Le quartier général des forces anti-émeutes turques à Cizre n’est plus qu’une carcasse fumante. Le bâtiment a été soufflé ce vendredi par une attaque revendiquée par le PKK. C’est un kamikaze qui a pu introduire une voiture piégée sur les lieux et qui l’a fait exploser, tuant au moins onze policiers. 78 personnes ont été blessées dans l’explosion. La ville de Cizré est située dans la province kurde de Sirnak, frontalière de la Syrie et de l’Irak. Ce quartier général est connu pour avoir vu mourir des centaines de Kurdes emmenés par la police turque.

Les décombres du QG policier

Les décombres du QG policier

Au troisième jour de l’opération « Boucliers de l’Euphrate », le véritable affrontement oppose de plus en plus clairement les Forces Démocratiques Syriennes (QSD) à l’armée turque et à ses alliés. Hier, les YPG/YPJ, la composante kurde et principale des QSD ont annoncé qu’ils se retiraient à l’est de l’Euphrate pour laisser l’administration de Manbij à un pouvoir local, le Conseil Militaire de Manbij qui est affilié aux QSD. Les autres composantes QSD continuent à se déployer le long d’une ligne de front parallèle à la frontière turque, vers l’ouest, vers le canton d’Afrin. Les troupes turques et FSA suivant le même mouvement de l’autre côté de cette ligne.

Le véritable plan turc (mis au points depuis plus d’un an, nous vous en avions parlé en juillet 2015) est de créer une « zone tampon » le long de la frontière turque pour empêcher l’unification du Rojava. Cette zone s’étendrait de Jarabulus à Al-Bab, à travers le nord de la province d’Alep. La Turquie soutient dans l’opération plusieurs groupes de l’Armée Syrienne Libre dont la plupart sont affiliés à la chambre d’opération Fatah Halab (« Conquête d’Alep ») dont la Brigade Sultan Mourad (groupe turkmène qui tire son nom de l’empereur ottoman éponyme), Jahbat al-Sham, Ahrar al-Sham (qui décrivait ce matin à Jarabulus les Talibans comme un « modèle »), Faylaq al-Sham, Nour al-Din al-Zenki (qui s’était fait remarquer en filmant l’égorgement d’un jeune enfant « envoyé par Assad ») et une myriade d’autres groupes salafistes. Le tout est appuyé par les bombardements de la coalition internationale.

Des affrontements ont déjà opposé les troupes FSA aux QSD: des obus ont été tirés sur les QSD et des armes chimiques auraient été utilisées contre des civils kurdes. Il ne semble pas y avoir eu d’échanges de tirs directs jusqu’ici.

Situation à l’ouest de l’Euphrate au 26 août matin

Situation à l'ouest de l'Euphrate au 26 août matin

L’invasion turque qui a commencé hier à Jarabulus révèle l’objectif turc d’empêcher les Forces Démocratiques Syriennes (QSD) de libérer plus de territoires à la frontière et de compliquer l’unification des cantons du Rojava. Les QSD ont parcouru 7 kilomètres au nord du front de Manbij en 24 heures et 7 autres kilomètres les séparent de Jarabulus. Une ligne de front s’est donc dessinée entre les combattants FSA et QSD. L’enjeu est énorme puisque les territoires qui seront pris par l’armée turque seront très probablement extrêmement difficiles à reprendre par la suite. Impossible de savoir si la course qui se joue à présent débouchera sur des affrontements entre les QSD et les groupes FSA soutenus par la Turquie (edit: Des combats auraient déjà eu lieu avec les Forces du Conseil Militaire de Jarabulus affiliées au QSD). Le PYD à déjà annoncé qu’il ne laissera pas faire. Les USA soutiennent l’opération turque. La ville de Jarabulus est « tombée » en quelques heures aux mains de l’armée turque et de la FSA, aucune vidéo, aucun usage d’explosif, aucune mine laissée derrière les djihadistes. La « libération » de Jarabulus par l’armée turque semble s’être faite sans aucune résistance de la part de Daesh.

Le champs de bataille complexe de Jarabulus

Le champs de bataille complexe de Jarabulus

À quelques kilomètres de Kobané, sur la rive occidentale de l’Euphrate, la ville de Jarabulus est aujourd’hui occupée par Daesh, après avoir été successivement occupée par l’Armée Syrienne Libre (FSA) et par le Front al-Nusra. La ville de Jarabulus est le principal point de passage djihadiste entre la Turquie et là Syrie, Erdogan a d’ailleurs toujours posé cette ville comme la frontière à ne pas franchir pour les YPG. La récente avancée des Forces Démocratiques Syriennes (QSD) à Manbij laisse Jarabulus comme une prochaine cible évidente (et apparemment fragile) dans la lutte contre Daesh. Ce 24 août, l’armée turque est massivement rentrée en Syrie avec 25 chars d’assaut dans une opération visant à rendre Jarabulus à la FSA, et surtout à la rendre imprenable pour les Forces Démocratiques. L’opération d’aujourd’hui est organisée conjointement par la coalition internationale (USA), l’armée turque et les groupes FSA soutenus par les deux précédents. Notons d’ailleurs le communiqué turc qui ne parle pas de Daesh mais de « groupes terroristes », l’opération a été baptisée « Boucliers de l’Euphrate ».

Edit: Des témoins dans les villes alentours affirment que l’opération n’est qu’un changement de drapeau, aucun civil ne fuyant la ville, aucune résistance de la part de Daesh,…

Edit 2: Sur la carte jointe on peut percevoir les enjeux que représente Jarabulus: la prise de Manbij a sérieusement rallonger la distance séparant Raqqa de la Turquie. La prise de Jarabulus par les QSD aurait été un sérieux coup porté à Daesh.

La route des aides djihadistes allant de Jarabulus à Al-Bab et de Al-Bab à Raqqa

La route des aides djihadistes allant de Jarabulus à Al-Bab et de Al-Bab à Raqqa

Un accord de cessez-le-feu a été conclu mardi entre le régime syrien et les forces kurdes après une semaine de combats meurtriers à Hassaka (voire notre article) sous les auspices des responsables militaires russes. L’accord prévoit que les forces du régime et les miliciens kurdes du YPG (Unités de protection du peuple kurde) se retirent de la ville et laissent le contrôle d’Hassaka aux Assayish (forces de sécurité du Rojava) et à la police gouvernementale.

Les Kurdes contrôlent aujourd’hui 90 % de cette ville tandis que les forces gouvernementales n’occupent que le centre où se trouvent les bâtiments gouvernementaux. Un échange de dépouilles, blessés et otages devrait également avoir lieu ainsi que l’ouverture de toutes les routes fermées par les combats. Dans lma ville, la situation est redevenue calme: des habitants s’étaient rendus au marché central pour faire des courses tandis que d’autres revenaient chez eux avec leur valises.

Les positions gouvernementales fortement réduites à Hassakah

Les positions gouvernementales fortement réduites à Hassakah

À Hasaka, l’une des deux villes du Rojava restée partagée avec le régime d’Assad, les YPG ont lancé tôt ce lundi une opération contre les forces loyalistes qui opèrent dans la ville (les milices NDF). Des tracts ont été distribués et les hauts-parleurs se sont allumés demandant aux milices « de rendre leurs armes ou de se compter pour mort », « à tous les éléments du régime, vous êtes là cible de nos unités ». Au cours de la nuit, les Asayish (forces de sécurité du Rojava) ont pris le contrôle de Ghwairan, un quartier arabe du régime. Ils s’apprêtent à présent à prendre le contrôle de Nashwa, au sud-est de la ville, où se trouve un complexe sécuritaire du régime.

Bataille de Hasaka

Bataille de Hasaka

Une manifestation de la communauté kurde (NavBel) aura lieu ce samedi 20 août, Place Saint-Jean à Anvers. Le rassemblement de tiendra en réponses aux conditions de détention d’Abdullah Öcalan, qui continuent à de détériorer. Le leader emprisonné du PKK est maintenu à l’isolement total depuis le 5 avril 2015 sans qu’on ait de nouvelles de lui, le contexte du coup d’État manqué (les putschistes trouvaient Erdogan trop « clément » avec le PKK) fait craindre le pire. La libération d’Öcalan est l’une des revendications du PKK, condition préalable à la moindre négociation avec l’état turc.

Rassemblement pour la libération d’Ocalan

Rassemblement pour la libération d'Ocalan

Dans certains quartiers de Qamishlo et à Hassakah, des milices loyalistes du régime d’Assad gardent le contrôle. Une nouvelle escalade des tensions à Hassakah entre les Asayish (forces de sécurité des YPG) et les NDF (National Defence Forces, milices pro-Assad) ont conduit à des bombardements aériens sur des zones civiles ainsi que sur les batiments des Asayish de la part du régime qui a tué six civils et deux officiers kurdes. Le commandement YPG a promis de réagir à l’agression. Des sources confirmées affirment que ce sont les avions de la coalition qui ont éloigné ceux du régime.

Bombardements du régime à Hassakah

Bombardements du régime à Hassakah

Une attaque à la voiture piégée a dévasté un poste de contrôle de police de Şükürlü, sur l’autoroute reliant Diyarbakir à Batman. Quatre policiers (dont le commandant de l’unité) et deux civils ont été tués, cinq policiers et vingt civils ont été blessés. Le poste de police a été réduit en un tas de décombres par l’explosion qui a creusé un cratère de dix mètre de diamètre et de 5 mètres de profondeur. L’autoroute est coupée à la circulation et une opération de ratissage est cours.

Ce qui reste du bâtiment policier

Ce qui reste du bâtiment policier