Hier mardi 17 juin, pendant que l’armée israélienne ouvrait une nouvelle fois le feu sur des Palestiniens venus chercher le peu d’aide humanitaire entrant sur le territoire, tuant près de 50 personnes, le régime égyptien a lancé une vaste opération militaro-policière contre les manifestants venus du monde entier pour la Global March to Gaza (Marche mondiale vers Gaza). Des dizaines de délégations ont été expulsées d’Égypte dès leur arrivée. D’autres délégations qui parvenaient à sortir de l’aéroport ont été arrêtées au premier checkpoint, puis parquées dans des bus par la police égyptienne avant d’être détenues puis expulsées.

Les manifestants sont traqués partout, que ce soit dans les hôtels, les cafés, les magasins ou dans la rue. Le 16 juin, trois personnes ont ainsi été enlevées par les renseignements égyptiens dans un café du Caire, avant d’être violemment battues alors qu’elles avaient les yeux bandés et les mains attachées. Certains manifestants sont par ailleurs coupés de toute communication et enfermés dans des lieux inconnus, à l’image de Saif Abukeshek, militant du mouvement palestinien de l’État espagnol et membre du comité d’organisation de la marche.

Mais cette répression, bien que généralisée, a surtout visé les organisateurs de la marche comme Manuel Tapial et le docteur Hicham El Ghaoui, qui ont été enlevés et enfermés, avant d’être finalement déportés. Les organisateurs ont mis à l’arrêt la grande marche internationaliste contre le génocide à Gaza le 15 juin avant d’appeler, le lendemain, les participants à rentrer chez eux et à poursuivre la lutte par d’autres moyens.

La Global March to Gaza (Marche mondiale vers Gaza) a été contrecarrée par les autorités égyptiennes qui ont bloqué le convoi à la sortie du Caire pendant plusieurs heures, procédant à de nombreuses arestations. Plusieurs groupes avaient quitté le Caire en voiture vendredi pour se diriger vers la ville d’Ismaïlia, première étape vers la bande de Gaza, leur destination finale. Ils ont été interceptés et bloqués, passeports confisqués, parfois molestés, avant d’être embarqués de force dans des bus. La Global March comptait traverser en bus le Sinaï, une région désertique sous haute surveillance militaire, pour rallier la ville d’al-Arich, à quelque 350 km à l’ouest du Caire, puis marcher sur les 50 derniers kilomètres jusqu’à la partie égyptienne de Rafah.

Alors que des milliers de citoyens venus de 52 pays s’apprêtent à entamer une marche pacifique de 48 km vers la bande de Gaza pour réclamer un couloir humanitaire, des dizaines de participants sont  retenus, expulsés ou interrogés au Caire. Hier jeudi 12 juin, ils avaient rendez-vous au Caire pour poursuivre vers Gaza. Mais à la veille du départ, des dizaines de membres des délégations étrangères, ont été actuellement retenus à l’aéroport du Caire – voire expulsés manu militari. Au moins une dizaine de Français et 34 Algériens auraient déjà été expulsés ainsi que des Marocains, des Turcs et de Jordaniens.

Une descente de police a également eu lieu dans un hôtel du centre-ville de la capitale égyptienne, le Down Town, où séjournaient des membres de la délégation française. Une seconde intervention aurait eu lieu dans un autre établissement. Les agissements des autorités égyptiennes montrent la vieille complicité l’Égypte avec Israël et les États-Unis contre la résistance palestinienne. Les prochaines 24 heures seront décisives.

En grève de la faim depuis 247 jours, la mère d’Alaa Abdel Fattah appelle le gouvernement britannique à faire libérer immédiatement son fils détenu illégalement en Égypte depuis 2019 (nos articles ici et ici). La sexagénaire, hospitalisée, refuse tout traitement tant que le gouvernement britannique n’aura pas fait preuve de fermeté vis-à-vis du Caire. Laila Soueif a débuté une grève de la faim en septembre dernier. Hospitalisée depuis trois jours sous perfusion de protéines, Laila Soueif risque de décéder à tout instant. Épuisée, elle s’est dite prête à mourir. Ce mardi, son état s’est légèrement amélioré mais elle ne recommencera à se nourrir que quand son fils sera libéré. Il aurait dû quitter les prisons du Caire en septembre dernier.

Mardi 7 janvier, Laila Soueif, la mère de l’activiste égypto-britannique Alaa Abdel Fattah, a entamé son centième jour de grève de la faim pour protester contre l’emprisonnement prolongé de son fils. Elle a exhorté le gouvernement britannique à agir davantage pour obtenir la libération de ce dernier.

En septembre 2019, le célèbre blogueur prodémocratie de 43 ans avait été arrêté après avoir partagé un texte sur la torture dans les geôles égyptiennes et avait protesté contre son incarcération par une grève de la faim en 2022 (voir article ici

La famille de Mme Soueif affirme que depuis le 29 septembre 2024, elle survit avec «seulement du café noir, de la tisane et trois paquets de sels de réhydratation par jour». Alaa Abdel Fattah devait être libéré ce jour-là après avoir purgé sa peine de cinq ans. Mais les deux années passées en détention provisoire n’ont pas été prises en compte, et Abdel Fattah est resté en prison depuis.

Une campagne a été lancée pour la libération d’Alaa Abd el-Fattah de sa prison d’État égyptienne. Alaa est un organisateur et programmeur égyptien incarcéré pour ses activités politiques en Égypte, notamment lors des soulèvements de 2011 et 2019. Alaa a déjà fait une grève de la faim partielle pendant 213 jours pour protester contre sa détention. Aujourd’hui, alors que l’Égypte accueille la COP27, Alaa a décidé d’entamer une grève de la soif pour sa libération et celle des autres prisonniers politiques détenus par l’État égyptien.Sa situation est critique.

Les forces de sécurité égyptiennes ont affronté lundi les habitants de l’île de Warraq, sur le Nil, reliée au continent uniquement par des ferries, à la suite une manifestations contre les plans du gouvernement visant à détruire leurs maisons pour faire place à un projets de « développement » à destination de l’élite. Les forces de sécurité ont débarqué sur l’île pour prendre le contrôle de maisons du quartier de Hawd al-Qalamiyeh destinées à être démolies.  Les manifestants ont crié : « Nous ne laisserons pas cela aux voleurs », et ont jeté des pierres sur les autorités, qui se sont retirées de l’île après près de sept heures de confrontation avec les habitants. Des vidéos diffusées sur les médias sociaux montrent des habitants en train de paniquer, tandis que les policiers tirent des grenades lacrymogènes. Quatorze manifestants ont été initialement placés en détention, accusés d’empêcher les autorités de mener à bien leur travail, avant que sept d’entre eux ne soient relâchés.

Warraq est la plus grande île du Nil en Égypte, où vivent environ 100 000 personnes qui travaillent principalement dans la pêche et l’agriculture. Cette île de 6,36 kilomètres carrés était autrefois une communauté agricole prospère, mais elle s’est urbanisée au cours des dernières décennies. Le gouvernement a déclaré début août avoir acquis 71% des terres de l’île. En 2002 pourtant, les iliens ont gagné un procès dans lequel ils ont revendiqué la propriété de leurs terres, affirmant que le gouvernement ne possédait que 31 acres de l’île. Les services de sécurité égyptiens mettent l’île sous pression, contrôlant les passagers qui s’y rendent ou en reviennent par les ferries. En juillet 2017, un Égyptien a été tué et des dizaines de personnes ont été blessées lors d’une confrontation à propos des ordres d’expulsion. Environ 35 résidents ont été condamnés à de longues peines d’emprisonnement en décembre 2020 pour avoir « empêché les autorités d’accomplir leur devoir ». Fin juillet, les forces de sécurité ont démoli un hôpital et un centre pour jeunes sur l’île, et détruit deux écoles qui accueillaient 6 500 élèves. Début 2017, l’île Warraq a été exclue de la liste des réserves naturelles de l’Égypte, pour ouvrir la voie au plan du gouvernement qui consiste à construire 94 tours résidentielles de style Manhattan, des hôtels sept étoiles, d’écoles, des centres commerciaux et sportifs, de deux marinas pour yachts, d’une corniche fluviale et d’un grand parc.

L’île aujourd’hui

Le projet de transformation de l’ile à l’usage de l’élite

Tout est parti d’une descente de police, mercredi, dans une maison d’Awamiya, un village proche de Louxor. Les forces de sécurité voulaient y arrêter un jeune homme, suspecté d’avoir participé le 20 septembre à des manifestations anti-régime. Le jeune « suspect » n’étant pas là, la police a tenté, comme elle en a l’habitude, d’embarquer son jeune frère pour faire pression sur la famille. Cris, bousculade… Un officier a sorti son arme et tiré une balle dans la tête du frère, qui travaillait à l’hôpital de Louxor. Le lendemain, ses funérailles ont tourné en émeutes. Aux premiers slogans contre la police, les forces de sécurité ont répondu par des gaz incapacitants. Les villageois ont alors jeté tout ce qui leur tombait sous la main. Du classique dans l’Égypte de Sissi, où près de 500 manifestants sont allés rejoindre ces dernières semaines les 60 000 détenus politiques qui croupissent en prison. Embarrassées par la mauvaise publicité faite à son joyau touristique, les autorités ont suspendu le policier fautif. En attendant, les journalistes des derniers médias libres sont priés d’aller voir ailleurs. Basma Mostafa, n’a plus donné signe de vie à sa rédaction d’Al-Manassa, peu après avoir été contrôlé, samedi, par des policiers en civil. Son téléphone sonne depuis dans le vide.

Depuis le 20 septembre, date anniversaire de la contestation anti Al-Sissi, des manifestations quotidiennes ont essaimé dans plusieurs villes en Egypte. Les Égyptiens expriment en effet de plus en plus leur mécontentement, notamment contre une campagne de destruction de logements illégaux dans des faubourgs populaires démunis. Des affrontements ont éclaté et des blindés ont aussitôt investi la place Tahrir.  De nombreux défilés ont eu lieu dans plusieurs quartiers du Caire et ailleurs dans le pays, à Alexandrie, Minya, Sohag et Assouan. A Gizeh, des blindés furent même contraints de prendre la fuite face à la détermination des manifestants, et dans un village de la Moyenne-Égypte, ils ont jeté une voiture de police dans un canal. Un manifestant a été tué et plus de 170 ont été arrêtées.

Samedi 2 mai 2020, les autorités égyptiennes ont annoncées la mort de l’artiste et activiste Chady Habach. Il avait 22 ans et les circonstances exactes de sa mort restent encore indéterminées à ce jour. Chady Habach purgeait une peine de 2 ans après avoir été arrêté en 2018 suite à la réalisation d’une vidéo dénonçant la politique du président Abdel Fattah al-Sissi.

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