Le 16 décembre, c’est ‘l’heure de vérité’ dans l’affaire DHKP-C. Au terme de quatre procès sur le fond et de deux sur la forme, six militants (membres présumés du DHKP-C) risquent d’être enfermés durant de nombreuses années. Si ces militants sont condamnés, une brèche sera ouverte dans la jurisprudence belge: en vertu de la loi ‘antiterroriste’, il ne sera, désormais, plus nécessaire d’avoir commis le moindre délit pour être poursuivi comme chef ou membre d’une organisation terroriste et risquer une lourde peine d’emprisonnement.

Rassemblement mercredi 16 décembre à 8h30 sur les marches du Palais de Justice de Bruxelles. Ce rassemblement sera suivi de la lecture de l’arrêt, pendant toute la matinée (voire toute la journée), à la 13ème Chambre de la Cour d’appel (section néerlandophone).

Jeudi matin, une dizaine de militants s’étaient donné rendez-vous au marché matinal de Molenbeek afin d’y tenir une table de presse concernant la construction d’un nouveau centre fermé à Steenokerzel. Appelée par un surveillant du marché, la police est rapidement intervenue. S’en prenant au hasard à l’une des personnes présentes, ils lui ont demandé de décliner son identité. Ce dernier ayant refusé, il fut fortement maintenu par quelques policiers. Plusieurs personnes se sont interposées. La tension est alors rapidement montée, les forces de l’ordre ont surenchéri en sortant matraques, lacrymogènes, et enfin en arrêtant cinq autres personnes.

Sur les cinq personnes arrêtées, trois comparaissaient ce matin pour ‘rébellion‘,’tract diffusé sans éditeur responsable‘ et ‘attroupement illégal‘. Ils ont été libérés ce vendredi matin vers 11h après être passés devant le procureur. Ils seront poursuivis pour rébellion et outrage à agent.

Selon un porte-parole de la Sûreté de l’Etat belge, une enquête menée par la Sûreté, la Justice (le parquet fédéral à Bruxelles) et l’OCAD, l’organe de l’analyse de la menace, est en cours contre les anarchistes. Selon la déclaration de l’OCAD sur le travail commun avec leurs collègues hollandaises, il s’agit de groupements anarchistes qui travaillent au-delà des frontières et qui se donnent des cibles pour des représailles à travers internet. L’OCAD a déjà fait une ‘analyse de la menace’ pour aider les ministres de la Justice et des Affaires Intérieures à éliminer les anarchistes (traduction littérale). Depuis le début de cette année, au moins 60 actions ont eu lieu contre des entreprises de construction et autres.

La police gantoise se plaint suite à des critiques sur l’arrestation de 413 personnes après la dernière manif antifasciste, car c’est elle qui se considère surtout la victime. Un des policiers attaqués a perdu une partie de sa capacité de voir après le coup d’un pavé de la part d’un anarchiste masqué. Ce même policier était, selon les journaux, celui qui s’était battu avec l’anarchiste Jürgen lors de son arrestation le 6 octobre 2009 suite à une série d’incendies. Lors de la manif, un hélico circulait en haut qui a filmé toute l’attaque contre cinq policiers en civil, mais les images ne sont pas utilisables vu que les assaillants étaient tous masqués. Un autre policier a été jeté par terre et battu à coups de bâtons et de coups de pieds, elle a une incapacité de travail au moins jusqu’à février.

Les quatre altermondialistes avaient été blanchis à deux reprises par les juridictions d’instruction, mais l’Etat belge avait fait appel de sa condamnation. Pour rappel, les quatre militants avaient organisé, en septembre 2001, une manifestation à l’occasion d’un sommet européen Ecofin à Liège. Deux ans plus tard, tous les quatre apprennent qu’ils sont suspectés d’appartenir à une organisation criminelle et qu’un dossier judiciaire est ouvert. Sur quelle base? A l’époque de la manifestation, leurs GSM avaient été mis sur écoute, leurs SMS interceptés,… et ce dans le cadre de la loi antiterroriste et de ses méthodes particulières de recherche.

Durant le procès, ils n’ont cessé de souligner que le rassemblement avait été organisé dans le cadre d’un mouvement social et ne pouvait être assimilé aux activités d’un organisation criminelle. Argument entendu par les juridictions d’instruction, et entrainant donc l’Etat à se pourvoir en appel. Ce jeudi, la Cour d’appel civile de Liège a confirmé le jugement qui condamne l’Etat belge à verser à chaque militant la somme de 2.000 euros de dommages et intérêts. Elle confirme que les écoutes téléphoniques ont été réalisées hors du champ d’application de la loi. De plus, la Cour a stigmatisé le recours abusif aux méthodes particulières.

Le site des quatre ‘mis sous écoute’

Le 25 novembre 2009, Jürgen et Paolo ont comparu devant le juge. Le procureur a demandé 18 mois de prison pour Jürgen, accusé de 8 attaques incendiaires (dont contre des distributeurs de Fortis/BNP et La Poste, qui gère les comptes des centres de rétention et prison et un chantier Besix, qui construit le nouveau centre de rétention de Steenokkerzeel) et 12 mois contre Paolo, accusé d’une attaque incendiaire. Le verdict sera prononcé mercredi 2 décembre.

Pour leur écrire:

-Jürgen Goethals – Nieuwe Wandeling, 89 à 9000 Gent
-Ian-Paolo Melis – Nieuwe Wandeling, 89 à 9000 Gent

A la mi-novembre, quatre pays de l’Union Européenne s’étaient opposés au projet d’accord entre l’UE et les Etats-Unis permettant l’utilisation des données bancaires lors des enquêtes antiterroristes. L’Allemagne, l’Autriche, la France et la Finlande évoquaient la protection des données privées pour refuser l’accès aux autorités américaines aux informations de la Society for Worldwide Interbank Financial Communication (SWIFT), société de transferts interbancaires internationale basée à La Hulpe, en Belgique (photo).

Malgré tout, les ministres européens des affaires étrangères ont approuvé hier l’accord transatlantique qui verra donc les pays européens obligés de fournir des données privés bancaires aux renseignements américains. Par une admission tacite du fait que les agences européennes de renseignement ne sont pas capables de surveiller les transactions suspectes, les ministres européens ont donc entendu la demande américaine. Un expert proche du dossier avait récemment affirmé que ‘l’Europe ne disposait pas des compétences techniques pour interpréter ces données‘. Avec cet accord, l’UE compte donc sur les américains pour traiter ces données et lui transmettre les renseignements récoltés. A noter qu’il n’y a aucun accord réciproque pour que les agences de renseignements européennes puissent extraire des informations des bases de données américaines. SWIFT devra donc dorénavant communiquer le nom, le numéro de compte, l’adresse, le numéro d’identification nationale et d’autres données personnelles aux autorités américaines dès qu’il y a un soupçon que la personne soit, de quelle que manière que ce soit, impliquée dans une ‘activité terroriste‘.

Siège de SWIFT

Dans la nuit de mardi à mercredi, les vitres d’une agence Fortis, d’une agence Dexia, d’une agence de la Citybank ainsi que celles d’une banque de la poste ont été brisées à Ixelles et Neder-over-Hembeek en soldiarité avec les deux antifascistes passant en procès ce jour-là à Gand et avec les prisonniers en lutte. Un distributeur de billets a aussi été défoncé.

Une centaine de manifestants (parmi lesquels une délégation de notre Secours Rouge) étaient présents ce jeudi matin devant le palais de justice en solidarité avec les trois membres du Comité d’Actions et de Soutien aux sans-papiers (CAS) qui passaient en jugement pour s’être interposé pacifiquement devant une rafle de sans-papiers le 16 octobre 2008. Ils devaient répondre de ‘rébellion’, ‘coups et blessures avec effusion de sang’ et ‘incitation à l’émeute’. Le commissaire Vandersmeessen posait en victime (il affirme avoir ‘pris une droite’ et avoir eu son blouson déchiré) – mais en victime indulgente en demandant ‘l’euro symbolique’.

Le procureur a eu une attitude assez écoeurante, alternant paternalisme (expliquant que des étudiants en science politique devaient connaître leurs droits et devoirs, et parmi ces dernier, celui d’obéir à la police) et appel à la connivence de classe (expliquant qu’il ne demandait que des heures de travaux d’intérêts généraux mais que pour ‘n’importe qui’, il aurait demandé six mois de prison). Pénalement, cela coûtera moins cher aux inculpés et tant mieux, mais le spectacle était pénible. Prononcé le 24 décembre.