Actualité de la répression et
de la résistance à la répression

1. La « Conspiration des poudres Â»

Au XVIe siĂšcle, Couronne anglaise a pris ses distances avec l’Eglise catholique, rĂ©primant la partie de sa population restĂ©e fidĂšle Ă  Rome: tortures, exils, brimades, procĂšs
 A la mort d’Elisabeth 1Ăšre, en 1603, le catholicisme est marginalisĂ© dans le royaume. Guy Fawkes est un natif de York converti au catholicisme. Il quitta la Grande-Bretagne pour le continent, oĂč il a combattu aux cĂŽtĂ©s de l’armĂ©e catholique espagnole contre les protestants nĂ©erlandais. Il est restĂ© en Espagne pour solliciter en vain l’appui d’une rĂ©bellion catholique en Angleterre.

RentrĂ© en Angleterre, il participe Ă  une conspiration visant Ă  assassiner Jacques 1er pour de restaurer une monarchie catholique. Les comploteurs ont obtenu l’accĂšs Ă  une crypte sous la Chambre des Lords, dans le palais de Westminster, et ont confiĂ© Ă  Fawkes la responsabilitĂ© des 650 kg de poudre Ă  canon, stockĂ©s lĂ  depuis mars 1605, en vue de la faire exploser lorsque le Parlement rĂ©uni serait au complet.. Mais un complice dĂ©nonce la conspiration Ă  un Lord catholique: les autoritĂ©s fouillent les sous-sols aux premiĂšres heures du 5 novembre 1605, et trouvent Fawkes qui s’apprĂȘtait Ă  mettre Ă  feu Ă  ses 36 barils de poudres. Au cours des jours suivants, il a Ă©tĂ© interrogĂ© et torturĂ©, et finalement, il a finalement donnĂ© le nom de ses complices (tous dĂ©jĂ  connus). ImmĂ©diatement avant sa pendaison, le 31 janvier 1606, Fawkes Ă©chappa des mains du bourreau [violet]et[/violet] sauta de l’échafaud, et se brisa le cou.

Au Royaume-Uni, le soir du 5 novembre est fĂȘtĂ© sous le nom de Guy Fawkes Night (Ă©galement Bonfire Night ou Fireworks Night) par des feux de joie et des tirs de feux d’artifice. Traditionnellement, les enfants font une effigie de Guy Fawkes nommĂ©e le Guy, qui peut Ă©galement reprĂ©senter un personnage cĂ©lĂšbre ou les malheurs de l’annĂ©e. Ils la promĂšnent de porte Ă  porte pour demander « a penny for the Guy », et le soir on la brĂ»le sur le feu de joie en chantant cette comptine:

Remember, remember, the fifth of November, /
Gunpowder Treason and Plot, /
I see no reason why the gunpowder treason /
should ever be forgot.

Souvenez-vous, souvenez-vous du cinq novembre, /
Poudre Ă  canon, trahison et conspiration, /
Je ne vois aucune raison pour que la trahison des poudres /
Soit jamais oubliée.

2. V comme Vendetta – la bande dessinĂ©e

V pour Vendetta (V for Vendetta) est une bande dessinĂ©e britannique rĂ©alisĂ©e de 1982 Ă  1990 pour les magazines Doctor Who Weekly et Warrior. PubliĂ©e en 1988-89 chez Quality Comics et DC Comics (Zenda pour l’édition française, 6 tomes parus en 1989-90), plusieurs fois rééditĂ©e, la sĂ©rie a connu un grand succĂšs et de nombreux prix dont celui de meilleur album Ă©tranger Ă  AngoulĂȘme en 1990.
Le scénario est signé Alan Moore et les remarquables dessins David Lloyd (ainsi que Tony Weare qui a illustré une partie des chapitres Valérie, Vacances et Vincent).
Le succĂšs de V pour Vendetta vaudra Ă  Alan Moore d’ĂȘtre engagĂ© en 1983 par DC Comics pour travailler sur The Saga of the Swamp Thing, ce qu’il fait avec succĂšs avant d’écrire en 1986 le magistral Watchmen (dessinĂ© par Dave Gibbons), qui sera aussi primĂ© et adaptĂ© au cinĂ©ma.

V comme Vendetta Ă©tait une rĂ©ponse au thatchĂ©risme au dĂ©but des annĂ©es 1980. Le monde de V comme Vendetta est issus d’une guerre nuclĂ©aire qui a, dans les annĂ©es 1980, dĂ©vastĂ© l’Europe, l’Afrique et les USA. Le Royaume-Uni est Ă©pargnĂ© par les bombardements mais pas par le chaos et les inondations issues des dĂ©rĂšglements climatiques. Dans cette Angleterre post-apocalyptique, remarquablement rendue par un dessin et une palette de couleurs oppressants, un parti fasciste installe son pouvoir aprĂšs avoir procĂ©dĂ© Ă  une Ă©puration ethnique, politique et sociale.
En 1997, au moment oĂč le parti semble avoir la situation sous contrĂŽle, un anarchiste commence une campagne pour Ă©branler tous les symboles du pouvoir. Cet anarchiste qui se fait appeler « V » porte un masque de Guy Fawkes. On apprendra qu’il a Ă©tĂ© utilisĂ© comme cobaye dans un camp, qu’il s’en est Ă©vadĂ© en le dĂ©truisant, et qu’il se venge non seulement en assassinant les anciens responsables du camp, mais aussi en prĂ©parant la fin du rĂ©gime. V sauve de la police Evey, une jeune fille qui risquait d’ĂȘtre violĂ©e par des policiers puis exĂ©cutĂ©e pour prostitution. V en fait sa disciple.

C’est David Lloyd qui eut l’idĂ©e de rĂ©utiliser la vieille tradition du Fifth of November. Il Ă©crivit dans une lettre Ă  Alan Moore : « Je me demandais
 Et si on en faisait un Guy Fawkes revenu d’entre les morts, avec le masque de papier mĂąchĂ©, le chapeau conique et la cape ? Il serait vraiment Ă©trange, pour le coup. »

3. V comme Vendetta – le film

V pour Vendetta est un film amĂ©ricano-germano-britannique, rĂ©alisĂ© par James McTeigue, sorti en 2006, et adaptĂ© par les Wachowski de laz bande dessinĂ©e d’Alan Moore et David Lloyd. La distribution se compose notamment de l’acteur australien Hugo Weaving dans le rĂŽle de V, de l’actrice amĂ©ricaine Natalie Portman dans le rĂŽle d’Evey Hammond et des acteurs britanniques John Hurt, Stephen Rea et Stephen Fry.


V pour Vendetta – Rencontre V et Evey par sun3en1

La sortie du film Ă©tait initialement prĂ©vue le 4 novembre 2005, la veille du 400e anniversaire de la Guy Fawkes Night, mais a Ă©tĂ© retardĂ©e jusqu’au 17 mars 2006. Alan Moore, mĂ©content des adaptations cinĂ©matographiques, a refusĂ© de voir le film et a pris ses distances vis-Ă -vis de la production. Les scĂ©naristes ont supprimĂ© de nombreuses allusions anarchistes et des rĂ©fĂ©rences aux drogues prĂ©sentes dans l’histoire originale et ont aussi modifiĂ© le message politique. Le combat d’un l’anarchiste implacable contre un rĂ©gime fasciste est remplacĂ© dans le film par un combattant de la libertĂ© romantique, soucieux de ne pas faire de victimes innocentes, et luttant contre le totalitarisme (toute la dimension raciste a disparu). En outre, Moore a tentĂ© de maintenir une ambiguĂŻtĂ© morale, et non Ă  dĂ©peindre les fascistes comme des caricatures, mais comme des humains rĂ©alistes, alors que V est un homme implacable, prĂȘt Ă  tout pour se venger de ses bourreaux et dĂ©truire le rĂ©gime. Le film fait tourner la relation de V Ă  Evey en romance. Bref, alors que la bande dessinĂ©e est un chef d’oeuvre singulier, complexe et dĂ©rangeant, le film est d’une grande platitude consensuelle.

ATTENTION, DOUBLE SPOILER: Alors que la bande dessinée se termine par un attentat dans lequel V se fait exploser avec tous les caciques du régime, le film se termine par la chute du régime par une manifestation de masse pacifique, les milliers de manifestants portant tous le masque de Guy Fawkes.

4. Les masque des Anonymous, des IndignĂ©s, des « Occupy Â»

L’utilisation du terme Anonymous, dans le sens d’identitĂ© partagĂ©e, a commencĂ© sur 4chan, ce forum anonyme anglophone, constituĂ© d’un rĂ©seau d’imageboards nĂ© en octobre 2003. La mention « Anonymous Â» est attribuĂ©e aux visiteurs qui publient des commentaires sans identification, et certains utilisateurs ont considĂ©rĂ©, par plaisanterie, qu’Anonymous Ă©tait une personne rĂ©elle. Avec la popularitĂ© grandissante des imageboards, l’idĂ©e qu’Anonymous soit un collectif d’individus non nommĂ©s est devenue un mĂšme.
Le 25 novembre 2006, plusieurs mentions de la communauté Anonymous sont faites dans le manifeste Rules of the Internet édité sur 4chan.
La notoriĂ©tĂ© du nom a rĂ©ellement dĂ©butĂ© en 2008 avec le Projet Chanology (une sĂ©rie d’attaques informatique visant l’église de scientologie). Certains mĂ©dias ont voulu y voir un groupe structurĂ© alors que n’importe qui peut se revendiquer « Anonymous ». Le reste de l’histoire est bien connu.

DĂšs dĂ©cembre 2006 – juste aprĂšs la sortie du film, apparaĂźt le mĂȘme « Epic fail Guy Â» (EFG) qui sera Ă  4chan ce que « RĂ©gis Â» sera aux Nuls. Jouant sur le double sens de Guy (le prĂ©nom de Guy Fawkes et le « guy Â» pour « type Â», « mec Â»), Epic Fail Guy incarne celui qui endure un Ă©chec mĂ©morable.

Le premier logo d’Anonymous reprĂ©sente une silhouette avec un point d’interrogation en guise de visage (image proche d’un autre mĂšme), mais le masque de Guy Fawkes va s’imposer, en rĂ©fĂ©rence au hĂ©ros du film avec le contrepoint ironique de l’Epic Fail Guy. Cette dimension ironique disparaitra avec le succĂšs du mouvement Anonymous, les masques de Guy Fawkes fleurissant dans les manifestations. Ils seront repris par les mouvements « Occupy Â»/ Â»IndignĂ©s Â» qui, Ă  l’image des Anonymous, se veulent mouvement de masses (« nous sommes lĂ©gions Â» – rĂ©fĂ©rence Ă  l’Evangile de Marc), anonyme, critique et active, mais sans organisation ni leadership.

Le masque de Guy Fawkes
Le masque de Guy Fawkes
Le masque de Guy Fawkes
Le masque de Guy Fawkes
Le masque de Guy Fawkes
Le masque de Guy Fawkes
Le masque de Guy Fawkes

Rubin Carter est nĂ© Ă  Paterson dans le New Jersey, au milieu d’une famille de sept enfants. Il fut enfermĂ© dans un centre pour dĂ©linquants juvĂ©niles peu aprĂšs son quatorziĂšme anniversaire, s’en Ă©vada en 1954 et s’engagea dans l’armĂ©e Ă  l’ñge de 17 ans. Il eu plusieurs problĂšmes disciplinaire dans l’armĂ©e (insubordination et absences illĂ©gales) qui le renvoya en mai 1956. A son retour, Carter fit dix mois supplĂ©mentaires de dĂ©tention pour son Ă©vasion de la maison de correction et fut condamnĂ© pour des agressions.

Pendant son incarcĂ©ration, Rubin Carter pratiqua la boxe et devint professionnel Ă  sa libĂ©ration en septembre 1961. Son style agressif et la puissance de ses coups – qui lui permirent de terminer beaucoup de ses combats par KO dĂšs les premiers rounds – lui firent gagner le surnom de « Hurricane Â» – l’Ouragan-. Il prit part Ă  six combats en 1963 (quatre victoires pour deux dĂ©faites) et, le 20 dĂ©cembre, Ă  la surprise gĂ©nĂ©rale, il mit deux fois au tapis l’ancien et futur champion du monde Emile Griffith au premier round, par KO technique. Cette victoire permit Ă  Carter d’atteindre la troisiĂšme place des prĂ©tendants au titre des poids moyens.

Carter remporta deux combats de plus en 1964, avant de rencontrer Joey Giardello Ă  Philadelphie pour un championnat du monde le 14 dĂ©cembre. La dĂ©cision des juges rĂ©compensa Giardello. 14 des 18 journalistes sportifs prĂ©sents s’accordaient pourtant Ă  dire que Carter avait mieux boxĂ©. Carter resta digne dans la dĂ©faite et ne protesta pas contre la dĂ©cision des juges. Il combattit neuf fois en 1965, mais perdit quatre de ces combats.

Le 17 juin 1966, Ă  environ 2 h 30 du matin, deux hommes noirs entrĂšrent dans un bar Ă  Paterson et tirĂšrent, tuant le patron, une cliente et un client, et blessant un troisiĂšme client. Un petit dĂ©linquant, Alfred Bello, qui se trouvait prĂšs du Lafayette pour commettre un cambriolage appela un opĂ©rateur tĂ©lĂ©phonique pour avertir la police. Deux voisins virent deux hommes noirs monter dans une voiture blanche en quittant le bar. La couleur de la voiture de Carter Ă©tait blanche. La police l’arrĂȘta et amena Carter et l’autre occupant, John Artis, sur la scĂšne du crime environ trente minutes aprĂšs l’incident. La police ne prit pas d’empreintes digitales sur le lieu du crime et n’avait pas l’équipement pour effectuer un test Ă  la paraffine sur Carter et Artis. Aucun des tĂ©moins oculaires n’identifia Carter ou Artis comme l’un des tireurs. Mais la police trouva prĂšs de la voiture un pistolet et une cartouche de fusil de chasse du calibre utilisĂ© lors de la fusillade.
Dans l’aprĂšs-midi, les deux hommes passĂšrent avec succĂšs l’épreuve du dĂ©tecteur de mensonge et furent libĂ©rĂ©s.

Plusieurs mois plus tard, Bello rĂ©vĂ©la Ă  la police qu’il avait un complice lors de sa tentative de cambriolage, Arthur Bradley. AprĂšs un interrogatoire supplĂ©mentaire, Bello et Bradley identifiĂšrent Carter comme l’un des deux Noirs qu’ils avaient vus armĂ©s sortir du bar la nuit des meurtres. Bello identifia aussi Artis en tant que deuxiĂšme homme. En se fondant sur ces tĂ©moignages concordants, Carter et Artis furent arrĂȘtĂ©s, inculpĂ©s et finalement condamnĂ©s par un jury 100% blanc.

C’est la valeur de ces tĂ©moignes qui est au coeur de la polĂ©mique. Survenus tard, provoquĂ© par la police pour certains, ces tĂ©moignages ne cessĂšrent de varier. Il apparu ensuite que les tĂ©moins avaient passĂ© un accord avec la police et que cet accord avait Ă©tĂ© dĂ©libĂ©rĂ©ment cachĂ© au jury. En prison, Carter Ă©crivit son autobiographie Le 16e Round , publiĂ©e en 1974. Il continua Ă  clamer son innocence et gagna un soutien populaire grandissant: Mohamed Ali prit position pour lui, ainsi que Bob Dylan qui Ă©crivit en ’75 une de ses plus puissantes chansons en son honneur: Hurricane.

En novembre 1985, aprĂšs 20 ans de dĂ©tention, plusieurs procĂšs et des annĂ©es de procĂ©dure, la Cour de District des États-Unis dĂ©clara que Carter et Artis n’avaient pas reçu de procĂšs Ă©quitable, que l’accusation Ă©tait « fondĂ©e sur le racisme plutĂŽt que sur la raison et sur la dissimulation plutĂŽt que sur la transparence. » et fit libĂ©rer Carter. Le 26 fĂ©vrier 1988, Rubin Carter bĂ©nĂ©ficia d’un non-lieu et parti vivre au Canada. Il dirigea l’Association de DĂ©fense des CondamnĂ©s Ă  Tort et travailla ensuite comme confĂ©rencier. Il est mort l’annĂ©e passĂ©, Ă  76 ans, Ă  Toronto, d’un cancer.

Rubin « Hurricane Â» Carter
Rubin « Hurricane Â» Carter
Rubin « Hurricane Â» Carter
Rubin « Hurricane Â» Carter

Le leader de l’IndonĂ©sie indĂ©pendante est Sukarno, dont le nationalisme unitaire, vantant la tolĂ©rance religieuse, a un caractĂšre anti-impĂ©rialiste. Dans un État constituĂ© de six grandes religions, 300 dialectes, 17.000 Ăźles et 100 millions d’habitants, Sukarno se posait comme l’arbitre entre les forces sociales et politiques antagonistes. Sa politique du front national consiste en une direction par le Parti national indonĂ©sien d’un mouvement unitaire avec d’un cĂŽtĂ© les groupements religieux conservateurs, de l’autre les communistes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Parti communiste indonĂ©sien, le PKI, voulait constituer un « front populaire national Â» en vue de fonder une nation indĂ©pendante de l’impĂ©rialisme, dĂ©mocratique et sociale qui constituerait une Ă©tape vers le socialisme. Ce qui Ă©tait pour Sukarno un but Ă©tait pour le PKI une Ă©tape. Le PKI avait obtenu 16% des voix aux Ă©lections de 1955 mais il ne cessa de progresser et, en 1965, le PKI comptait 3,5 millions d’adhĂ©rents. Ses organisations de masse rassemblaient plus de 20 millions de sympathisants, soit un cinquiĂšme de la population indonĂ©sienne en 1965. C’était le troisiĂšme parti communiste du monde.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Puissant chez les travailleurs du pĂ©trole, du caoutchouc ainsi que chez les petits paysans de Java et Sumatra, le PKI visait une rĂ©forme agraire pour les paysans (ce qui lui valait l’hostilitĂ© des propriĂ©taires fonciers dirigeants les communautĂ©s musulmanes) et la nationalisation des ressources nationales. AprĂšs la victoire de Mao en Chine et le dĂ©veloppement de la lutte de libĂ©ration au Vietnam, la montĂ©e du communisme indonĂ©sien inquiĂ©tait l’impĂ©rialisme amĂ©ricain, craignant tant une radicalisation anti-impĂ©rialiste de Sukarno qu’une rĂ©volution communiste. Dans un premier temps, les Etats-unis vont apporter un soutien Ă  tous les opposants de Sukarno en finançant le Parti socialiste (PSI), trĂšs anti-communiste, et le parti islamiste Masyumi. En 1958, une rĂ©bellion armĂ©e Ă  Sumatra, riche en pĂ©trole, sans base populaire, appuyĂ© par les États-Unis et par les partis socialiste et islamiste est dĂ©fait en quelques mois par l’armĂ©e indonĂ©sienne. Les Etats-Unis changent de stratĂ©gie et se tournent vers les militaires indonĂ©siens en encourageant la faction anti-Sukarno et pro-impĂ©rialiste, conduite par le gĂ©nĂ©ral Suharto, lui-mĂȘme formĂ© par les Etats-unis, face Ă  la faction dominante « centriste Â», dirigĂ© par Yani.

Les Etats-Unis contribuent Ă  former les officiers indonĂ©siens Ă  la guerre « contre-insurrectionnelle Â» qui, eux-mĂȘmes formeront les embryons de milices qui seront au cƓur de la terreur de 1965. Car l’essentiel des massacres reviendra aux milices des partis religieux Nahdaltul Ulama (avec sa branche de jeunesse ANSOR) et Muhammadiyah, deux organisations islamistes de masse, ancrĂ©s dans les communautĂ©s rurales, appelant Ă  un djihad anti-communiste. Les sympathisants communistes Ă©taient souvent eux-mĂȘmes musulmans. L’antagonisme de 1965 s’est structurĂ© entre santri, musulmans fondamentalistes, proches des propriĂ©taires terriens, colonne vertĂ©brale des milices ; et abangan, forme religieuse syncrĂ©tique de l’islam, tolĂ©rante, ancrĂ©e dans les masses rurales sympathisantes du PKI.

Le prĂ©texte au massacre survient le 30 septembre 1965 : un coup de force d’officiers qui proclame un gouvernement rĂ©volutionnaire aprĂšs avoir exĂ©cutĂ© six membres de la faction « centriste Â» de l’armĂ©e, dont le gĂ©nĂ©ral Yani. Le gĂ©nĂ©ral Suharto prend le contrĂŽle de Djakarta, au nom du maintien du rĂ©gime de Sukarno. En attribuant le putsch aux communistes, il dĂ©clenche le massacre. Ce sera Ă  peu prĂšs le mĂȘme schĂ©ma partout : encouragements venant des militaires, intervention et soutien logistique lĂ  oĂč le PKI est puissant . L’intervention des para commandos, proches de Suharto, permettra le massacre sans risque des communistes. Venant de Jakarta “pacifiĂ©â€, ils inaugurent le 19 octobre Ă  Semarang un scĂ©nario qui se rĂ©pĂ©tera le 21 Ă  Magelang, le 22 Ă  Solo, le 23 Ă  Wonosobo : dĂ©monstration de force puis, sous leur protection, dĂ©clenchement de la chasse aux communistes par les milices ; on tue, on brĂ»le siĂšges d’organisations comme demeures particuliĂšres; les survivants, qui fuient vers les campagnes, y sont pourchassĂ©s par les milices locales. C’est ainsi que, vers la mi-novembre, le secrĂ©taire-gĂ©nĂ©ral du PKI, Aidit, est capturĂ© prĂšs de Solo, puis “confessĂ©â€ et sommairement exĂ©cutĂ©.

Le massacre s’étend Ă  Java-Est : c’est dans cette province, la plus peuplĂ©e d’IndonĂ©sie, que les morts vont ĂȘtre les plus nombreux; c’est lĂ  qu’on dĂ©crit des riviĂšres rouges de sang, et ces corps Ă©chouĂ©s que, chaque matin, le riverain rejette dans le courant. Puis la frĂ©nĂ©sie d’assassinats se porte sur Bali. La phase la plus aiguĂ« dure un bon mois; Ă  Java, Ă  partir de la mi-novembre; dans certaines zones, jusqu’au tiers des hommes adultes ont semble-t-il Ă©tĂ© tuĂ©.




Entre 500.000 et trois millions de communistes, de sympathisants communistes, de personnes suspectĂ©es de l’ĂȘtre, ou d’appartenir Ă  des groupes sociaux jugĂ©s favorables aux communistes (athĂ©es, descendants de l’immigration chinoise ou indienne, etc.) sont assassinĂ©s par balle, baĂŻonnette ou dĂ©capitation. Un autre million de communistes et de sympathisants furent emprisonnĂ©es ou astreintes Ă  des travaux forcĂ©s dans les plantations, les mines et les chantiers de construction, cependant que leurs femmes furent violĂ©es puis contraintes par milliers Ă  la prostitution, ce que reconnaĂźt le rapport de 2012 de la Commission indonĂ©sienne des droits de l’Homme.

Pour les USA, le succĂšs de la liquidation du mouvement rĂ©volutionnaire en IndonĂ©sienne fut une source d’inspiration pour l’opĂ©ration Phoenix au Viet-Nam et les coups d’Etat latino-amĂ©ricains, et au mois d’octobre 1965 la presse occidentale jubile: « The West’s best new for years in Asia » », la meilleure nouvelle d’Asie pour le camp occidental depuis des annĂ©es selon le Times Magasine.

AprĂšs le massacre, Suharto Ă©vince Sukarno et se fait Ă©lire prĂ©sident de la RĂ©publique en 1967. Dans ses 32 annĂ©es de rĂšgne, les rĂ©pressions sanglantes furent sa marque de fabrique, comme Ă  Timor oriental et en Papouasie occidentale (300.000 morts). Suharto, comme Pinochet au Chili, fut prompt Ă  mettre en place les recettes nĂ©o-libĂ©rales : austĂ©ritĂ© budgĂ©taire, suppression des aides sociales (remplacĂ©es par la charitĂ© islamique), privatisations et fiscalitĂ© attractive pour les entreprises. MalgrĂ© la manne pĂ©troliĂšre et trois dĂ©cennies de croissance Ă©conomique, l’IndonĂ©sie compte encore 120 millions de pauvres, la moitiĂ© de la population vivant avec moins de 2 $ par jour, selon les chiffres de la Banque mondiale, 200 millions vivant avec moins de 4 $ par jour.

En 1982, un film hollywoodien, L’annĂ©e de tous les dangers, prit les Ă©vĂ©nements de 1965 comme toile de fonds. En 2012, un remarquable documentaire, The Act of Killing, met en scĂšne les anciens gĂ©nocidaires, comblĂ©s d Â»honneurs par le rĂ©gime, et n’hĂ©sitant pas Ă  se vanter de leurs crimes:

Le massacre des communistes indonésiens
Le massacre des communistes indonésiens
Le massacre des communistes indonésiens
Le massacre des communistes indonésiens
Le massacre des communistes indonésiens
Le massacre des communistes indonésiens
Le massacre des communistes indonésiens

L’üle de Poulo Condor (dĂ©sormais CĂŽn SÆĄn), fait partie de l’archipel de CĂŽn ĐáșŁo, situĂ© Ă  230 km au sud-est de HĂŽ-Chi-Minh-Ville dans la mer de Chine mĂ©ridionale. Son nom dĂ©rive du malais « Pu Lao Kundur Â» qui signifie « l’üle aux courges Â». Repaire de pirates chinois, redĂ©couverte par Marco Polo en 1294, les Français tentent de s’y installer une premiĂšre fois en 1686, puis les Anglais en 1702. En 1783, le traitĂ© de Versailles attribue l’archipel Ă  la France. L’üle Ă©tait un lieu de bannissement utilisĂ© par le pouvoir annamite avant la colonisation française, les Français y installeront un de leurs bagnes coloniaux, destinĂ©s Ă  interner les opposants Ă  la colonisation, oĂč Ă  Ă©loigner de France rĂ©volutionnaires et dĂ©linquants.

Le premier convoi de prisonniers indochinois arrive Ă  Poulo-Condor en 1862 et inaugure une longue tradition qui se perpĂ©tuera au siĂšcle suivant. Les conditions de vie au Bagne de Poulo-Condor Ă©taient particuliĂšrement rudes. Certains prisonniers y Ă©taient enfermĂ©s dans des « cages Ă  tigre Â», ce qui les a rendu paraplĂ©giques, ayant perdu l’usage des membres infĂ©rieurs aprĂšs des annĂ©es en position accroupie, sans pouvoir se lever et utiliser leurs jambes. En 1898, un rapport fait Ă©tat d’un taux de mortalitĂ© de 70%. Plusieurs insurrections jalonnent l’histoire du bagne au dĂ©but du XXe siĂšcle, les autoritĂ©s rĂ©agissant par le transfert de 400 dĂ©tenus indochinois
 vers la Guyane. Sous le rĂ©gime colonial français, les forçats indochinois ont servi de main d’Ɠuvre d’esclaves rĂ©partis dans d’autres colonies françaises, comme la Nouvelle-CalĂ©donie ce qu’avait dĂ©noncĂ© Hồ ChĂ­ Minh (alors proscrit) dans son ProcĂšs de la colonisation française» publiĂ© en France en 1925.


Des milliers de rĂ©volutionnaires et de rĂ©sistants Ă  la colonisation ont Ă©tĂ© dĂ©tenus Ă  Poulo Condor, comme Pham Van Dong, (qui deviendra le premier PrĂ©sident du Vietnam rĂ©unifiĂ©), LĂȘ DuĂąn (qui sera dirigeant du parti communiste des annĂ©es ’60-70), LĂȘ Duc Tho (futur nĂ©gociateur des Accords de GenĂšve) Tho et l’épouse du gĂ©nĂ©ral GiĂĄp (morte en prison en 1941). Nombreux sont ceux qui y trouvĂšrent la mort, victimes des mauvais traitements ou exĂ©cutĂ©s comme la cĂ©lĂšbre Vo Thi Sau, fusillĂ©e le 23 janvier 1952, Ă  l’ñge de 19 ans, pour l’exĂ©cution de deux compatriotes collaborateurs, ou LĂȘ HĂŽng Phong, qui dirigeait du parti communiste indochinois dans les annĂ©es ’30, mort Ă  Poulo-Condor en 1942. Au total, 20.000 bagnards sont mort Ă  Poulo-Condor.

La fin de la colonisation ne va pas signer la fermeture du pĂ©nitencier qui reprendra du service lors de la guerre du Vietnam. En 1955, il a Ă©tĂ© transformĂ© en « centre de rééducation Â» par le rĂ©gime du Sud Vietnam pour enfermer les opposants. Le budget 1973 du Sud Vietnam Ă©tait prĂ©vu pour financer la dĂ©tention de 400.000 prisonniers! 10.000 personnes Ă©taient enfermĂ©es Ă  Poulo-Condor. Les opposants sortaient des centres de torture de la police pour ĂȘtre enfermĂ©s dans des « cages Ă  tigres Â», affamĂ©s et battus jusqu’à ce qu’ils signent une dĂ©claration anti-communiste. Un rĂ©cit de Nguyen Duc Thuan, Indomptable, raconte la rĂ©sistance des prisonniers refusant le reniement.

Le bagne fit l’objet d’un reportage dans le magazine amĂ©ricain Life. Un journaliste accompagnait une petite dĂ©lĂ©gation du SĂ©nat amĂ©ricain, venue inspecter le bagne suite Ă  une demande d’aide financiĂšre du Sud Vietnam pour sa politique pĂ©nitentiaire. La dĂ©lĂ©gation, se doutant de la prĂ©sence des fameux cachots, avait rĂ©ussi Ă  s’écarter de la visite guidĂ©e pour pĂ©nĂ©trer un bĂątiment oĂč Ă©taient enfermĂ©s 500 opposants politiques, affamĂ©s et assoiffĂ©s, couverts de blessures et parfois mutilĂ©s. La publication de ce reportage en 1970, repris dans le monde entier (en France dans Paris-Match) eu un impact notable sur l’opinion publique, car 12 conseillers amĂ©ricains Ă©taient affectĂ©s en permanence Ă  Poulo-Condor. Le bagne est aujourd’hui un musĂ©e.


Le bagne de Poulo-Condor
Le bagne de Poulo-Condor
Le bagne de Poulo-Condor
Le bagne de Poulo-Condor
Le bagne de Poulo-Condor
Le bagne de Poulo-Condor
Le bagne de Poulo-Condor

Louis Auguste Blanqui naĂźt dans les Alpes-Maritimes le 8 fĂ©vrier 1805. Il monte Ă  Paris Ă  l’ñge de treize ans pour Ă©tudiĂ© Ă  l’école oĂč enseignait son frĂšre aĂźnĂ©. Il s’engagea trĂšs vite dans le rĂ©publicanisme rĂ©volutionnaire opposĂ© au pouvoir monarchique. A dix-sept ans, il milite contre le procĂšs des quatre sergents de la Rochelle, condamnĂ©s Ă  mort pour avoir adhĂ©rĂ© Ă  la sociĂ©tĂ© secrĂšte rĂ©volutionnaire de la Charbonnerie. Blanqui est lui-mĂȘme « carbonaro Â» depuis 1824. En 1827, il est blessĂ© par trois fois lors des manifestations d’étudiants.

En 1830, il est membre de l’association rĂ©publicaine connue sous le nom de « Conspiration La Fayette Â», qui joue un grand rĂŽle dans la prĂ©paration de la RĂ©volution de 1830, Ă  laquelle Blanqui participe activement. AprĂšs la rĂ©volution, il adhĂšre Ă  la « SociĂ©tĂ© des amis du peuple Â». En janvier 1831, alors qu’il est Ă©tudiant en droit, au nom du « ComitĂ© des Écoles Â», il rĂ©dige une proclamation menaçante et Ă  la suite de manifestations, il est emprisonnĂ© pendant trois semaines. Il est de nouveau arrĂȘtĂ© et inculpĂ© de complot contre la sĂ»retĂ© de l’État. AprĂšs un nouveau sĂ©jour en prison, il reprend ses activitĂ©s rĂ©volutionnaires Ă  la « SociĂ©tĂ© des familles Â», que continue en 1837 la « SociĂ©tĂ© des saisons Â». Il devait dĂ©sormais passer une grande partie de sa vie -36 ans au total!- en prison, et on l’appela: L’EnfermĂ©.

Le 6 mars 1836, il est arrĂȘtĂ©, fait huit mois de prison, puis est placĂ© en libertĂ© surveillĂ©e Ă  Pontoise. Le 12 mai 1839, de retour Ă  Paris, il participe avec BarbĂšs Ă  l’insurrection qui s’empare du Palais de justice, Ă©choue Ă  prendre la PrĂ©fecture de police, et occupe un instant l’HĂŽtel de ville. On comptera 50 tuĂ©s et 190 blessĂ©s. AprĂšs l’échec de l’insurrection, il reste cachĂ© cinq mois, mais il est arrĂȘtĂ© le 14 octobre. Le 14 janvier 1840, il est condamnĂ© Ă  mort. Sa peine Ă©tant commuĂ©e en prison perpĂ©tuelle, il est enfermĂ© au Mont-Saint-Michel. En 1844, son Ă©tat de santĂ© lui vaut d’ĂȘtre transfĂ©rĂ© Ă  la prison-hĂŽpital de Tours, oĂč il reste jusqu’en avril 1847.

Une fois libĂ©rĂ©, il s’associe Ă  toutes les manifestations parisiennes de mars Ă  mai pendant la RĂ©volution de 1848. Le recours Ă  la violence de la SociĂ©tĂ© rĂ©publicaine centrale, qu’il a fondĂ©e pour exiger un gouvernement populaire, le met en conflit avec la droite rĂ©publicaine. ArrĂȘtĂ© aprĂšs le 26 mai 1848, il est enfermĂ© Ă  Vincennes et rĂ©pond Ă  une campagne de calomnie par un texte fameux : RĂ©ponse du citoyen Auguste Blanqui. La Haute Cour de justice de Bourges le condamne Ă  dix ans de prison, et envoyĂ© Ă  Doullens. En octobre 1850, il est incarcĂ©rĂ© Ă  Belle-Île-en-Mer ; en dĂ©cembre 1857, Ă  Corte ; puis, en 1859, dĂ©portĂ© Ă  Mascara, en AlgĂ©rie, jusqu’au 16 aoĂ»t 1859. DĂšs sa libĂ©ration il reprend sa lutte contre l’Empire. Le 14 juin 1861, il est arrĂȘtĂ©, condamnĂ© Ă  quatre ans de prison, et enfermĂ© Ă  Sainte-PĂ©lagie. Il s’évade en aoĂ»t 1865, et continue sa campagne de propagande contre le gouvernement depuis son exil en Belgique, jusqu’à ce que l’amnistie gĂ©nĂ©rale de 1869 lui permette de revenir en France.

C’est au cours de ces annĂ©es qu’un parti blanquiste naĂźt et s’organise en sections. Blanqui rĂ©dige alors son Instruction pour une prise d’arme (1866) doctrine militaire rĂ©volutionnaire Ă©tudiant les conditions, tactiques et mesures nĂ©cessaires Ă  une insurrection victorieuse. Les blanquistes initient deux insurrections: le 12 janvier, lors des funĂ©railles de Victor Noir (journaliste tuĂ© par le prince Pierre Bonaparte, cousin de NapolĂ©on III) et le 14 aoĂ»t, lorsqu’un groupe d’insurgĂ©s tente de s’emparer d’un dĂ©pĂŽt d’armes.

Son action se poursuit jusqu’à la chute de NapolĂ©on III et aprĂšs la proclamation de la TroisiĂšme RĂ©publique, le 4 septembre 1870. Blanqui crĂ©e alors un club et un journal, La patrie en danger, qui soutient la rĂ©sistance de Gambetta. Blanqui fait partie du groupe insurrectionnel qui occupe l’HĂŽtel de ville le 31 octobre 1870. Le 9 mars, il est condamnĂ© Ă  mort par contumace. Thiers, chef du gouvernement, conscient de l’influence de Blanqui sur le peuple parisien, le fait arrĂȘter le 17 mars 1871 alors que, malade, il se repose chez un ami mĂ©decin dans le Lot. Il emmenĂ© Ă  Morlaix oĂč il est emprisonnĂ© au chĂąteau du Taureau. Lors de la Commune de Paris, Blanqui, emprisonnĂ© loin de la ville, est Ă©lu dans de nombreux quartiers. Conscient de l’importance, Thiers refuse de le libĂ©rer en Ă©change de 74 prisonniers de la Commune, dont un archevĂȘque.

Une majoritĂ© de Communards se reconnaissaient en Blanqui. Blanqui incarne cette phase de transition oĂč le prolĂ©tariat français s’affranchissait progressivement des tribuns et des thĂ©oriciens reprĂ©sentant la petite-bourgeoisie rĂ©volutionnaire rĂ©publicaine – au mieux babouviste. Les ouvriers français Ă©taient encore Ă©troitement liĂ©s aux milieux des petits producteurs indĂ©pendants d’oĂč ils Ă©taient issus pour la plupart et qui, malgrĂ© l’essor de l’industrie, constituaient encore la majoritĂ© de la population laborieuse. Les thĂ©ories marxistes, incarnant les intĂ©rĂȘts de classe purement prolĂ©tariens, Ă©taient alors marginales en France. Dans ce cadre et dans ces limites, Blanqui Ă©tait hautement apprĂ©ciĂ© par Marx considĂ©rĂ© par lui « comme la tĂȘte et le cƓur du parti prolĂ©taire en France »; Marx pensait que Blanqui Ă©tait le dirigeant qui a fait dĂ©faut Ă  la Commune.

Blanqui est un vrai socialiste, favorable Ă  la collectivisation des moyens de production, comme l’indique son texte Qui fait la soupe doit la boire (Sa principale publication, Critique sociale, est posthume), mais il se soucie davantage de la rĂ©volution que du devenir de la sociĂ©tĂ© aprĂšs elle. Il ne dĂ©crit pas la sociĂ©tĂ© socialiste Ă  venir et diffĂšre en cela des socialistes utopiques comme Proudhon ou Fourrier. S’il reconnait dans les ouvriers parisiens la principale force capable d’établir la RĂ©publique Ă©galitaire, Blanqui diffĂšre des marxistes en ne se repose pas sur un parti de classe mais sur une organisation clandestine rĂ©volutionnaires, dĂ©clenchant l’insurrection lorsque les conditions sont rĂ©unies (prĂ©paratifs militaires de la sociĂ©tĂ© secrĂšte et dispositions subjectives du peuple Ă  l’insurrection). Blanqui n’est donc pas non plus un anarchiste: son organisation de rĂ©volutionnaires dĂ©clenche et dirige la rĂ©volution, Ă©tablit le nouveau rĂ©gime qui remet ensuite seulement le pouvoir au peuple.

RamenĂ© Ă  Paris aprĂšs l’écrasement de la Commune, Blanqui est jugĂ© le 15 fĂ©vrier 1872, et condamnĂ© avec d’autres Communards, Ă  la dĂ©portation, peine commuĂ©e en dĂ©tention perpĂ©tuelle, eu Ă©gard Ă  son Ă©tat de santĂ©. Il est internĂ© Ă  Clairvaux. En 1877, il est transfĂ©rĂ© au chĂąteau d’If. Le 20 avril 1879, il est Ă©lu dĂ©putĂ© de Bordeaux, mais son Ă©lection est invalidĂ©e. BĂ©nĂ©ficiant d’une amnistie gĂ©nĂ©rale, Blanqui est libĂ©rĂ© le 11. Il parcourt alors la France et fonde en 1880 un journal, Ni Dieu ni maĂźtre, qu’il dirige jusqu’à sa mort. AprĂšs avoir prononcĂ© un discours au cours d’un meeting rĂ©volutionnaire, il meurt d’une crise d’apoplexie le 1er janvier 1881. Ses obsĂšques au cimetiĂšre du PĂšre-Lachaise sont suivies par 100.000 personnes.

Deux textes de Blanqui:

Qui fait la soupe doit la manger (1834)
Qui fait la soupe doit la manger (1834)

Auguste Blanqui, « L’EnfermĂ© Â»
Auguste Blanqui, « L’EnfermĂ© Â»
Auguste Blanqui, « L’EnfermĂ© Â»
Auguste Blanqui, « L’EnfermĂ© Â»
Auguste Blanqui, « L’EnfermĂ© Â»
Auguste Blanqui, « L’EnfermĂ© Â»

« – Qui est encore membre du ComitĂ© central? OĂč sont les postes d’émissions? OĂč sont les imprimeries? Parle! Parle! Parle!
Maintenant je peux compter les coups plus tranquillement, la seule douleur que je sente, c’est la morsure de mes dents sur mes lùvres.

– DĂ©chaussez-le

C’est vrai, la plante des pieds est encore sensible, je le sens maintenant.
(
)


– Parle! Parle!

Je passe ma langue sur mes gencives et j’essaie de compter les dents cassĂ©es. Je ne peux pas achever mon calcul. (
)

C’est maintenant seulement un rĂȘve, un cauchemar fiĂ©vreux, les coups tombent, aprĂšs on me lave Ă  l’eau et encore des coups et encore: « Parle! Parle! Parle! Â» et encore des coups, je n’arrive pas Ă  mourir. MĂšre, pĂšre, pourquoi m’avez-vous fait si fort?»
(Ecrit sous la potence, pp 30-32)

« Un beau jour, aujourd’hui sera du passĂ©, on parlera de la grande Ă©poque et des hĂ©ros anonymes, qui créé fait l’histoire. Je voudrais que tout le monde sache qu’il n’y a pas de hĂ©ros anonymes. Ils Ă©taient des gens, ayant des noms, des figures, des dĂ©sirs et des espoirs, et la douleur du dernier d’entre les derniers n’était pas moindre que celle du premier dont le nom demeurera. Je voudrais que tous ceux-lĂ  vous soient toujours proches comme des gens que vous auriez connus, comme des membres de votre familles, comme vous-mĂȘme. » (Ecrit sous la potence, pp 81-82)

Julius Fučík nait dans une famille ouvriĂšre, son pĂšre travaillant dans la mĂ©tallurgie. En 1913, la famille Fučík dĂ©mĂ©nage de Prague Ă  Plzeƈ oĂč Julius Ă©tudie au lycĂ©e public fait du théùtre amateur et s’intĂ©resse Ă  la littĂ©rature.

En 1920 il commence des Ă©tudes Ă  Prague et rejoint les rangs du Parti tchĂ©coslovaque social dĂ©mocrate des travailleurs, avant de se retrouver dans ses courants de gauche. En mai 1921, ce courant fonde le Parti Communiste TchĂ©coslovaque (PCT). Fučík Ă©crit pour le journal communiste local de Plzeƈ et, aprĂšs avoir fini ses Ă©tudes, Fučík travaille comme Ă©diteur au journal littĂ©raire Kmen et s’engage dans le mouvement d’avant-garde artistique Devětsil. Il devient responsable pour le travail culturel au sein du PCT. En 1929, il rejoint le magazine littĂ©raire Tvorba et Ă©crit pour le quotidien communiste RudĂ© PrĂĄvo. Il fait de la propagande pour des grĂšves en BohĂȘme il sera arrĂȘtĂ© Ă  plusieurs reprises par la police politique tchĂ©coslovaque.

En 1930 et 1934, il visite l’Union soviĂ©tique et en avait dressĂ© un portrait enthousiaste dans plusierus reportages et un livre: Au Pays oĂč demain est dĂ©jĂ  hier (V zemi, kde zĂ­tra jiĆŸ znamenĂĄ včera) (1932). il devint le correspondant du Rude Pravo Ă  Moscou et Ă©pouse, en 1938, Fučík Ă©pouse Augusta KodeƙičovĂĄ, plus tard connu sous le nom de Gusta FučíkovĂĄ.

À la suite des Accords de Munich, le gouvernement Ă  Prague dissout le PCT en septembre 1938 qui continue ses activitĂ©s dans la clandestinitĂ©. AprĂšs l’invasion nazie en mars 1938, Fučík continue de publier dans des journaux, surtout sur des sujets historiques et littĂ©raires, mais il travaille surtout pour le PCT clandestin, assume la publication du RudĂ© PrĂĄvo, et en devient, dĂ©but 1941, membre du ComitĂ© central.

Le 24 avril 1942, il est arrĂȘtĂ© avec six autres membres du Parti Ă  Prague par la Gestapo, probablement par coĂŻncidence, durant une descente de police. Fučík fut d’abord dĂ©tenu Ă  la prison de PankrĂĄc Ă  Prague oĂč il fut interrogĂ© et torturĂ©. À cette Ă©poque il Ă©crivit son Reportage Ă©crit sous la potence (ReportĂĄĆŸ psanĂĄ na oprĂĄtce, connu en France et en Belgique sous le titre Ecrit sous la potence), avec un crayon et du feuilles de papier Ă  cigarette qu’un gardien lui fournit secrĂštement. Lui et un autre gardien conservĂšrent par la suite les documents, les 167 pages manuscrites, pendant la guerre.

Julius Fučík fut lui emmenĂ© Ă  Berlin-Plötzensee, et pendu le 25 aoĂ»t 1943 en mĂȘme temps que 186 autres personnes ce jour-lĂ . C’est au camp de concentration de RavensbrĂŒck que Gusta FučíkovĂĄ appris l’exĂ©cution de son mari. RescapĂ©e des camps, elle reçu la visite du gardien qui avait sauvĂ© le manuscrit d’Ecrit sous la potence.

Le reportage traite de la pĂ©riode de l’arrestation et de la dĂ©tention, de la rĂ©sistance et de la trahison, des bourreaux et des victimes, parfois avec ironie, toujours avec une immense humanitĂ©, un grand esprit d’observation, un courage lucide, plein de confiance dans la cause communiste. L’essentiel de ces pages fut publiĂ© aprĂšs la guerre sous forme d’un petit livre dont le succĂšs fut Ă©norme. Il s’agit de l’ouvrage en langue tchĂšque le plus traduit de par le monde (88 langues pour 300 Ă©ditions) et le plus publiĂ© au 20e siĂšcle ; rien qu’en TchĂ©coslovaquie, il y eut 38 Ă©ditions.

L’impact de l’exemple et du livre de Julius Fučík explique le dĂ©chaĂźnement rĂ©actionnaire contre sa mĂ©moire : il aurait Ă©tĂ© un traĂźtre qui informait la Gestapo, il aurait Ă©tĂ© un lĂąche qui n’aurait pas obĂ©i Ă  une consigne de suicide au moment de l’arrestation, il ne serait pas mort car les nazis l’auraient protĂ©gĂ© et emmenĂ© avec eux en AmĂ©rique latine aprĂšs 1945, tout le rĂ©cit n’aurait Ă©tĂ© qu’une invention de la propagande communiste et le livre lui mĂȘme serait un faux, etc.

A Berlin, dans un de Pankow se dresse un mĂ©morial Ă  Julius Fučík. ComposĂ© de quatre colonnes, on peut voir sur l’une, son portrait, et sur une autre, en allemand, en russe et en tchĂšque, les derniĂšres lignes qu’Écrit sous la potence adresse aux hommes : « Je vous ai aimĂ©. Soyez vigilant Â»

« Ă‰crit sous la potence Â»
« Ă‰crit sous la potence Â»
« Ă‰crit sous la potence Â»
« Ă‰crit sous la potence Â»

28/07/2005

« Le Mur Â»

NĂ© dans une famille pauvre d’origine kurde, Yilmaz GĂŒney dĂ©bute par de petits rĂŽles dans le cinĂ©ma. Il commence Ă  Ă©crire comme scĂ©nariste et nouvelliste, ce qui lui vaut 18 mois de prison en 1961 pour « propagande communiste Â». À sa sortie, il joue dans une quarantaine de films oĂč ses rĂŽles d’antihĂ©ros victimes d’injustices le rendent trĂšs populaire. À partir de 1966, il se lance dans la rĂ©alisation, il enchaĂźne des films qui sont Ă  la fois engagĂ©s et trĂšs populaires. En 1974 il est condamnĂ©s Ă  deux ans de prison pour avoir hĂ©bergĂ© des rĂ©volutionnaires. LibĂ©rĂ© peu aprĂšs grĂące Ă  une amnistie gĂ©nĂ©rale, il tourne immĂ©diatement un nouveau film mais une nouvelle fois arrĂȘtĂ© et est condamnĂ© Ă  15 ans de prison pour « complicitĂ© Â» dans un attentat.

En prison, Guney Ă©crit trois romans, des scĂ©nario et rĂ©alise Ă  partir de sa cellule trois films: SĂŒrĂŒ (Le troupeau) en 1978, DĂŒĆŸman (L’Ennemi) en 1979, et Yol (La permission) en 1982. Ce film racontant l’histoire de cinq prisonniers en permission, remporte un immense succĂšs international ainsi que la Palme d’or Ă  Cannes. Peu aprĂšs, GĂŒney s’évade de prison et se rĂ©fugie en France oĂč il termine son existence dans la clandestinitĂ© en raison d’une demande d’extradition de la Turquie. En 1983, dĂ©chu de sa nationalitĂ© par le gouvernement turc, il signe sa derniĂšre Ɠuvre Duvar, Le Mur.

Le Mur dĂ©crit la vie dans un pĂ©nitencier Ă  Ankara Ă  l’automne 1981, un an aprĂšs le coup d’Etat du 12 septembre 1980 du gĂ©nĂ©ral Evren. Quand on lui a demandĂ© pourquoi son nouveau film parlerait d’une prison, GĂŒney a rĂ©pondu: « c’est le sujet le mieux appropriĂ© Ă  la situation actuelle de la Turquie. Â» GĂŒney a tournĂ© son film en 1983, en exil, avec des bouts de ficelles et une foule de volontaires, dans une vieille abbaye dans un petit village au nord de la France. Devant la camĂ©ra, une centaine d’enfants kurdes (certains venus de Berlin) et avec entre 100 et 200 figurants adultes, gĂ©nĂ©ralement des travailleurs d’ateliers de confection ou d’usines de la rĂ©gion parisienne. Une centaine de techniciens amateurs ont collaborĂ© Ă  ce film.

Ce n’est qu’indirectement que le film est politique, mais il l’est puissamment: les personnages suivis sont des condamnĂ©s de droit commun, gĂ©nĂ©ralement des enfants. Militarisation, rĂšgne des petits chefs, sadisme des gardiens, sĂ©vices sexuels, dĂ©lation, gangs, passages Ă  tabac, mutineries rĂ©primĂ©es par l’armĂ©e et mises en scĂšne macabres, le tableau est terrible et sonne terriblement juste: Yilmaz GĂŒney qui a Ă©tĂ© enfermĂ© 12 ans dans les prisons turques, sait de quoi il parle.

GĂŒney parvient encore Ă  faire ressortir la bontĂ© humaine, avec la figure du vieux gardien, « tonton Ali Â», qui tente de protĂ©ger « ses enfants Â», et qui est jouĂ© par le seul acteur professionnel du film: Tuncel Kurtiz, le plus important acteur de sa gĂ©nĂ©ration (40 ans de carriĂšre, plus de 70 films dont Le troupeau), et qui est dĂ©cĂ©dĂ© l’annĂ©e passĂ©e.

Le Mur est le dernier film de Yilmaz GĂŒney, mort en septembre 1984 en exil. GĂŒney: « Je n’ai pas voulu construire la copie conforme d’une prison donnĂ©e en Turquie. Il s’agissait plutĂŽt d’une synthĂšse de toutes les prisons que j’ai connues. Il en a Ă©tĂ© de mĂȘme de l’histoire. Bien que l’axe central en soit la rĂ©volte des enfants du dortoir 4 Ă  la prison ouverte d’Ankara en 1976, les histoires individuelles parallĂšles proviennent de tĂ©moignages ou d’observations accumulĂ©es lors de mes sĂ©jours dans diffĂ©rents pĂ©nitenciers. (
) Cela a parfois Ă©tĂ© dur, voire douloureux, en tout cas sans complaisance. C’était la seule façon de rendre la rĂ©alitĂ© la plus sincĂšre possible. (
) A nous de dire les rĂ©alitĂ©s de la Turquie, pour faire en sorte qu’elles puissent enfin changer ; Ă  eux d’interdire et d’emprisonner pour que rien ne change. Mais pour combien de temps encore ?
 »

Quelques extraits:

« Le Mur Â»
« Le Mur Â»

Auguste Vaillant nait à MéziÚres, dans les Ardennes française en 1861. Il connaßt une enfance misérable, émaillées de petites condamnations pour avoir pris le train sans billet ou pour avoir mangé dans un restaurant sans payer. Il exerce divers pauvres petites emplois et commence à fréquenter le milieu anarchiste. Il milite aux Indépendants de Montmartre, se marie et vit dans le dénuement avec sa femme et leur fille. Il tente de se faire agriculteur en Argentine mais en revient aussi pauvre que parti, trois ans plus tard.

Les attentats anarchistes se multiplient alors en France, qui visent la bourgeoisie, les juges et les parlementaires. Auguste Vaillant dĂ©cide de passer Ă  l’action, notamment pour venger l’exĂ©cution de Ravachol. Le 9 dĂ©cembre 1893, vers 16 heures, il lance une bombe dans l’hĂ©micycle de la Chambre des dĂ©putĂ©s au Palais Bourbon. Un article du Figaro dĂ©crit la scĂšne :

« La bombe a Ă©tĂ© lancĂ©e de la seconde tribune publique situĂ©e Ă  la droite du prĂ©sident de la Chambre, au deuxiĂšme Ă©tage, et a Ă©clatĂ© Ă  la hauteur de la galerie du dessous, emportant dans un immense tourbillon tout ce qu’elle rencontrait devant elle. Plusieurs dĂ©putĂ©s ont Ă©tĂ© renversĂ©s ; l’abbĂ© Lemire est projetĂ© sur le sol, il est atteint par un projectile derriĂšre la tĂȘte et reçoit une blessure profonde. D’autres dĂ©putĂ©s sont blessĂ©s : MM. de Lanjuinais, Leffet, le baron GĂ©rard, Sazenove de Pradine, de Montalembert, Charpentier, de TrĂ©veneue. On les entoure, on les emporte dans les bureaux pour leur donner les premiers soins. M. Ch. Dupuy, au fauteuil, a eu le cuir chevelu dĂ©chirĂ© par un clou. »

Une cinquantaine de personnes sont blessĂ©es par les clous dont Vailland avait farci sa bombe, parmi lesquelles neuf dĂ©putĂ©s, le prĂ©sident de la chambre, un sĂ©nateur deux officiers, un huissiers, un journaliste et un sous-prĂ©fet. ArrĂȘtĂ© avec vingt autres personnes, Vaillant avoue dans la nuit qu’il est l’auteur de l’attentat. Au procĂšs, Vaillant dira aux jurĂ©s :

« Messieurs, dans quelques minutes vous allez me frapper, mais en recevant votre verdict, j’aurai la satisfaction d’avoir blessĂ© la sociĂ©tĂ© actuelle, cette sociĂ©tĂ© maudite oĂč l’on peut voir un homme dĂ©penser inutilement de quoi nourrir des milliers de familles, sociĂ©tĂ© infĂąme qui permet Ă  quelques individus d’accaparer la richesse sociale (
) Las de mener cette vie de souffrance et de lĂąchetĂ©, j’ai portĂ© cette bombe chez ceux qui sont les premiers responsables des souffrances sociales »

Le parlement adopte en panique une sĂ©rie de lois appelĂ©es les « lois scĂ©lĂ©rates Â» qui crĂ©ent de nouveaux dĂ©lits, dont l’apologie de faits ou apologie de crime, et interdisent toute propagande anarchiste. Auguste Vaillant est condamnĂ© Ă  mort. Le prĂ©sident Sadi Carnot refuse d’accorder sa grĂące Ă  Vaillant qui est guillotinĂ© le 5 fĂ©vrier 1894. Il avait 33 ans. Sarah Bernhardt, qui avait sympathisĂ© avec lui, assiste Ă  l’exĂ©cution:

« La foule s’était peu Ă  peu amassĂ©e, mais restait en groupe compact. Les rues Ă©taient barrĂ©es. De temps en temps, un homme indiffĂ©rent et pressĂ© Ă©cartait la foule, prĂ©sentait une carte Ă  un officier de paix, et disparaissait sous le porche de la prison. C’était un journaliste. J’en comptai plus de dix. Puis, tout Ă  coup, les gardes de Paris, doublĂ©s pour la circonstance, car on craignait un coup de main des anarchistes, se rangĂšrent le long du triste piĂ©destal.
Sur un signal, les sabres furent mis au clair et la porte de la prison s’ouvrit. Vaillant parut, pĂąle, Ă©nergique et brave. Il cria d’une voix mĂąle et assurĂ©e : « Vive l’anarchie ! Â» Pas un cri ne rĂ©pondit au sien. Il fut saisi, renversĂ© sur la planche. Le couperet tomba avec un bruit ouatĂ©. Le corps bascula. En une seconde l’échafaud fut dĂ©moli, la place balayĂ©e, les rues dĂ©barrĂ©es ; et la foule se rua sur la place, regardant par terre, cherchant une goutte de sang introuvable, humant, le nez en l’air, l’odeur du drame qui venait de se dĂ©rouler. « 

Ainsi mourut Auguste Vaillant, la seule personne, selon la plaisanterie anarchiste, a ĂȘtre entrĂ© Ă  la Chambre des dĂ©putĂ©s avec des intentions honnĂȘtes. Les reprĂ©sailles anarchistes suivront: pour venger Vaillant, Émile Henry lance le 12 fĂ©vrier 1894 une bombe au Terminus, un cafĂ© chic gare Saint-Lazare et Geronimo Caserio blesse mortellement le prĂ©sident Sadi Carnot Ă  Lyon le 24 juin 1894. La complainte de Vaillant de F. Xan-Neuf et de Charles Spencer sera longtemps chantĂ©e dans les milieux anarchistes.

L’exĂ©cution de Vaillant
L’exĂ©cution de Vaillant
L’exĂ©cution de Vaillant
L’exĂ©cution de Vaillant

Quinze ans aprĂšs la fin de la guerre, les nĂ©o-fascistes du Mouvement Social Italien participent au gouvernement (en coalition avec les monarchistes et la DĂ©mocratie ChrĂ©tienne) et dĂ©cident d’organiser leur sixiĂšme congrĂšs le 2 juillet 1960 Ă  GĂȘnes. C’est une provocation: la ville de GĂȘnes est la mĂ©daille d’or de la RĂ©sistance, les contre-manifestants se dĂ©chaĂźnent et le CongrĂšs doit ĂȘtre annulĂ©. Les fascistes multiplient les attentats contre les locaux du PCI tandis que des manifestation antifascistes ont lieu dans tout le pays. Le 5 juillet, Ă  Licata, dans le sud de la Sicile, la police tue un manifestant et en blesse quatre autres.

En rĂ©action aux Ă©vĂ©nements de GĂȘnes et de Licata, une grĂšve gĂ©nĂ©rale et une manifestation de masses sont organisĂ©es le 7 juillet Ă  Reggio Emilia. 20.000 travailleurs dĂ©filent, 600 d’entre eux vont ensuite assister au meeting du syndicat CGIL Ă  la Sala Verdi et 300 autres se rassemblent devant le monument aux morts pour chanter des chansons de lutte, malgrĂ© l’interdiction de rassemblements dans les lieux publics. Des centaines de policiers anti-Ă©meutes interviennent et tirent Ă  hauteur d’homme Ă  balles de guerre.

Cinq manifestants, touts membres du PCI, dont un ancien partisan, sont tuĂ©s: Lauro Farioli, Ovidio Franchi, Emilio Reverberi, Marino Serri, Afro Tondelli. Vingt autres manifestants sont blessĂ©s. Toute la rĂ©gion sera choquĂ©e par l’évĂ©nement et le cortĂšge funĂ©raire sera immense. AprĂšs cet incident, le gouvernement DC-MSI Tambroni dĂ©missionne mais personne ne sera condamnĂ© pour ce massacre.

Les dĂ©ceptions de l’aprĂšs-guerre pour les partisans et la volontĂ© du PCI de « ne pas envenimer les choses Â» (Le service d’ordre du PCI avait Ă©tabli des barrages pour empĂȘcher les militants et les anciens partisans de venir armĂ© au cortĂšge) ont créé en rĂ©action une tendance de masse Ă  la radicalisation, hors du contrĂŽle du PCI . Si, quelques annĂ©es plus tard, Les Brigades rouges pourront compter sur base sociale assez large Ă  Reggio Emilia, c’est en bonne partie en raison de l’expĂ©rience qu’avait la ville de la rĂ©pression de l’état et de la complicitĂ© passive du PCI.

La chanson Fausto Amodei Pour les morts de Reggio Emilia perpĂ©tuera la mĂ©moire du massacre et deviendra extrĂȘmement populaire. Fausto Amodei est un auteur-compositeur-interprĂšte nĂ© Ă  Turin en 1934. En 1958, il est parmi les fondateurs du groupe des Cantacronache, premier vrai mouvement pour une chanson populaire et politique en Italie. Sa chanson, qui fait le lien avec la lutte partisane par plusieurs rĂ©fĂ©rences bien connues Ă  l’époque, connaĂźtra un grand nombre d’interprĂ©tations et servira de base Ă  plusieurs autres chansons. Avec des paroles adaptĂ©es, elle sera chantĂ©e par les supporters de l’AC Milan et, aprĂšs la mort de Carlo Guilliani, Ă  GĂȘnes, une nouvelle version circulera intitulĂ©e Per i morti di Reggio Emilia, e non solo (Pour les morts de Reggio Emilia et pas seulement).

Voici le texte original et sa traduction:

Compagno cittadino fratello partigiano

teniamoci per mano in questi giorni tristi

Di nuovo a reggio Emilia di nuovo la` in Sicilia

son morti dei compagni per mano dei fascisti

Di nuovo come un tempo sopra l’Italia intera

Fischia il vento infuria la bufera

A diciannove anni e` morto Ovidio Franchi

per quelli che son stanchi o sono ancora incerti

Lauro Farioli e` morto per riparare al torto

di chi si gia` scordato di Duccio Galimberti

Son morti sui vent’anni per il nostro domani

Son morti come vecchi partigiani

Marino Serri e` morto e` morto Afro Tondelli

ma gli occhi dei fratelli si son tenuti asciutti

Compagni sia ben chiaro che questo sangue amaro

versato a Reggio Emilia e` sangue di noi tutti

Sangue del nostro sangue nervi dei nostri nervi

Come fu quello dei Fratelli Cervi

Il solo vero amico che abbiamo al fianco adesso

e` sempre quello stesso che fu con noi in montagna

Ed il nemico attuale e` sempre ancora eguale

a quel che combattemmo sui nostri monti e in Spagna

Uguale la canzone che abbiamo da cantare

Scarpe rotte eppur bisogna andare

Compagno Ovidio Franchi, compagno Afro Tondelli

e voi Marino Serri, Reverberi e Farioli

Dovremo tutti quanti aver d’ora in avanti

voialtri al nostro fianco per non sentirci soli

Morti di Reggio Emilia uscite dalla fossa

fuori a cantar con noi Bandiera Rossa!

Camarades citoyens, frĂšres partisans

Tenons-nous par la main en ces jours tristes

De nouveau Ă  Reggio Emilia, de nouveau lĂ -bas en Sicile

Des camarades sont morts, tués par des fascistes.

De nouveau comme autrefois, sur l’Italie tout entiùre

le vent hurle et la tempĂȘte fait rage.

Ovidio Franchi est mort Ă  dix-neuf ans

Pour ceux qui se sont lassĂ©s oĂč sont encore indĂ©cis

Lauro Farioli est mort pour réparer la faute

de ceux qui ont déjà oublié Ducio Galimberti

[résistant fusillé par les nazis en 1944]

Ils sont morts Ă  vingt ans pour notre avenir

Ils sont morts comme de vieux partisans

Marino Serri est mort, et mort est Afro Tondelli

Mais les yeux des frĂšres restent secs

Camarades, que ce soit bien clair, ce sang si amer

versĂ© Ă  Reggio Emilia c’est notre sang Ă  tous

Sans de notre sang, nerfs de nos nerfs

Comme l’étaient ceux des frĂšres Cervi

[une célÚbre famille de cinq frÚres tous partisans]

L’ennemi actuel, c’est toujours et encore le mĂȘme

C’est celui que nous combattions dans nos montagnes et en Espagne.

C’est toujours la mĂȘme chanson que nous devons chanter

Les chaussures déchirées, il faut pourtant avancer

[ce dernier vers est d’un cĂ©lĂšbre chant partisan: Fischia el vento]

Camarade Ovidio Franchi, camarade Afro Tondelli

Et vous Marino Serri, Reverberi et Farili

Nous devrons tous ensemble dorénavant

vous voir à nos cÎtés pour ne pas nous sentir seuls

Morts de Reggio Emilia! Sortez de la tombe!

Sortez avec nous pour chanter Bandiera Rossa.

« Per i morti di Reggio Emilia Â»
« Per i morti di Reggio Emilia Â»
« Per i morti di Reggio Emilia Â»

Lille, 29 septembre

Rassemblement sur la grande place de Lille Ă  l’initiative de SolidaritĂ© Georges Lille.

Lannemezan, 30 septembre

Plusieurs dĂ©lĂ©gations de comitĂ©s de soutien Ă  la libĂ©ration de Georges Ibrahim Abdallah se sont rassemblĂ©es devant la prison de Lannemezan pendant l’audience qui statuait sur la derniĂšre demande de libĂ©ration.

Loos, 30 septembre

Au pied des terrils jumeaux de Loos-en-Gohelle (prĂšs de Lens) surplombant la rocade miniĂšre, Ă  l’initiative du Collectif « Bassin minier Â» pour la LibĂ©ration de Georges Ibrahim Abdallah.

Paris, 18 octobre

A l’initiative de Convergence Palestine et avec le collectif anti-impĂ©rialiste Coup pour coup et d’Action Antifasciste Paris-banlieue, rassemblement place de la RĂ©publique et rĂ©alisation d’une fresque.

Beyrouth (Liban), 22 octobre

Rassemblement avec prise de parole de l’écrivain palestinien Khaleb Barakat, coordinateur de la campagne pour la libĂ©ration d’Ahmad Saadat

Bordeaux, 24 octobre

Un concert de solidaritĂ© Ă  l’AthĂ©nĂ©e libertaire : GUYOM TOUT SEUL, m. , et LORAN.

Pau, 24 octobre

Trois militants de Libertat s’enchainent aux grilles de la PrĂ©fecture des PyrĂ©nĂ©es Atlantiques (ils sont arrĂȘtĂ©s et amenĂ©s au commissariat).

Lyon, 24 octobre

A l’initiative d’un Collectif lyonnais/Sud-Est de soutien à Georges Abdallah, rassemblement et table de presse devant le Palais de Justice de Lyon.

Perpignan, 24 octobre

Rassemblement devant le tribunal Place Arago. A l’initiative de la CNT 66, CNT-SO 66, ComitĂ© BDS 66, AFPS, LDH 66.

Rennes, 24 octobre

Rassemblement place du Parlement. A l’initiative de l’AFPS, Breizhistance, collectif BDS Rennes, PCF-Rennes, SLB, UJFP.

Toulouse, 24 octobre

Meeting du collectif anti-impĂ©rialiste Coup Pour Coup 31. Les deux intervenants de cette soirĂ©e, Khaled Barakat, Ă©crivain palestinien, coordinateur de la campagne pour la libĂ©ration d’Ahmad Saadat et Charlotte Kates, membre de Samidoun, organisation de dĂ©fense des prisonniers palestiniens.

Bruxelles (Belgique), 24 octobre

A l’initiative du Secours Rouge de Belgique, rassemblement devant la rĂ©sidence de l’ambassadeur de France, 52 boulevard du RĂ©gent. Un co-voiturage est organisĂ© par le Collectif « Bassin minier Â» pour la LibĂ©ration de Georges Ibrahim Abdallah et SolidaritĂ© Georges Lille.

ZĂŒrich (Suisse), 24 octobre

Accrochage de banderoles par les RevolutionĂ€re Jugend ZĂŒrich, RevolutionĂ€rer Aufbau et le Rote Hilfe Schweiz (Secours Rouge de Suisse)

Hambourg (Allemagne), 24 octobre

Meeting Ă  l’initiative du Netzwerk Freiheit fĂŒr alle Politisches Gefangenen (Secours Rouge International) et du PalĂ€stina Arbeitskreis Ă  l’Internationales Zentrum B5. Avec un orateur palestinien.

Tunis (Tunisie), 24 octobre

Rassemblement devant l’ambassade de France avenue centrale Habib Bourguiba, Ă  l’appel du ComitĂ© Tunisien de SolidaritĂ© avec Georges Abdallah.

Nantes, 25 octobre

Rassemblement place de la Petite Hollande. A l’initiative du ComitĂ© LibĂ©rez Georges.

Orléans, 25 octobre

Rassemblement place du Martroi. A l’initiative des JC OrlĂ©ans.

Lannemezan, 25 octobre

Manifestation de 300 personnes Ă  partir de la gare de Lannemezan jusqu’à la prison. Des covoiturages avaient Ă©tĂ© organisĂ©s Ă  partir de Toulouse, Paris, Marseille et Bordeaux.


A Lannemezan : Libérons Georges Abdallah ! von coup-pour-coup

Milan (Italie), 25 octobre

Rassemblement Piazza Cadorna à l’initiative de Fronte Palestina et de l’Assemblea di lotta uniti contro la repression (avec la participation du Collettivo contro la repressione per un Soccorso Rosso Internazionale).

Gaza (Palestine), 25 octobre

Meeting organisĂ© par le Front Populaire de LibĂ©ration de la Palestine pour la libĂ©ration de Georges et d’Ahmad Sa’adat.

Bordeaux, 5 novembre

Rassemblement place Pey Berland Ă  l’appel du comitĂ© LibĂ©rons Georges 33.

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Lille, 5 novembre

Rassemblement Place de Buisses Ă  l’initiative de SolidaritĂ© Georges Lille.

Beyrouth, 5 novembre

Rassemblement devant l’ambassade de France, avec sit-in, tractage et peintures au pochoir sur l’enceinte de l’ambassade.

Awkar (Liban), 8 novembre

Rassemblement devant l’ambassade des États-Unis à l’appel de la Campagne internationale.

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Des dizaines d’étudiants Ă  l’UniversitĂ© de Bir Zeit Ă  Ramallah se sont opposĂ©s Ă  la visite du Consul français Ă  l’UniversitĂ© le mercredi 19 novembre et ont appelĂ© Ă  la libĂ©ration de Georges Abdallah.

JournĂ©es d’action (automne 2014)
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