A l’automne 2014, un appel mondial « Urgence Kobané » avait été lancé pour soutenir la ville kurde de Kobané qui résistait aux assauts des forces de Daesh. Cet appel à descendre dans la rue le 1er novembre dans le monde entier est devenu annuel. La victoire des Unités de Protection du Peuple kurdes et des Forces Démocratiques Syriennes sur Daesh ne lève qu’une des menaces qui planent sur le Rojava. Si les forces d’Al Qaïda (les « rebelles ») sont affaiblies, le régime de Damas et surtout la Turquie pourraient à tout moment envahir le Rojava. La journée internationale pour Kobané est l’occasion de manifester son soutien à la libération du Kurdistan et au projet social démocratique, populaire et internationaliste qui se fraie un chemin au Kurdistan syrien.

A Bruxelles, c’est l’Union des Femmes Socialistes (SKB, Turquie-Kurdistan) et le HDK qui organisent un rassemblement ce mercredi de 14h à 15h Place de la Monnaie.

EDIT: Le rassemblement a été interdit par la police

Journée mondiale pour Kobane

Après la trahison des peshmergas du PUK (Union Patriotique du Kurdistan) hier à Kirkouk, les peshmergas du PDK (Parti Démocrate du Kurdistan) ont suivi le même chemin cette nuit en abandonnant les zones qu’ils contrôlaient dans le Mont Shengal (aussi connu sous son nom arabe ‘Sinjar’). Les positions ont été cédées aux Hachd al-Chaabi (Unités de Mobilisation Populaires, les milices chiites loyales au pouvoirs irakien et iranien dont certaines comprennent des combattants yézidis). La majorité du centre-ville de Shengal (la principale ville du mont éponyme) est désormais sous contrôle irakien.

Comme à Kirkouk, les peshmergas se sont retirés sans un coup de fusil. L’abandon de Shengal successif à celui de Kirkouk fait très clairement penser qu’il y a eu un accord entre le Gouvernement Régional Kurde indépendantiste et l’Irak de Baghdad pour une cession des « zones disputées ». Les zones disputées sont les villes kurdes qui ne sont pas comprises dans les limites de la région autonome kurde telle que reconnues dans la constitution irakienne, il s’agit principalement de Kirkouk, Makhmour, Shengal et Mossoul. Des zones militairement partagées entre Baghdad et Erbil (la capitale du Kurdistan irakien), et avec une forte influence du PKK dans les trois premiers cas.

Le Mont Shengal abrite le peuple Yézidi, un peuple kurdophone et zoroastriste plusieurs fois persécuté et génocidé à travers l’histoire par les islamistes. En 2014, les peshmergas avaient déjà déserté le Mont dans ce qui ressemble très fort à un accord passé avec Daesh. Les peshmergas étaient à l’époque garants de la protection des Yézidis, cette désertion a mené au bain de sang: 3.000 Yézidis massacrés, 7.000 autres capturés et réduits à l’esclavage par Daesh. Les Yézidis pourchassés avaient pris refuge dans les montagnes où des conditions climatiques épouvantables avaient achevé leur calvaire. Finalement, ce sont les guérillas du PKK et du PYD, les HPG, YJA-Star, YPG et YPJ qui sont venus à leur secours et ont empêché la poursuite du génocide. Depuis lors, les guérillas protègent la montagne et tiennent toujours position aujourd’hui pour protéger le Mont Shengal. Elles ont également formé des milices locales autonomes afin de protéger la montagne.

Depuis que le Mont Shengal a été libéré, le pouvoir kurde irakien a de très nombreuses fois demandé aux guérillas du PKK d’abandonner les zones sous leur contrôle, une demande toujours refusée. Aucun doute qu’une tentative de prise de contrôle de la part du pouvoir irakien mènera à des affrontements.

En orange, les zones disputées.

En orange, les zones disputées.

Dans quelques heures, le KRG (Gouvernement Régional Kurde, administration du Bashur, Kurdistan-Sud) annoncera officiellement les résultats du référendum qui a eu lieu ce lundi et qui a recueilli plus de 72% de participations. Comme annoncé précédemment, le référendum ne déclenche pas une déclaration unilatérale d’indépendance mais le KRG compte bien se servir des écrasants résultats pour peser dans les négociations avec Baghdad. Barzani, le président du KRG (membre du PDK, droite) a fait savoir aujourd’hui qu’il souhaitait ouvrir les négociations, suite à quoi Baghdad a voté le déploiement de forces armées irakiennes à Kirkouk pour « garantir l’unité constitutionnelle de l’Irak » ainsi que dans les 14 autres régions ethniquement mixtes (Kurdes, Arabes, Turkmènes, Chrétiens,…) dans lesquelles le référendum a eu lieu mais qui sont disputées par l’Irak. Baghdad donne au KRG jusqu’à vendredi 18h (heure locale) pour céder le contrôle de ses aéroports à Baghdad, « dans le but d’éviter un embargo aérien international ». Baghdad a officiellement demandé aux compagnies aériennes de cesser de desservir les aéroports kurdes (à Erbil et à Soulémanyé), et aux Peshmerguas (l’armée kurde irakienne) de se retirer de Kirkouk.

La Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie sont tous opposés à l’indépendance du Kurdistan Sud. Les trois premiers pourraient prendre des mesures d’embargo assez rapidement (c’est déjà le cas pour l’Iran). La question du référendum n’a pas manqué de provoqué des réactions nuancées au sein de la gauche kurde: le PKK et le PYD sont pour le référendum en tant que processus démocratique mais voient la volonté du Clan Barzani de se saisir du pouvoir. Salih Muslim, président du PYD (Parti de l’Union Démocratique, la branche politique des YPG, proche du PKK) a fait savoir aujourd’hui que les « YPG sont les unités de protection de tous les Kurdes » et qu’ils étaient prêts à venir en aide au peuple du Kurdistan Sud en cas d’agression étrangère. Il a également fait savoir que les postes frontière (principalement Semalka) entre le Rojava et le Bashur seraient ouverts pour permettre à la population du Kurdistan-Sud de s’abriter en cas d’attaque.

Le parlement irakien autorise le président Abadi à déployer des troupes à Kirkouk.

Le parlement irakien autorise le président Abadi à déployer des troupes à Kirkouk.

Alors que la ville de Raqqa n’est pas encore entièrement libérée (80% de la ville contrôlée par les Forces Démocratiques Syriennes), tous les enjeux de la Guerre de Syrie se sont désormais déplacés vers le l’est du pays, à Deir-Ezzor. Depuis le début de la guerre, cette ville a su résister à l’invasion de l’Etat Islamique au beau milieu de la zone d’influence du ‘Califat’. C’est l’Armée Syrienne Arabe (celle du régime donc) qui a mené cette résistance depuis le début de la guerre. La bataille de Raqqa avait déjà été l’enjeu d’une course entre les forces du régime et les Forces Démocratiques Syriennes (QSD), les premières ont ainsi libéré de Daesh le sud et une partie de l’est de la zone environnant la ville alors que les secondes ont pris la ville en elle-même. Le gros des troupes de Daesh avait déjà pris la fuite vers la région de Deir-Ezzor. Ainsi les enjeux autour de Deir-Ezzor sont multiples: le désenclavement de la ville pour le régime syrien, l’extension de la Fédération du Nord de la Syrie (nom administratif des zones libérées par les QSD) à toute la zone à l’est de l’Euphrate et jusqu’à la frontière irakienne (ce qui offrirait aux QSD une frontière avec l’Irak de Baghdad) et pour les deux forces: l’affaiblissement de Daesh en Syrie. La situation est tendue entre les forces du régime et les QSD, un bombardement russe (allié du régime) a touché le 16 septembre une position des QSD faisant plusieurs blessés.

De l’autre côté de la frontière, le référendum pour l’indépendance du Kurdistan irakien qui aura lieu le 25 septembre va également influencer le nouveau jeu d’alliance qui se dessine dans la région: Daesh est virtuellement battu en Syrie et à présent plus faible qu’Al Qaeda, les relations diplomatiques du Kurdistan Irakien de Barzani avec la Turquie sont amochées par le référendum et la multiplication des opérations militaires turques dans la région kurde irakienne, les USA pourraient également lever le pied après la reprise totale de Raqqa, la relation entre l’Irak de Baghdad et le Kurdistan irakien va probablement s’envenimer alors qu’une frontière entre le Rojava et l’Irak de Baghdad pourrait exister dans un avenir proche.

Cliquer sur la carte pour aller sur la carte interactive.

Situation en Syrie au 17 septembre 2017

Situation en Syrie au 17 septembre 2017

Plusieurs petites cargaisons de Celox avaient déjà pu arriver aux combattants du Rojava depuis le début de la campagne en automne 2015. Mais récemment, nous avons pu acheminer une grosse cargaison (235 pièces). Après avoir transité à Qamishlo, les Celox arrivent à présent dans les unités de front. Ainsi, 50 Celox sont arrivés au Bataillon International de Libération qui a partagé ce stock (supérieur à ses besoins puisque des premiers petits arrivages avaient déjà eu lieu) avec l’YPG International Tabur (anciennement appelé Antifa Tabur) à Raqqa. 25 autres sont en réserve au service médical du Bataillon.

La campagne a voulu que les Celox soient partagés rationnellement: d’une part pour qu’en bénéficient en priorité les unités de front, d’autre part pour que des Celox en surnombre ne soient pas stockés ici alors qu’il en existe un besoin criant là-bas. C’est ainsi que 160 pièces du même arrivage ont été confiés aux infirmeries de première ligne des YPG, qui apportent les premiers soins aux combattants blessés.

Nous sommes fiers de pouvoir aujourd’hui partager ces photos et vidéos de remerciements de la part du SYPG (une structure civile qui a aidé à la rationalisation de la distribution du Celox et à son acheminement au front), du Bataillon International de Libération, et du YPG International Tabur. Le Secours rouge International remercie toutes les organisations et tous les collectifs qui ont participé et participent à cette campagne, ainsi que tous ceux et toutes celles qui ont contribué par leur don (plus de 16.000 euros au total). Des Celox ont déjà sauvé la vies de combattants. Les besoins restent grand aussi bien à Raqqa, où la bataille fait rage, que dans les futures batailles de libération.

Plus d’info sur la campagne (participants, nature du Celox, etc.)

Le Celox reçu par l’Antifa Tabur


Le Celox reçu par l’International Freedom Battalion

Le Celox reçu par l'Antifa Tabur
Le Celox reçu par l'International Freedom Battalion

Aujourd’hui, une cérémonie a eu lieu à Raqqa en hommage au combattant et commandant TIKKO Rojava Nubar Ozanyan (voir notre article).

Cette cérémonie organisée par le Bataillon International de Libération – IFB a commencé par une minute de silence. Puis le commandant de l’IFB et combattant TIKKO, Mahir Bakırcıyan, a poursuivi par un discours rappelant l’engagement de Nubar Ozanyan durant 40 années au service de la révolution et de l’internationalisme. Discours ensuite traduit en anglais et en français.

Commémoration pour le commandant TIKKO Rojava, Nubar Ozanyan

Commémoration pour le commandant TIKKO Rojava, Nubar Ozanyan

Gabar Tolhildan (nom de guerre), un montréalais arrêté le 27 juillet par les forces du PDK (voir notre article), a été libéré ce matin. Il avait combattu avec les YPG et blessé à la jambe il y a environ deux mois lors de la campagne de Raqqa. Gabar Tolhildan avait été évacué et avait décidé de rentrer au Canada en passant par le Kurdistan irakien. Il aurait été arrêté en passant la frontière pour des raisons de problèmes de passeport et de visa. Les combattants volontaires qui franchissent la frontière pour quitter le Rojava sont soumis à des arrestations pour violation de visa.

Gabar Tolhildan

Gabar Tolhildan

Deux comptes Facebook liés à la page « Soutien au Bataillon International de Libération au Rojava » ont été momentanément suspendus ainsi que la page elle-même. Facebook a conditionné la remise en ligne des comptes et de la page à la suppression de deux contenus jugés comme « non-respectueux des standards de la communauté ». Les deux contenus:

– une photo et un extrait traduit de la fondation de la TQILA (L’Armée de Libération et d’Insurrection Queer), un sous-groupe de l’IRPGF (Forces de Guérilla Populaires Révolutionnaires Internationales), une composante anarchiste de l’IFB (Bataillon International de Libération).
– une vidéo « Soutien au Bataillon International de Libération au Rojava ». Cette vidéo avait déjà été brièvement censurée par Youtube en mai dernier, mais avait été rapidement remise en ligne après avoir fait appel.

Aucune de ces deux publications (ni aucune publication de la page en général) ne contient de contenu ‘graphique’ pouvant heurter la sensibilité de qui que ce soit. Le Bataillon International de Libération ainsi que ses composantes (MLKP, TKPML, BÖG, IRPGF,…), le Tabûra Enternasyonal (anciennement appelé Antifa Tabur) sont en ce moment même au front à Raqqah, pour déloger l’Etat Islamique de la ville qui fût sa capitale. L’ensemble des Forces Démocratiques Syriennes (QSD) lutte contre l’Etat Islamique et garantit à la ville une autonomie administrative du reste de la Fédération du Nord de la Syrie (Rojava) afin de ne pas lui imposer une énième occupation militaire. Ce n’est pas la première fois que Facebook censure du contenu lié à la résistance contre l’Etat Islamique, contre les groupes rebelles islamistes et contre les puissances impérialistes et réactionnaires en Syrie.

Censure de la page de Soutien au Bataillon International de Libération au Rojava


Facebook censure la page de Soutien au Bataillon International

Censure de la page de Soutien au Bataillon International de Libération au Rojava
Facebook censure la page de Soutien au Bataillon International

Markéta Všelichová et Miroslav Farkaš sont deux internationalistes accusés d’avoir combattu Daech dans les rangs des YPG et des YPJ. Ils ont été arrêtés en novembre 2016 par les pershmergas de Barzani, au Kurdistan irakien, qui s’est empressé de les remettre au régime turc. Le régime turc dit avoir trouvé sur eux des flyers et photos prouvant leur appartenance aux YPG/YPJ, considérés comme des organisations terroristes par le régime turc, mais les deux internationalistes disent qu’ils se trouvaient au Rojava pour des raisons humanitaires. Leur procès avait commencé le 10 mai dernier, plusieurs reports ont mené le verdict à ce 2 août: 6 ans et 3 mois de prison. Les deux peuvent encore faire appel. La diplomatie tchèque s’est plusieurs fois manifestée pour leur libération.

Markéta Všelichová et Miroslav Farkaš

Un membre des YPG a été tué dans la Bataille de Raqqah ce 10 juillet. Son nom de guerre était Heval Demhat (Camarade Demhat).

Erratum: Contrairement à ce que nous avons dit plus tôt, Demhat n’était pas membre de l’IRPGF, mais bien de YPG International.

Il avait donné une interview à Firatnews:

En 2014, lors du siège de Kobané, tous les gens que je connaissais regardaient et attendaient quelque chose. C’était un moment plutôt tendu. Mais alors que la situation se retournait, les gens se sont mis à espérer, plus de gens sont arrivés pour donner de l’aide.

Je venais juste de fonder une famille, donc je n’avais pas encore mon billet d’avion, mais c’était quelque chose qui me passait par la tète. L’année dernière, un ami très proche est revenu, et quand je l’ai vu je me suis dit « ça y est, c’est ça, je dois y aller ». J’ai parlé avec ma compagne et ma famille et je leur ai dit « Je pars en Syrie, c’est quelque chose d’important pour moi ». J’ai contacté YPG International. J’avais des amis qui m’ont dit exactement ce que je devais faire, et je me suis préparé. Il y a cinq mois, je suis arrivé pour donner de l’aide.

[…]

C’est la lutte politique qui avait lieu dans la région. La regarder chaque jour se développer et avoir une vraie opportunité d’y participer, de participer à quelque chose. C’est très important pour la région. Pas juste pour les Kurdes, c’est important pour tout le Moyen-Orient que cette chose tienne bon et fonctionne.

[…]

C’est aussi montrer l’exemple. C’est un feu qui commence ici mais qui peut s’étendre ailleurs. Il peut y avoir d’autres gens qui apprennent de ces exemples, d’autres gens qui les accueillent, et les choses pourraient se développer vers un mieux progressistes vers une meilleure région.

[…]

On ne voit pas le Kurdistan sur une carte. Ce n’est montré nulle part. Vous devez regarder dans Google pour voir ce que c’est. Et le seul moyen c’est que quelqu’un vous en ait demandé avant « Tu as entendu parlé du mouvement de libération kurde? Mon fils combat au Kurdistan pour le moment ». Ma famille n’en a appris l’existence que lorsque je leur ai dit que j’y partais. Sinon ils auraient poursuivi leurs vies sans savoir que le Kurdistan existait.

Heval Demhat

Heval Demhat