Le 10 octobre 1981, lors de la dictature militaire, un an après le coup d’Etat de l’OTAN en Turquie, dans le hameau de Derê Garedesi (Kale Deresi), les militaires sont venus chez M. Seyfi Firik, où se trouvent 2 de ses fils, Ekber et Behzat, en vacances, de retour de ses études. Les soldats prennent le thé, et demandent à ce que Bezhat les guident sur leur chemin. Ekber se propose, puisque Behzat, étudiant, ne vivant plus au hameau, ne connaît plus aussi bien les chemins du pays.

Les soldats emmènent néanmoins de force Behzat, 20 ans. Alors qu’ils cheminent, Ekber les rejoint, ne souhaitant pas laisser seul son frère avec la troupe. Un officier et quelques soldats sont menaçants, frappent les deux frères alors qu’ils marchent vers Hozat, dans la forêt de Kale. Le soleil se couche dans la vallée, la troupe s’arrête, prépare un feu, ligote séparément les deux frères à deux arbres. Ekber est aveuglé avec un bandeau. L’interrogatoire de Behzat commence, à propos de combattants clandestins du Dersim. L’officier Aytekin Içmez demande où sont les ‘terroristes’, combien ils sont, etc. Behzat ne peut répondre. La troupe commence à le torturer, en chauffant à blanc leurs poignards et en incisant la peau, les yeux, en le brûlant sur tout le corps. Behzat hurle, la troupe lui projette de la braise incandescente, lui brûle les pieds. Ekber a témoigné: après s’être débarrassé de son bandeau, avoir assisté aux exactions, entendu les hurlements de son frère, et s’être évanoui. A son réveil, il entend l’officier donner l’ordre d’achever Behzat, entend un coup de feu et voit par la suite le cadavre de son frère. Il perd connaissance à nouveau. Seul le sous-officier Hüseyin Necatigiller s’oppose aux tortures, mais en vain.

Dans la soirée, la troupe reprend son chemin, et jette Ekber, encore inconscient, à proximité de chez lui. Lorsqu’il reprend conscience, il avertit sa famille et les habitants du hameau, et les conduit jusqu’au lieu du drame. Ils retrouvent le corps sans vie brûlé, mutilé de Behzat. La famille Fikir porte plainte. Une enquête commence, mais sans résultat. Environ 5 années plus tard, dans une émission de télé en direct, Kamer Genç, député de Tunceli, demande au premier ministre Turgut Özal d’ouvrir le dossier Firik. Environ 5 années plus tard, un procès s’ouvre, et aboutit à la condamnation de l’officier Aytekin Içmez. Celui-ci ne purgera jamais sa peine et sera amnistié. En 1994, la famille Firik abandonne son hameau et s’installe non loin, au village de Hülükusagi. L’armée turque brûle ce village cette même année, expulse et disperse les habitants.

Le 28 septembre 2009, soit quasiment 28 ans jour pour jour après la mort de Behzat, une unité armée de l’une des deux guérillas marxiste-léniniste-maoïste (en l’occurence HKO – Armée Populaire de Libération) a exécuté Aytekin Içmez, l’officier tortionnaire et assassin, dans sa maison de Bursa.

La Haute Cour Régionale de Stuttgart a condamné Ilhan Demistas, 40 ans, (de nationalité allemande), Mustafa Atalay, 52 ans et Hasan Sudasi, 46 ans, pour avoir levé des fonds et rassemblés des armes pour le DHKP-C. Atalay a écopé de 5 ans de prison, tandis que Demistas et Subasi ont pris respectivement 3 ans et demi et 2 ans et 11 mois. Demistas et Atalay ont également été condamnés pour faux en écritures. A la fin juillet, les trois hommes ont admis leur appartenance au DHKP-C, allégeant ainsi la sentence.

Demistas et Atalay sont sortis libres du tribunal, ayant déjà purgé la totalité de leur peine avant et pendant le procès, qui a duré 15 mois. Atalay, qui a écopé de la peine la plus lourde est accusé d’être le responsable des activités du groupe en Allemagne, tout en étant en charge des membres en Grande-Bretagne. Toutes les inculpations reposent une dossier de la police belge concernant une tentative de contrebande d’armes vers la Turquie en 2002. Le procès des deux derniers inculpés continue.

Güler Zere est une jeune prisonnière politique de 37 ans, incarcérée en Turquie depuis 14 ans pour son appartenance au DHKP-C après avoir été condamnée à 34 ans de prison. Elle souffre d’un cancer en phase terminale qui se propage dans sa bouche et au niveau de ses tempes. Dépistée tardivement, sa maladie a été très mal traitée du fait de sa captivité. Ses avocats, sa famille et ses amis appuyés par plusieurs dizaines d’ONG turques, demandent aux autorités l’application de la loi turque qui prévoit la libération conditionnelle des prisonniers gravement malades, afin qu’elle puisse bénéficier d’un traitement dans de meilleures conditions sanitaires.

Lundi dernier, la police a attaqué les participants au sit-in organisé par TAYAD, l’association des familles de détenus devant l’hôpital de Balcali à Adana, à coups de matraques et de gaz lacrymogènes.

Demain vendredi 17 juillet, le Comité belge des libertés collectera des signatures pour réclamer la libération immédiate de Güler Zere devant les marches de la Bourse de 14h à 16h.

Une nouvelle arrestation s’est ajoutée aux lots croissants d’arrestations dont sont victimes en Europe les réfugiés politiques originaires de Turquie et du Kurdistan. Yasar Ildan, qui était venu en Europe en raison de problèmes politiques, s’était rendu en Espagne avec sa famille pour passer ses vacances. Il a été mis en garde à vue le 18 mai et incarcéré à la prison de Madrid. Yasar Ildan, qui est bénéficiaire d’un titre de séjour et d’une autorisation de travail en Allemagne, a le droit de se déplacer dans n’importe quel pays de l’Union Européenne et ne fait l’objet d’aucune interdiction. Il s’était déjà rendu en Espagne pour des vacances sans rencontrer de problème. Alors qu’il s’est rendu à nouveau en Espagne pour passer ses vacances, Yasar Ildan a été cette fois arrêté sous le prétexte qu’un mandat d’arrêt international avait été émis part la Turquie.

Yasar Ildan est membre de la Confédération des Opprimés Immigrés en Europe AvEG-KON et aussi de l’association multiculturelle qui fait partie de cette Confédération. Il avait été mis en garde à vue à plusieurs reprises et incarcéré en Turquie en raison de son identité politique. L’arrestation de Yasar Ildan en raison de son identité par les autorités espagnoles démontre les liens étroits entretenus par l’Espagne avec l’état fasciste furc. L’AvEG-KON appelle à se solidariser avec Yasar Ildan et à protester contre son l’arrestation.

Logo de l'AveEG-KON

Logo de l’AveEG-KON

Pour le contact en Belgique

Ce mardi 7 juillet, une délégation de sept personnes de notre Secours Rouge/APAPC s’est rendue à Stammheim/Stuttgart afin de prendre part à un rassemblement dans le cadre du procès contre cinq militants révolutionnaires membres du DHKP-C (cf notre article posté le 4 juillet dernier). Ils ont eu l’occasion d’assister à la journée de débats au tribunal.

La matinée était consacrée à l’interrogatoire d’un commissaire de police (témoin à charge), tandis que l’après-midi, les avocats des accusés ont longuement commenté et contesté certaines pièces versées au dossier. Cette dernière a également été marquée par une action de nos amis du Secours Rouge en Allemagne. Ceux-ci se sont levés durant l’audience pour enlever leurs pulls et dévoiler un slogan floqué sur leurs T-shirts ‘non au § 129’, l’article de loi allemand au nom duquel les cinq personnes sont inculpées. Cette manifestation d’opinion a entraîné une évacuation manu militari de l’assistance et des accusés hors de la salle ainsi qu’une suspension de l’audience durant plus de 30 minutes. La journée au tribunal s’est achevée par une remise en question de l’impartialité du juge par un des avocats. En attendant l’examen de la situation, et l’éventuel remplacement du président du tribunal, aucune date n’a été fixée pour la prochaine audience.

Notre délégation a profité de sa présence à Stuttgart pour aller, en compagnie de quelques militants allemands, fleurir la tombe d’Andreas Baader, Gudrun Ensslin et Jan-Carl Raspe, les membres de la RAF (Rote Armee Fraktion) qui avaient été condamnés à l’emprisonnement à perpétuité en 1977 et assassinés dans cette même prison où sont actuellement retenus et jugés les 5 militants du DHKP-C. (cf. notre dossier Stammheim 77). Le Secours Rouge/APAPC tient à remercier les membres des Secours rouge d’Allemagne pour leur accueil chaleureux ainsi que pour la traduction qu’ils ont pu faire des interventions et autres prises de parole du juge et des avocats.

Délégation SR à Stuttgart

Délégation SR à Stuttgart

Sur la tombes de ceux de la RAF

Sur la tombes de ceux de la RAF

Lire le texte de la prise de parole de notre délégation

Aujourd’hui commence à Istanbul le sixième procès contre les militants révolutionnaires proches du MLKP: 130 journalistes, animateurs de radio, écrivains, syndicalistes, femmes militantes et jeunes activistes avaient été mis en garde à vue à la suite de vastes opérations policières et 45 d’entre eux ont été emprisonnés. Le Président Général de Limter-Is Union, Cem Dinc ainsi que son Secrétaire General, Zafer Tektas, le Président Général du syndicat Tekstil-Sen, Ayse Yumli Yeter et son Secrétaire Général Sevim Kaptan Olcmez, le nouveau coordinateur du journal Atilim, Sinan Gercek, la Présidente de l’Association des Femmes Travailleuses (EKD) à Istanbul, Cicek Otlu, le représentant de la Plateforme Socialiste des Opprimés (ESP) à Istanbul Figen Yuksekdag, l’éditeur du journal Dayanisma, Emin Orhan, le chroniqueur du journal Atilim Hasan Cosar et ses travailleurs Ozge Kelekci, Mehmet Guzel, Serdal Isik, se trouvent également parmi ceux qui ont été emprisonnés.

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Lire le communiqué de la Commission pour un Secours Rouge International

Güler Zere est incarcérée depuis 14 ans. En 2008, les médecins détectent une tumeur cancéreuse maligne se propageant dans sa bouche et sa tête. Elle subit alors deux opérations, dont une ablation partielle du palais remplacé par une prothèse. Cela dit, trop de temps passe entre le dépistage et les soins, une situation qui met en péril la vie de Güler Zere. Son incarcération constitue l’unique raison de cette perte de temps. Il y règne en effet une bureaucratie et des conditions de vie qui freinent gravement ses traitements. L’état de santé de Güler Zere nécessite qu’elle soit maintenue dans un environnement stérile. Une prison en Turquie n’est certainement pas un endroit approprié.

Güler Zere

Güler Zere

Meryem Özsögüt est une figure de proue du syndicalisme en Turquie. Elle est en effet membre du Comité exécutif du Syndicat des Employés de la Santé et des Services Sociaux de Turquie (SES) affilié à la Confédération des Syndicats des Travailleurs des Services Publics (KESK). En janvier 2008, elle fut arrêtée pour avoir participé à une conférence de presse dénonçant l’assassinat de Kevser Mirzak, une militante du mouvement révolutionnaire DHKP-C, elle aussi issue du monde médical. Après huit mois de détention, Meryem retrouva la liberté mais la justice la condamna en première instance à 15 mois de prison pour ‘propagande en faveur d’une organisation terroriste’. Elle a entre-temps perdu son travail pour les mêmes motifs politiques. Actuellement, elle attend la reprise de son procès.

Meryem Özsögüt continue d’être menacée par une peine totale de 19 ans et six mois de prison. Elle était l’invitée d’honneur cette semaine au 8ème Congrès de la Fédération Syndicale Européenne des Services Publics (FSESP). Elle a présenté aux 500 congressistes un discours sur les persécutions que subissent les forces démocratiques en Turquie qui lui a valu une longue ovation.

La commission rogatoire du Parquet fédéral belge, composée de 5 personnes, qui enquête sur l’attentat Sabanci a sollicité l’audition de certaines personnes qui avaient été mises en garde à vue en relation avec l’attentat puis relaxées ainsi que celles de certains employés du Sabanci Center. Parmi les 21 personnes auditionnées, Ercan Kartal, l’un des présumés dirigeants du DHKP-C. Pour recueillir sa déposition, Ercan Kartal, qui est détenu à la prison de type F d’Edirne, a été transporté jusqu’au tribunal d’Istanbul situé à Besiktas.

Les enquêteurs ont posé 30 questions à Ercan Kartal. Avant d’être soumis à l’interrogatoire, Ercan Kartal a fait savoir qu’il avait des choses à dire et qu’il ne répondrait à aucune question. Il exposa ensuite ses griefs en s’abstenant de répondre aux questions. D’abord, Ercan Kartal a affirmé qu’en tant que représentants d’un Etat impérialiste, ses verbalisants belges n’avaient aucun droit d’ingérence dans la justice en Turquie, qu’ils n’avaient donc aucun pouvoir de rendre justice, que l’attentat contre Sabanci avait été revendiqué par le DHKP-C, que l’organisation a décrit l’attentat jusque dans ses moindres détails, qu’il n’y avait rien de secret à ce sujet. Kartal a par ailleurs expliqué à la commission que le DHKP-C n’est pas une organisation terroriste mais un mouvement populaire et que les accusations en rapport avec l’attentat qui lui sont portées ne s’appuient sur aucune preuve et n’ont aucune base juridique. Ercan Kartal a rappelé qu’il est injustement détenu depuis 15 ans. Ercan Kartal a été condamné à la peine à perpétuité aggravée dans le cadre de ‘l’attentat Sabanci’. Il est jugé par la 14e Cour d’assises, soupçonné d’avoir donné la directive de ‘l’attentat contre Sabanci’ et de ‘l’attentat contre le général Kenan Evren’, le chef de la junte militaire qui prit le pouvoir le 12 septembre 1980.

Par ailleurs, le 11 avril dernier, la police a opéré une vaste opération ‘anti-terroriste’ visant des milieux proches du DHKP-C (Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple) à Trabzon, Rize et Istanbul. Trois jours plus tard, la 2e Cour d’assises d’Erzurum a émis un mandat d’arrêt contre 9 des personnes interpellées sous l’accusation de porter assistance au DHKP-C.

Abdülkadir Aygan, un ancien fonctionnaire civil anti-terroriste (engagé en septembre 1991 avec le matricule J27299 et réfugié en Suède) a témoigné sur les séances de torture et les exécutions sommaires de militants soupçonnés de soutenir la cause kurde, dont il fut le témoin. Des centaines de meurtres et d’enlèvements, non élucidés, auraient été commis dans le sud-est de la Turquie entre 1987 et 2001. Il y a près de 1.500 dossiers connus de disparus dans la région; 5.000 en comptant les meurtres inexpliqués.

En Turquie, les aveux d’Abdülkadir Aygan ont totalement relancé l’enquête sur ces disparitions et rendu espoir aux familles des victimes. Le corps de Murat Aslan, un jeune de 25 ans volatilisé en 1994, a ainsi été retrouvé dix ans après, brûlé et enterré au bord d’une route. ‘Nous l’avons enlevé dans un café après une dénonciation et amené au local du Jitem, se souvient M. Aygan. Un caporal expert en torture l’a accroché au plafond par les mains, avec des poids aux pieds. Il le battait. Il est resté trois ou quatre jours sans nourriture. Moi, j’évaluais ses informations.‘ Selon Abdülkadir Aygan, Murat Aslan a finalement été envoyé à Silopi, puis amené au bord du Tigre. ‘On lui a mis un bandeau sur les yeux et des menottes. Le sous-officier Yüksel Ugur a tiré et Cindi Saluci l’a arrosé d’essence et a mis le feu. C’est grâce à mon témoignage que son corps a pu être retrouvé par sa famille et identifié grâce à un test ADN.

Le repenti décrit également les ‘puits de la mort’, tels que les a baptisés la presse turque: des cuves de la compagnie pétrolière d’Etat Botas, dans lesquelles sept corps auraient été jetés en 1994 après avoir été dissous dans l’acide ou brûlés. Il précise aussi que trois syndicalistes, arrêtés la même année et remis par le procureur au chef du Jitem à Diyarbakir, le colonel Abdukerim Kirca, ont été exécutés par ce dernier d’une balle dans la tête près de Silvan.

Depuis le 9 mars, l’enquête sur les disparitions a pris une nouvelle dimension. Sur requête des avocats qui s’appuient sur les déclarations de M. Aygan, la justice a finalement ordonné des fouilles autour de Silopi, dernière ville avant la frontière irakienne, et dans la région de Diyarbakir. Les ‘puits de la mort’, situés à proximité de la principale caserne militaire de Silopi, et sur le site de l’entreprise Botas, ont été explorés. Ainsi que des charniers présumés dans plusieurs villages, où des dizaines de fragments d’os, un gant vert, des cordelettes nouées, des débris de vêtements, un crâne humain ont été découverts. ‘Ces crimes étaient connus de la population depuis des années. Chaque famille a une histoire de disparu‘, précise le bâtonnier Elçi. Rien qu’à Silopi, 15.000 habitants, au moins 300 personnes seraient portées disparues.

Les langues se délient depuis le lancement, en 2007, d’une enquête sur le réseau Ergenekon, une puissante nébuleuse militaro-fasciste incrustée dans l’appareil d’Etat turc et soupçonnée d’avoir fomenté putschs et assassinats. Depuis octobre 2008, 86 personnes – militaires, académiciens, journalistes, politiciens et mafieux – sont jugées devant un tribunal spécial, dans la banlieue d’Istanbul, pour un complot présumé contre le gouvernement. A partir de juillet, 56 autres suspects seront traduits devant la justice.

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