Il y a environ un mois, deux agents des services de renseignements turcs ont été arrêtés par le PKK près de la ville kurde irakienne de Souleimaniye (au Barrage de Kudan, entre Qandil -région contrôlée par le PKK- et Souleimaniye -région contrôlée par le PUK). Les agents du MIT étaient présents au Bashur pour tenter d’assassiner des membres de la guérilla du PKK dont Cemil Bayik, un des trois dirigeants exécutifs du PKK. Le dossier est très sensible et à la source de tensions entre le régime d’Erdogan, le PUK (Union Patriotique du Kurdistan, parti de centre gauche relativement favorable au PKK et relativement hostile envers la Turquie) qui se serait bien passé de cette histoire sur une région qu’il administre officiellement, et le PKK, clandestinement actif dans le Kurdistan irakien et particulièrement dans la région de Qandil. Vu cette tension, les informations apparaissent au compte-goutte. Les deux agents du MIT voyageaient avec des passeports diplomatiques, ils ont convaincu leur hiérarchie qu’ils avaient des opportunités d’enlèvements et d’assassinats contre des cadres du PKK au Bashur, mais leur opération a échoué, peut-être à cause d’une fuite dans leur organisation. Des membres des staffs des deux agents ont également été arrêtés.

L’opération était potentiellement importante pour le régime d’Erdogan. Le soir de l’opération, plutôt que d’apprendre le succès de l’opération, ils ont appris la capture de leurs agents. Une rencontre a aussitôt été provoquée à Ankara entre des responsables du MIT et du PUK, les premiers demandant aux seconds de retrouver leurs agents. Le PUK a à son tour demandé une rencontre au KCK (le parapluie politique du PKK), rencontre qui a eue lieu rapidement à Souleimaniye. Le PKK a refusé de remettre les deux agents au PUK et a argumenté qu’ils pourraient être liés au meurtre de Sakine Cansiz, et que la seule raison pour laquelle les agents n’avaient pas déjà été liquidés étaient précisément pour éviter une crise entre le PKK et le PUK.

Lorsque l’administration d’Erdogan a compris qu’elle ne récupérerait pas ses agents, elle a tenté de faire pression sur le PUK: tenant des réunions parallèles avec le PDK (parti de droite au Kurdistan irakien qui administre la région d’Erbil), fermant les bureaux du PUK à Ankara et expulsant le représentant de ce parti, Bahroz Galali, hors du territoire turc. Ce diplomate a déjà fait la médiation lors de nombreux conflits entre la Turquie et la guérilla du PUK ou entre la Turquie et la guérilla du PKK. De son côté, le PDK a indiqué qu’il était impuissant puisque les faits ne se déroulent pas dans la partie du Bashur qu’il administre.

Médiatiquement, la Turquie est tout à fait silencieuse sur le sujet, puisqu’elle s’attend à ce que des photos, vidéos, et déclarations des deux agents soient publiées et se prépare à les réfuter aussitôt. Côté PUK: même si une certaine branche du parti préférerait que les agents soient rendus à la Turquie, la base militante et les habitants de la ville de Souleimaniye sont généralement heureux d’apprendre qu’une opération du MIT dans leur région a échoué. De son côté, le PKK a annoncé que les deux agents ne seraient pas libérés.

Cemil Bayik, cible du complot du MIT.

Cemil Bayik, cible du complot du MIT.

Gabar Tolhildan (nom de guerre), un montréalais arrêté le 27 juillet par les forces du PDK (voir notre article), a été libéré ce matin. Il avait combattu avec les YPG et blessé à la jambe il y a environ deux mois lors de la campagne de Raqqa. Gabar Tolhildan avait été évacué et avait décidé de rentrer au Canada en passant par le Kurdistan irakien. Il aurait été arrêté en passant la frontière pour des raisons de problèmes de passeport et de visa. Les combattants volontaires qui franchissent la frontière pour quitter le Rojava sont soumis à des arrestations pour violation de visa.

Gabar Tolhildan

Gabar Tolhildan

Markéta Všelichová et Miroslav Farkaš sont deux internationalistes accusés d’avoir combattu Daech dans les rangs des YPG et des YPJ. Ils ont été arrêtés en novembre 2016 par les pershmergas de Barzani, au Kurdistan irakien, qui s’est empressé de les remettre au régime turc. Le régime turc dit avoir trouvé sur eux des flyers et photos prouvant leur appartenance aux YPG/YPJ, considérés comme des organisations terroristes par le régime turc, mais les deux internationalistes disent qu’ils se trouvaient au Rojava pour des raisons humanitaires. Leur procès avait commencé le 10 mai dernier, plusieurs reports ont mené le verdict à ce 2 août: 6 ans et 3 mois de prison. Les deux peuvent encore faire appel. La diplomatie tchèque s’est plusieurs fois manifestée pour leur libération.

Markéta Všelichová et Miroslav Farkaš

Le PDK, qui au pouvoir au Kurdistan irakien, a arrêté un autre groupe de volontaires internationalistes des YPG. Jusqu’ici, nous avons seulement le nom d’un combattant canadien dont le nom de guerre est Gabar Tolhildan. Ils auraient été arrêtés jeudi dernier mais aucune autre information n’a pu être obtenue jusqu’à présent. Le PDK, expression du clan féodal Barzani au pouvoir au Kurdistan irakien, étroitement lié à la Turquie d’Erdogan, arrête régulièrement des combattants internationalistes qui passent par le Kurdistan irakien pour rejoindre le Rojava ou rentrer chez eux.

Gabar (à droite)

Gabar (à droite)

Depuis le début de la campagne de soutien aux internationalistes au Rojava (voir rojava.xyz), nous recevons parfois des messages pour nous demander « comment aller au Rojava ». Premièrement, nous devons préciser que nous ne sommes pas le Bataillon International de Libération (ni son bureau de recrutement), nous ne sommes pas une organisation kurde, nous ne sommes pas situés au Rojava. Les organisations qui prennent part à la campagne sont basées en Europe et font de la solidarité internationale. Il est donc inutile de nous envoyer des candidatures.

Nous suivons de près l’actualité au Rojava et au Moyen-Orient, et nous avons donc un point de vue assez global sur la situation géo-politique sur place. Nous allons donc répondre à quelques questions qui nous sont régulièrement posées sur bases d’informations accessibles à tous.

1. Puis-je me rendre au Rojava depuis la Turquie ? La Syrie ? Le Liban ? L’Iran ? L’Irak ? Le Kurdistan irakien N’importe quel autre endroit ?
La réponse est très simple: ne tentez pas de rejoindre le Rojava depuis la Turquie. Ne tentez pas de rejoindre le Rojava depuis le Liban ou depuis une zone contrôlée par le régime syrien. Ne tentez pas de rejoindre le Rojava depuis l’Iran. Ne tentez pas de rejoindre le Rojava depuis la partie de l’Irak contrôlée par l’armée irakienne ou par le PDK. Ne tentez pas de rejoindre le Rojava depuis une zone contrôlée par Daesh.

2. Puis-je compter sur l’aide du Kurdistan irakien ? Du PDK ? Du PUK ?
Réponse courte: non. Le Kurdistan irakien est un pays féodal en transformation. Il y a plusieurs forces armées, et les limites entre elles ne sont pas claires. Le PDK (qui contrôle l’ouest du pays et l’aéroport d’Erbil) est très hostile à la révolution au Rojava et allié de la Turquie. Le PUK (qui contrôle Souleimaniye) a des relations amicales avec le Rojava, mais son pouvoir est limité. Ne demandez pas de l’aide à des fonctionnaires irakiens sous prétexte qu’ils sont au PUK. Au mieux, ils ne sauront pas vous aider. Au pire, vous allez vous faire arrêter.

3. Puis-je aller au Rojava seul ? Qui peut m’aider ?
N’espérez pas passer la frontière vers le Rojava seul. N’espérez pas sauter la clôture, vous risquez de vous faire tuer par un garde-frontière. Si vous voulez rejoindre le Rojava, contactez les YPG. Ce sont eux qui contrôlent le Rojava, ce sont eux qui décident qui y rentre malgré le blocus du PDK. Pour cela, vous devez utiliser PGP. Une fois que vous savez utilisez PGP, contactez les via leur adresse e-mail, ici.

4. Est-ce illégal selon le pays où je vis ?
Le simple fait de se rendre sur place peut être illégal selon votre pays d’origine et vos intentions. Mais ce qui pourrait l’être c’est ce que vous y faites. Qui plus est, même si cela n’est pas illégal, les autorités de votre pays pourraient tenter de vous empêcher d’y aller. Evitez donc de parler de votre voyage, avant, pendant et après, surtout sur les réseaux sociaux.

5. Quelle devrait être la première étape ?
Informez-vous. La situation au Moyen-Orient change tous les jours. Vous ne pouvez espérez passer à travers un blocus de cette ampleur sans avoir une idée relativement précise des situations politiques, religieuses, territoriales, linguistiques, etc. de la région. Si vous voulez allez au Rojava, donnez-vous en les moyens, informez vous intensivement. Notre site est un bon moyen de commencer avec notre dossier sur le Kurdistan, notre vidéo « Guerre en Syrie: Décryptage » et nos actualités quotidiennes.

6. Y a t’-il d’autres façons de soutenir ?
Participer à la campagne en faisant un don sur rojava.xyz.

FAQ: « Comment aller au Rojava ? »

Neuf internationalistes qui ont combattus Daesh dans les rangs des YPG ont été arrêtés par la police du PDK alors qu’ils rentraient du Rojava pour retourner chez eux. Les internationalistes états-uniens, italiens et espagnols Callum Ross, Ozgan Ozdil, Anthonî Degatto, Justin Schnepp, Mirko Bruna, Paola Andolina, Damien Rodriguez, Fernando Sanches Grassa ont été arrêtés à un checkpoint à 1,5km de Erbil (Hewler en kurde). Il arrive fréquemment que des combattants rentrant par l’Irak soient arrêtés par les Peshmergas du PDK (Parti Démocrate du Kurdistan). Les étrangers sont rapidement repérés par le visa expiré (maximum 1 mois) qui figure dans leur passeport.

La frontière de Semalka, entre le Kurdistan irakien et le Kurdistan syrien

La frontière de Semalka, entre le Kurdistan irakien et le Kurdistan syrien

L’armée de l’air turque a bombardé cette nuit vers 2h du matin des villages kurdes du Mont Shengal (en Irak) et du Mont Karachok (au Rojava). Le Mont Shengal est une montagne dans le nord ouest de l’Irak, à l’ouest de Mossoul, il abrite les Yézidis, un peuple kurdophone et zoroastriste, génocidé par Daesh il y a deux ans et vivant depuis sous la protection du PKK. Le Mont Karachok est situé près de Derik, à l’extrémité nord-est du Rojava, il abrite le quartier général des YPG.

L’attaque contre le Mont Shengal (voir nos articles) tout d’abord: l’armée turque a visé un quartier civil, la station de radio Çıra et un jardin construit en honneur à Abdullah Oçalan (leader emprisonné du PKK) plus précisément. Un civil a été tué, au moins 5 combattants YBS blessés. Les YBS sont les milices yézidies pro-pkk. Malgré le fait que ce soit probablement la première attaque turque contre Shengal, la précision n’était pas au rendez-vous: cinq combattants peshmerguas (les forces armées du régime kurde d’Irak, allié de la Turquie) ont été tués dans l’opération. Selon les peshmerguas, 20 missiles ont visé les positions du PKK, le dernier a touché les peshmerguas. Le communiqué peshmergua blâme à peine la Turquie: demandant au « PKK et à la Turquie de ne pas importer leur conflit ». La Turquie ne s’est à son tour pas excusée et a déclaré que les bombardements visaient à repousser des « menaces terroristes » proches des frontières turques, et que de telles opérations se reproduiraient. En effet, voilà de nombreux mois que les habitants du Mont Shengal craignent une intervention turque, le pire scénario implique une intervention au sol sous la bénédiction du régime kurde irakien.

Une autre attaque a visé le Mont Karachok, près de Derik. Les bombardements ont visé le quartier général des YPG ainsi qu’une autre station de radio, adjacente au batiment, la « Voix du Rojava ». Les YPG ont reconnu « Cette attaque traîtresse a tué et blessé nombre de nos camarades ». On n’a pas encore de bilan précis pour cette attaque, le bilan officiel à 11h était de 18 morts. Le communiqué de l’armée turque concernant les frappes fait penser que ce bombardement était en représailles à l’attaque du « Tunnel de Diyarbakir » (voir l’article) qui a lourdement frappé la police turque.

Mise à jour 12h: Des hélicoptères turcs ont également bombardé plusieurs villages du Dersim du côté turc de la frontière. Plusieurs groupes de guérilla sont actifs dans cette province.

Les deux monts bombardés: Karachok et Shengal

Les deux monts bombardés: Karachok et Shengal

Le PDK (Parti Démocrate du Kurdistan, le parti féodal libéral qui gouverne la région autonome du Kurdistan en Irak) veut depuis longtemps conquérir le Rojava. Il demande régulièrement à faire entrer des peshmergas dans ce territoire du nord de la Syrie afin de « combattre Daesh » selon ses propres dires. Les YPG et les YPJ le répètent: si les peshmergas du PDK veulent combattre Daesh en Syrie, ils devront le faire sous l’écusson des YPG et des YPJ. A l’inverse, le PKK contrôle plusieurs zones dans le Kurdistan irakien: les montagnes du nord de la région (à la frontière turque) et le Mont Shengal, la montagne des Yézidis, que Daesh a tenté de génocider alors qu’ils étaient abandonnés par les peshmergas et qui avaient été secourus par le PKK, les YPG et les YPJ. Cette situation est une épine dans le pied du PDK, empêtré dans des scandales de détournement de pétrole et traînant à organiser un référendum sur l’indépendance du Kurdistan Sud tant qu’il n’a pas la garantie de s’y mettre au pouvoir. Le Mont Shengal est aujourd’hui défendu contre Daesh par des milices du PKK et des milices yézidies, le PDK a plusieurs fois poser des ultimatums afin de les en chasser, sans succès.

La situation a évolué en ce début de mois de mars: le PDK demande toujours à faire entrer 5000 « peshmergas rojava » (surnommés « roj-pesh ») en Syrie, il négocie ferme avec les régimes turc et syrien à cette fin et a récemment rejoint l’opération « Bouclier de l’Euphrate ». Pour rappel, cette opération est une mise en place d’une zone tampon empêchant l’unification des cantons du Rojava, elle est pilotée par la Turquie et appliquée par des factions salafistes issues de l’armée syrienne libre. Cette opération a empêché les YPG/YPJ de libérer la ville d’Al-Bab et menace à présent la ville de Manbij qui a été libérée aux YPG après une bataille extrêmement coûteuse en vies humaines.

En plus de la menace sur Manbij, 500 roj-pesh ont été massés aux portes du Mont Shengal ce matin du 3 mars. Ils voulaient passer à Hawl (au-delà de la frontière syrienne, au Rojava) et sont donc passés dans la ville yézidie de Khanasor, contrôlée par des milices yézidies pro-PKK, les YBS. Des affrontements ont éclatés, 400 familles ont été évacuées en quelques heures, fuyant par des routes qu’elles avaient déjà du prendre en fuyant Daesh en août 2014. Cette agression du PDK contre le PKK survient à quelques kilomètres à peine de la ligne de front contre Daesh, dans un village où vivent des centaines de Yézidis qui ont déjà été martyrisés par l’Etat Islamique (des centaines de femmes sont toujours détenues comme esclaves sexuelles). Selon des sources non-officielles, il y aurait eu au moins 10 morts coté PDK, 6 coté YBS, 5 côté PKK, et un civil yézidi, ainsi que des dizaines de blessés. Les milices YBS et PKK n’ont pas d’artillerie lourde au Mont Shengal, mais des témoins rapportent que du matériel est importé depuis le Rojava en urgence. En réaction à cette attaque, des locaux de mouvements proches du PDK au Rojava ont été incendiés par des foules en colère. Notamment le local du KNC à Qamislo.

Politiquement, le Mont Shengal ne fait officiellement pas partie de la région autonome du Kurdistan irakien selon les frontières de 2003. Il est donc disputé entre les gouvernements de Baghdad et d’Erbil mais est défendu par des milices pro-PKK qui encouragent l’administration de la montagne par les Yézidis (en tant que « Yézidistan »). Une réunion d’urgence aurait eu lieu entre PKK, YBS et PDK avec le PUK (un autre parti plus progressiste au Kurdistan irakien) comme médiateur. La réunion aurait échouée et la situation resterait extrêmement tendue sur place.

Pour plus d’information, un statut à dérouler.

Pour mieux comprendre la situation au Kurdistan, voir notre dossier « Notes sur le Kurdistan ».

Le Mont Shengal en mai 2016 (cliquez pour agrandir)

Le Mont Shengal en mai 2016 (cliquez pour agrandir)

Les forces de sécurité turques mènent une grande offensive contre les guérillas du PKK dans des conditions hivernales rigoureuses dans la province turque de Tunceli. Cette opération mobilise la 4e brigade des Commandos, la 51e brigade du Hozat ainsi que le commandement de la gendarmerie provinciale de Tunceli. Elle est menée dans des vallées couvertes de neige et des régions montagneuses sous des températures inférieures à zéro, tombant à moins de 20 degrés. Par ailleurs, 34 chasseurs-bombardiers turcs ont bombardé des cibles du PKK dans la région de Zap, au Kurdistan irakien.

Les commandos turcs dans les montagnes de Tunceli

Les commandos turcs dans les montagnes de Tunceli

L’armée turque mène une opération contre les forces du PKK, dans la région frontalière de Zap, au Kurdistan irakien. Des bombardements aériens appuient cette opération. Dans le Kurdistan turc, d’autres opérations ont lieu. Certaines zones ont été proclamées « zone de sécurité spéciale » en raison des opérations qui sont en cours dans les districts de Cukurca, Semdinli et Yuksekova à Hakkari. Un couvre-feu a été décrété pour huit villages rattachés à Diyarbakir, suite auquel une opération a été lancée dans la zone rurale des districts de Lice, Hani et Kocakoy.

L’opération de l’armée turque

L'opération de l'armée turque