Depuis avril 2009 et le début des opérations gouvernementales dans l’affaire KCK (Kurdistan Communities Union), accusée d’être une branche du PKK, plus de 10.000 personnes ont été arrêtées. Dans quinze jours, le procès de 193 d’entre elles, parmi lesquelles 147 sont actuellement toujours incarcérées, doit commencer. Le procureur d’Istanbul aux pouvoirs spéciaux Adnan Cimen a déposé son acte d’accusation. Celui-ci, épais de 2500 pages, doit être validé d’ici quinze jours par la cour d’assise avant le début du procès. Cimen a notamment requis 7,5 à 15 ans de prison à l’encontre d’un éditeur défenseur des droits de l’homme et d’origine arménienne pour ‘soutien à une organisation terroriste’. La constitutionnaliste Büsra Ersanli, accusée d’être ‘la responsable d’une organisation terroriste’ encourt de 15 à 22,5 ans de prison. En moyenne, chaque accusé dans ce procès risque 22 ans et cinq mois de prison.

Le ministère public a requis jusqu’à cinq années de prison à l’encontre de deux étudiants qui sont accusés d’avoir perturbé ‘violemment’ le discours du ministre Egemen Bagis à l’université Ege de Izmir en décembre 2011. Des oeufs avaient été lancé, et des slogans tels que ‘AKP, hors de notre campus’ avaient été scandés. Les deux étudiants de vingt ans avaient été immédiatement interpellés par les forces de l’ordre et placé en détention préventive avant d’être relâché. Leur procès s’est ouvert aujourd’hui. Le ministère public a requis cinq ans de prison à l’encontre de E.C. pour ‘blessure intentionnelle’ (un oeuf aurait atteint le ministre à la joue) et deux ans de prison à l’encontre de A.D. pour avoir scandé des slogans contre le parti au pouvoir.

Le 18 mars est pour les Kurdes la fête de Newroz, le jour de la renaissance et de la résistance. Les autorités turques avaient interdit deux jours plus tôt toutes les célébrations organisées par le principal parti kurde BDP, afin d’affaiblir la participation géante. Quelques 130 rassemblements ont été organisés à travers le pays, entre le 18 et 25 mars, pour accueillir la plus grande célébration du Newroz de tous les temps. Défiant les menaces et les interdictions des autorités, des centaines de milliers de personnes ont réussi vers midi à arriver sur la place de Newroz, à Diyarbakir, chef-lieu du Kurdistan de Turquie, franchissant toutes les barricades dressées par la police, suite à de violents affrontements.

Des centaines de milliers de personnes sont également descendues dans les rues de Diyarbakir et d’Istanbul où des affrontements ont été éclatés dans plusieurs quartiers entre les manifestants et les policiers qui sont intervenus violemment, faisant usage à de gaz lacrymogènes et de canons à eau. Les tentatives des dizaines de milliers pour rejoindre la place de Kazlicesme où devait avoir lieu la célébration ont été violemment attaquées par des policiers. Un responsable du parti kurde est décédé après avoir été touché par une grenade lacrymogène lancée par la police à Kazlicesme. Plusieurs autres personnes ont été blessées dont deux grièvement et une députée BDP suite à la violence de la police, procédant également à des arrestations massives.

La foule des manifestants kurdes à Dyarbakir

La foule des manifestants kurdes à Dyarbakir

Les forces de sécurité turques ont capturé, le 11 mars dernier, cinq spécialistes en cryptage informatique du PKK au cours d’une opération à une dizaine de kilomètre de la frontière turco-irakienne. C’est la première fois que des unités spéciales de la police traversent la frontière pour y procéder à des actions dans le nord de l’Irak. Celles-ci ont pisté les cinq hommes durant plus de six mois avant de les arrêter dans une cave dimanche dernier, au cours d’une opération où elles étaient assistées par des UAV (Unmanned Aerial Vehicule). D’après leurs premiers rapports, les hommes ont riposté à l’attaque avant de se rendre. Ils sont accusés par les autorités d’avoir, en tant qu’experts en cryptage informatique, relayé des messages codés du PKK entre les monts Kandil dans le nord de l’Irak et les militants des cellules urbaines de l’organisation en Turquie. Les autorités les accusent également d’être impliqués dans deux incidents distincts dans lesquels ils auraient transmis des ordres cryptés depuis les monts Kandil pour organiser des raids de guérilleros dans le sud-est de la Turquie.

Le régime turc a arrêté 963 personnes au cours du mois de février, a déclaré la Fondation des Droits de l’Homme en Turquie (TIHV). 168 d’entre elles ont été écrouées. La plupart de ces arrestations ont été effectuées dans le cadre de l’affaire KCK et la totalité est liée à la cause kurde. Plus de 6.500 membres actifs du parti kurde BDP dont 31 maires sur 98 et six députés sur 36 sont actuellement en prison dans le cadre de l’affaire KCK, une campagne de répression sans précédente lancée en avril 2009, quelques semaines après le succès historique du parti kurde aux élections municipales.

La Fondation a notamment attiré l’attention sur l’isolement du chef du PKK, Abdullah Öcalan, qui n’est pas autorisé à rencontrer ses avocats depuis 27 juillet 2011 et les abus sexuels sur les enfants kurdes dans la prison de Pozanti à Adana. Il s’agit des enfants arrêtés pour avoir jeté des pierres sur les policiers ou avoir crié des slogans « illégaux ». Ozlem Agus, la journaliste de l’agence de presse kurde DIHA qui a révélé le scandale d’abus sexuels et de la torture dont les enfants ont été victimes, a été emprisonnée le 9 mars par un tribunal d’Adana avec 20 responsables du parti kurde.

Au moins 887 personnes ont été placées en garde à vue en janvier, soit 1.850 arrestations au cours des deux premiers mois de l’année 2012. Plus de 29.360 cas de violation des droits de l’homme ont été recensés en 2011 dans la seule région kurde, contre 23.573 en 2010 et 20.720 en 2009. 6.306 personnes ont été arrêtées et 1.917 d’entre elles ont été emprisonnées pour des raisons politiques au cours de l’année 2011, constate le rapport qui parle de 1.555 cas de torture et de mauvais traitement, contre 2 788 arrestations, 747 emprisonnements et 747 cas de torture et de mauvais traitement en 2010.

Au 10 février 2012, 15.596 sites ont été suspendus par les autorités turques, suite à une décision de justice ou à l’initiative de la Haute Instance de la Télécommunication (TIB), soit près du double par rapport à l’année passée. Outre les sites pornographiques et ceux violant les droits de retransmission, les sites d’information jugés pro-kurdes ont été interdits sur décision de justice en 2011, tels Firat News, Gundem-online ou Welat.org.

Vendredi 9 mars 20 autres responsables du principal parti kurde BDP et une journaliste ont été emprisonnés sous l’accusation d’être membres d’une organisation «terroriste», à savoir le PKK. Le nombre de journalistes emprisonnés monte à 106, ce qui fait la Turquie la plus grande prison du monde pour journalistes. 19 responsables locaux, un membre du conseil exécutif du BDP et un correspondant de l’agence kurde DIHA ont été placés en détention après avoir comparu devant un tribunal d’Adana.

La police avait déjà interpellé le 6 mars 61 personnes dont trois journalistes de l’agence DIHA, au cours des opérations simultanées visant le BDP dans quatre villes, notamment à Adana. Déjà plus de 6 500 membres actifs de ce parti dont 31 maires sur 98 et six députés sur 36 sont actuellement en prison dans le cadre d’une campagne de répression sans précédente lancée en avril 2009, quelques semaines après le succès historique du parti kurde aux élections municipales.

Le Ministère de l’Intérieur turc est en train de mettre en place les dispositions légales qui instaureront un système de récompenses pécuniaires pour toute aide fournie aux ‘efforts anti-terroristes’ du pays. L’état turc offrira 4 millions de nouvelles livres turques (1,7 million d’euros) à toute personne fournissant des renseignements conduisant à la capture de Murat Karayilan, ou d’une des 49 personnes désignées par les autorités comme étant les ‘têtes pensantes’ du PKK. Par ailleurs, une récompense de 2 millions de nouvelles livres turques (850.000 euros) sera offerte pour la capture de n’importe quel dirigeant inférieur de l’organisation. Ceux qui aideront à la capture ‘de l’auteur ou du conspirateur d’une attaque terroriste’ recevront 100.000 nouvelles livres turques (40.000 euros) tandis que la récompense pour la capture d’un ‘membre ordinaire’ du PKK sera moindre. La Ministère de l’Intérieur a transmis ces dispositions au cabinet du Premier Ministre, qui doit encore les approuver.

Dix étudiants et 36 policiers comparaitront le 21 mai prochain devant un tribunal de Tuzla à Istanbul. Le parquet de Tuzla a requis 120 ans de prison contre ces étudiants pour s’être opposés à la police, lors d’une manifestation pour dénoncer la réunion du premier ministre Recep Tayyip Erdogan avec les recteurs, tenue le 4 décembre 2010. Les policiers qui étaient violemment intervenus à la manifestation, blessant sept étudiants dont un grièvement, encourent entre quatre mois et un an de prison, ce qui signifie que la peine est assorti du sursis puisqu’elle est inférieur à deux ans.

Le 20 février dernier, plusieurs dizaines de jeunes kurdes ont occupé un bâtiment du Conseil de l’Europe de Strasbourg. Tout comme les milliers de manifestants le samedi précédent, également à Strasbourg, ils entendaient dénoncer la répression anti-kurde menée par le gouvernement turc, l’immobilisme des institutions internationales et l’isolement d’Abdullah Ocalan, dirigeant du PKK incarcéré seul sur l’île d’Imrali depuis treize ans. La police est rapidement intervenue pour disperser la mobilisation. Elle a violemment délogé les occupants, en en blessant plusieurs. Par ailleurs, elle a interpellé 45 personnes. D’après certains témoins, elle s’en serait également pris aux journalistes présents, cassant caméras et appareils photos.

Occupation kurde du Conseil de l’Europe

Occupation kurde du Conseil de l'Europe