Alors que la réouverture des établissements scolaires approche à grands pas, le Ministère de l’Éducation Nationale diffuse des consignes destinées aux enseignants. Sur son site internet, plusieurs directives sont données sur les attitudes à adopter envers les élèves : des « fiches » de reprise sont mises en ligne. L’une d’elle s’intitule « Risque de replis communautaristes ». En réalité, cette fiche invite les enseignants à surveiller voire à sanctionner toute pensée contestataire. Cette fiche estime notamment que « la crise du Covid-19 peut être utilisée par certains pour démontrer l’incapacité des États à protéger la population », que  « divers groupes radicaux exploitent cette situation dramatique dans le but […] de troubler l’ordre public », que « certaines questions et réactions d’élèves peuvent être abruptes et empreintes d’hostilité et de défiance : remise en question radicale de notre société ». Plus loin, le document s’alarme de « contre projets de société » et d’une possible « fronde contre les mesures du gouvernement ». La fiche appelle donc les enseignants à « prendre en compte l’intégralité du spectre des idées radicales », notamment politiques et religieuses.

Un extrait de la fiche du ministère de l'éducation nationale

Un extrait de la fiche du Ministère de l’Éducation Nationale

Le ministère turc de l’Intérieur a récemment nommé des administrateurs dans sept municipalités de la province de Van remportées par le Parti démocratique du peuple (HDP) lors des élections locales du 31 mars 2019. M. Emin Bilmez, le gouverneur de Van qui a été nommé administrateur de la municipalité métropolitaine, avait annoncé après son entrée en fonction que les employés municipaux ne seraient pas licenciés. Malgré cette affirmation, 175 travailleuses et travailleurs ont été licenciés à Van et dans les districts environnants. Ces kurdes ont été licenciés sous prétexte de « lutte contre le terrorisme ». Le remplacement des maires HDP élu·es est une technique courante du régime (voir notre article).

Les municipalités kurdes de Batman, Silvan, Lice et Ergani sous tutelle du gouvernement turc (archive)

Les municipalités kurdes de Batman, Silvan, Lice et Ergani sous tutelle du gouvernement turc (archive)

Samedi 2 mai, le gouvernement  a entériné la prolongation jusqu’au 23 juillet de l’état d’urgence sanitaire contre le Coronavirus et ce malgré le déconfinement programmé à partir du 11 mai. Le projet de loi modifie également les mesures permises par cet état d’urgence. Actuellement, cet état d’urgence sanitaire permet la mise en quarantaine et l’isolement de personnes, des mesures jusqu’ici uniquement mises en place en outre-mer. Le projet de loi prévoit que le ministère pourra fixer, après accord du comité scientifique, la durée et les conditions d’une mesure de quarantaine avec isolement, des conditions qui pourraient être adaptées en fonction des régions. La quarantaine pourra se faire soit au domicile (dans ce cas, tout le foyer sera confiné), soit dans des hôtels réquisitionnés.

Contrairement aux dispositions actuelles, la quarantaine ne pourra cependant être imposée qu’en cas d’arrivée sur le territoire national, dans une colonie ou en Corse. Elle sera dans ce cas décidée après constatation médicale de l’infection, par le préfet. Cette quarantaine pourra aller jusqu’à l’interdiction de toute sortie du domicile. Dans ce cas, le juge des libertés et de la détention pourra être saisi par la personne à tout moment. Il statuera dans les soixante-douze heures. Ce juge pourra également s’autosaisir et son accord sera obligatoire pour une prolongation de la quarantaine au-delà de quatorze jours. Dans les autres cas ne prévoyant pas un isolement sans sorties, c’est le juge administratif des référés qui restera compétent. Il s’agit de séparer ici ce qui relève de la privation des libertés (juge judiciaire) de la restriction des libertés (qui restera de la compétence du juge administratif).

La loi prévoit également de modifier d’autres mesures: réquisition de personnes, usage dans les transports et les commerces (par exemple en imposant le port du masque). Le gouvernement souhaite aussi élargir les personnes habilitées à constater les infractions aux mesures de l’état d’urgence. Devraient ainsi pouvoir dresser les procès-verbaux les réservistes, les adjoints de sécurité, mais également les agents assermentés des services de transport, dès lors que la contravention aura lieu dans des transports publics. Le gouvernement souhaite également mettre en place une forme de contact-tracing. Pour ce faire, des brigades sanitaires, d’environ 20 000 à 30 000 membres, seront chargées de remonter la liste des personnes ayant été en contacts avec une personne infectée, pour les inviter à se faire tester. Une base de données pour ces enquêtes épidémiologiques se créée, elle pourra contenir des données de santé et d’identification sur les personnes infectées et celles ayant été en contact avec elles, le cas échéant sans leur consentement. Elle pourra également être nourri des données de Santé publique France, de l’assurance maladie et des agences régionales de santé. Les services de santé et les laboratoires autorisés à réaliser les tests pourront y avoir accès.

L'état d'urgence sanitaire est prolongé

Le suivi des contacts pourra commencer dès lundi en Wallonie avant d’être étendu à Bruxelles le 11 mai. Les données relatives aux personnes testées positives au Covid-19, ainsi que les personnes avec lesquelles elles sont entrées en contact, seront conservées. Les données seront stockées dans une base de données Sciensano sécurisée et non dans un cloud conformément à un accord conseil des ministres restreint (kern) trouvé samedi 2 mai. Un arrêté royal stipule que ces données seront stockées dans une base de données sécurisée de l’institut de santé Sciensano. L’arrêté royal sera transformé en projet de loi. Celui-ci est en cours d’élaboration.

Contact tracing en Belgique

Contact tracing en Belgique

Hier mardi, l’administrateur-général de la Sûreté de l’État, Jaak Raes, passait devant la commission de l’Économie de la Chambre pour discuter de la mise en place de l’application de traçage des malades dans le cadre de crise du Coronavirus. Il y a plaidé pour que le développement du projet soit confiée à un opérateur belge afin d’éviter que des États étrangers ou des organisations extérieures ne puissent utiliser les données générées par une telle application. Les parlementaires sont en train de discuter du cadre légal encadrant cette application. Au niveau technique, la KULeuven participe au projet d’un consortium européen DP3T qui repose sur l’échange de codes anonymisés à partir du moment où un patient est testé positif, sans centralisation de données et avec destruction de celles-ci après un délai de 15 jours ou 3 semaines. Il peut supporter une dizaine de millions d’utilisateurs et être mis en place en quelques semaines. Le projet DP3T est soutenu par Google et Apple.

Jaak Raes, administrateur-général de la Sûreté de l’État

Jaak Raes, administrateur-général de la Sûreté de l’État

Une information judiciaire a été ouverte en juillet 2017 pour « association de malfaiteurs », où dix militants antinucléaires sont mis en examen pour divers motifs en lien avec des dégradations commises dans un hôtel et de l’organisation d’une manifestation non déclarée en août 2017 à Bure. Ce dossier s’est révélée être une machine démesurée de renseignement sur le mouvement antinucléaire. Près de 765 numéros de téléphone ont fait l’objet de demandes de vérification d’identité auprès des opérateurs de téléphonie. Au moins 200 autres requêtes ont été faites pour connaître les historiques d’appels, leurs lieux d’émission, les coordonnées bancaires des titulaires d’abonnement, les codes PUK permettant de débloquer un téléphone quand on ne connaît pas son PIN. Au total, 29 personnes et lieux ont été placés sur écoute. Deux militants ont été visés par ces interceptions pendant 330 jours, soit presque un an. Pour plusieurs autres mis en examen, cela dure près de huit mois. Le numéro de la Legal team a été surveillé pendant quatre mois. Si l’on additionne toutes ces séquences, on obtient une durée cumulée de temps passé à écouter les activistes équivalente à plus de seize années ! La plupart de ces personnes ont été écoutées en permanence par une équipe de gendarmes se relayant derrière leurs écrans.

Au total, plus de 85.000 conversations et messages ont été interceptés. Et pas moins de 337 conversations ont été retranscrites sur procès-verbal, auxquelles s’ajoutent quelque 800 messages reproduits par le Centre technique d’assistance (CTA). La ligne téléphonique de l’avocat des antinucléaires, depuis lui aussi mis en examen, a fait l’objet d’une demande de géolocalisation. Deux voitures de militants sont discrètement équipées d’une balise permettant de suivre leurs trajets en temps réel. L’utilisation de la messagerie cryptée Signal empêchant de lire les messages, le téléphone d’une militante est saisi, envoyé au Centre technique d’assistance (CTA), un organisme interministériel spécialisé dans le déchiffrage des données numériques. Le CTA réussit à craquer le mot de passe du téléphone et y retrouve quelque 800 messages non effacés. Les gendarmes ont aussi utilisés des IMSI-catchers, des appareils de surveillance qui récupèrent à distance les identifiants des cartes SIM (les « IMSI ») dans les téléphones portables. A l’occasion d’un rassemblement de soutien aux inculpés, 1.028 IMSI sont interceptés.

Un schéma réalisé par la cellule d’analyse criminelle Anacrim de la gendarmerie nationale (logiciel : Analyst’s notebook), prétend visualiser les liens entre 118 opposants (via leurs numéros de téléphone, des lieux, des événements), une technique, habituellement utilisée pour résoudre des crimes particulièrement graves (tueur en série…). A Bure et dans les villages environnants, les gendarmes interrogent les commerçants et les habitants « aux fins de déterminer précisément les habitudes et lieux de vie des opposants au projet Cigéo les plus radicaux ». Un pharmacien reçoit une réquisition pour fournir l’ordonnance de clients ayant acheté du sérum physiologique. Au total 25 perquisitions ont lieu. La vie privée des militants est passée au tamis de la surveillance policière : commissions rogatoires à la caisse d’allocations familiales, à la direction des impôts, aux agences d’intérim, aux employeurs passés et actuels, à Pôle emploi, aux banques qui gèrent leurs comptes. Pour en savoir plus

Image du type de celles établies par un logiciel Anacrim représentant l’organisation du mouvement anti-Cigeo à Bure

Le parquet de Namur a décidé de confisquer des téléphones portables en cas de récidive du non-respect des règles de confinement. L’idée est d’utiliser le droit pénal qui permet de saisir les objets qui servent à commettre une infraction. Les GSM sont donc saisis seront exploités pour voir si les rassemblements ont été planifié à l’aide d’échange téléphonique ou de messages. Une confiscation du téléphone (rendant impossible toute rétrocession) est possible ultérieurement si le parquet le demande devant le tribunal.

Contrôle "coronavirus" de la police de Bruxelles

Whole Foods Market, une chaîne de supermarchés biologiques, filiale d’Amazon, emploie 95.000 salariés aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni. Elle surveille ses magasins pour tuer dans l’œuf toute possibilité de syndicalisation. Sur une carte des États-Unis, 510 points représentent les magasins Whole Foods. Une note est attribuée à chacun d’eux en fonction de la probabilité que leurs employés forment ou rejoignent un syndicat. Les notes les plus hautes sont signalées par des points rouges, ce sont les magasins dont le « risque de syndicalisation » est le plus élevé. Pour ce faire, l’entreprise utilise une vingtaine d’indicateurs parmi lesquels on trouve la « loyauté des employés », le roulement des effectifs, le nombre de fois où la ligne de signalement des ressources humaines a été jointe, la proximité d’un bureau syndical et même « la diversité raciale ». Les facteurs économiques et démographiques locaux tels que le taux de chômage ou encore le pourcentage de familles de la région vivant sous le seuil de pauvreté alimentent également cet indice de risque de syndicalisation. Plus d’infos ici.

Whole Foods Market

Whole Foods Market

A Hong Kong, depuis jeudi, les personnes venant de l’étranger (y compris les citoyens de Hong Kong) se voient mettre par les policiers un bracelet au poignet similaire à ceux des détenus en libération conditionnelle. Le dispositif est relié à une application que la personne doit télécharger sur son téléphone avant d’entamer ses deux semaines obligatoires de quarantaine à domicile. L’ensemble permet aux autorités de vérifier en temps réel où il se trouve, pour s’assurer que les personnes rentrant de l’étranger ne propagent pas le coronavirus. Le bracelet alerte les autorités en cas de sortie du domicile Les autorités hongkongaises tiennent des points presse quotidiens sur l’épidémie. Mais c’est en toute discrétion que le recours à ce dispositif relevant normalement de services de l’application des peines a été annoncé, lundi soir dans un communiqué. Environ 5.000 étaient prêts à être utilisés, et 55.000 autres ont été commandés, selon les autorités.

La Corée du Sud, la Chine, Taïwan et Singapour ont tous fait appel à la technologie. Le centre taïwanais de contrôle des épidémie, organe créé dans la foulée de l’épidémie de Sras en 2003, a recours au big data pour rechercher les porteurs potentiels du virus, et surveiller ceux en quarantaine. Ces derniers reçoivent un smartphone doté d’un GPS et sont surveillés par les autorités au travers de l’appli de messagerie Line. Des messages sont envoyés à ceux qui ne respectent pas leur quarantaine. Le tracker est directement relié aux services de police. Les contrevenants risquent un million de dollars taïwanais (30.000 euros) d’amende et la publication de leur nom. La Corée du Sud a une application similaire, mais son utilisation n’est pas obligatoire. Singapour, de son côté, a affecté des enquêteurs à la surveillance des quarantaines, et à la reconstitution des déplacements des malades.

Le bracelet-mouchard de la police de Hong Kong

Dimanche 12 avril, le ministère de l’intérieur de la République française a lancé un appel d’offre de 3,5 millions d’euros pour acquérir 651 drones pour surveiller la population. Certains des drones seront même dotés de capteurs thermiques. Divisé en trois lots on y trouve : 1,8 million d’euros pour 565 « micro-drones du quotidien », 1,58 million d’euros pour 66 « drones de capacité nationale » et 175 000 d’euros pour 20 « nano-drones spécialisés ». Début mars, l’état avait commandé pour 3,6 millions d’euros de gaz lacrymogène.

Plus d’infos ici et ici.

Un extrait de l'appel d'offre