Depuis mercredi, différentes villes d’Algérie sont le théâtre de rassemblements de milliers de personnes qui dénoncent la hausse brutale des prix des produits de base. Lundi déjà, des jeunes avaient bloqué des routes à l’ouest d’Alger pour dénoncer leurs conditions de vie. Mercredi soir, de violents affrontements ont opposé les manifestants et les policiers anti-émeutes dans un quartier populaire d’Alger. Ces derniers ont fait usage de canons à eau et de gaz lacrymogène pour disperser la foule. Selon des témoins, un grand nombre de policiers lourdement armés étaient présents durant la journée afin d’empêcher tout rassemblement dans ce quartier, réputé pour être le point de départ traditionnel des manifestations. Ailleurs dans le pays, des commissariats, un tribunal, des commerces et des concessionnaires ont été pris d’assaut par les protestataires. Les affrontements se sont poursuivis durant toute la journée de jeudi également.

Manifestation en Algérie

Depuis le début de la semaine, le mouvement de protestation des étudiants et des diplômés chômeurs s’est étendu à travers toute la Tunisie. Partout, la police poursuit son action de répression. A Tala, dans l’ouest du pays, des arrestations musclées ont eu lieu dès mercredi soir. En plus des manifestations dans les rues, le mouvement a également pris énormément d’ampleur sur internet. Des milliers de groupes Facebook ont été créés pour dénoncer la politique gouvernementale. Des informations relatives aux émeutes et à la répression policière sont transmises via un compte Twitter.

Les autorités n’ont pas tardé à réagir. Ce jeudi, un rappeur et trois blogueurs ont été arrêtés par la police à leurs domiciles. Le rappeur Hamada Ben Amor, 22 ans, a été arrêté à 5h30 hier matin. Grâce à une de ses chansons, ils avait créé un espace privilégié d’expression contestataire pour des milliers de jeunes, et notamment sur internet. Hamadi Kaloutcha, militant et blogueur luttant contre la censure, a été interpellé vers 6h du matin par des policiers en civil qui ont saisi un ordinateur portable et une unité centrale. Les deux autres blogueurs arrêtés, Slim Amamou et El Aziz Amami, avaient été à l’origine du projet de manifestation contre la censure en mai dernier à Tunis. Arrêté la veille du rassemblement pendant plus de douze heures, Amamou avait été obligé de faire enregistrer une vidéo appelant à l’annulation de l’événement pour pouvoir être relâché. Ce matin, les familles respectives ont déclaré n’avoir aucun nouvelle des quatre hommes.

Quelques cinq cent étudiants s’étaient rassemblés ce matin devant la Middle East Technical University à Ankara dans l’intention de défiler en direction du quartier général du Parti de la Justice et du Développement (AKP). Le objectif était de dénoncer les récentes mesures de répressions policières contre les manifestations estudiantines de ces dernières semaines et d’exiger une réforme du système universitaire. Mais la police avait barricadé le trajet du groupe et a annoncé aux étudiants qu’ils étaient uniquement autorisés à faire une déclaration de presse. Un large contingent de policiers anti-émeutes bloquait les portes de l’université afin d’empêcher tout mouvement des étudiants, provoquant des jets de pierres et de bouteilles à leur encontre. Les étudiants brandissaient un calicot affirmant: ‘Nous nous rebellons’. Erdogan, le premier ministre turc, a défendu la police, accusant les étudiants d’entretenir des relations avec des groupes clandestins.

Manifestation estudiantine à Ankara

Un appel avait été lancé hier pour une large mobilisation à travers tous le pays en soutien aux mouvements de protestation contre le chômage et le coût de la vie. Dans plusieurs villes, des rassemblements et des marches pacifiques ont réunis principalement des étudiants et des diplômés chômeurs. A Thala, à 250 kilomètres de Tunis, des affrontements entre les manifestants et les policiers se sont déroulés après que les forces de l’ordre aient tiré des bombes lacrymogènes. A Sousse, à 100 kilomètre de Tunis, on rapporte que des heurts ont également éclaté entre les étudiants et la police. A Jbeniana, deux jeunes auraient été interpellés.

Ce vendredi 31 décembre, très tôt dans la matinée, tous les tribunaux de Tunisie ont été assiégés par la police. Les avocats étaient mobilisés pour porter un brassard rouge en signe de soutien au mouvement de protestation de sidi Bouzid qui ont éclaté le 18 décembre dernier et qui ont été violemment réprimés, entraînant trois morts par balles et de nombreux blessés. Les autorités ont empêché les avocats d’arriver aux sièges des tribunaux. Des centaines de policiers ont également été déployés à l’intérieur des tribunaux pour empêcher toute action de solidarité avec les habitants de Sidi Bouzid et tout port du brassard. Les procureurs ont observé les violences contre les avocats à l’intérieur des salles d’audiences et dans l’enceinte des palais de justice dans plusieurs villes du pays, sans réagir.

De nombreux avocats ont ainsi été agressés notamment dans les tribunaux de Gafsa, Jendouba, Mahdia, Monastir, Sousse, Sfax, Bizerte et surtout Tunis. Une demi-douzaine d’entre eux ont été frappés au point d’avoir des os brisés. L’un d’eux a été kidnappé et violemment frappé à la tête par des agents de police en civil alors qu’il s’approchait du palais de justice à Jendouba ; Il a été menacé de mort par les policiers qui lui ont dit qu’ils avaient pour instruction de le tuer ; l’avocat a été ensuite jeté dans un endroit désert à la sortie de la ville, son état de santé est inquiétant.

Tunisie: La police contre les avocats

La Tunisie est depuis le 19 décembre le théâtre de violents affrontements entre manifestants, souvent jeunes, et forces de l’ordre. Le mécontentement se concentre dans le centre-ouest du pays, dans la région de Sidi Bouzid.
Le mouvement s’est déclenché après la tentative de suicide d’un jeune diplômé de l’université, vendeur sans permis de fruits et légumes qui s’était fait confisquer sa marchandise par la police municipale. Désespéré, le jeune homme s’était aspergé d’essence pour s’immoler par feu. Il a survécu mais se trouve dans un état critique.

Cinq jours plus tard un autre jeune a mis fin à ses jours en s’électrocutant au contact de câbles électriques. Depuis, les manifestations se multiplient dans le pays pour dénoncer l’absence de perspectives offertes à la jeunesse, le coût de la vie et les inégalités croissantes. Trois voitures de police a été incendiées, des jets de pierres et des cocktails Molotov ont ciblé les locaux du parti au pouvoir et des administrations. Un jeune manifestant a été tué par balles, plusieurs autres blessés (parfois par les gros bras du parti au pouvoir, protégés par les policiers) et il y a eu de nombreuses arrestations.

Manifestation à Menzel Bouzayane

Les initiatives commémorant l’assaut meurtiers des dortoirs des prisonniers politiques en grève de la faim, le 19 décembre 2000, se sont multipliées en Turquie. Le 16 décembre 2010, des membres du Front populaire ont occupé un local du Parti républicain du peuple (opposition kémaliste) à Istanbul et suspendu un calicot des 6 militantes brûlées vives dans l’assaut de la police (voir ici la video). Le 19 décembre 2010, plusieurs centaines de membres du Front populaire se sont rassemblés devant la prison de Bayrampasa, puis se sont rendu en cortège au cimetière de Cebeci pour fleurir les tombes des résistants. Le soir, des militants ont bloqué les routes dans le quartier d’Okmeydani aux cris « Les UPA (Unités de propagande armée) du DHKC sont aux trousses des assassins », « Tremble oligarchie, le Parti-Front avance », « L’État fasciste rendra des comptes », « L’espoir porte un nom, le DHKP-C » Les militants ont d’abord dressé des barricades auxquelles ils ont bouté le feu pour attirer l’attention de la population et bloquer une éventuelle incursion de la police. Ils ont ensuite fait le tour du quartier en appelant la population à soutenir le mouvement révolutionnaire.

Le 20 décembre, la police d’Istanbul et la section de Marmara des services d’intelligence nationale (MIT) a annoncé avoir capturé 13 militants du DHKP-C soupçonnés d’avoir constitué une milice anti-mafia et anti-drogue dans le quartier de Nurtepe et de planifier des actions armées en marge des commémorations du 19 décembre. Le quartier de Nurtepe est massivement descendu dans la rue pour protester contre ces arrestations. Par ailleurs, on dénombre à travers tout le pays, des dizaines d’autres rassemblements, conférences, visites de cimetières, actions de distribution de tracts, campagnes de chaulages et d’affichage en hommage aux prisonniers assassinés.

Alors que se déroule le procès des militaires accusés d’avoir massacré les prisonniers révolutionnaires lors de l’assaut des prison le 19 décembre 2000, quelques militants ont accroché une banderole à la célèbre tour Galata à Istanbul pour commémorer le massacre. ils ont été arrêtés.

Banderolle la tour de Galata
Arrestations en Turquie

A l’occasion du sommet sur le climat de Copenhague l’an dernier, plus de 1900 personnes avaient été interpellées lors des nombreuses manifestations organisées en marge des réunions. Le 12 décembre, 905 manifestants avaient été arrêtés. Les forces de l’ordre leur avaient menottés les mains derrières le dos, les avaient forcés à rester assis dans la rue durant des heures sans eau ni accès aux toilettes, avant de les emmener dans un centre de détention provisoire affecté spécialement pour le sommet. 250 d’entre eux avaient porté plainte suite à ces événements. Le tribunal de la ville de Copenhague a rendu son verdict ce mercredi, condamnant la police danoise à payer un dédommagement allant de 5000 couronnes danoises (670€) à 9000 couronnes danoises (1200€) aux 250 plaignants pour ‘privation illégale de liberté’ et ‘traitement inhumain’. L’avocat du Département de Police de Copenhague a d’ores et déjà annoncé aller en appel.

De violents affrontements ont eu lieu cet après-midi au cours de la septième journée de grève de l’année en Grèce. A Athènes et à Salonique, plus de 20000 personnes se sont rassemblées pour dénoncer la réduction des salaires et les nouvelles mesures d’austérité. Au milieu des gaz lacrymogènes jetés par les policiers, les manifestants ont répliqué en lançant des cocktails Molotov. A Athènes, un député et ancien ministre de droite grec a été molesté par un groupe de manifestants qui lui criaient ‘Voleur, voleur’. Six voitures de police ont été incendiées. L’entrée de la Banque Centrale a été aspergée de peinture rouge. Au moins six personnes ont été interpellées et trois blessées.

Manifestation contre l'austérité à Athènes