Le 10 octobre, quelques heures après le massacre d’Ankara, le KCK -organe politique du PKK et de ses organisations soeurs- déclarait une trève à l’encontre de l’armée et de la police turque. Les guérillas du PKK promettaient ainsi de ne pas attaquer les forces de l’état turc et de ne pas étendre les territoires qu’elles contrôlent. L’état turc a répondu à cette trève en poursuivant la guerre contre les kurdes et en bombardant les territoires kurdes en Turquie et en Irak.

Les HPG -branche armée du PKK- se sont défendu aujourd’hui à Binbir (Yüksekova), 24 soldats turcs ont été tués alors que les tirs de mortiers et de bombardiers turcs se poursuivaient. Au moins 8 combattants du PKK ont été abattus dans les bombardements. Malgré les agressions, le PKK maintient pour le moment son cessez-le-feu unilatéral et n’entreprendra pas d’actions offensives.

La Fédération des Syndicats Progressistes (DISK), la Confédération des Employés du Secteur Public (KESK), l’Union des Chambres des Architectes et Ingénieurs Turcs (TMMOB), l’Association Médicale Turque ainsi que le Parti Démocratique des Peuples (HDP) dirigent ces 12 et 13 octobre une grève générale en solidarité avec les victimes de l’attentat le plus meurtrier de l’histoire de la Turquie, le massacre d’Ankara qui a coûté la vie à plus de 100 personnes issues des mouvements de gauche Turcs et kurdes qui manifestaient contre la guerre. Si c’est naturellement l’organisation État Islamique qui est pointée du doigt, les preuves indiquent que les kamikazes étaient téléguidés par les services secrets turcs dont la connivence avec les islamistes n’est plus à démontrer.

Le président turc, Tayip Reccep Erdogan s’est d’ailleurs fait très discret dans les médias Turcs ces trois derniers jours alors qu’il faisait la une en Belgique pour avoir fait pressions sur les journalistes bruxellois qui posaient des questions sur Mohammed Ismael Rasool, ce caméraman de Vice News emprisonné dans une prison de Type-F (haute-sécurité) après avoir filmé les affrontements entre le YDG-H et les forces turques dans le sud du pays.

Rassemblement à ankara en hommage aux victimes de l’attentat

EDIT: Affrontements dimanche à Ankara et au Kurdistan

La police a utilisé les gaz lacrymogènes pour tenir à l’écart les gens endeuillés, venus rendre hommage aux victimes, dont les co-présidents du HDP, sous prétexte que les enquêteurs étaient toujours à pied d’oeuvre sur le site des deux explosions. Des incidents ont aussi éclatés entre manifestants et policiers à Dyarbakir.

Rassemblement à ankara en hommage aux victimes de l'attentat

Comme nous vous l’écrivions il y a quelques jours, la population de la province kurde irakienne de Sulaimani se rebelle contre le pouvoir du KDP (Parti Démocratique du Kurdistan). Les manifestants réclament que les travailleurs du secteur public -infirmiers, professeurs et fonctionnaires- soient payés, ils n’ont en effet pas touché de salaire pour ces trois derniers mois, malgré les rentrées pétrolières dont est censé profiter le quasi état kurde irakien du Gouvernement Régional Kurde (KRG).

Massoud Barzani, le président -non élu- du quasi-état est accusé de piocher dans la manne financière et de profiter de la crise politique, provoquée notamment par la guerre contre l’Etat Islamique, pour rester au pouvoir.

Lors d’accrochage entre la police et les manifestants dans la région -traditionnellement plus hostile au KDP- de Sulaimani, plusieurs protestataires ont été tués : ce vendredi un garçon de 13 ans est mort de ses blessures à Qaladze alors que les locaux du KDP étaient incendiés. Dans la même ville, la même soirée, trois manifestants ont été abattus par balle et des dizaines d’autres blessés. Les émeutes se sont également propagées jusqu’à aujourd’hui à Said Sadiq et à Kalar où les locaux du KDP ont également été incendiés. Enfin, à la suite de la manifestation de jeudi soir à Sulaimani même, 9 personnes ont été blessées, dont 5 policiers. Ce samedi soir au même endroit, la police a utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser les milliers de manifestants rassemblés.

A Qaladze où les émeutes ont été les plus intenses, un couvre-feu entre en application ce dimanche soir, les cafés et maisons de thé ont reçu l’ordre de fermer boutique.

Manifestation à Kalar.

Manifestation à Kalar.

Le rassemblement devant l’ambassade turque, auquel participait une délégation de notre Secours rouge, a rapidement tourné à l’affrontement entre les manifestants et la police anti-émeute. Après quelques minutes, il y a eu un affrontement, avec intervention de la police qui a fait usage de gaz lacrymogènes par la police et qui a procédé à au moins une interpellation. Ce rassemblement avait lieu en solidarité avec les victimes de l’attentat qui a couté la vie à -selon le dernier bilan- 128 personnes à Ankara, après que deux bombes aient explosées dans une manifestation pour la paix organisée par la gauche turque.

EDIT 14:42 Il y a plus de 500 manifestants rassemblés à quelques dizaines de mètres devant l’entrée de l’ambassade. Des membres de l’AKP sont venus provoquer les manifestants. Une autopompe est présente et la tension est palpable.

EDIT final Le rassemblement s’est transformé en manifestation sauvage vers la place du Luxembourg où un meeting improvisé a eu lieu avec que les manifestants se dispersent peu à peu sans autre incident.

Bruxelles : Affrontements à la manifestation devant l’ambassade turque

Suite à l’attentat qui a coûté la vie à plus de 90 manifestants pour la paix ce matin à Ankara, un rassemblement aura lieu en urgence devant l’Ambassade de Turquie.

Communiqué :
Suite à l’attentat meurtrier à Ankara lors d’un meeting du HDP, un rassemblement d’urgence est organisé demain dimanche 11 octobre,à 14h, devant l’ambassade de Turquie; Rue Montoyer 4, 1000 Brussel. Nous appelons tous ceux et celles qui peuvent y s’y rendre à participer. La solidarité est notre arme.

En ce moment même, 10.000 personnes manifestent sous haute présence policière à Ankara, en solidarité avec les victimes de l’attentat.

10.000 personnes marchent à Ankara, en solidarité avec les victimes de l’attentat.

10.000 personnes marchent à Ankara, en solidarité avec les victimes de l'attentat.

Le KCK (le ‘parapluie’ politique des organisations politiques et militaires kurdes en Turquie, Syrie, Irak et Iran) a annoncé un cessez-le-feu cet après-midi. Le cessez-le-feu devait être annoncé aujourd’hui, l’annonce a été maintenue malgré l’attentat meurtrier qui a eu lieu contre la gauche à Ankara ce matin (et qui selon le dernier bilan provisoire a fait 86 morts). Le cessez-le-feu prend effet immédiatement sous plusieurs conditions : plus d’attaques contre la population kurde, la guérilla maintiendra ses positions là où elle se trouve, aucune action ne sera planifiée contre les forces armées turques mais la guérilla se défendra si elle est attaquée, enfin, l’état turc ne devra pas menacer le processus électoral en terrorisant les populations.

Ce cessez-le-feu signifie également qu’il n’y aura à priori pas d’actions de vengeances suite à l’attentat de ce matin, du moins pas avant les élections qui auront lieu le 1er novembre. Le KCK a d’ailleurs qualifié ce cessez-le-feu « d’inaction », et est un acte clair de respect des demandes de paix de la gauche turque.

Notes sur le Kurdistan

Les drapeaux du HDP jonchent le sol lorsqu’ils ne servent pas à recouvrir des cadavres.

Au moins 35 personnes ont été tuées et des centaines d’autres blessées lors d’une attaque à la bombe qui a eu lieu en fin de matinée à Ankara. Des centaines de manifestants -notamment du HDP- y étaient rassemblés et s’apprêtaient à manifester pour un cessez-le-feu avant les élections du 1er novembre prochain. Le PKK s’était déjà dit d’accord pour poser les armes. Mais comme l’attentat de Suruç -qui visait également la gauche turque et kurde- avait suffit à Ankara pour déclarer la guerre au PKK, cette nouvelle attaque soulève encore plus d’inquiétudes… Pour rajouter à l’horreur, la police turque ne s’est pas privée d’attaquer la manifestation à coups d’autopompes et de gaz lacrymogènes. On ne sait pas à l’heure actuelle qui a posé la bombe, mais il semblerait que ce soit un attentat suicide dont sont coutumiers les membres de l’Etat Islamique que le PKK combat en Syrie et à Shengal.

Une vidéo de l’explosion qui survient à quelques dizaines de mètres des manifestants en train de danser.

Un nouveau carnage contre la gauche turque et kurde à Ankara.

Un nouveau carnage contre la gauche turque et kurde à Ankara.

Le préfet de Bismil a à nouveau déclaré le couvre-feu dans quatre quartiers de la ville : Ulutürk (renommé Rojava par la population), Dumlupınar, Fırat et Tekel. La police a mitraillé peu après dans la ville une voiture occupée par quatre jeunes Kurdes qu’elle affirme d’être des combattants au PKK. Les corps de ces jeunes ont été emmenés à l’Hôpital d’Etat de Bismil en attendant les autopsies dans un état méconnaissable. Deux d’entre eux étaient déchiquetés par un grand nombre de balles, et les têtes des deux autres jeunes avaient été arrachées de leurs corps. Les dépouilles étaient dans un tel état que les victimes n’ont pas encore pu être identifiés.

Par ailleurs, les autorités turques affirment avoir anéanti hier mercredi un groupe de dix combattants du PKK qui tentaient de s’infiltrer dans la région frontalière d’Aktutun dans la province d’Hakkari. De leur côté, les combattants kurdes ont attaqué un poste de contrôle de la gendarmerie dans la commune Baskale de Van: sept soldats et un milicien anti-guérilla ont été blessés.

Le lieu de la fusillade à Bismil

Le lieu de la fusillade à Bismil

Le Gouvernement Régional Kurde (KRG), cette région autonome irakienne pratiquement indépendante est dirigée par la famille Barzani qui détient le pétrole irakien et l’exporte massivement vers la Turquie, entre autres. Il y a quelques semaines, deux jeunes opposants au régime de Barzani avait été arrêté et torturé par le Parastin, les services secrets du KRG, pour avoir défendus le PKK sur Facebook (voir notre article). Nous apprenons aujourd’hui qu’une autre personne a été arrêtée le 4 août dernier pour avoir partagé une photo d’Abdullah Öcalan, le leader du PKK, sur internet. Esa Barzani (qui est un parent éloigné du président kurde irakien Massoud Barzani), est détenu sans être inculpé après que les agents du Parastin l’aient enlevé à son domicile.

A Sulaimani, de nombreux travailleurs du secteur public, infirmiers, enseignants et fonctionnaires manifestent ce jeudi soir devant un hotel 5-étoiles où se tient aujourd’hui une réunion des 5 partis légaux du Kurdistan Irakien. Le but de cette réunion est de reconduire à nouveau le président Massoud Barzani, de plus en plus impopulaire. Malgré la très juteuse rente pétrolière, voilà trois mois que les travailleurs du service public n’ont pas touché leur salaire, ils accusent la famille Barzani de se servir avant tout le monde. Les médias officiels du KDP (le parti de Barzani) accusent les manifestants de déstabiliser le quasi-état kurde alors que l’Etat Islamique n’est qu’à quelques dizaines de kilomètres de là… Des manifestants ont caillassé les nombreux policiers qui gardaient l’hôtel. Les travailleurs du service public se sont mis en grève pour une semaine.

Affrontements à Sulaimani.

Affrontements à Sulaimani.

Haci Lokman Birlik, 24 ans, membre du YDG-H, avait été blessé lors d’un affrontement avec les forces de sécurité turques. Les membres des forces spéciales l’ont achevé d’un balle et trainé sa dépouille attachée à l’arrière d’un véhicule dans les rues de Şırnak. Haci Lokman Birlik était le beau-frère de Leyla Birlik, une élue HDP de la ville. Par ailleurs, l’aviation turque a mené dans la nuit de samedi à dimanche 17 raids aériens contre des positions du PKK dans différents endroits du Kurdistan, dans l’est de la Turquie et le nord de l’Irak.

Hacı Lokman Birlik

Hacı Lokman Birlik