Le dimanche 24 décembre, alors que le parlement turc était en vacances, Recep Tayyip Erdogan et son gouvernement a confirmé avec un premier décret (n°695) le limogeage de 2756 fonctionnaires (policiers, militaires, universitaires) en raison de prétendus liens avec des organisations « terroristes » et ordonné également la fermeture de 17 institutions, dont deux journaux et sept associations. Avec le deuxième décret (n°696), Erdogan accorde l’immunité à tous les civils, quelle que soit la nature de leurs actes, dès lors qu’ils agissent au nom de l’antiterrorisme ou pour prévenir une tentative de renversement du gouvernement. Plusieurs partis d’opposition et des représentants civils ont réagis a ce nouveau décret qui dénoncent le sentiment d’impunité que ce décret donnera et ouvrira la voie à des violences extrajudiciaires contre des personnes accusées d’être liées au putsch manqué l’an dernier mais sera surtout la porte ouverte à toute attaque contre des membres de l’opposition.

Le porte-parole de l’AKP a précisé que l’immunité conférée par le décret était rétroactive et le texte ne s’appliquerait qu’aux personnes ayant empêché le coup d’État le 15 et 16 juillet 2016. Mais cette précision n’apparaît pas dans le texte qui stipule que l’immunité sera octroyée aux civils qui empêcheront le « prolongement » du coup d’État de 2016. Depuis 2016, les milices privées (proches de l’AKP) prospèrent dans les rues du pays tels les « Foyers ottomans » -milice islamo-nationaliste- et l’organisation « Restons frères, Turquie » aussi appelée « la milice d’Erdogan», une organisation dirigée par une proche de la famille Erdogan. Dans la crainte d’un nouveau coup d’État, Erdogan travaille étroitement avec Sadat, une société privée qui entraîne des militaires et des services de sécurité et dont le fondateur, le général de réserve Adnan Tanriverdi, a été nommé conseiller militaire du président quelques semaines après le putsch de 2016.

Miliciens au salon de l’armement à Istanbul

Miliciens au salon de l'armement à Istanbul

Mardi 26 décembre, Robabeh Rezaee, l’épouse de Reza Shahabi, s’est rendue au ministère du Travail pour plaider la cause de son mari détenu à la prison Rajai Shahr. Reza Shahabi a vu son été de santé se dégrader ces derniers mois et a été victime récemment de deux attaques cérébrales (voir nos articles ici et ici). Lors de sa visite au ministère du Travail, Robabeh Rezaee était accompagnée de membres du syndicat, d’étudiants et d’autres travailleurs venus protester contre la le maintien en détention de Reza Shahabi. Ceux-ci ont été violemment attaqués par des agents de la sécurité et des agents du ministère du Travail, accompagnés par la police anti-émeute. Robabeh Rezaee et plus de 50 personnes ont été arrêtées et emmenées à la prison d’Evin par des agents en civil et des agents du renseignement. Quelques heures après, tous ont été libérés sans conditions.

En attendant, Reza Shahabi reste en prison, sans justification (puisque sa peine de prison datant de 2010 est terminée) et sans soins médicaux adéquats avec le risque de refaire une attaque.

Robabeh Rezaee et manifestants attaqués devant le ministère du Travail

Robabeh Rezaee et manifestants attaqués devant le ministère du Travail

Début décembre, une grève a débuté à la société Lakepower Converter Inc. (un compagnie taïwanaise de matériel électronique) pour protester contre les pratiques anti-syndicales et des pratiques de travail déloyales. La société qui emploie environ 200 travailleurs dont majoritairement des femmes a récemment licencié 6 représentants syndicaux et suspendu des travailleurs syndiqués. Aux revendications pour la réintégrations de leurs collègues, elles s’opposent aux conditions de travail imposées par la direction. Celle-ci a, entre autre, retiré la porte des toilettes afin de pouvoir espionner les travailleuses, limité le nombre de pauses et mis en place des quota de production excessifs. Le 10 décembre, des grévistes ont été blessées suite à plusieurs attaques menées par des gardes et des hommes de main masqués.

Grévistes de la société Lakepower Converter Inc.

Grévistes de la société Lakepower Converter Inc.

Reza Shahabi , dirigeant du syndicat de la régie des transports de Téhéran et sa banlieue (Sherkat-é–Vahed), a été victime d’une attaque cérébrale qui la laissé partiellement paralysé de la partie gauche du visage. Depuis plusieurs semaines, Reza Shahabi avait informé le médecin de la prison d’avoir eu plusieurs malaises (voir notre article). Lors d’une visite médicale début décembre, le médecin avait découvert qu’il avait eu un début d’accident vasculaire cérébral. Des spécialistes avaient déjà diagnostiqué que Reza Shahabi n’était pas physiquement capable de supporter une longue peine de prison sans accompagnement médicalisé en raison de son état actuel de santé qui est considéré comme critique. Reza Shahabi souffre de graves problèmes d’hypertension artérielle, de saignements de nez et de graves maux de tête depuis les débuts de sa nouvelle incarcération. Malgré son état actuel, les autorités pénitentiaires ont refusé de le faire transférer dans un hôpital en dehors de la prison.

Reza Shahabi

Reza Shahabi

Mercredi 13 décembre, un groupe de journaliers d’une plantation de thé dans l’État d’Assam, protestants devant les bureau de la plantations, se sont fait tirer dessus par les deux propriétaires. Les travailleurs demandaient le paiement de leur bonus généralement payé lors de la saisons des festivals en septembre-octobre. Les travailleurs avaient déjà fait appel à l’administration du travail sans que ceux-ci ne réagissent. Dix travailleurs ont été blessés dont deux sérieusement. Le jeudi 14 décembre, des centaines de travailleurs de plantations de thé ont pris les rues des districts de Golaghat et de Jorhat. Des manifestants ont été blessé lorsque la police les a chargé à coup de matraques pour les dispersés. Depuis septembre dernier, un grand nombre de manifestations ont eu lieu dans des districts de la ceinture de thé dans le Haut-Assam suite à la décision de certains propriétaires de plantations de thé de retarder le paiement des primes annuelles.

Travailleur blessé lors de la manifestation dans les districts de Golaghat et de Jorhat

Travailleur blessé lors de la manifestation dans les districts de Golaghat et de Jorhat

Le mardi 5 décembre, George San Mateo, président du syndicat de chauffeurs Pinag-Isang Samahan Ng Tsuper At Operators Nationwide (PISTON), a été arrêté alors qu’il se rendait au palais de justice pour y payer une caution suite au jugement du tribunal de Quezon City (QC). Sa condamnation et son arrestation concerne une grève de chauffeurs de jeepneys (taxis collectifs – transport en commun le plus populaire du pays) qui s’est tenu en février de cette année pour protester contre le programme de modernisation du service de jeepneys qualifié de plan «anti-pauvres», sachant que les chauffeurs et opérateurs ne pourraient financé le coût estimé pour le remplacement des jeepneys qui varie entre 1,5 million et 1,8 million de pesos (25,000 à 30,000 euros). En septembre dernier, l’administration en charge de la réglementation du transport terrestre avait porté plainte déclarant que la grève était interdite.

En octobre, le président Rodrigo Duterte avait accusé le syndicat PISTON et d’autres groupes d’activistes d’être des façades communistes et de travailler avec le CPP-NPA – Communist Party of Philippines-New People’s Army.

George San Mateo, président du syndicat de chauffeurs PISTON

George San Mateo, président du syndicat de chauffeurs PISTON

Mardi 5 décembre, une manifestation a eu lieu devant le ministère du Travail pour s’opposer à la réforme du droit de grève. Des affrontements ont eu lieu avec la police et les manifestants ont réussi a entrer de force dans le ministère. Ceux-ci ont ensuite marché vers le bureau du Premier ministre, dont la rue avait été bloquée par la police. De nouveaux affrontements ont eu lieu et la police a utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants. La manifestation a été organisée par PAME (Front militant de tous les travailleurs – syndicat proche du KKE) et s’opposait au projet de loi sur la réforme limitant le droit de grève (en augmentant le pourcentage de votes requis par certains syndicats pour pouvoir déclencher une grève), proposition qui était incluse dans les conditions du renflouement du pays à la demande du Fonds monétaire international.

Suite aux réactions des syndicats, le gouvernement SYRIZA a annoncé le retrait de l’amendement tout en précisant qu’il serait rediscuté ultérieurement. Les plus grands syndicats de Grèce ont appelé à une grève de 24 heures le 14 décembre contre les propositions de réforme du droit du travail.

Manifestation à Athènes contre la réforme du droit de grève

Manifestation à Athènes contre la réforme du droit de grève

Des centaines de personnes ont manifesté lundi devant le Yuan législatif (le parlement) pour s’opposer aux amendements relatifs au droit du travail. Dès le dimanche, environ 700 policiers ont été déployés à l’extérieur du parlement pour bloquer les manifestants. Le lundi matin, des manifestants ont tenté de prendre d’assaut le parlement et des affrontements ont éclaté avec la police. Peu après minuit, alors que la plupart des manifestants étaient partis, la police a arrêté et frappé une vingtaine de manifestants, exigeant que les livestreamers cessent de diffuser en direct. À un moment donné, la police a été filmée en train de battre des manifestants dans un bus de police dans lequel ils avaient été traînés.

Le projet de modification de la loi sur les normes du travail permettrait aux employeurs de certaines branches de réduire la période de repos de 11 heures à 8 heures entre certains postes et de faire passer le nombre maximum de jours de travail consécutifs de 6 à 12. À l’intérieur du parlement, les représentants des partis d’opposition du Kuomintang se sont précipités sur le podium pour tenter d’empêcher les procédures et la discussion d’avoir lieu tandis que les membres du DPP (majorité) arrivés dès 7 heures du matin ont fait le siège du podium pour contrer toute tentative d’occupation par l’opposition.

Taïwan: la police attaque les manifestants opposés à la réforme du droit du travail

Taïwan: la police attaque les manifestants opposés à la réforme du droit du travail

Le 27 novembre, le tribunal administratif fédéral suisse de Saint-Gall a rejeté le recours déposé par Nekane Txapartegi qui avait vu sa demande d’asile refusée par le Secrétariat d’État aux Migrations (SEM). Le tribunal a déclaré que la question de l’asile n’était plus pertinente depuis que la Haute Cour espagnole avait statué la prescription de la peineNekane Txapartegi. Elle était maintenant libre de rester en Suisse depuis l’abandon la demande d’extradition et de la peine.

Le tribunal de Saint-Gall a également commenté la décision du SEM qui avait refusé la demande d’asile en rejetant les accusations de tortures subies par Nekane lors de sa détention en Espagne. Le tribunal précise que les allégations de torture subies par Nekane sont vraisemblables et dès lors n’exclut pas qu’elle ait été torturée lors sa détention en Espagne en 1999.

Nekane Txapartegi

Nekane Txapartegi

Le 23 novembre, Mahmoud Salehi, militant syndical iranien qui avait déjà purgé plusieurs années de prison dans le passé, a pu quitter la prison centrale de la ville de Saghez où il purgeait une nouvelle peine d’emprisonnement d’un an pour ses activités (voir nos articles ici et ici). Mahmoud Salehi souffre d’important problèmes de santé qui se sont encore aggravés lors de cette dernière détention. Suite à une campagne internationale et à la pression des autorités médicales, le pouvoir judiciaire a changé la peine de prison en une amende de 3 millions de tomans. Mahmoud Salehi a été libéré après le paiement de l’amende.

Mahmoud Salehi

Mahmoud Salehi