Le mardi 3 février ont eu lieu les premières auditions sollicitées par la Commission parlementaire chargée d’évaluer la loi anti-terroriste. Quatre intervenants étaient ainsi annoncés: Gilles de Kerchove (coordinateur de la lutte anti-terroriste au niveau de l’Union européenne); Frank Schins (Procureur général auprès de la Cour d’Appel de Gand), Johan Delmulle (Procureur fédéral) et Damien Vandermeersch (Avocat général à la Cour de Cassation). Delmulle avait à ses côtés la magistrate Franssen, qui a en charge l’affaire du 5 juin contre les membres du Secours Rouge et le dossier contre Ferhiye Erdal. Dans la salle, outre la présidente de session, près de vingt parlementaires (ou attachés). Ils seront rejoints un peu plus tard par le ministre de la Justice Stefaan Declerck et son prédécesseur Jo Vandeurzen.

Premier intervenant: de Kerchove (ex-attaché de Cabinet à la Justice). Il justifie la lutte contre le terrorisme en demandant le renforcement de l’arsenal déjà en place. L’approche européenne harmonisée s’applique à travers des déclinaisons chaque fois nationales ‘selon les standards des lois ordinaires du Code pénal, avec un Droit adapté qui ne repose aucunement sur des législations d’exception, à la différence des Etats-Unis‘. De Kerchove insiste sur la nécessité de prévenir la commission d’actes terroristes en améliorant la pro-activité, c’est-à-dire les mesures de surveillance en amont. Il se félicite de la dernière Décision-Cadre (novembre 2008) adoptée par l’UE ajoutant ‘la provocation publique au terrorisme’ parmi les délits déjà inclus dans la loi nationale.

Renforcer donc l’espionnage? Pour de Kerchove cela implique de mieux se concerter avec Europol/Eurojust: ‘Le mandat d’arrêt européen? Enfin, ‘un produit’ (sic) qui répond aux attentes’. ‘Il faut croiser nos ‘watchlists’ (sic) et transmettre nos fichiers de renseignements aux USA’. ‘En Belgique, et ça n’existe nulle part ailleurs en Europe, la Sûreté de l’Etat n’est toujours pas légalement habilitée à user de méthodes particulières d’investigation. Ca ne va pas, même si on a mis sur pied l’OCAM’. Ce qui ne va pas non plus: ‘Dans le Droit belge, pour qu’il y ait provocation condamnable, il faut qu’on ait affaire à une association structurée. Il faudrait donc changer la loi et appliquer comme en France une définition beaucoup plus lâche‘… Même s’il ne le dit pas explicitement, l’intervenant voudrait que la loi soit considérablement durcie notamment parce qu’elle bute sur le concept de liberté d’expression (‘Au Danemark, cette liberté prime sur tous les autres droits reconnus!’). Conclusions: ‘Ces dernières années, on a assisté à un déplacement du Droit pénal: en matière de terrorisme, on a institué des modalités accentuant la prévention en amont. Il faut aller encore beaucoup plus loin‘.

Deuxième orateur: Schins. Le magistrat se contente de remettre un document dactylographié et d’énoncer des thématiques dont le principal commentateur ne sera autre que Johan Delmulle. Des multiples interventions du Procureur fédéral, on retiendra l’insistance à légiférer notamment pour protéger les témoins anonymes et les policiers chargés de leur protection; ou l’évocation de chiffres mettant en exergue l’excellent travail accompli grâce aux méthodes particulières d’enquête: ‘Durant les quatre dernières années, ont eu lieu 3.721 ‘observations’ dont 91 ayant trait au terrorisme, soit 2,44%; et 220 ‘infiltrations’ dont 4 pour terrorisme, soit 1,8%‘.

Delmulle revient évidemment sur les victoires judiciaires remportées par son office dans deux grands dossiers déjà jugés: l’affaire du Groupe islamique combattant marocain et le dossier ‘Degauque’ (du nom de la belge kamikaze en Irak). Delmulle retrace la chronologie judiciaire du ‘feuilleton DHKC’. Concernant l’assassinat d’Ozdemir Sabanci dont Fehriye Erdal est accusée, il y aura bientôt procès en Belgique devant les Assises. L’enquête est supervisée par Franssen, et un juge d’instruction de Bruges s’est déjà rendu une première fois en Turquie. A propos de la Cassation de juin 2008, Delmulle y voit la confirmation que son interprétation de la loi anti-terroriste est la bonne; sont fautifs les juges de la Cour d’Anvers (qui avaient acquitté les 7 prévenus du chef d’appartenance à une association ‘délictueuse’), raison pour laquelle l’affaire sera rejugée. Les lois les plus récentes (en matière sécuritaire) apportent ‘une incontestable plus-value’ mais doivent être rendues plus performantes.

Compte-rendu plus complet sur le site du CLEA

A Genève, huit célèbres juristes parmi lesquels Mary Robinson, l’ancienne présidente irlandaise, ont présentés un rapport sur les violations commises dans le monde au nom de la ‘guerre contre la terreur’ initiée par les Etats-Unis au lendemain des attentats du 11 septembre 2001.

Ce travail d’investigation a été mené par Mary Robinson et sept autres personnalités issues des quatre continents, comme Arthur Chaskalon, 1er président de la Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud, l’avocate pakistanaise Hina Jilani, représentante spéciale de Ban ki-Moon pour les défenseurs des droits de l’homme ou le suisse Stefan Trechsel, juge au Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie. Mandaté par la Commission internationale de juristes (CIJ) – un réseau mondial de juges, d’avocats et de défenseurs des droits humains basé à Genève – ces juristes ont rédigé un rapport de près de 200 pages, fruit de trois ans d’enquête, de 16 audiences couvrant plus de 40 pays dans toutes les régions du monde avec des dizaines de témoins.

Quelques extraits: ‘Les Etats démocratiques qui avaient coutume de défendre les normes juridiques relatives aux droits de l’homme participent aujourd’hui à l’érosion du droit international en les violant, en se rendant complices de violations perpétrées par d’autres États ou en faisant montre de tolérance à leur égard (…) Les mesures originellement adoptées à titre temporaire sont devenues permanentes et l’interprétation qui est donnée des notions applicables au terrorisme va souvent bien au-delà de l’objectif visé (…) Partout dans le monde, les agences de renseignement ont acquis des pouvoirs grandissants et disposent de nouvelles ressources, sans être pour autant tenues de mieux rendre compte juridiquement et politiquement de leurs actions (…) Pratiquement tous les Etats sont concernés, de même que les organisations internationales (…) Il est urgent de procéder à un examen complet des lois, politiques et pratiques en matière de lutte contre le terrorisme et de prendre des mesures correctives à l’échelle nationale, régionale et internationale.’

Mary Robinson à la tribune

Lire le rapport (en anglais)

Mary Robinson à la tribune

Plus de 150 personnes se sont rendues à l’Université de Liège le jeudi 5 février pour participer à la conférence-débat sur le thème de l’anti-terrorisme organisée par le Comité Liège-Tarnac, le Service de philosophie morale et politique de l’Université de Liège et le Comité pour la Liberté d’Expression et d’Association (CLEA). Le temps a manqué à un public très motivé pour poser toutes les questions suscitées par un très riche débat.

Estrade de la conférence

Audience de la conférence

Reportage photo plus complet sur le site du CLEA

Estrade de la conférence
Audience de la conférence

La commission de la Justice de la Chambre des représentants a entamé ce mardi 3 février l’évaluation de la législation anti-terroriste adoptée en décembre 2003, dans la foulée des attentats du 11 septembre aux Etats-Unis. C’est sur cette base légale que quatre militants de notre Secours Rouge/APAPC ont été arrêtés, emprisonnés et inculpés. A ce propos, le CLEA et le Comité Tarnac de Liège ont rendu public un document commun appelant à l’abrogation de cette législation.

Lire ce communiqué – format pdf

A l’initiative du Comité de Soutien aux inculpés de Tarnac Monday, une rencontre avec le philosophe Alain Brossat aura lieu ce 28 janvier à l’ULB (campus du Solbosch, salle AW1-105) autour du thème: ‘Quelle praxis politique sous un état d’exception? L’exemple de Tarnac‘. Le 20 janvier, Alain Brossat avait participé à Paris, sur Radio Libertaire, à une émission ayant pour sujet: ‘L’anti-terrorisme comme mode de gouvernement’ (avec David De Pass et Laurent Bonelli sur Radio Libertaire).

Ecouter l’émission

Rassemblées dans le XVIIIe arrondissement de Paris pour manifester leur soutien à de s détenus dans le cadre des lois anti-terroristes, une centaine de personnes ont été arrêtées. La manifestation se déroulait dans le cadre de la semaine ‘Sabotons l’anti-terrorisme’. Ce samedi après-midi, les participants à la manifestation ont réclamé la libération d’Isa, Juan et Damien, tous trois incarcérés après la tentative d’incendie d’une voiture de police à Paris pendant l’élection présidentielle de 2007. Selon la police, l’ADN d’Isa correspondrait à des traces prélevées sur des engins incendiaires. Arrêtée il y a un an, son procès n’a toujours pas été fixé. La semaine dernière, une manifestation de soutien à la jeune femme, devant la prison de Versailles, s’était déroulée dans le calme. Arrivés à Barbès vers 15h30, les manifestants ont été rapidement encerclés par la police. Un important dispositif de sécurité a été déployé. Une personne a filmé avec son appareil photo l’opération policière.

Elle rapporte avoir comptabilisé pas moins de huit fourgonnettes et deux bus de police: ‘Il y avait surtout des jeunes, entre 18 et 25 ans, ils ont été très vite embarqués par la police. Je n’avais jamais vu ça. Toute la rue était bloquée. J’ai parlé à quelques manifestants. Ils étaient assez agressifs.’

Cette manifestation des ‘militants contestataires’ n’était pas déclarée, on a tenté de la disperser mais les manifestants n’ont pas réagi. On a interpellé une centaine de personnes, soit autant d’interpellations que de manifestants’, explique la préfecture de police. Pour disperser la manifestation, la police a utilisé des gaz lacrymogènes. Un témoin présent à Barbès ce samedi après-midi, rapporte ‘s’être pris une bouffée de gaz lacrymogènes quand [sa] rame de métro s’est ouverte à la station, sans comprendre pourquoi.’ Plusieurs passagers du métro ont du s’enfuir, selon le Nouvel Observateur.

En Allemagne, le ministère de la justice vient d’approuver un projet de loi ‘anti-terroriste’. Ce projet prévoit des peines de prison de trois mois jusqu’à dix ans qui seront appliquées pour:

-avoir l’intention de participer ou à préparer un camp d’entrainement terroriste;
-faire l’apologie du ‘terrorisme’;
-faire circuler l’information sur la fabrication des explosifs etc.

C’est une transposition à l’échelle allemande de la direction-cadre européenne portant sur les mêmes sujets.

En Allemagne, le ministère de la justice vient d’approuver un projet de loi ‘anti-terroriste’. Ce projet prévoit des peines de prison de trois mois jusqu’à dix ans qui seront appliquées pour:

-avoir l’intention de participer ou à préparer un camp d’entrainement terroriste;
-faire l’apologie du ‘terrorisme’;
-faire circuler l’information sur la fabrication des explosifs etc.

C’est une transposition à l’échelle allemande de la direction-cadre européenne portant sur les mêmes sujets.

Cette conférence-débat, organisée par le Service de philosophie morale et politique de l’Ulg, le Comité liégeois de soutien aux inculpés de Tarnac et le Comité pour la Liberté d’Expression et d’Association, privilégiera une approche plurielle et associera des intervenants de divers horizons (scientifique, institutionnel, journalistique, associatif).

Organisation:

Service de philosophie morale et politique de l’Université de Liège – Comité de soutien liégeois aux inculpés de Tarnac – Comité pour la Liberté d’expression et d’association (CLEA)

Programme et intervenants:

19h: Conférence plénière: ‘Suspicion et exception: les logiques de l’anti-terrorisme‘ par Laurent Bonelli (Maître de conférences à Paris X- Nanterre, co-directeur de l’ouvrage Au nom du 11 septembre. Les démocraties à l’épreuve de l’anti-terrorisme, La Découverte, Paris, 2008)

20h30: Table ronde: Claude Debrulle (docteur en droit, ex-Directeur général au Ministère de la Justice, Administration de la Législation et des Libertés et Droits fondamentaux) – Edouard Delruelle (ULg, Service de philosophie morale et politique) – Wahoub Fayoumi (journaliste, inculpée dans l’affaire du Secours Rouge) – Annick Stevens (chargée de cours à l’ULg, membre du CLEA)

Introduction et animation: Thierry Müller, comité liégeois de soutien aux inculpés de Tarnac

Université de Liège – Le 5 février 2009 – Salle GOTHOT (19H-22H)

Texte de présentation de la conférence – format pdf

Vendredi 20, un symposium était organisé à Bruxelles par les facultés de Droit pénal des universités de Leuven et Maastricht et par le comité T pour réévaluer les lois anti-terroristes actuelles. La rencontre (nous citons): ‘a mis en évidence les risques des violations de libertés civiques causées selon ces lois, bien que leur efficacité spécifique soit dans le doute.‘ Plusieurs orateurs étrangers et belges ont exprimé la critique de ces lois et leur exécution, y compris leur manque d’efficacité. Pendant le symposium, l’ancien numéro 2 du Ministère de la Justice, Claude Debrulle a demandé une révision des lois composant une législation anti-terroriste extrêmement vague et peu claire en Belgique, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne ou en France. Claude Debrulle a vécu la genèse de lois anti-terroristes et leur incorporation à la structure d’Union Européenne après l’attaque du 9/11 aux Etats-Unis et aussi leur incorporation dans la loi belge. A ce moment-là, il avait déjà exprimé la critique des dangers de cette législation et ses abus possibles. Après ses propositions, Marc Verwhilgen, l’ancien Ministre de la Justice a essayé de le priver de ses pouvoirs mais le Conseil d’Etat avait annulé cette décision.