Le maire d’Istanbul et rival d’Erdogan, Ekrem İmamoglu, a été officiellement arrêté et mis en détention provisoire ce matin pour « corruption » et sera détenu à la prison de Silivri. Des millions de personnes sont descendues dans les rues de Turquie, des affrontements ont eu lieu à Saraçhane, à Istanbul et marquent la cinquième nuit de manifestations antigouvernementales massives. Le quartier de Saraçhane est devenu un haut lieu de protestation, situé à quelques kilomètres de la place Taksim que les manifestants tentent toujours d’atteindre, mais ils restent bloqués par d’importants barrages policiers maintenus 24 heures sur 24. Les forces de l’ordre ont violemment réprimé les contestataires, les frappant à coups de matraque et coups de pied, tout en essayant d’empêcher les personnes de filmer, ils ont fait abondamment usage de gaz lacrymogènes. Tout au long de la nuit, des appels invitant la police à joindre les rangs des manifestants anti-Erdogan ont été scandé : «Policier, révolte-toi aussi !» Les forces de l’ordre ont procédé à plusieurs centaines d’arrestations dans au moins neuf villes du pays, les autorités ont demandé au réseau social X la fermeture de plus de 700 comptes d’opposants, la plateforme s’est opposée à cette demande.

Pour cette quatrième nuit de mobilisation, la foule est apparue encore plus dense et plus nombreuse, prenant d’assaut les abords de l’hôtel de Ville, congestionnés, en agitant des drapeaux et des pancartes exprimant sa colère, on pouvait y lire:« Les dictateurs sont des lâches ! », « L’AKP (Parti de la Justice et du Développement) ne nous fera pas taire ». Le maire Ekrem Imamoglu, qui est le principal rival du président, a été amené en début de soirée avec 90 de ses co-accusés au palais de justice protégé par des dizaines de fourgons anti-émeutes et un cordon de policiers, afin d’être présenté à un procureur. Malgré les restrictions d’accès, au moins mille personnes, s’étaient pressées aux abords du tribunal. Les forces de l’ordre ont donné la charge peu après minuit (22 h en Belgique ), usant de gaz lacrymogènes en grandes quantités, obligeant ceux qui le pouvaient à se réfugier dans l’hôtel de ville, de nombreuses personnes ont été arrêtées, mais aucune donnée officielle n’est disponible. À Ankara, les manifestants ont été repoussés par des sprays de gaz poivré et les canons à eau, à Izmir, la police a bloqué des étudiants qui tentaient de marcher sur les locaux du parti AKP au pouvoir. Le gouvernorat d’Istanbul a prolongé jusqu’au 26 mars l’interdiction de rassemblement en vigueur depuis mercredi.

La police turque a arrêté 343 personnes lors d’opérations matinales dans plusieurs villes après les manifestations d’hier soir (voir article ici ). Les opérations ont principalement visé des étudiants et des membres de groupes de gauche. L’Association des avocats progressistes (ÇHD) a signalé que plusieurs étudiants avaient été arrêtés par la police antiterroriste lors d’opérations à Ankara, ainsi qu’un de ses membres, un avocat. L’organisation de jeunesse « Sol Genç » (Jeunesse de gauche) annonce que trois de ses membres ont également été arrêtés. Des groupes de jeunes affiliés aux « Maisons du Peuple », l’un des plus anciens mouvements de gauche turcs, ont elles aussi déclaré que plusieurs personnes avaient été arrêtées à Istanbul, à la suite d’affrontements avec la police lors des manifestations de la nuit dernière. Le Parti des travailleurs de Turquie (TIP), a rapporté que les domiciles de plusieurs de ses membres ont été perquisitionnés à Ankara, Istanbul, Izmir et Çanakkale. À Ankara, un rassemblement organisé par le Parti républicain du peuple (CHP) a été stoppé par la police hier soir.

Une foule monstre de 300 000 personnes a déferlé vendredi soir vers l’hôtel de ville d’Istanbul pour dénoncer l’arrestation du maire, Ekrem Imamoglu, candidat d’opposition au président Recep Tayyip Erdogan aux présidentielles de 2028. Il a été auditionné plusieurs heures vendredi et devrait être présenté samedi soir à un juge. Plusieurs dizaines de milliers de personnes se sont pressées aux abords immédiats de la municipalité. La fermeture pour 24 heures de ponts et de plusieurs voies d’accès décidée par les autorités ont empêché nombre de manifestants de rejoindre le site pour la troisième nuit consécutive. “Ne te tais pas sinon ce sera bientôt ton tour!”, ont chanté les manifestants, brandissant des pancartes “N’ayez pas peur, le peuple est là”. Des appels à manifester avaient été lancés dans plus de 45 villes, des heurts ont éclaté à Istanbul, Ankara et Izmir où la police a fait usage de canons à eau, à Istanbul, les policiers ont fait usage de balles en caoutchouc, usé de gaz lacrymogènes. Au total, des manifestations se sont tenues 40 des 81 provinces du pays. 97 personnes ont été interpellées, plusieurs journalistes qui couvraient les rassemblements ont été blessés à Istanbul par les forces de l’ordre, 16 policiers ont été blessés. Les autorités ont interdit tout rassemblement jusqu’à mardi soir à Ankara et Izmir.

Des centaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues d’Istanbul, Ankara, Izmir, Trabzon et de nombreuses autres villes, ce mercredi et jeudi, pour exprimer leur colère face à l’interpellation à son domicile par une centaine de policiers ce mercredi 19 mars, d’Ekrem Imamoglu, maire d’Istanbul et principal rival du président Erdogan aux élections présidentielles de 2028, au motif de ses «liens présumés avec le PKK» (Parti des Travailleurs du Kurdistan).

Sur ordre du ministre de l’Intérieur, les rassemblements, les manifestations ont été interdits jusqu’au 23 mars, malgré cela, ils se sont multipliés. L’accès à plusieurs réseaux sociaux et messageries était toujours restreint ce jeudi à Istanbul. 37 internautes ont été arrêtés pour des «messages provocateurs». Tentant de bloquer un groupe de jeunes manifestants qui se dirigeaient vers la place Taksim, lieu emblématique de contestation, barricadé depuis deux jours, la police a fait usage de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogènes. Aucun blessé n’était immédiatement rapporté. Lors de la manifestation à Izmir Bornova, des manifestants ont poursuivi les forces de police, forçant les agents à quitter les lieux, quelques policiers ont été blessés lors de ces affrontements.

À de nombreuses reprises, la prison de Silivri n° 5 d’Istanbul a fait l’objet de révélations de violations des droits des prisonniers kurdes. Ces dernières sont à nouveau mises en avant, les détenus kurdes ont transmis leurs témoignages à l’Agence de Mésopotamie (MA) par l’intermédiaire de leurs avocats. Depuis l’appel d’Abdullah Öcalan à la « paix et à la société démocratique » ( voir notre article ), ils déclarent être victimes d’attaques directes, d’insultes, d’intimidations, de manquements et de pressions de la part des agents pénitentiaires. De multiples comptages sont effectués sous la présences de 30 à 40 agents, de nombreuses confiscations allant de leurs oreillers aux articles achetés à la cantine ont lieu lors des fouilles de cellules sous le motif « d’usage non prévu ». Des procès-verbaux ont été conservés en raison des objections lors de demandes, les prisonniers déclarent des falsifications de ceux-ci et font état d’enquêtes disciplinaires ouvertes pour les empêcher de bénéficier de leur droit à la probation. Actuellement, 12 prisonniers sur 30 n’ont pas été libérés. Certains prisonniers, résistants aux pressions ont été physiquement attaqués par les gardes de la « Team Ready Force » ( Force d’intervention rapide).

Les attaques turques contre les zones tenues par le PKK dans les régions montagneuses du Nord du Kurdisan irakiens se sont intensifiées depuis l’annonce du cessez-le-feu unilatéral par le PKK. Ce cessez-le-feu faisait suite à l’appel d’Abdullah Öcalan (voir notre article) et ne concernait pas les actions d’auto-défenses, et se voulait une ouverture vers une solution négociée. Mais depuis le début de ce cessez-le-feu, l’armée d’occupation turque a intensifié son action et bombardé les zones de guérilla 14 fois avec des avions de combat, 9 fois avec des hélicoptères d’attaque et 692 fois avec de l’artillerie. L’armée turque pilonne ainsi tout périmètre où elle croit déceler la présence d’une unité de guérilla, en fonction des informations recueillies par les drones, par des postes militaires, et par des caméras camouflées dans les montagnes et opérées à disstance.

Samedi 8 mars, en soirée, malgré les interdictions de manifester ordonnées par les autorités, une marée féministe d’environ 200 000 personnes a déferlé sur Istanbul. La police avait monté des barrages pour empêcher la marche nocturne qui a lieu depuis 23 ans. Les participant.e.s se sont rassemblé.e.s derrière une banderole mentionnant : «Notre lutte féministe change nos vies et le monde». Tout au long du parcours, des slogans tels que « Jin, jiyan, azadî (slogan féministe kurde) », « Nous ne nous tairons pas, nous n’avons pas peur, nous n’obéirons pas » et « Vive notre lutte féministe » ont résonné dans les rues. Durant la marche, les participantes ont déployé un drapeau « Rébellion féministe » devant le Feminist Mekan, un lieu de rassemblement féministe bien connu des militantes. Après la marche, plus de 200 personnes ont été arrêtées par les forces de l’ordre.

Lundi 17 février, la députée du Parti DEM, Newroz Uysal, a été victime de violences policières lors d’une manifestation contre la confiscation de la municipalité kurde de Van. Les forces de l’ordre l’ont roué de coups devant les caméras. L’Assemblée des femmes du DEM Parti a publié un communiqué qui déclare que des dizaines de personnes ont été violemment arrêtées par la police lors de manifestations et dénonce les attaques contre les citoyens et les élus qui exercent leur droit démocratique de manifester.

Ces 5 derniers jours, près de 300 personnes ont été arrêtées. Les autorités d’Ankara livrent ce bilan ce mardi 18 février. Parmi ces personnes, des « membres présumés d’organisations terroristes », en particulier du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Ces arrestations ont eu lieu au moment où la Turquie  négocie avec Abdullah Öcalan, leader du PKK emprisonné depuis 26 ans pour qu’il appelle ses combattants à renoncer aux armes. Aux yeux du parti pro-kurde DEM (Parti de l’égalité des peuples et de la démocratie) ces arrestations, tout comme la destitution récente de plusieurs de ses maires, sont le signe d’un manque de sincérité du pouvoir dans ces efforts de paix.