Une semaine après le début de l’attaque russe en l’Ukraine, les forces de sécurité russes arrêtent tous ceux qui s’y opposent dans la rue, perquisitionne les derniers médias indépendants et a déployé un nouvel arsenal juridique pour dissuader toute critique. La Russie a mis, ce vendredi, sur les rails de lourdes sanctions pénales en cas de distribution d’ « informations mensongères sur l’armée » et bloqué des médias. La chambre basse du Parlement, la Douma, a adopté à l’unanimité un amendement qui prévoit diverses peines pouvant aller jusqu’à quinze ans de prison en cas de propagation d’informations visant à « discréditer » les forces armées. Un amendement séparé, lui aussi adopté vendredi, prévoit par ailleurs des sanctions pour les « appels à imposer des sanctions à la Russie », confrontée à de dures mesures de rétorsion occidentales pour son invasion de l’Ukraine. Ces textes, qui s’appliquent à la fois aux médias et aux particuliers russes comme étrangers, ont été approuvés par la Chambre haute vendredi soir. Il ne leur manque plus que la signature du président pour entrer en vigueur. Enfin, plus de 8.000 personnes ont été arrêtées en Russie pour avoir manifesté, notamment à Moscou et Saint-Pétersbourg depuis le 24 février.

 

Hier samedi, la police russe a arrêté environ 500 personnes dans la trentaine de villes où des rassemblements anti-guerre ont eu lieu. Aujourd’hui dimanche, cette police a arrêté plus de 900 personnes qui participaient à des manifestations dans une quarantaine villes de Russie. Le total des manifestants arrêtés depuis le début de la guerre en Ukraine s’élèverait à 4 000. Une pétition internet contre la guerre avec l’Ukraine a obtenu plus de 800 000 signatures en deux jours, tandis que le mot-clic #нетвойне (non à la guerre) était en tête des tendances sur Twitter samedi. Deux députés communistes qui avaient voté pour la reconnaissance de l’indépendance des républiques du Donbass mardi ont dénoncé l’invasion. « J’ai voté pour la paix, pas pour la guerre […], pas pour qu’on bombarde Kiev », a écrit le député Mikhaïl Matveïev. Les anarchistes russes d’Avtonom ont carrément appelé à soutenir l’Ukraine (voir ici).

Des manifestations spontanées ont eu lieu dans de nombreuses villes russes contre la guerre menée en Ukraine. À Novossibirsk, Saint-Pétersbourg, Moscou ou Ekaterinbourg, au total une quarantaine d’autres villes du pays. Partout les manifestant-es criaient «нет войне» c’est à dire «non à la guerre». Ces manifestations se sont faites par les autorités au nom des lois anti-COVID ou des règlements sur les manifestations non-autorisées. A ce jour, plus de 1 800 manifestants ont été arrêtés, dont la moitié dans la capitale.

 

Les autorités russes ont renforcé mercredi leur surveillance des activités sur internet en bloquant le site web du service de protection de la vie privée Tor, qu’elles accusent de permettre l’accès à des contenus illégaux. Le service russe de supervision des communications, Roskomnadzor, a déclaré que le site web avait été interdit sur la base d’une décision de justice. Le site web en question est inaccessible et il n’y a qu’un accès limité au navigateur Tor, ainsi qu’à d’autres éléments de son infrastructure. Le réseau d’anonymat Tor est utilisé pour cacher les adresses IP des ordinateurs afin de dissimuler l’identité d’un internaute. La Russie a également pris pour cible les réseaux privés virtuels (VPN). Elle a ainsi cherché à bloquer 14 d’entre eux cette année, mais certains services sont toujours opérationnels.

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La répression politique contre les élus et responsables communistes continue en Russie. Le Premier secrétaire du Comité régional de Khabarovsk du Parti Communiste de la Fédération de Russie, Piotr Perevezentsev, a été arrêté. Il est détenu depuis 48H pour avoir organisé une action de protestation contre les fraudes électorales (voir notre article sur les précédentes arrestations et leur contexte).

Piotr Perevezentsev

 

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Ce samedi 25 septembre, une manifestation a eu lieu à Moscou, à l’appel du Parti communiste de la Fédération de Russie (PCFR), protestant contre les fraudes massives lors des élections législatives qui se sont déroulées entre le 17 et le 19 septembre. Avant le début de la manifestation, non autorisée par les autorités, ces dernières ont arrêté plusieurs militants politiques dont Sergueï Oudaltsov, dirigeant du Front de gauche. Un important dispositif policier avait été mis en place sur la place Pouchkine, mais les forces de l’ordre n’ont pas tenté de disperser la manifestation, se contentant de diffuser de la musique à un volume élevé afin de couvrir les discours.

Ces élections ont vu le parti du pouvoir rafler une majorité des deux tiers, assez pour réviser la Constitution, point final d’un scrutin dont avaient été exclus des opposants comme Alexeï Navalny. Ces derniers, faute de pouvoir participer au scrutin après le classement de leur mouvement comme « extrémiste » par la justice, avaient encouragé les Russes à donner leur voix aux candidats les mieux placés pour battre ceux du pouvoir, souvent des communistes. Selon l’opposition, ce « vote intelligent » aurait remporté un large succès notamment à Moscou, mais a été contrecarré par les fraudes concernant surtout le vote électronique. Les candidats communistes sont par ailleurs harcelés depuis le scrutin comme l’élue municipale de Moscou du PCFR, Elena Yanchuk, arrêtée jeudi, Darya Bagina, la secrétaire moscovite du KPRF, ou encore Nikolaï Volkov.

Ce samedi, place Pouchkine, à Moscou

Après le député régional de Saratov, Nikolaï Bondarenko, c’est au tour d’Evgeny Oulianov d’être visé par les autorités. Premier secrétaire du Comité régional de Carélie du Parti Communiste de la Fédération de Russie (KPRF) et député à la Douma de Russie, il a été arrêté au motif que, le 23 février, il a tenu une réunion publique dans le centre de Petrozavodsk près du monument de Lénine, afin de célébrer l’anniversaire de la fondation de l’Armée rouge. Le Parti Communiste de la Fédération de Russie, fortement opposé au système Poutine/Russie Unie, est soumis à une répression en raison des manifestations organisées le 23 février.

Evgeny Oulianov

 

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De Moscou à Ioujno-Sakhalinsk, des dizaines de milliers de manifestants ont dénoncé la corruption et l’autoritarisme du gouvernement russe et marqué leur soutien à l’opposant Navalny. Les premières manifestations ont eu lieu dans l’Extrême-Orient russe et en Sibérie, où des milliers de personnes sont descendues dans la rue notamment à Vladivostok, Khabarovsk, Novossibirsk et Tchita, face à d’importants effectifs de la police anti-émeute. Les autorités n’ayant pas autorisé ces rassemblements, les protestataires s’exposent partout en Russie à des poursuites judiciaires. Les arrestations ont été particulièrement brutales à Vladivostok, port russe sur l’océan Pacifique, où les policiers anti-émeute ont couru derrière les manifestants et les ont frappés avec des bâtons. A Moscou, où la mobilisation de l’opposition est habituellement la plus forte, la police a avait promis de « réprimer sans délai » tout rassemblement non autorisé. Le maire de Moscou, Sergueï Sobianine, a dénoncé des manifestations « inacceptables » en pleine pandémie de coronavirus. La répression a été très violente dans la ville où un millier de manifestants ont été arrêtés sur plus de 10.000 présents.

27 janvier, le présent article ayant fait réagir sur Facebook, nous souhaitons préciser :
Sur le choix éditorial : Nous ne considérons bien évidemment ni Navalmy ni ses partisans comme des révolutionnaires, bien au contraire. Il nous paraissait cependant nécessaire de rendre compte d’un mouvement particulièrement massif (de fait, 2.000 arrestations, et un nombre de « 1ers manifestant-es » particulièrement élevé) contre le régime de Poutine, régime que nous ne considérons ni comme progressiste, ni comme « anti-impérialiste », mais bien anti-populaire et utilisant -comme les autres Etats capitalistes- la presse à son avantage. Il nous paraît très caricatural de considérer que ces masses de manifestant-es ne consisteraient qu’en une foule de militant-es d’extrême-droite et d’agents occidentaux. Un mouvement aussi massif contre un régime aussi anti-populaire est forcément rempli de contradictions et de mouvements très différents. D’autre part, l’activité de notre site tente de donner un large aperçu de la répression à un niveau global, si nous traitons de la répression spécifique des militant-es révolutionnaires, nous évoquons aussi régulièrement des mouvements de masse dont la nature politique est plus floue. Enfin, la mention de Navalmy sur le site ne veut, bien sûr, pas dire que « nous le soutenons » puisqu’il représente un mouvement réactionnaire, et qu’en outre nous n’avons pas de campagne thématique pour chaque sujet que nous traitons sur notre site.

L’article aurait effectivement pu être plus détaillé et plus clair. Nous avons fait le choix rédactionnel depuis des années de donner un style très factuel à nos articles, considérant que notre audience est déjà très politisée, qu’elle appartient à des mouvements révolutionnaires très variés, et qu’elle n’a pas besoin d’être politiquement « éclairée » sur le contenu des articles. Nous tenterons à l’avenir d’être plus clair lorsqu’il s’agit de cas aussi contradictoires que le présent article.

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Le procureur de la République de Russie a requis des peines de 6 à 18 ans de prison pour les cinq anarchistes comparaissant à Penza devant le tribunal militaire du district de la Volga. L’accusation a demandé 18 ans pour Dmitry Pchelintsev, 16 ans pour Ilya Shakursky, 14 ans pour Andrei Chernov, 13 ans pour Maxim Ivankin, 10 ans pour Mikhail Kulkov, 9 ans pour Vasily Kuksov et 6 ans pour Arman Sagynbayev à 6 ans. Il a demandé que tous les prévenus, à l’exception de Kuksok et Sagynbayev, soient envoyés dans des colonies pénitentiaires à sécurité maximale.

Tous les prévenus sont accusés d’implication dans une « communauté terroriste ». Pchelinsky et Shakursky sont accusés de l’avoir organisée. En outre, certains des accusés sont accusés de possession illégale d’armes à feu, d’explosifs, etc.. L’affaire pénale contre le « Réseau » a été lancée en octobre 2017. Selon le FSB, onze jeunes hommes de Penza et de Pétersbourg ont organisé le « Réseau » pour renverser le gouvernement. Les accusés ont été battus et torturés à l’électricité. Certains ont rétracté les aveux qu’ils avaient faits dans les jours qui ont suivi leur arrestation.

Lundi 22 juin, un tribunal militaire de Saint-Pétersbourg a condamné deux autres militants anarchistes, accusés dans l’affaire « Network », à des peines de prison. Viktor Filinkov a reçu une peine de 7 ans et Yuly Boyarshinov une peine de 5,5 ans dans une colonie pénale. Le juge a également ordonné la destruction des éléments de preuve dans l’affaire. Filinkov et Boyarshinov ont été arrêtés par le Service fédéral de sécurité russe (FSB) en janvier 2018. Filinkov a été torturé au cours de l’enquête afin de lui extorquer des aveux. Les agents du FSB menaçaient également d’aggraver les conditions de détention de Boyarshinov s’il ne coopérait pas à l’enquête.

Les soutiens de Filinkov et de Boyarshinov se sont réunis à l’extérieur et à l’intérieur du tribunal pour manifester leur solidarité. Des chants de « liberté aux prisonniers politiques » et « l’antifascisme n’est pas du terrorisme » ont été scandés dans la salle d’audience lors de la lecture du verdict. Plus de 20 personnes participant à la manifestation ont été arrêtées, y compris trois à quatre personnes qui jouaient du tambour devant le tribunal, un homme qui s’est enchaîné à une clôture et a allumé une fusée éclairante, et Yana Sakhipova, l’épouse de Boyarshinov, qui a été détenue à l’intérieur du tribunal.

La plupart des accusés dans l’affaire Network sont des antifascistes et des anarchistes. Ils sont accusés d’avoir participé à une “communauté terroriste anarchiste” créée en 2015 dans le but de déclencher une “déstabilisation du climat politique dans le pays” en posant des bombes lors des élections présidentielles russes de 2018 et de la Coupe du monde de football. Le Réseau aurait des cellules fonctionnant à Moscou, à Saint-Pétersbourg, à Penza et en Biélorussie. Plus tôt cette année, sept anarchistes russes, également accusés de participation au groupe « Réseau », ont été condamnés pour des infractions terroristes à des peines de prison totalisant 86 années (voir notre article).

Viktor Filinkov et Yuly Boyarshinov

Viktor Filinkov et Yuly Boyarshinov