’est pas une invitation à respecter la loi.

Le travail anti-répression du Secours Rouge est partie intégrante du combat révolutionnaire anti-capitaliste. Si nous pensons qu’il faut utiliser les moyens légaux, nous savons qu’ils ne suffiront pas pour renverser l’ordre existant. Comment pourrait-il en être autrement puisque le droit ne fait qu’entériner un rapport de force social, ne fait que faciliter la reproduction de l’ordre existant? Adopter les limites du droit bourgeois pour lutter contre le pouvoir de la bourgeoisie, c’est se couper le pied pour le faire entrer dans la chaussure.

Ce petit guide légal se contente d’aider à faire les choix (Est- ce légal? Est-ce illégal?) pour permettre de savoir quand on franchit la ligne autorisant la répression légale, et donc de prendre les dispositions d’usage, à commencer par l’anonymat…

– [fond rouge]Manifestations: autorisées, tolérées, interdites[/fond rouge]

La constitution garantit le droit de manifester. Mais ce droit est noyé parmi les règlements de police, communaux,… Les com- munes exigent une demande préalable qui sera la plupart du temps acceptée après un entretien téléphonique. Les manifestations non-autorisées risquent d’être étouffées dans l’œuf avant d’avoir commencé, mais peuvent aussi être tolérées. Il y a deux zones où la tolérance est complètement nulle (sous peine d’une amende administrative de 250€): à moins de 50m de toute ambassade/consulat (possible avec autorisation). A Bruxelles, il n’y aura pas d’autorisation dans la “zone neutre” (la zone comprend la rue Ducale, la rue de Louvain (de la rue du Nord à la rue Royale), la rue Royale (du carrefour des rues de la Croix de Fer, de l’Enseignement et du Treurenberg à la Place Roy- ale), la place des Palais, la place du Trône, la rue Bréderode et l’intérieur de la zone délimitée par ces voies publiques, ainsi que le parlement de la Communauté Française, la maison des parlementaires flamands et le complexe du Forum appartenant à la Chambre).

– [fond rouge]Anonymat[/fond rouge]

La police filme les manifestants à des fins de fichage, via des photographes en civil, des caméras fixes ou même des hélicoptères. Dans certains pays, la tradition militante est de ne pas se laisser faire : masques, calicots, expulsion des photographes à l’intérieur de la manif’,… En Belgique, les masques, cagoules, grimages sont interdits.

– [fond rouge]Interdit[/fond rouge]

Rébellion: C’est un délit dont les policiers n’hésitent pas à se servir.C’est une résistance contre les forces de l’ordre qui agissent pour exécuter les lois, avec violence (même légère), ou menaces (le policier craint un danger réel et imminent). Ceci comprend les cas où : vous vous débattez alors que vous êtes maintenu par un policier, vous frappez un policier hors cas de légitime défense, vous foncer sur un barrage de police. Il y a circonstance aggravante si vous êtes en bande (2 ou +), si vous êtes armé (une pancarte suffit). Le refus d’obéir à un ordre n’est pas de la rébellion : vous pouvez vous coucher par terre et vous laisser trainer (résistance passive, il faudra deux ou trois policiers pour vous déplacer), vous enfermer dans un refuge, vous enfuir pour échapper à l’arrestation, proférer des menaces clairement fantaisistes.

Diffamation, injure,calomnie

Calomnie: la peine encourue est de huit jours à un an d’emprisonnement plus une amende. La dénonciation ca- lomnieuse est punie par un emprisonne- ment de quinze jours à six mois et une amende. Ce qui constitue la calomnie est évalué par le
tribunal.

– [fond rouge]La police dans les lieux publics[/fond rouge]

La police a le droit de:
– vous demander de prouver votre identité. En théorie vous pouvez le faire de n’importe quelle manière (permis de conduire, carte étudiant,..). En pratique ne pas montrer votre carte d’identité (ou votre passeport) amène souvent une arrestation administrative.
– procéder à une ‘fouille de sécurité’, superficielle et sans vous déshabiller, dans le cas où l’ordre public serait menacé: per- sonnes, sacs, voitures,… peuvent-être fouillés. Cela doit-être fait en moins d’une heure, la police ne peut pas vous forcer à monter dans un combi pour le faire.
– procéder à une fouille plus approfondie si elle dispose d’un mandat d’arrêt. La fouille peut durer 6h, vous pouvez y être déshabillés. Un examen de l’intérieur du corps ne peut être opéré que par un médecin mandaté.

– [fond rouge]Différents types d’arrestations[/fond rouge]

Administrative : en cas d’absolue nécessité, de menace à l’ordre public, si la police pense que vous allez commettre une infraction. Il n’y a pas de mandat d’arrêt, vous êtes privés de liberté pour maximum 12h. Vous n’avez pas le droit à un avocat, vous n’avez pas le droit à prévenir que vous êtes là sauf si vous êtes mineur. Les étrangers en situation irrégulière peuvent être privés de liberté durant 24 h. L’arrestation administrative en cas de troubles sur la voie publique en état d’ivresse est quant à elle limitée à 6 h.

Judiciaire sans mandat : Pareille que la précédente, mais le procureur du roi est prévenu, la durée maximale de privation de liberté est augmentée à 48h. Vous n’avez pas droit à un avocat. Ce type d’arrestation a lieu en cas de flagrant délit.

Judiciaire avec mandat d’arrêt : Le procureur du roi ou un juge d’instruction en décide, vous êtes entendu dans les 48h par un juge d’instruction qui peut décider de délivrer un mandat d’arrêt et vous faire mettre en prison. Dans ce cas, exigez un avocat : même s’il est peu probable que la police respecte ce droit. Vous avez le droit de prévenir quelq’un pourvu que cet appel ne risque pas de nuire à une éventuelle enquête judiciaire.

– [fond rouge]Utilisation de la force par la police[/fond rouge]

Un policier peut recourir à la force moyennant trois principes: légalité (objectif et cadre prévus par la loi), nécessité (il ne doit pas avoir d’autres moyens d’accomplir son objectif), proportion- nalité (il ne peut pas utiliser plus de force qu’il n’en faudrait). Il doit également avertir qu’il va faire usage de la force sauf si cela rend l’action inopérante. Un policier peut utiliser son arme dans trois cas : légitime défense, contre une/des personnes armées ou très probablement armées, en cas d’absolue nécessité pour défendre les personnes/biens/lieux confiés à sa protection.

– [fond rouge]Résistance[/fond rouge]

Si un policier commet une illégalité grave et flagrante vous pou- vez l’en empêcher, même par la violence. Cette violence doit être strictement nécessaire et proportionnelle (vous pouvez fermer la porte au nez, former un cordon mais pas donner des coups de poing, sauf si lui vous donne des coups de poing, …) Ceci est théorique, dans le cas d’un passage au tribunal la police aura un dossier en béton, vous devez être en mesure de prouver que l’usage de la violence était légitime.

– [fond rouge]Invoquer la légitime défense[/fond rouge]

Les conditions légales sont très strictes, on peut répondre à une attaque : si elle est violente, accompagnée d’une menace grave (vous avez le droit de défendre un ami), actuelle ou imminente (quelques minutes plus tard, ce sont des représailles et pas de la légitime défense), injuste (si les policiers utilisent la force en respectant scrupuleusement les conditions légales, légalement, vous n’avez pas le droit de réagir), dirigée contre des personnes (mais pas votre appareil photo), proportionnelle (on ne peut pas lancer une grenade offensive en réponse à une bousculade)

– [fond rouge]Violence excusée par la provocation[/fond rouge]

La provocation est un fait qui suscite la colère ou la crainte, qui entraine une infraction par réaction spontanée. Elle peut-être excusée moyennant les conditions suivantes: illégale, exercée contre une/des personnes, actuelle. Veillez à rassembler preuves et témoignages.

Photos, Empreintes, ADN: Une directive ministérielle donne le droit aux policiers de pho- tographier les personnes en arrestation administrative “s’il y a soupçon d’appartenance à un mouvement”; ce qui peut s’appliquer bien sûr aux manifestants.

– [fond rouge]Interrogatoire[/fond rouge]

Un interrogatoire signifie en général qu’ils n’ont pas assez de preuves. N’ayez surtout pas peur: le véritable danger est qu’ils sont en train de récolter des preuves. Ne les aidez pas. Vous n’avez rien à déclarer. La police peut vous demander n’importe quoi, mais vous n’êtes pas obligés de répondre. Ne le faites pas. Vous pouvez refuser de répondre, garder le silence et expliquer que vous n’avez rien à dire. Ce refus ne peut être considéré comme un aveu. Si vous faites malgré tout une déclaration, vous avez le droit de relire, de modifier, d’ajouter et d’en recevoir une copie. Vous n’êtes pas obligé de signer votre déclaration. Ne le faites pas. Il n’y a pas d’exception à ces droits. Les règles sont les mêmes face au juge d’instruction. Informez vos compagnons de cellule sur ce point. N’en dites pas trop : il n’est pas exclu que des policiers en civil soient en cel- lule, que des micros soient placés dans la cellule ou qu’un de vos compagnons soit très bavard dans sa déclaration.

– [fond rouge]Avocat[/fond rouge]

Vous y avez droit si vous êtes inculpé. Votre avocat est votre allié dans le cadre du droit : il veut votre libération. Mais ne perdez pas de vue les enjeux politiques et collectifs. Il vaut mieux perdre sur le terrain légal que de charger vos co-détenus ou perdre vos logiques politiques.