Texte du tract:
Reprise du procès des syndicalistes de Clabecq
Ce mardi 29 janvier, après cinq années de péripéties judiciaires (premier tribunal révoqué, second tribunal se déclarant incompétent) le procès de la délégation syndicale des Forges de Clabecq a repris à la 11e chambre de la cour d’appel de Bruxelles. L’instruction d’audience, par laquelle commence d’ordinaire les procès, a donné un avant-goût de la manière dont la justice bourgeoise entend mener ce procès – et de la manière dont elle le mènera effectivement si le mouvement de solidarité ne l’en empêche pas.
Il s’agissait ce mardi pour la cour de faire dire aux 13 inculpés s’ils acceptaient ou rejetaient chacune des nombreuses préventions retenues contre eux. A titre d’exemple, le président a demandé à Roberto D’Orazio s’il acceptait ou récusait la prévention de vol à l’aide de menace d’un téléphone mobile au vigile de l’aciérie.
Cela a permis à D’Orazio de demander une fois de plus ce qu’on lui reprochait exactement. En effet, l’intitulé des préventions ne précise jamais si on accuse l’inculpé d’être directement ou indirectement (par le biais de consignes par exemple) responsable des faits. D’Orazio se trouve ainsi inculpé de faits (ainsi l’incident du téléphone) pour lesquels le dossier d’instruction ne fait même pas état de sa présence sur les lieux! Le dossier d’instruction se limite à une série d’accusations imprécises devant lesquelles les accusés sont censés faire la preuve de leur innocence. Pratiquement, les principaux délégués syndicaux sont accusés de tous les incidents qui ont émaillés la longue lutte des sidérurgistes de Clabecq contre la fermeture de leur usine, sans que l’instruction ai cherché à enquêter sur les actes réels de chacun.
Dans cette affaire du mobile comme dans les autres affaires, Roberto D’Orazio et Silvio Marra (le président du Comité de Sécurité et d’Hygiène) ont entrepris d’exposer à la cour en quoi la prévention, en coupant l’incident de son contexte, relevait de la manipulation. A l’époque où la curatelle tentait de brader l’entreprise en faillite, la délégation syndicale, refusant la fermeture, était parvenue avec le travail bénévole de centaines d’ouvriers à maintenir l’outil en fonctionnement. L’avenir lui a donné raison en ce sens qu’effectivement, au lieu de la liquidation de l’aciérie au profit de quelques créanciers, l’usine a été reprise et la moitié des emplois ont été préservés. A l’époque des faits, la curatelle n’en voulait rien savoir et non seulement elle avait déserté l’entreprise, mais elle avait entrepris de saboter systématiquement les efforts des sidérurgistes. Parmi ces sabotages et provocations, les curateurs avait fait couper toutes les lignes téléphoniques. Ce faisant, ils menaçaient délibérément non seulement la tentative des ouvriers de sauver l’usine, mais également la sécurité de ces ouvriers et même celle de la région puisque les risques industriels dans une aciérie ne sont pas minces (l’usine est traversée de conduites d’hydrogène, il y avait sur place un stock de 200 kg de dynamite destinée à rompre l’acier malvenu, etc.). La seule ligne téléphonique laissée ouverte par la curatelle était celle du téléphone mobile en question, téléphone programmé de telle sorte qu’il ne pouvait servir qu’au flicage de l’usine par le vigile. Plusieurs ouvriers n’ont pas accepté que cette ligne subsiste: ils ont été saisir saisir le mobile, l’ont mis au frais, et l’ont restitué quelques temps après.
Les interventions des délégués à l’audience furent réellement remarquables de clarté, de dignité et de combativité, mais de ces remises en contexte qui démontraient le caractère proprement indécent des préventions, le président du tribunal s’est appliqué à n’en rien entendre. C’est ainsi qu’après l’exposé du contexte de l’affaire du mobile, le président s’est borné a demander (après avoir benoîtement laissé parler les délégués sur le mode du ’cause toujours’) à Roberto D’Orazio : ‘donc, vous rejettez la prévention de vol de téléphone’…
En réduisant un conflit social à une mosaïque d’incidents correctionnalisables, la justice bourgeoise peut persécuter des délégués qui ont consacré toute leur vie sociale au mieux-être de leur classe et faire l’impasse sur le seul véritable scandale de l’affaire de Clabecq: le pillage d’une région et le bradage de la sidérurgie brabançonne par le capital financier et ses agents (pouvoirs publics et autres curateurs responsables de détournements par dizaines de millions), la volonté de briser à tout prix la résistance ouvrière, et la trahison honteuse de la hiérarchie syndicale.
Ce n’est pas innocemment que l’instruction vise en bloc la délégation syndicale sans chercher à établir le degré exact d’implication de chacun des délégués dans chaque incident. Elle se désintéresse non seulement de la réalité de l’implication (présence sur place ou non) mais aussi de la nature d’une éventuelle implication, car à plusieurs reprises, les délégués soucieux de la sécurité des travailleurs ont mis un terme à des incidents qui leur valent officiellement aujourd’hui d’être traînés au tribunal. Officiellement et officiellement seulement, car derrière le procès de ces délégués, il y a purement et simplement le procès de la résistance ouvrière et du syndicalisme de lutte.
La prochaine audience (suite de l’instruction d’audience, réquisitoire du procureur et plaidoiries des parties civiles) se tiendra le lundi 4 février, la suivante aura probablement lieu de lundi suivant. De nouvelles péripéties de procédure ne sont toutefois pas à exclure puisque les avocats de la défense ont demandé que les inculpations soient déclarées nulles en raison de leur imprécision. Il importe d’apporter le soutien le plus large aux délégués des Forges de Clabecq en dénonçant ce procès et en leur apportant un soutien financier: à ce jour, leurs frais de procès dépassent 50.000 euros (compte de l’asbl Défense des Travailleurs : 370-1053288-52). (info : Secours Rouge/APAPC)
Secours Rouge / APAPC – Janvier 2002