En décembre 2019, Iván Márquez, un commandant des FARC qui a repris les armes, a envoyé un émissaire au Cauca pour convaincre deux groupes de dissidents, commandé par Johani Noscue (alias Mayimbú), de le rejoindre. Il s’agit de sa première action importante après avoir annoncé sa reprise de la lutte armée dans une vidéo postée en août 2019 (voir notre article). L’émissaire de Márquez, est Walter Mendoza, un ancien guérillero de haut rang. Il a notamment été commandant du bloc mobile Arturo Ruiz dans le département de Cauca. Il est également reconnu pour avoir conçu les colonnes mobiles qui ont donné aux FARC plusieurs victoires militaires. Johani Noscue est quant à lui commandant des fronts Jaime Martínez et Dagoberto Ramos, les deux plus grands groupes de dissidents du nord du Cauca. Johani Noscue aurait cependant refusé de rejoindre Iván Márquez à qui il reprocherait d’avoir signé l’accord avec le gouvernement de Santos. Il aurait plutôt préféré se joindre à Gentil Duarte ancien commandant du Premier Front des FARC et ancien négociateur à La Havane, qui a fait défection en 2016 avec l’intention de réunifier la dissidence. Gentil Duarte dirige actuellement l’un des plus grands groupes de dissidents du pays dans les départements de Caquetá et de Meta avec 500 hommes.

Iván Márquez, ancien négociateur des FARC reprend les armes

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La mobilisation contre le gouvernement a repris mardi en Colombie avec des marches et des blocages routiers notamment à Bogota, où des affrontements violents se sont soldés par au moins quatre blessés et plusieurs arrestations. Ce mouvement, assorti d’un « cacerolazo » national ou concert de casseroles en fin de journée comme lors des manifestations de novembre et décembre, a affecté la circulation automobile dans plusieurs secteurs de la capitale. La police a fait usage de gaz lacrymogènes et de canons à eau contre des manifestants cagoulés, qui lançaient des pierres et ont causé des dégâts. La mairie de Bogota a fait état de 18 « manifestations pacifiques » et de deux autres, dans le nord-ouest et le sud de la ville, où les forces de l’ordre sont intervenues. Des affrontements avec les forces de l’ordre ont également émaillé des manifestations dans les villes de Medellin et Cali, deuxième et troisième du pays. Outre la mise en cause de la politique économique du président Ivan Duque, le mouvement, lancé le 21 novembre, dénonce la spirale de violence visant leaders communautaires et défenseurs des droits humains depuis l’accord de paix de 2016 avec les FARC.

Maniestants caillassant mardi les forces de policeColombie: Nouvelles mobilisations, nouveaux affrontements

Lundi 20 janvier, le Conseil national de sécurité de Colombie a adopté une liste de personnes et de groupes considérés comme terroristes à l’échelle internationale. Les FARC (ou du moins la partie a déposé les armes) en ont été exclues au motif de leur transition vers un parti politique. Les FARC restent cependant sur la liste des organisations considérées comme terroristes les États-Unis. Le seul groupe colombien désormais considéré comme terroriste par le gouvernement colombien est l’ELN.

Des membres des FARC sur le point de rendre les armes à Gallo, dans le département de Córdoba, le 1er février 2017

Vendredi 10 janvier, l’ELN a mené une attaque contre une base de l’armée de l’air colombienne située dans la ville de Yopal (la capitale du département de Casanare), à environ 200 km de Bogotá. Les guérilleros ont tiré 25 missiles improvisés sur la base depuis un camion situé à environ 800 m de celle-ci. Parmi ces missiles, trois ont atteint leur cible, provoquant des dégâts matériels aux infrastructures de la base et blessant un sous-officier.

Combattants de l'ELN

Combattants de l’ELN

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Lundi 30 décembre 2019, la police de Cali a déclaré avoir arrêté la veille Juan Carlos Cuellar, un commandant de l’ELN, qui a été libéré de prison en 2017 pour négocier l’accord de paix. Selon l’ELN, Cuellar était en train de négocier une éventuelle reprise des pourparlers de paix avec le gouvernement du président Ivan Duque jusqu’à son arrestation.

Juan Carlos Cuellar, négociateur de l'ELN

Juan Carlos Cuellar, négociateur de l’ELN

Lundi 23 décembre, le Front de guerre oriental (FGO) de l’ELN a  remis trois mineurs à une mission humanitaire dans une zone rurale de l’Arauca. Ces trois mineurs, de 14 et 15 ans ont été entraînés par l’armée puis placés dans les rangs de la guérilla pour l’infiltrer et y effectuer des missions d’espionnage. Ils ont cependant été identifié par la guérilla. Ces trois espions avaient été recrutés à 10 ans, deux à Aguazul, Casanare et le troisième à Yopal. Il s’agit, d’après l’ELN, d’une méthode systématique de l’état colombien qui approche les communautés rurales, populaires ou avec une histoire de lutte et suscite chez les jeunes un intérêt à devenir agents de renseignement ou espions des forces armées et de la police.

Combattants de l'ELN

Samedi 21 décembre, Ender Elías Ravelo, ancien guérillero des FARC démobilisé, a été assassiné dans un établissement commercial situé dans le quartier de Santander de la municipalité de Tibú (dans le nord du département Santander). Les assassins sont arrivés sur une moto et l’un d’entre eux a ouvert le feu sur le guérillero, sa femme et un ami du couple. Les assassinats des anciens FARC démobilisés sont monnaie courante dans le pays depuis les accords de paix de 2016 (voir notre article). Rien que cette année on a recensé plus de 60 assassinats de ce type.

Ender Elías Ravelo, ancien FARC assassiné

Ender Elías Ravelo, ancien FARC assassiné

 

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Mercredi 18 décembre, des prisonniers anciens combattants FARC, détenus dans la cour 4 de la prison de La Picota à Bogotá, ont publié une série de revendications dans lesquelles ils demandent à être libérés conformément à l’amnistie négociée dans le cadre de l’accord de paix. Plus de 600 FARC restent, en effet, enfermés dans cette prison et sont menacés de transferts vers une prison étrangère à celle concernée par ces mêmes accords. Ces prisonniers auraient été torturés à de multiples reprises. La Force alternative révolutionnaire commune (le parti politique issus des FARC qui ont rendus les armes) ne reconnaît que 171 de ces prisonniers. Les autres auraient été retirés des listes d’amnistie.

Prisonniers appartenant aux FARC

Prisonniers appartenant aux FARC

La Colombie vient de vivre sa troisième journée de grève générale en 14 jours et le conflit entre donc dans sa troisième semaine. C’est une mobilisation sans précédent depuis un demi-siècle dans ce pays. Toutes les grandes villes du pays sont touchées : Bogota la capitale, Medellin, Cali, Baranquilla et ailleurs encore. Des affrontements ont souvent opposés manifestants et policiers.

Il y a deux axes majeurs dans la contestation. Les manifestants dénoncent d’abord les projets de réforme des retraites, qui prévoient le recul de l’âge du départ, et une substitution des fonds privés aux pensions publiques ; ils dénoncent aussi la dérégulation du marché du travail, la réforme fiscale, et le manque d’investissement dans la santé et plus encore dans l’éducation. Les étudiants sont très nombreux dans les cortèges. Bref, c’est toute la politique libérale du gouvernement de droite d’Ivan Duque qui est rejetée.
Le deuxième axe de la contestation concerne la répression. Les organisations indigènes dénoncent les violences dont leurs militants sont victimes. Et tous les manifestants réclament également le respect de l’accord de paix avec les FARC et le démantèlement de l’Esmad, les forces anti-émeutes. Il faut dire que pendant l’une des manifestations précédentes, le 25 novembre, un jeune de 18 ans, Dilan Cruz, a été tué par des billes de plomb tirées par un agent de l’Esmad.

Manifestation à Bucaramanga

Manifestation à Bucaramanga