Le 4 décembre, un rassemblement des chauffeurs de bus devant l’Hôtel de ville de Téhéran a été violemment attaqué par les forces répressives et anti émeutes. Le rassemblement avait été organisé par le Syndicats des travailleurs chauffeurs de Bus de Téhéran et sa Banlieue connu aussi sous le nom de Vahed Syndicate, afin de protester contre des retards de salaires, des refus d’accès à des logements sociaux promis de longue date, et la corruption à la Mairie de Téhéran. Le maire de Téhéran, corrompu notoire, ancien chef de la police qui fut candidat ultraconservateur lors des dernières élections présidentielles, a donné l’ordre aux forces anti-émeutes d’encercler et de matraquer les manifestants. Des syndicalistes comme Hasan Saeedi, Naser Moharamzadeh et Iraj Fadayee ont été sévèrement battus, tandis que trois autres de leurs camarade étaient grièvement blessés.

En protestation contre cette attaque brutale, les membres du Syndicat des chauffeurs ont tous gardé leurs phares allumés et n’ont roulé qu’à 30 Km/heure. Les forces anti-émeutes ont alors investi les dépôts de bus, en obligeant les protestataires à éteindre leurs phares, menaçant ceux qui refusaient d’obéir. Rappelons que le vice-président du syndicat, Ebrahim Madadi, son trésorier Reza Shahabi et son porte-parole Davood Razavi, sont toujours emprisonnés (voir notre article);

Ebrahim Madadi, dirigeant emprisonné du syndicat des chauffeurs

Le prisonnier politique Kurde Syrien Mostafa Ali Ahmad, originaire de la ville de Kobane, a été transféré le 23 novembre dernier dernier vers le Quartier du centre de détention réservé aux étrangers de la prison centrale d’Orumiyeh en Iran, où il avait purgé une peine d’emprisonnement de 11 ans et 6 mois pour son appartenance présumée au PKK. Il a été transféré le 27 depuis ce Centre vers l’aéroport Imam Khomeini de Téhéran pour être déporté vers la Syrie. Des responsables de l’administration pénitentiaire iranienne ont annoncé à Mostafa Ali Ahmad qu’il serait déporté vers Damas parce que le gouvernement syrien exigeait son extradition après qu’il ait fini de terminer de purger sa peine de prison en Iran.

Les forces de sécurité iraniennes avaient arrêté Mostafa Ali Ahmad en juillet 2005 dans village près d’Orumiyeh. Après cette arrestation il avait été immédiatement transféré dans un centre de détention secret des service de renseignements des Gardiens de la Révolution de la ville Orumiyeh, où il a été interrogé et torturé pendant plus d’un mois. Quelques mois plus tard, une branche de la Cour du « Tribunal Révolutionnaire » d’Orumiyeh l’avait fait condamner à mort pour des accusations d’appartenance au PKK. Mostafa Ali Ahmad avait appel de la décision et son affaire avait été renvoyée devant la Cour suprême Iranienne qui avait finalement commuée la peine initiale, en une peine de 11 ans de prison.

Mostafa Ali Ahmad,

Un nouveau quartier a été construit dans la zone de quarantaine de la prison centrale de Dastgerd à Ispahan, appelé le « Service des renseignements du Corps des Gardiens de la Révolution ». Une quinzaine de prisonniers accusés de charges politiques et sécuritaires sont détenus dans cette section à haute sécurité. Il n’y a aucune information sur l’identité de ces prisonniers.

La prison de Dastgerd à Ispahan

Esmaïl Abdi, président du syndicat des enseignants en Iran et prof de math en banlieue de Téhéran, avait fait un premier séjour en prison pour avoir organisé les multiples manifestations réclamant un salaire aligné sur le seuil de pauvreté et non pas en-dessous comme c’est le cas, et le retrait de l’accusation d’atteinte à la sécurité nationale pour les militants syndicaux. Après une longue grève de la faim en prison, il avait été libéré sous caution (voir notre article). Le 9 novembre, six membres des services de renseignements ont débarqué chez lui sans le moindre mandat et ont procédé à une arrestation brutale. La cour d’appel venait peu avant de confirmer la peine de six années de prison.

Esmaïl Abdi

Le 15 octobre, Jafar Azimzadeh et Shapour Ehsani-Rad ont été condamnés à 11 ans de prison par la Direction générale de la Cour révolutionnaire de la ville de Saveh. Ils sont condamnés chacun à 10 ans de prison pour « l’organisation et le fonctionnement d’un groupe illégal» et à un an de prison pour « propagande contre l’Etat », le « groupe illégal » étant le Syndicat libre des travailleurs de l’Iran, dont Azimzadeh est président et Ehsani-Rad, membre du conseil d’administration. Azimzadeh a été condamné à six ans de prison en mars 2015 pour « rassemblement et collusion contre la sécurité nationale» et «propagande contre l’Etat ». En juillet dernier, il a été libéré provisoirement après une grève de la faim de deux mois grève (voir nos précédents articles ici et ici).

Azimzadeh et Ehsani-Rad devront également comparaitre pour des accusations de «troubles de l’opinion public» et «trouble à l’ordre public. » Ils sont accusés d’avoir incité à la grève les travailleurs à la Safa Rolling and pipe Mills Company.

Shapour Ehsani-Rad et Jafar Azimzadeh

Plusieurs combats ont récemment opposé les YRK (Unités de Défense du Rojhilat, branche armée du PJAK, qui est l’organisation soeur du PKK en Iran) aux militaires (pasdarans) iraniens. Les YRK ont revendiqué le 14 octobre avoir tué 32 militaires et miliciens alliés en représaille à la mort de 12 de leurs combattants le 4 octobre. Les représeailles ont commencé le dimanche 9 octobre, neuf membres des forces Basij (paramilitaires) ont été abattus lors d’une attaque nocturne contre une caserne à Rabat, province de l’Azerbaijan occidental. Deux Pasdarans ont été tués dans une embuscade le lendemain, un véhicule militaire qui arrivait en renfort a également été détruit. La nuit suivante, du lundi au mardi, 15 militaires ont été tués et 10 blessés dans l’attaque d’une caserne à Mariwan (Province du Kordistan) à l’arme lourde, la caserne a été incendiée. Les autorités iraniennes ont nié que des pasdarans aient été tués tout en reconnaissant que certains avaient été hospitalisés. Au moins un combattant YRK a été tué lors de ces attaques de représailles.

Les 12 combattants tués le 4 octobre

A la fin de la guerre Iran-Irak, le régime de la République islamique redoutait des mouvements populaires, notamment à l’occasion de la rentrée scolaire (les universités avaient été fermées pendant deux ans). Les dirigeants décident de décimer préventivement l’opposition, militants de la gauche révolutionnaire et du mouvement des Moujahidine Khalq. Entre août et octobre, 30.000 prisonniers politiques seront fusillés, abattus ou pendus. La majorité des victimes purgeaient des peines de prison pour leurs activités politiques ou avaient terminé leur peine mais étaient toujours incarcérées. Mais certains avaient déjà été libérés et seront de nouveau été arrêtés pour être exécutés. Les massacres ont eu lieu dans presque toutes les villes iraniennes.

Lire l’article que nous avions publié sur ce massacre

« Ni oubli ni pardon! »
Rassemblement de dénonciation de l’assassinat des prisonniers politiques et non politiques par le régime islamique d’Iran à l’occasion du 28e anniversaire du massacre de 1988. Samedi 1er octobre 2016, de 15h à 17h, Place de la Monnaie, Bruxelles
A l’initiative du Iranian Youth Committee – Belgium et de la 8 March Women’s Organisation (Iran-Afghanistan)

Pendaisons en masse à Tabriz, à l'été '88

Mihemed Abdullahi a été pendu à la prison d’Urmia aux premières heures du 9 août au motif de Moharebeh (ennemitié envers Dieu). Durant son interrogatoire, il avait été torturé, son bras et sa jambe avaient été fracturés. Après avoir été innocenté et acquitté, le juge a arbitrairement réouvert l’affaire pour condamner Mihemed à la peine de mort. Mihemed Abdullahi était accusé d’être membre de Komala, il avait nié appartenir à la guerilla. Cinq autres prisonniers kurdes ont été éxécutés au même moment au motif de traffic de stupéfiants.

Mihemed Abdullahi

Selon des chercheurs en sécurité liés à Amnesty International, au moins douze compte d’utilisateurs de la messagerie instantanée Telegram auraient été compromis et 15 millions de données utilisateurs (les numéros de téléphones correspondants aux comptes) d’Iraniens dérobées par un groupe de hackers connu sous le nom de « Rocket Kitten » qui a déjà par le passé agit dans l’intérêt des services de sécurité iraniens. Certaines attaques auraient débouché sur des arrestations. Cette opération a eu lieu quelque part dans l’année écoulée.

A propos de la méthode utilisée: comme plusieurs de ses concurrents, Telegram utilise une authentification par SMS plutôt que par mot de passe (un code est envoyé par sms et doit être entré dans l’app). Ce moyen pourrait pratiquement être plus simple et sécurisé qu’un mot de passe mais dans ce cas, il y aurait eu une collaboration des télécoms iraniens. Telegram propose toutefois l’authentification classique par e-mail et mot de passe, mais celle-ci pourrait être compromise de la même façon (une interception au niveau du fournisseur). Vingt millions de personnes utilisent Telegram en Iran, le pays fait pression depuis plusieurs années pour obtenir un droit d’espionnage et de censure, Telegram ne maintient donc aucun serveur en Iran pour éviter les saisies. En tout, 100 millions de personnes utilisent cette application dans le monde, elle est très populaire au Moyen-Orient, en Amérique Latine et dans le Tiers-Monde.

Telegram a finit par démentir que ces services aient été piratés pour finalement reconnaître qu’une douzaine de compte a pu être spécifiquement attaquée mais sans que cela ait à voir avec la sécurité de Télégram, ils disent avoir prévenu leurs utilisateurs dans des pays ‘sensibles’ qu’ils faisaient mieux d’utiliser une connexion par mot de passe avec authentification en deux facteurs. Pour ce qui est des 15 millions de numéros de téléphone, Telegram répète que c’est le fonctionnement même du service: les contacts Telegram sont identifiés par les utilisateurs en fonction de leurs numéros de téléphone (en effet, le carnet de contact est établi automatiquement). Des limitations ont récemment été introduites dans l’API pour empêcher ce genre d’identification d’échelle.

Telegram