L’Iran est touché depuis vendredi soir par une vague de mécontentement provoquée par l’annonce d’une réforme du mode de subvention de l’essence, censée bénéficier aux ménages les moins favorisés mais s’accompagnant d’une très forte hausse du prix à la pompe. Les forces de sécurité ont tiré à balles réelles sur les manifestants. Certaines sources parlent de dizaines de morts. Au moins 25 villes ont été touchées par les troubles, qui surviennent à quelques mois des législatives prévues pour février, dont Téhéran, Machhad (Nord-Est) et Ispahan (Centre), les trois premières agglomérations du pays. Le prix de l’essence, très subventionnée en Iran, doit augmenter de 50 %, passant de 10 000 à 15 000 rials (11 centimes d’euros) pour les 60 premiers litres achetés chaque mois, et de 300 % (à 30 000 rials) pour les litres suivants. Les autorités assurent que les recettes dégagées doivent bénéficier aux 60 millions d’Iraniens les moins favorisés, mais cette mesure a soulevé une levée de boucliers.

Selon les agences locales, près de 400 personnes ont été appréhendées depuis vendredi : 40 à Yazd (centre), 180 dans la province du Khouzestan (sud-ouest), et 150 dans la province d’Alborz, au nord-ouest de Téhéran. Selon l’agence Tasnim, proche des ultraconservateurs, les 150 personnes arrêtées en Alborz étaient des « meneurs » de la contestation. Le porte-parole de l’autorité judiciaire a fait état de l’arrestation de personnes ayant incendié des mosquées ou des banques, et d’« individus ayant fourni des films et des informations à des médias étrangers et à des ennemis » de la République islamique, autrement dit, des internautes ayant posté des vidéos des incidents. Un officier des gardiens de la révolution et deux membres du Bassidj, corps de volontaires islamistes, ont été tués dans les affrontements. Dès samedi soir internet était presque entièrement coupé en Iran. Fait plutôt rare, la télévision publique iranienne a diffusé dès samedi des images de jeunes gens masqués dans des rues jonchées de débris en train d’incendier des bâtiments publics.

Une station service incendiée à Ispahan

 

Esman Bakhshi a été libéré contre une lourde caution, de la prison d’Evin à Téhéran, capitale de l’Iran. Porte parole d’une série de grève, son engagement lui a valu une arrestation en novembre 2018. Le militant syndical et représentant des travailleurs de la canne à sucre dans le Sud Ouest de l’Iran a été transféré à la prison d’Evin après avoir été condamné à 14 ans de prison et 74 coups de fouet. Il est accusé de « répandre des mensonges », « d’insulte au Guide suprême » ou encore d’organiser des « rassemblement en vue de commettre des crimes contre la sécurité naitonale. » Il a actuellement fait appel de ce jugement et est en attente d’un nouveau verdict.

 

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Le militant syndical iranien Esman Bakshki sortant de prison à Téhéran.

 

 

Samedi 26 octobre, Sepideh Gholian (voir notre article), Sanaz Elahyari, Amir Hossein Mohammadi Fard, Amir Amirgholi (voir notre article) et Atefeh Rangriz, Marzieh Amiri ont été libérés. Sepideh Gholian et Atefeh Rangriz avaient dernièrement entamé une grève de la faim entre autre pour protester contre leurs conditions de détention et les actes de harcèlement constant, ainsi que ceux envers des membres de leur famille. Neda Naji, une autre détenue du 1er mai, est toujours en prison et devrait être jugée par la 28e chambre du «Tribunal révolutionnaire islamique» pour sa participation à Téhéran au 1er mai 2019.

Sepideh Gholian

Le 8 octobre, pour la 3e journée consécutive, le rassemblement de protestation des travailleurs de la compagnie Azarab s’est poursuivi à Arak en Iran. Le dimanche 6 octobre, les travailleurs d’Azarab avaient organisé une collecte sur l’autoroute Téhéran-Arak pour protester contre la vente de leur entreprise et exiger leurs salaires impayés. Ils ont bloqué la place principale à l’entrée de la ville. La veille, le 7 octobre, ils s’était rassemblé et avait marché devant l’entreprise. Les unités anti-émeutes des Gardiens de la Révolution les ont chargés en tirant des gaz lacrymogènes sur la foule. Ils ont bloqué les manifestants par crainte que les jeunes rejoignent les protestataires. Malgré les attaques brutales de la veille, les travailleurs se sont rassemblés à nouveau devant le bâtiment de l’entreprise. Les forces répressives ont empêché les manifestants d’atteindre la place et d’entrer dans la ville.

Les ouvriers d’Azarab, de la ville d’Arak, en lutte

 

Soheil Arabi, une prisonnier anarcho-syndicaliste, a commencé ce vendredi 20 septembre une grève de la faim dans la tristement célèbre prison d’Evin, au Nord de Téhéran. Il proteste contre l’arrestation de sa mère, Farangis Mazloum, qui a été placé à l’isolement. Soheil Arabi, diplômé en photographie et père d’une jeune fille, a été arrêté par les services de Renseignement des Gardiens de la révolution à l’automne 2013, et a été soumis à la torture en isolement cellulaire. Soheil Arabi a d’abord été condamné à l’exécution, puis à sept ans et demi d’emprisonnement, pour avoir publié des photos du soulèvement de 2009, pour avoir caricaturé Khamenei, et pour avoir posté des articles sur internet. Il a été accusé de « propagande contre l’Etat », d’ « apostasie », de « blasphème contre le Prophète et d’insulte à la sainteté ». En outre, il a été condamné à trois ans d’emprisonnement et à une amende de 30 coups de fouet pour insulte aux dirigeants du régime. Pour être exempté de l’exécution, Soheil Arabi a été condamné à deux ans de « recherche religieuse », à travers la lecture de 13 volumes de livres sur la religion et en en faisant un résumé. Il devrait écrire un document en utilisant cinq livres religieux, et soumettre son rapport de recherche à la cour tous les trois mois pendant deux ans. La peine de mort sera levée après qu’il aura « prouvé ses regrets » devant le tribunal.

Soheil Arabi

 

 

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Le 7 septembre, le tribunal révolutionnaire de Téhéran a condamné sept militant.e.s syndicaux.ales à 117 ans de prison et 74 coups de fouet à la suite des manifestations des employés de l’usine de canne à sucre Haft Tappeh, en novembre dernier (voir nos articles ici et ici). Ismail Bakhshi, accusé de « rassemblement et collusion dans le but de porter atteinte à la sécurité nationale », « insulte du Guide », « publication de mensonges », « propagande contre l’État » et « perturbation de l’ordre public », a été condamné à 14 ans de prison et 74 coups de fouet. Mohammad Khanifar, accusé de « rassemblement, collusion et propagande contre l’État », a été condamné à six ans de prison. Les journalistes Sepideh Qolian, Amir Amirqoli, Asal Mohammadi, Amir Hossein Mohammadi Fard et son épouse Sanaz Allahyari ont été condamnés à 18 ans de prison. Ils ont été inculpés de « rassemblement et de collusion dans le but de porter atteinte à la sécurité nationale », d’ « appartenance au Gam » (une publication pour laquelle ils avaient écrit), de « propagande contre l’État » et « publication de mensonges ».

Au moins 40 travailleurs de l’usine de sucre Hafteh Tappeh ont été arrêtés au cours des derniers mois pour avoir protesté contre des salaires non-payés par l’usine. Le 13 août, sept travailleurs de l’usine de canne à sucre Haft Tappeh ont été condamnés à huit mois de prison avec sursis et à 30 coups de fouet chacun. Le 14 août, neuf autres employés ont été condamnés à huit mois de prison et à 30 coups de fouet, tandis qu’un autre travailleur a été acquitté.

Sept militant.e.s condamné.e.s à 117 ans de prison

La chercheuse et militante syndicale Atefeh Rangriz a été arrêtée le 1er Mai avec 35 autres militants syndicaux alors qu’elle participait à un rassemblement pacifique organisée à l’occasion de la Journée internationale du travail devant le parlement iranien à Téhéran, qui a été violemment dispersée par des agents de la sécurité et du renseignement. À la suite de son arrestation, Atefeh Rangriz a été placée en isolement cellulaire dans la section 209 de la prison d’Evine à Téhéran pendant plusieurs semaines, sans pouvoir entrer en contact avec sa famille. Le 8 juillet, après des semaines d’interrogatoires menés par des agents des services du renseignement, elle a été conduite au bureau du procureur de la prison d’Evine et inculpée de « rassemblement et collusion contre la sécurité nationale », de « propagande contre le système », de « trouble à l’ordre public » et d ‘« insultes d’agents en service ». Depuis la mi-juin, elle est détenue dans la prison de Qarchak, près de Téhéran. Elle a comparu devant le tribunal le 5 août 2019 qui l’a condamné à 11 ans et six mois de prison et à 74 coups de fouet.

Certains des participants au rassemblement du 1er Mai ont été libérés, mais d’autres, notamment la journaliste Marzieh Amiri, ont été condamnées à des peines d’emprisonnement. Marzieh Amiri a été condamnée à 10 ans et six mois de prison et à 148 coups de fouet. Entre-temps, le tribunal a condamné deux employés de la compagnie de bus de Téhéran à la prison et à des coups de fouet pour avoir participé à la manifestation de la fête du travail. Nasrin Javadi, une travailleuse retraitée de la sécurité sociale, a été condamnée à 7 ans de prison et à 74 coups de fouet. Rasoul Taleb Moghadam, chauffeur de bus, a été condamné à 74 coups de fouet, deux ans d’emprisonnement et deux ans en exil. Il est également sous le coup d’une interdiction d’utiliser un téléphone portable.

Atefeh Rangriz

Les employés des centres de santé se sont rassemblés dimanche dans plusieurs villes de la province du Khuzestan, dont Ahvaz, Ramhormoz et Mahshahr, pour protester contre le non-paiement de leurs salaires et le bas niveau de leurs salaires et réclamer leurs autres droits. Des manifestants en colère se sont ainsi rassemblés devant le bureau central des sciences médicales de l’Université d’Ahvaz. La police du régime a tenté de contenir la manifestation et des heurts sont survenus lorsque les policiers ont commencé à frapper les manifestants.

Les heurts à Ahvaz

Les heurts à Ahvaz

Alireza Shir-Mohammad-Ali était originaire du quartier de Naziabad, situé dans le sud de Téhéran. Il avait été arrêté et emprisonné en juillet 2018 suite aux manifestations contre le régime. Il avait été condamné à 8 ans de prison pour avoir insulté Khomeiny et Khamenei, et pour propagande contre le régime. Deux condamnés à mort, un assassin et un trafiquant de drogue, l’ont poignardé à 40 reprises le 10 juin alors qu’il menait une grève de la faim avec un autre prisonnier politique, Barzan Mohammadi. Ce dernier a également été poignardé par les deux criminels. Cette attaque a été commanditée par les autorités : aucun garde n’était dans la section lors du meurtre et les téléphones de ce quartier de la prison avaient été débranchés à ce moment.

Utiliser des prisonniers sociaux contre les prisonniers est une vieille pratique des autorités carcérales iraniennes. C’est ce qui explique qu’une des premières revendications des prisonniers politiques est la détention dans un quartier séparé. Le prisonnier politique anarchiste Soheil Arabi, actuellement en grève de la faim (voir notre article), détenu dans cette même prison, a lui aussi été violemment battu par des prisonniers sociaux à plusieurs reprises.

Alireza Shir-Mohammad-Ali

Alireza Shir-Mohammad-Ali

Le prisonnier anarchiste Soheil Arabi a été arrêté en 2013 pour avoir rendu publics les textes anti-gouvernementaux et avoir critiqué la religion. Il a d’abord été condamné à mort, puis en appel, à 11 ans de prison qu’il passe dans la prison de Bozorg de Téhéran. Samedi 15 juin, Soheil Arabi a entamé une grève de la faim pour protester contre la surpopulation de la prison et le comportement violent des responsables de la prison. Une semaine après le début de cette grève, il a été transféré dans un établissement de santé pénitentiaire en raison de la détérioration de son état de santé.

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Tag de solidarité avec Soheil Arabi

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