Du 4 au 6 décembre, plusieurs actions de solidarité ont eu lieu en Europe pour soutenir Ayberk Demirdogen, prisonnier révolutionnaire en Turquie, à l’occasion de son 270ᵉ jour de grève de la faim contre l’isolement carcéral et les prisons de type puits. Les mobilisations ont compris des campagnes sur les réseaux sociaux, des manifestations devant les ambassades et consulats turcs à Minsk, Moscou, Marseille, Berlin, Bruxelles, Rotterdam et Londres, ainsi que des jeûnes de solidarité d’une journée dans de nombreux pays européens, réunissant plusieurs centaines de participants.

Le programme turc des Centres d’Enseignement Professionnel (MESEM), qui oblige les jeunes de 14 ans et plus à travailler quatre jours par semaine en entreprise, est massivement critiqué par les syndicats et les défenseurs des droits pour institutionnaliser le travail des enfants et fournir une main-d’œuvre bon marché, ce qui a entraîné au moins 15 décès d’élèves ces deux dernières années scolaires. Les protestations contre ces politiques ont été violemment réprimées, notamment l’arrestation et l’incarcération de 16 étudiants membres du TİP (Parti des travailleurs de Turquie) lors d’une manifestation dénonçant les crimes du MESEM le 3 décembre 2025.

Le Dr Barış Kaya, connu pour offrir des soins médicaux gratuits aux populations vulnérables, sera jugé le 9 décembre 2025 devant la Cour criminelle d’Istanbul. Arrêté sous des accusations jugées infondées par ses soutiens, il aurait été maltraité et privé de son droit de pratiquer la médecine. Ses partisans dénoncent une criminalisation de l’accès gratuit aux soins et appellent la population à assister au procès, à envoyer des messages aux ministères de la Santé et de la Justice, et à diffuser des vidéos de soutien, affirmant que fournir des soins gratuits à la population n’est pas un crime.

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Zehra Kurtay est en grève de la faim illimitée depuis le 3 juillet 2023 pour protester contre les menaces d’expulsion et demander un statut de réfugiée politique (voir notre article). Au 5 décembre 2025, elle en est à 157 jours de jeûne et son état de santé s’est gravement détérioré, avec un poids chutant à 38 kg. Les observations médicales révèlent une forte diminution des réserves musculaires, un épuisement et des complications qui mettent sa vie en danger. Ses soutiens demandent l’arrêt immédiat des menaces d’expulsion et l’octroi d’un statut de réfugiée, appelant à une intervention urgente pour garantir sa vie et ses droits.

Le journaliste turc Furkan Karabay, arrêté lors d’une opération à l’aube le 15 mai en raison d’une vidéo YouTube et de publications sur les réseaux sociaux, a été libéré ce mardi après que la 25e Cour d’assises d’Istanbul a ordonné sa remise en liberté lors de sa première comparution. Condamné à trois peines distinctes pour « insulte au président », « insulte à un agent public » et « mise en danger de fonctionnaires engagés dans la lutte antiterroriste », Karabay a toutefois été acquitté pour d’autres accusations visant deux magistrats. Quelques heures après la décision, le parquet a immédiatement fait appel, mais la procédure étant en cours, Karabay a pu sortir de la prison de Marmara à Silivri, où il a retrouvé ses proches et collègues, célébrant la fin de 201 jours de détention.

La libération conditionnelle de Mehmet Sait Yıldırım, prisonnier malade détenu depuis 31 ans à la prison de Buca Kırıklar, a été une nouvelle fois reportée, cette fois jusqu’au 27 août 2026. La décision a été justifiée par le comité de surveillance au motif que le détenu « ne montrait pas de bonne conduite » et « ne faisait pas preuve de remords ». Son avocate, Fatma Demirer, dénonce une décision arbitraire, soulignant que Yıldırım, âgé de 74 ans et souffrant de graves problèmes de santé, dont une maladie cardiaque, est confiné en cellule individuelle depuis huit ans et que des échanges téléphoniques avec sa famille ont été utilisés à tort pour bloquer sa libération. Condamné à perpétuité en 1995 pour son rôle important au sein du PKK, Yıldırım a affirmé qu’il souhaitait retrouver sa liberté « sans que son honneur soit bafoué ».

En grève de la faim depuis le 11 mars 2025 pour exiger la fermeture des prisons de type puits et la fin des violations des droits humains à la prison de Kırıkkale, Ayberk Demirdögen a été transféré de force à l’hôpital le 21 novembre après avoir annoncé qu’il cesserait également de boire de l’eau et du sucre. Emmené menotté sur une civière et maintenu 5H30 à l’hôpital, il a refusé tout traitement et a été renvoyé le jour même en détention. Son état de santé est décrit comme critique : perte de connaissance récente, incapacité à marcher, douleurs thoraciques et cardiaques, faiblesse extrême et gonflement persistant de la cheville. Ses avocats exigent que les autorités acceptent ses revendications, mettent fin aux abus signalés à Kırıkkale et transfèrent huit autres détenus de la prison de type puits d’Antalya vers un établissement ordinaire.

C’est au tour de la Turquie d’agir, a déclaré un des dirigeants de l’ex-PKK. Ce dernier n’ira pas plus loin dans les négociations de paix avec Ankara : « Nous avons fait ce qu’on nous a demandé, a déclaré le commandant Amed Malazgirt. C’est au tour de l’État turc. En Turquie il y a eu des discussions mais aucune avancée concrète (…). Désormais nous attendons que l’État turc prenne des mesures et c’est à lui de faire les prochains pas ». Le chef militaire de l’ex-PKK, rencontré samedi dans les montagnes du Kurdistan dans le nord de l’Irak, salue la création d’une commission transpartisane au sein du Parlement turc : « L’État turc a fait un geste positif, mais ce n’est pas la seule action nécessaire », juge-t-il tout en précisant « suivre de près » ses travaux. « Nous avons deux revendications. Premièrement, la libération du leader Apo. Faute de quoi, le processus ne réussira pas. La deuxième est la reconnaissance constitutionnelle et officielle du peuple kurde en Turquie ». Le responsable a tenu également à clarifier la notion de désarmement après une opération symbolique, en juillet, lors de laquelle une trentaine de combattants de l’ex-PKK avaient brûlé leurs fusils (voir notre article). « C’est l’État turc qui a promu ce récit affirmant qu’il nous avait appelés à déposer nos armes : nous, nous nous sommes engagés à ne pas les utiliser contre l’État turc. Il y a une différence et ce que nous avons fait correspond à ce que le leader Apo a demandé », a-t-il déclaré. « Nous avons dit que nous n’utiliserons pas les armes contre l’État turc et jusqu’à ce jour, nous ne les avons pas utilisées », a-t-il relevé.

À propos d’Abdullah Öcalan, un autre commandant, Serdar Mazlum Gabar, a fait valoir que « Nous visons d’abord la reconnaissance du droit à l’espoir et ensuite la liberté totale de la direction (…) Par liberté, nous entendons qu’il soit libre d’agir, de diriger son mouvement et de s’intégrer au peuple ». Cette notion de « droit à l’espoir » avait été avancée l’an dernier par le principal allié du gouvernement turc à l’initiative du processus de paix. « Nous pouvons garantir la sécurité de notre direction », poursuit-il en suggérant dans un premier temps « une assignation à résidence » d’Abdullah Öcalan. Une délégation de la commission parlementaire chargée du processus de paix a rendu visite le 24 novembre pour la première fois à Abdullah Öcalan.

Militants et militantes du PKK

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Depuis plus de 150 jours, Zehra Kurtay mène une grève de la faim illimitée pour dénoncer la révocation de son titre de séjour et les risques d’une expulsion (voir notre article). Samedi 29 novembre à Paris, de nombreux soutiens se sont à nouveau rassemblés pour affirmer leur solidarité, avec la participation remarquée des artistes de Grup Yorum. En particulier, les personnes présentes ont dénoncé l’acharnement contre les étrangers, et particulièrement celles et ceux qui s’engagent contre l’impérialisme et le fascisme. Alors que la révolutionnaire turque est très affaiblie, elle a réaffirmé son engagement à poursuivre sa lutte jusqu’à la satisfaction de ses revendications.

Après 245 jours de grève de la faim, le prisonnier politique Fikret Akar a obtenu gain de cause : il a été transféré de la prison d’isolement de haute sécurité de Çorlu-Karatepe, une prison de type puits, vers la prison de type F n°2 de Tekirdağ. Ce transfert constitue une nouvelle victoire dans la lutte menée depuis longtemps par des prisonniers révolutionnaires contre ces prisons qui imposent des conditions particulièrement inhumaines. Alors que son état s’était récemment aggravé et qu’il exprimait la crainte d’être nourri de force — affirmant préférer mourir plutôt que subir cette procédure —, sa demande a finalement été acceptée. Cette avancée fait suite à celle de Serkan Onur Yılmaz, qui a suspendu sa grève de la faim après 375 jours (voir notre article). Après ces victoires, l’attention se tourne désormais vers Ayberk Demirdögen et d’autres grévistes de la faim dont l’état est critique, tandis que l’appel à mettre fin aux prisons d’isolement reste central pour ces prisonniers et leurs soutiens.