L’ancien prisonnier politique Abdulhalim Kırtay est décédé hier vendredi à Amed (Diyarbakir). Abdulhalim Kirtay avait été arrêté en 1993 à Silvan, accusé d’ « activité séparatiste ». Il avait été condamné, comme membre du PKK, par la cour de sûreté de État, à une peine de prison à perpétuité aggravée. Au cours de ses 30 années d’emprisonnement, il avait contracté diverses maladies et avait dû subir de multiples opérations. En novembre dernier, il avait été soigné dans un hôpital d’İzmir, où il avait été menotté à son lit pendant quatre jours. Kırtay n’a été libéré en mars alors qu’il était en phase terminale (voir notre article). Le PKK a rendu hommage à Abdulhalim Kırtay qui a résisté dans les cachots de l’État colonial turc pendant trois décennies. Nous nous associons à cet hommage.

Militantes, avocats, journalistes, artistes, dirigeants d’ONG… au moins 110 personnes ont été arrêtées en Turquie dans le cadre d’une opération « anti-terroriste » visant officiellement le PKK, à trois semaines des élections présidentielle et législatives. L’opération, survenue aujourd’hui mardi, survient à trois semaines d’élections cruciales pour la Turquie et elle a touché 21 provinces du pays, dont celle de Diyarbakir, au sud-est, à majorité kurde. Le nombre total d’interpellations pourrait atteindre 150. Les avocats sont interdits de tout contact avec leurs clients pendant 24 heures. Les élections présidentielle et législatives se tiennent dimanche 14 mai en Turquie et seront décisives pour le maintien, ou non, du président Recep Tayyip Erdogan et de son parti AKP, au pouvoir depuis deux décennies. L’opposition présente un front uni de six partis qui a désigné Kemal Kiliçdaroglu comme candidat de l’alliance de l’opposition pour la présidentielle turque, soutenu par le parti HDP.

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La militante kurde Ayşe Gökkan est née dans le district de Suruç à Urfa en 1965 et a étudié le journalisme. Elle a été arrêtée plus de 80 fois. En 2009, Gökkan a été élue maire du district de Nusaybin à Mardin avec 83 % des voix. La plupart des enquêtes à son encontre ont eu lieu pendant son mandat. En décembre 2020, elle a été condamnée à dix-huit mois de prison à Mardin. Lors du procès, elle a été accusée de se trouver dans une zone militaire restreinte et d’avoir causé des dommages matériels. L’accusation découle d’une action de désobéissance civile en octobre 2013. À l’époque, Gökkan était maire de Nusaybin et avait protesté par une grève de la faim  contre la construction d’un mur à la frontière avec la Syrie. Gökkan avait été condamné à 22 ans et 6 mois de prison pour des accusations de « terrorisme » et d’appartenance au PKK par la 9e chambre criminelle de Diyarbakır en octobre 2021. Une cour d’appel régionale d’Amed (tr. Diyarbakır) a confirmé mercredi le verdict en première instance.

 

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Le chantage qu’Erdogan exercé envers la Finlande et la Suède via son véto à leur adhésion à l’OTANt  porte ses fruit. L’année passée, la Finlande avait signé un mémorandum lors d’un sommet de l’Otan à Madrid afin de répondre aux demandes de la Turquie « en ce qui concerne les exportations d’armes et la lutte contre le terrorisme ». Depuis, la Finlande a multiplié les gestes envers le fascisme turc et ce tournant se passe aussi dans les rues. A Helsinki, des manifestants ont marché vers l’ambassade de Turquie pour montrer « leur solidarité avec le mouvement kurde contre les attaques de l’État fasciste turc et demander l’arrêt du commerce d’armes entre la Finlande et la Turquie, ainsi que la condamnation des attaques contre la liberté d’expression par la police finlandaise ». La police anti-émeute est intervenue lors du spectacle contre le gouvernement turc en saisissant la marionnette représentant Erdogan. Il y a quatre mois déjà, la police finlandaise était intervenue pour forcer des manifestants à enlever les drapeaux du PKK, des YPG et des YPJ.

Alors que le manque de moyens des services de secours turcs est mis en lumière par le récent tremblement de terre, manque de moyens qui a coûté la vie à des milliers de citoyen.ne.s, l’armée turque continue de mener des attaques contre les zones contrôlées par le PKK dans le sud du Kurdistan (nord de l’Irak). Et ceci alors que le commandement des forces armées du PKK, les Forces de défense du peuple (HPG) a décidé l’arrêt de toute opération offensive en raison du tremblement de terre. Rien qu’à Amêdî,  les militaires turcs ont effectués des dizaines d’attaques. La plupart des attaques étaient dirigées contre les positions de la guérilla dans la région de Çemço. Ici, ainsi que dans le massif de Girê Cûdî, le HPG a enregistré au moins 38 bombardements d’artillerie et de chars, et la zone a également été bombardée quatre fois par des hélicoptères de combat. Dans les environs du village voisin de Sîda, l’armée turque a mené des attaques à l’arme lourde. En outre, la zone a été attaquée avec des bombes non conventionnelles. Si elle s’est interdite des opérations offensives, la guérilla n’a pas renoncé à se défendre, et c’est ainsi que deux soldats turcs ont été tués, et un troisième a été blessé, par les tirs des snipers du HPG.

Avec Servet Turgut, 55 ans, Osman Şiban a été détenu le 11 septembre 2020 près du district de Çatak par des soldats turcs. Après de graves tortures, ils ont été poussés hors d’un hélicoptère militaire en vol. Après cette épreuve, Osman Şiban et Servet Turgut ont été conduits dans différents hôpitaux. Les militaires ont déclaré au personnel médical que les deux hommes étaient des terroristes et qu’ils avaient été blessés lorsqu’ils ont tenté de s’échapper d’un hélicoptère. Şiban a survécu à cette épreuve tandis que Servet Turgut est mort après vingt jours de coma.

Le procès intenté à Osman Şiban s’est tenu jeudi au 2e tribunal pénal supérieur de Mersin. Şiban est accusé d' »appartenance à une organisation terroriste », ce qui est passible de 15 ans de prison. Deux témoins étaient connectés à la salle d’audience via le système sonore et vidéo. Le procureur accuse Osman Şiban d’être membre du PKK parce que trois bidons de carburant qui auraient été découverts en terrain proche de la maison qu’il n’habite que pendant l’été. Il se base aussi sur le survol du hameau où se trouve la maison de Şiban par un drone de reconnaissance le 9 septembre 2020. L’évaluation des données du vol concluaient à des activités qui « ne s’inscrivaient pas de manière cohérente dans le flux habituel de la vie ». Enfin, l’accusation se réfère aux déclarations d’un témoin qui a déclaré que la maison d’Osman Şiban avait accueilli des membres du PKK il y a 20 ou 30 ans. Prochaine audience en avril.

 

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Depuis le début de l’invasion le 14 avril 2022 par voie aérienne et le 17 avril 2022 par voie terrestre, la résistance de la guérilla kurde a montré que les changements opérés en son sein (dans le cadre de la doctrine dite de la « guérilla du 21e siècle) lui avait fait gagné en puissance et en efficacité. Combinant les principes de la guerre populaire et le déploiement d’unités hautement spécialisées (équipés de missiles guidés, d’armes lourdes de sniping, de puissants IED), utilisant la mobilité, les camouflages multicouches (optiques et infrarouges), et d’innombrables tunnels creusés dans un reliefs déjà riche en grottes et cavernes, les Forces de défense du peuple (HPG) ont empêché l’armée turque de « nettoyer » le territoire et lui ont infligé de lourdes pertes. Ces résultats sont d’autant plus spectaculaires que la Turquie déploie ses unités d’élites, supportées par des centaines d’avions, de drones et d’hélicoptères, et utilisant des armes de destruction massive (bombes thermobariques) ou carrément interdites (gaz toxiques).

Le commandement de la guérilla kurde a fait l’annonce suivant : « Après l’action du 5 décembre dans la zone de résistance de Saca, au cours de laquelle un major et d’autres officiers supérieurs ont été punis, l’armée turque s’est retirée du sommet du mont Kurojahro, du village de Saca dans la ville de Sheladize à Amadiya, des environs du village, de Girê Şehîd Sîpan et de Dola Şehîd Kuncî, où le major a été puni. En outre, l’armée turque a fui de tous les fronts dans la zone de résistance de Girê Cûdî, où elle a brûlé les corps de ses propres soldats sur les ordres de Hulusi Akar. Les 11 et 12 décembre, l’armée turque a subi des coups durs suite aux bombardements intenses de la guérilla sur les collines de Şehîd Kendal, Şehîd Şîlan, Şehîd Çekdar, Şehîd Baxtiyar, Şehîd Savuşka et Şehîd Leşker et a battu en retraite. L’armée turque a apporté divers matériels pour l’occupation de Girê Cûdi et une station permanente dans la région. Afin d’éviter que ces objets ne tombent entre nos mains, ils ont été brûlés et jetés depuis les affleurements rocheux. Pendant la retraite paniquée de l’armée turque, de nombreux objets ont également été abandonnés. Actuellement, l’armée turque s’est retirée du village de Saca et de ses environs à l’est du Zap et des zones à l’ouest du Zap à l’exception de Girê FM et Girê Hekarî. »

 

 

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a statué négativement dans l’affaire de la demande de retrait du PKK de la liste des « organisations terroristes » de l’UE. Sa résolution affirme que le PKK est une « organisation terroriste », faisant référence aux résolutions du Royaume-Uni de 2014 et des États-Unis interdisant le PKK en 1997 et 2001. Elle indique que les actions du PKK ne peuvent être considérées comme relevant du « droit du peuple kurde à l’autodétermination » et qu’il ne pouvait être considéré comme légitime de recourir à la force armée pour l’exercice général de ce droit.

En 2018, la CJUE avait pourtant donné raison au PKK, considérant que celui-ci avait été inscrit à tort sur la liste terroriste entre 2014 et 2017. Le Conseil européen avait fait appel de ce jugement. Le PKK avait par la suite introduit un nouveau recours, cette fois-ci contre les listes de 2018 à 2020. Dans un arrêt du 30 novembre 2022, la CJUE a confirmé la décision de la juridiction de première instance s’agissant de la liste de 2014, mais l’a annulée concernant les listes de 2015 à 2017. De surcroît, elle a rejeté les recours contre les listes suivantes jusqu’en 2020.

 

La grande opération d’occupation et de ratissages anti-guérilla lancée au Kurdistan irakien par l’armée turque le 15 avril se heurtent à des difficultés importantes. La guérilla kurde a produit plusieurs vidéos montrant ses combattantes et combattantes infliger des pertes aux unités turques, avec des actions de sniper, des tirs de missile et des embuscades (voir ici ou ici). Les combats sont particulièrement acharnés dans la zone de Medya. Pour atteindre les guérilleros dans les grottes et anfractuosités, les militaires turcs font un usage de plus en plus larges d’armes chimiques interdites par les conventions internationales. Les 7, 8 et 9 décembre, les positions kurdes dans la zone de résistance de Çemço ont ainsi été attaquées avec des armes chimiques des dizaines de fois.

Le demandeur d’asile kurde Mahmut Tat, qui a migré en Suède en 2015, était un membre actif du Parti démocratique des peuples (HDP). Il a été jugé et condamné à six ans et dix mois de prison en Turquie il y a sept ans. « Le terrorisme est mentionné à de nombreuses reprises tout au long de votre dossier. Le PKK est également une organisation terroriste pour nous. La République de Turquie vous a jugé équitablement. Vous êtes une menace pour notre pays et vous ne pouvez pas rester ici », lui ont déclaré les institutions suédoises. Le 22 novembre, elles l’ont placé en détention, puis l’ont emmené au centre de détention de Märsta le 1er décembre, d’où il a été transféré en Turquie.

L’extradition de Tat vers la Turquie a eu lieu au milieu des négociations de l’OTAN entre la Turquie, la Suède et la Finlande. Après l’invasion de l’Ukraine, les deux pays scandinaves ont demandé à adhérer à l’OTAN. Toutefois, Erdoğan avait déclaré qu’il gèlerait le processus d’adhésion si les deux pays ne prenaient pas de mesures contre l’exil politique kurde. Le nouveau Premier ministre suédois, qui s’est récemment rendu à Ankara, a promis de respecter toutes les obligations que son pays a contractées envers la Turquie, notamment l’extradition de dissidents, en échange de l’approbation de la candidature de son pays à l’OTAN. Le parlement suédois a également annoncé un vote le 16 novembre sur des amendements constitutionnels qui pourraient conduire à un renforcement des lois antiterroristes, une autre étape vers le respect des exigences de la Turquie. La Suède accueille une diaspora kurde dont les estimations varient entre 85 000 et 100 000 personnes, soit 1% de la population suédoise.