Si vous êtes à la recherche d’une abréviation ou d’un mot en particulier. Essayez de rechercher dans la page à l’aide de la commande “Ctrl+F” (Cmd+F sur Mac) sur votre clavier. Cette page sera complétée avec le temps.
L’actualité de la répression et de la contre-répression étant particulièrement riche au Kurdistan ces derniers mois, il peut-être utile de situer quelques détails pour les personnes qui arrivent en cour de route ou pour ne pas se perdre dans le déluge d’abréviations qu’apporte une scène politique aussi active que celle-là.
Nous avons l’habitude d’utiliser sur notre site un ‘glossaire’ qui permet de passer sa souris au-dessus d’un terme pour obtenir plus d’informations. En plus de celui-ci, cette page rassemblera la plupart des expressions courantes et permettra de les situer entre-elles. Voici donc quelques notes pour mieux comprendre la situation au Kurdistan.
I. Géographie: Rojava, Rojhilat, Bakuré, Basuré
Le Kurdistan est actuellement séparé sur les quatre pays qu’il recouvre. Sur environ 40-45 millions de Kurdes dans le monde, 25-30 millions sont répartis dans ces quatre pays: la Turquie (12-15 millions), l’Iran (6-9 millions), l’Irak (5-7 millions) et la Syrie (2-3 millions).
Carte du Kurdistan.
1. Le Bakuré: La partie turque du Kurdistan (en kurde Bakûrê Kurdistan pour ‘Kurdistan du Nord’) reprend la majeure partie de la population kurde (15 millions, soit 18% de la population turque). Elle abrite également la principale organisation kurde, le PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan) qui contrôle via sa guérilla une partie du Nord-Kurdistan. La Turquie est très farouchement opposée au projet kurde, ou même à concéder certains droits élémentaires (l’enseignement en langue kurde par exemple), il n’y a donc pas un début de reconnaissance comme on peut le voir à divers niveaux dans les trois autres régions.
Votes pour le principal parti kurde légal en 2011.
On parle souvent indistinctement du PKK pour désigner d’autres organisations qui en sont proches ou qui n’en sont que des parties.
HPG : Force de Défense du Peuple. Branche armée. YJA-Star : Unités des Femmes Libres. Branche armée des femmes. PAJK : Parti des Femmes Libres du Kurdistan. Organisation politique des femmes. YPS : Unités de Protection Civile. YDG-H: Mouvement de la Jeunesse Révolutionnaire Patriotique. C’est une organisation de jeunesse armée proche de l’idéologie apoïste. De fait, il s’est produit que les HPG étaient une « guérilla de campagne » et la YDG-H une guérilla de ville.
HDP : Parti Démocratique des Peuples. C’est un parti légal qui se présente aux élections. Le HDP est un front regroupant de nombreuses organisations révolutionnaires en Turquie, dont certaines ont des structures clandestines. Le HDP n’est pas un parti kurde mais il prend régulièrement la défense du PKK ou de son pendant syrien. DBP : Parti Démocratique des Régions. Le DBP succède au BDP qui succède lui-même au DTP. Le DBP est au Nord-Kurdistan ce que le HDP est à la Turquie. HDP et BDP agissent comme des organisations soeurs. A l’occasion des élections de 2015, le HDP et le BDP fusionnent dans les urnes et présentent une seule liste ‘HDP’ pour toute la Turquie (mêmes si elles existent encore distinctement). HDK: Congrès Démocratique des Peuples. Mouvement plus large que le HDP. Le HDP est la branche politique du HDK.
Notons également les noms d’autres organisations révolutionnaires turques: MLKP: Parti Communiste Marxiste-Léniniste. DHKP-C: Parti-Front Révolutionnaire pour la Libération du Peuple. TKP-ML: Parti Communiste Turc – Marxiste-Léniniste. Sa branche armée est le Tikko. MKP : Parti Communiste Maoïste. MLSPB : Union Marxiste-Léniniste pour la Propagande Armée. DAF: Action Révolutionnaire Anarchiste.
Drapeau du PKK.
2. Le Rojava : Le Kurdistan Occidental
Le Rojava (‘ouest’ en kurde) est une région de facto autonome depuis novembre 2013. Il abrite 2,2 millions de Kurdes, représentant 10% de la population syrienne. Le Rojava reprend tout le nord de la Syrie et est composé de trois cantons : Afrin (à l’ouest), Kobané (au centre) et Ciziré (dit aussi Jazira, à l’est). Le mouvement qui contrôle le Rojava est le PYD (Parti de l’Union Démocratique), une organisation soeur du PKK.
La situation en janvier 2016
A l’heure actuelle, il ne reste qu’une bande de territoire de 100km le long de la frontière turque, entre les villes de Jarabulus (sur la rive de l’Euphrate opposée à celle de Kobané) et de Mare, qui sont toujours sous occupation islamiste et qui sépare le canton d’Afrin du reste du Rojava.
Cette bande est à l’heure actuelle sous le contrôle partagé de l’Etat Islamique, du Front al-Nusra et du Front Islamique. La Turquie protège les islamistes depuis l’autre coté de la frontière en mitraillant toute tentative de traverser l’Euphrate de la part des forces kurdes. La Turquie a d’ailleurs mis en garde le PYD que la traversée de l’Euphrate constituerait une “ligne rouge” qui entraînerait une riposte. Cette ligne rouge a été franchie par les YPG le 26 décembre 2015 lorsqu’ils ont pris le Barrage de Tichrin à l’Etat Islamique.
La prise du Barrage de Tichrin (qui suivait celle de Howl à la frontière irako-syrienne, à l’ouest de Shengal) constituait un tournant dans la stratégie des YPG. Ils inauguraient la coalition récemment formée des “Forces Démocratiques Syriennes” (QSD), une alliance multi-ethnique (kurde, arabe, turkmène, assyrienne,…) démocrate et anti-islamiste. Les YPG refusant de se comporter comme une “armée d’occupation kurde“, cette alliance leur permet de libérer les villes “non-kurdes”. La prise du Barrage est également l’entrée des forces kurdes dans la province d’Alep.
L’objectif affiché des forces kurdes est donc la prise de Jarabulus par le sud, évitant les tirs de l’armée turque, permettant l’unification du Rojava et coupant la voie à l’aide que la Turquie apporte à l’Etat Islamique.
Organisations liées au PYD: YPG: Unités de Protection du Peuple. Branche armée. YPJ: Unités de Protection des Femmes. Branche armée des femmes. Asayîş : C’est le mot kurde pour ‘sécurité’ c’est la ‘police’ du Rojava.
Brigades Burkan el Firat : (ou Burkan al Furat) “Volcans de l’Euphrate”, brigade unifiée de combattants FSA et YPG. Remplacée par les QSD. IFB : Brigade Internationale de Libération (ou Bataillion International de la Liberté). Ce sont les Brigades Internationales, créées à l’initiative du MLKP dans un esprit similaires aux brigades éponymes de la guerre d’Espagne. L’IFB regroupe de nombreuses organisations marxistes-léninistes, maoïstes, hoxhaïstes et anarchistes de nombreux pays (Turquie, Europe, Etats-Unis,…). Le Secours Rouge fait campagne pour envoyer des équipements médicaux à ce Bataillon, voyez la page dédiée. BOG : Forces Unies pour la Liberté (UFF, United Freedom Forces). C’est l’une des forces intégrée dans l’IFB. Ces forces regroupent les combattants des organisations qui n’ont pas de branche armée propre, notamment les anarchistes turcs, les européens et plusieurs groupes communistes turcs. MFS : Conseil Militaire Syriaque. Groupe Syriaque/Assyrien/Chrétien, pro-YPG. QSD : Fondée au milieu du mois d’octobre 2015, les Forces Démocratiques Syriennes (désignées comme SDF ou QSD) sont une alliance regroupant une quarantaine de groupes armés actifs dans le Rojava et dans le nord de la Syrie. L’alliance est multi-ethnique (Kurdes, Arabes, Turkmènes, Circassiens,…) et anti-islamiste. Les plus gros groupes composants l’alliance sont les YPG/YPJ (revendiquant 50.000 combattants) et le Jaysh al-Thuwar (Armée des Révolutionnaires, revendiquant 5.000 combattants). TEV-DEM: « Mouvement pour une société démocratique », le gouvernement du Rojava.
Forces Démocratiques Syriennes
Groupes armés défendant le Rojava.
Organisations majeures de la guerre civile en Syrie:
ASL: Voir notre dossier « Que sont « l’Armée Syrienne Libre » et la rébellion syrienne ? » ASA : Armée Syrienne Arabe. Ce sont les forces loyales au régime de Bashar al-Assad, l’armée officielle. Le PYD et le régime s’affrontent rarement, et lorsque cela se produit, c’est souvent “par accident”. EI : Etat Islamique (également désigné par EIIL, ISIS, IS, DAESH). Malheureusement, il n’y a plus besoin de les présenter. Front al-Nosra : Aussi connu comme al-Nusra ou Jabhat al-Nosra. Salafistes brièvement affilié à l’EI, ils sont à présent la succursale d’al-Qaïda en Syrie. Leur territoire (morcelé) se limite au nord-ouest du pays.
Ce diagramme -qui n’a pas été créé par le SR et ne reflète pas ses positions- peut donner une idée de la composition de l’Armée Syrienne Libre. Comme on peut le voir, la FSA est plus un nom générique donné à de nombreuses factions qui combattent le régime et ne reflète aucune forme d’unité.
Armée Syrienne Libre
Drapeau du PYD.
3. Le Kurdistan du Sud
C’est la partie irakienne du Kurdistan, elle est politiquement singulière à plusieurs niveaux. Le Kurdistan Sud est la seule des 4 parties qui dispose d’une quasi-autonomie. Il est gouverné par le KRG (Gouvernement Régional Kurde) et pourrait probablement devenir un état indépendant dans les prochaines années selon la tournure que prendra la guerre en Irak.
Le Kurdistan du Sud a un parlement, un président, une armée officielle… Son président est Massoud Barzani, du PDK (aussi appelé KDP), le Parti Démocrate du Kurdistan. Le PDK est un parti libéral et bourgeois.
Malgré qu’il règne sur un territoire pratiquement indépendant, le PDK n’a pas l’hégémonie sur le territoire. De nombreuses troupes du PKK sont stationnées en Irak, troupes qui sont naturellement présentes près de la frontière turque, mais également dans la chaîne montagneuse du Sinjar (aussi appelé Shengal) et dans l’est (près de la frontière iranienne, dans les montagnes de Qandil). Les zones contrôlées sont souvent désignées comme “Medya Defense Zones”.
A l’heure actuelle, il n’y a pas encore eu de conflit ouvert (armé) entre le PKK et le PDK, mais le PDK voit d’un mauvais oeil la présence de la guérilla sur ‘son’ sol. Le PDK est également en très bon termes avec les gouvernements états-unien et turc, ce qui n’arrange rien à l’affaire.
Notons également que le PDK contrôle la frontière à Sêmalka, un checkpoint important par lequel les combattants des YPG/YPJ qui sont morts au combat sont exfiltrés vers le Nord-Kurdistan pour y être enterrés. Le PDK empêche à présent ces cortèges funéraires de passer, sur demande de la Turquie.
Camps du PKK en Irak bombardés par la Turquie, juillet 2015.
Les organisations politiques du Kurdistan irakien. PUK : Parti de l’Union Patriotique. C’est un parti de droite. Le parti Change (Gorran) en est une scission. PÇDK : Parti pour une Solution Démocratique du Kurdistan (aussi connu domme KDSP). C’est l’organisation soeur du PKK en Irak. Peshmerga : Les Peshmergas sont souvent confondus dans la presse bourgeoise avec les YPG. En kurde, ‘peshmerga’ veut dire ‘celui qui affronte la mort’. C’est à la base une formule pour désigner les combattants kurdes, mais à présent c’est le nom de l’armée officielle du Kurdistan Sud, et donc le bras armé du PDK. YPS : Unités de Protection du Sinjar. C’est une organisation armée commandée par le PKK. Elle a été créée suite à l’opération de sauvetage de 200.000 Yézidis (abandonnés par les Peshmergas) par le PKK-PYD. Les Yézidis étaient pourchassés par les troupes de l’EI et ont été massacrés et kidnappés par milliers. Le Yézidisme est une religion kurde très ancienne, régulièrement persécutée à travers l’histoire.
Drapeau du PÇDK.
4. Le Rojhilat, le Kurdistan de l’Est : C’est la partie iranienne du Kurdistan (rojhilat veut dire ‘Est’ en kurde). Elle abrite 10% de la population kurde (13% de la population iranienne). Il faut noter qu’il existe une région iranienne qui s’appelle officiellement ‘Kurdistan’ qui est l’une des 4 régions iraniennes constituant le Rojhilat (la seconde en partant du haut sur la carte suivante).
Le Kurdistan iranien en vert.
PJAK : Parti pour une Vie Libre au Kurdistan. Organisation soeur du PKK en Iran. KJAR : Société des Femmes Libres du Kurdistan Oriental. Mouvement des Femmes. YRK : Unités de Défense du Rojhilat. La branche armée. HPJ : Force de Protection des Femmes. La branche armée des femmes. KODAR: Société Libre et Démocratique du Kurdistan de l’Est. Organisation politique faisant la promotion de l’idéologie d’Apo, le confédéralisme démocratique. Komala: Comité des Révolutionnaires du Kurdistan Iranien. Organisation marxiste-léniniste créée en 1969 et ayant lutté contre le Shas et contre la république islamique avec une grande guérilla. PDKI: Parti Démocratique du Kurdistan Iranien (également appelé KDPI). Parti social-démocrate. N’est pas lié au PJAK.
Drapeau du PJAK.
II. Organisations transrégionales kurdes
KCK: Groupe des Communautés du Kurdistan (anciennement KKK). Souvent défini comme le ‘parapluie’ qui regroupe les 4 partis (PKK, PYD, PÇDK, PJAK), le HPG et d’autres organisations. KONGRA GEL: Congrès des Peuples du Kurdistan (anciennement KADEK). Organe éxécutif du KCK. Parlement exilé. KNK: Congrès National du Kurdistan. Organisation qui regroupe à peu près tous les partis kurdes existants.
Cet organigramme reprend la plupart des organisations kurdes. Voir en grand.
1. Pourquoi cette campagne ?
Suite à l’explosion de l’usage des appareils photo (smartphones, tablettes, drônes,…) par les manifestants, certaines personnes n’ont pas tout à fait conscience du danger qu’elles courent et font courir à d’autres en capturant des images et en les diffusant sur le net.
Un gréviste lançant un pavé (ou se tenant à côté d’un de ses camarades qui en ferait autant), une travailleuse qui aurait menti à son patron pour aller à une manifestation, des sans-papiers qui ne savent pas que l’Office des Etrangers tiendront leur activité politique en motif contre leur régularisation, un jeune manifestant qui s’est discrètement éclipsé face à des parents ou à des profs réactionnaires, militante antifasciste menacée par l’extrême-droite dans son quartier. Tous ces exemples, toutes ces « exceptions », nous les connaissons. Les manifestants prennent le danger de manifester face aux répressions policière, fasciste, patronale. Ils prennent le danger d’être fiché par la police et d’être filmé par des chaînes de télévision bourgeoises. Mais lorsqu’ils se retournent vers la manifestation, vers leurs camarades, ce sont certains manifestants qui le menacent, parfois sans même s’en rendre compte.
Certaines personnes argumentent que nous devons tous manifester à visages découverts dans les manifestations et que si les manifestants ne veulent pas être exposés aux yeux de tous, ils devraient se masquer, ayant ainsi le choix entre prendre un risque supplémentaire ou être interdit de manifestation. Dans d’autres cas, ce sont des gestes de rupture qui ne peuvent plus avoir lieu tant les téléphones et les perches à selfie sont omniprésentes.
Un coup de pied pour la banque, 50 photos pour la police...
S’il est clair que les images des luttes doivent circuler et servir à partager les informations ainsi qu’à la propagande, le problème ne doit pas être retourné : la photographie doit rester un outil du mouvement social, et pas l’inverse. Trop souvent à présent, les manifestants sont devenus les modèles involontaires et forcés de photographes irresponsables.
photocop4.jpgphotocp.png
Un assemblage d'images prises à des moments différents par des personnes différentes, lors des émeutes de Baltimore, ont permis à la police de lancer un avis de recherche.
Face à cette problématique et suite à des situations où des militantes et des militants ont dû payer le prix de ces photos à la place des photographes, le Secours Rouge lance une campagne et une plateforme pour que les photos en manifestations -et ailleurs dans la scène- soient prises de façon responsable et réfléchie.
2. La plateforme No Photo
La Plateforme No Photo est une série de comportements que des organisations s’engagent à respecter et à diffuser parmi leurs membres. Essentiellement, cette plateforme fait la promotion d’un usage responsable et intelligent. Il serait idiot d’interdire en bloc tout usage de la photographie en manifestation. Cette plateforme demande en somme à chaque photographe de réfléchir à chaque étape de sa photographie aux personnes qu’il met en danger.
– Avant de prendre quelqu’un en photo : cette personne est elle d’accord d’être prise en photo ?
– En transportant des photos qui n’ont pas été traitées : suis-je en mesure de détruire des photos qui pourraient servir de preuves contre des militants au cas où je suis arrêté ?
– En mettant la photo en ligne : cette photo est elle débarrassée des données qui identifient le photographe (EXIF) ? Permet elle de reconnaître des militants ? Met elle des progressistes en danger ?
La plateforme sera bientôt proposée aux signatures des organisations.
Dès les années cinquante et les premières années de l’Inde indépendante, de nombreux mouvements paysans militants se sont développés contre le caractère féodal du pays. Ceux-ci n’ont jamais pu aboutir totalement, principalement en raison du manque d’organisation et de leur caractère spontané.
Le plus important fut le mouvement du Telengana de 1946, activement soutenu par le Communist Party of India. Sa nature insurrectionnelle et l’intention formelle de renverser les seigneurs féodaux par la force armée ont entraîné une répression terrible de la part des autorités indiennes. Des milliers de personnes furent assassinées, des dizaines de milliers emprisonnées et encore davantage de personnes furent torturées par les militaires. En 1951, le Communist Party of India, divisé en interne sur la question de ce soutien, l’arrêta officiellement. Cette décision entraîna une scission et la formation du Communist Party of India (Marxist).
C’est en 1967 que s’est déclenché la révolte de Naxalbari, au Bengale occidental, portée par des militants communistes à la tête d’un mouvement solidement structuré et dont l’objectif était une guerre populaire sur le modèle chinois. C’est soutenus par ces militants qu’au début de l’année 1967, trois cultivateurs appuyés de quelques travailleurs du CPI (Marxist) équipés d’armes rudimentaires, ont saisi tout le stock de paddy du grenier d’un propriétaire foncier. Au cours des mois suivants, les occupations de terre, saisies des stocks de grains et incendies de registres fonciers se sont multipliés.
Les propriétaires fonciers n’ont pas tardé à réagir, se débarrassant de ceux qui travaillaient dans « leurs » champs. Un jour, des paysans parti travailler dans les champs ne sont pas rentrés. Le lendemain, d’autres hommes sont allés dans les champs, mais ne sont pas revenus non plus. Des hommes et des femmes se sont alors cachés à proximité pour voir ce qu’il se passait. A peine un autre lot d’hommes avait-il commencé à labourer les terres occupées qu’une brigade de police est apparue et les a emmené. Mise devant le fait accompli, la police a déclaré agir pour le compte du propriétaire foncier, provoquant une colère énorme parmi les paysans, ceux-ci se constituant en brigades clandestines, sous la direction Charu Mazumdar, considéré comme le principal théoricien de mouvement révolutionnaire indien.
Bientôt devait suivre une guerre sanglante qui ferait de Naxalbari la première pierre du mouvement maoïste en Inde et qui lui donnerait aussi un nom: le mouvement naxal. Le 23 mai 1967, l’inspecteur de police qui dirigeait une brigade de police chargée d’arrêter les dirigeants à l’origine de l’agitation, fut blessé à mort par une flèche tirée dans un affrontement avec les tribaux en colère. Deux jours plus tard, un plus gros contingent fut dépêché sur place. Les hommes et les femmes, armés de tout ce qu’ils avaient pu trouver, sont sortis pour affronter la police. Le police a tiré, tuant neuf tribaux dont six femmes et deux enfants. La guerre était déclenchée.
Tag naxalite
Elle a duré 72 jours. 72 jours durant lesquels Naxalbari fut une « zone libérée ». En juillet 1967, les forces de répression envoyées par le gouvernement du Bengale occidental et de New Delhi ont repris le contrôle de la zone, par la force des armes. La majeure partie des dirigeants communistes sont arrêtés. Un des seuls à éviter l’arrestation fut Charu Mazumdar, qui s’est dès lors engagé à développer le mouvement et à déclencher d’autres insurrections pour avancer vers la prise du pouvoir révolutionnaire. De multiples mouvements paysans furent engagés dans diverses régions de l’Inde, notamment au Srikakulam et dans plusieurs districts de l’Andhra Pradesh.
De 1971 à 1972, la contre-révolution en Inde a volé d’un succès à l’autre, ouvrant des brèches dans les rangs révolutionnaires communistes par de violentes représailles, en terrorisant la population par des lois draconiennes et des actions de gangstérisme. Cette contre-révolution violente eut de fortes répercussions sur le CPI (M-L), faction dissidente du CPI(Marxist) et architecte de la continuité de l’insurrection après la révolte de Naxalbari. Le 16 juillet 1972, Charu Mazumdar fut arrêté par la police à Kolkata. L’arrestation avait été rendue possible par la révélation, arrachée sous la torture à un de ses camarades arrêtés, de la cachette de Charu Mazumdar. Une fois arrêté, il fut une victime condamnée d’avance par la vengeance de la classe dirigeante. Il n’a survécu que douze jours à arrestation. Il était atteint d’une affection cardiaque grave. Les rigueurs de la vie clandestine s’étaient fait sentir toutes ces années. En cellule, il fut soumis à des interrogatoires incessants, à des pressions et à la torture. Il dû être hospitalisé le 27 juillet. Privé du traitement médical adéquat, il est mort le lendemain.
Charu Mazumdar
En 1973, on compte 32.000 prisonniers naxalites, et à la moitié des années ’70, le mouvement était presque anéanti. Néanmoins, de nombreuses factions militantes ont continué à mener la guérilla dans plusieurs états, travaillant principalement dans les zones tribales, avec pour base principale les plus démunis.
A la formation du CPI (M-L), un des groupes a décidé de pas y adhéré et à formé le Dakshin Desh. En 1975, le groupe a pris le nom de MCC (Maoist Communist Center). Jusqu’en 1982 et la mort de son leader Kanhai Chaterjee, il fut particulièrement actif au Bengale occidental, prônant la constitution de mouvements de masse afin de permettre le développement de la lutte armée. En 1982, de nombreux militants rejoignirent le CPI (M-L), ceci n’empêchant pas le MCC de poursuivre son travail.
En 1979, le CPI (M-L) avait de nombreux cadres ‘publics’ et ‘clandestins’, principalement en Andhra Pradesh. L’un d’entre eux, Kondapalli Seetharamaiah, critiqua le mouvement en déclarant en 1979 que celui-ci n’avait pas encore pris la forme de la lutte armée. Selon lui, les actions isolées menées depuis des années ne pouvaient être qualifiées de lutte armée. Le 22 avril 1980, il annonce la création du CPI-ML (People’s War), un nouveau parti qui ferait avancer la ligne de la lutte armée.
En 2004, les deux partis, qui avaient entre-temps absorbés diverses fractions du CPI (M-L) d’origine, prirent la décision de fusionner, pour former le CPI(Maoist). Ils publient alors plusieurs documents fondateurs, parmi lesquels la Constitution du CPI (Maoist), la Résolution politique du CPI (Maoist), le Programme du CPI (Maoist), la Perspective urbaine du CPI (Maoist), Stratégie et tactiques de la révolution indienne et Porter haut la bannière rouge éclatante du marxisme-léninisme-maoïsme.
Le développement de la lutte armée basée parmi la paysannerie, avec pour but avoué la révolution agraire et la stratégie de la guerre populaire prolongée a eu lieu en parallèle du processus de mondialisation en cours en Inde depuis de nombreuses années. Cette lutte, menée d’abord par le CPI-ML (People’s War), le MCC et divers autres partis marginaux, s’est étendue dans les régions adivasis et y a trouvé un terrain fertile. Les conditions objectives dans ces régions, la pauvreté extrême et la marginalisation des population, le lien gouvernement-petits entrepreneurs-grosses sociétés-parti politique qui a maintenu le cycle d’exploitation et d’oppression et l’inaccessibilité et l’inhospitalité du terrain ont permis aux partis naxalites de gagner en influence. Les Adivasis, avec leur faible intérêt dans les systèmes économiques et politiques indiens, avec leur faible dépendance à l’égard de la terre agricole en propriété privée et leurs solides notions de propriété collective et communautaire, se sont révélés être une puissante force révolutionnaire. Le CPI(Maoist) a donc trouvé une base solide parmi les populations tribales du centre de l’Inde, où il a pu établir une zone libérée et développer le système de gouvernement populaire parmi les Adivasis de la région.
Guérilleros naxalites
En août 2006, le magazine The Economist a publié un reportage sur l’État du Chhattisgarh où il a visité, dans la forêt de Bastar, au sud de la capitale Raipur, un maquis tenu par le CPI (Maoist). Ce maquis combattait contre les projets du capital financier d’exploiter les richesses minérales de la forêt. Quelques heures avant la rencontre, plusieurs centaines de combattants avaient attaqué un commissariat de police à Errabore, une base paramilitaire et un camp de personnes déplacées dans cette région sous-développée à 9 heures de route de la capitale, Raipur.
Les naxalites contrôlent un vaste territoire aux villages miséreux. Ici, il y a bien une pompe à eau mais le puits est à sec. Il n’y a pas de routes, pas de canalisations, pas d’électricité ni de téléphone. Là, il y a bien un instituteur, mais pas d’école. Il fait donc la classe en plein air. On ne voit jamais aucun policier, aucun travailleur de santé, aucun fonctionnaire. Les trois quarts des 1.220 villages de Dantewada sont habités par des aborigènes adivasis, 1.161 villages n’ont aucune installation médicale, 214 n’ont pas d’école primaire. La région a bien une ligne de chemin de fer mais elle est destinée au transport du minerai de fer exploité à la mine de Bailadilla, dont les déchets colorent, à la saison des pluies, la rivière en orange, rendant l’eau imbuvable…
Les aborigènes adivasis sont, avec les dalits, opprimés parmi les opprimés. Les dalits (ou ‘intouchables’) constituent une caste de 160 millions de personnes misérables et méprisées. La caste des brahmanes (dont le colonisateur britannique s’est acquis la complicité) truste les postes dirigeants et utilise le système de caste pour justifier l’exploitation des masses populaires. Les grands propriétaires brahmanes disposent de milices, les senas, qui brisent de manière barbare toute velléité de résistance des paysans pauvres à la surexploitation (43% des paysans indiens sont sans terre). L’image de l’Inde technologique, paradis de l’informatique, masque une réalité sociale épouvantable: 47% des enfants soufrent de dénutrition, 80% de la population vit avec moins de deux dollars par jour.
Dès 2006, le premier ministre Manmohan Singh avait qualifié la rébellion naxalite de « plus grand défi pour la sécurité intérieure qu’ait jamais dû relever notre pays ». Depuis, la situation n’a cessé d’empirer. A la mi-juillet 2009, le ministre de l’intérieur, M. Chidambaram a dû admettre que la menace avait été ‘sous-estimée’. Les naxalites agissent dans 14 des 28 Etats de l’Inde (Chhattisgarh, Jharkhand, Uttar Pradesh, Asma, Uttaranchal, Kerala, Tamil Nadu, Bengala Occidental, Gujarat, Andhra Pradesh, Madhya Pradesh, Orissa, Maharashtra y Bihar) et ce qui, en chiffres, signifie que dans 182 districts sur un total de 602 dans lesquels est divisé administrativement le pays, ce sont les maoïstes qui contrôlent la situation.
Cette influence est en progression non seulement dans les campagnes, mais dans les villes également, spécialement dans les zones ouvrières et industrielles de Dheli, de Mumbai, de Raipur, de Pune et de Jammu en alternant les actions de propagande avec les militaires. Le gouvernement indien lui-même considérait qu’en 2008 entre 30% et 35% du territoire de l’Inde était sous le contrôle des naxalites, pourcentage qui serait encore majoré aujourd’hui.
Carte des zones occupées par la guérilla en 2015
Les succès révolutionnaires dans les campagnes sont indiscutables: ni la police, ni les fonctionnaires de l’Etat n’osent entrer dans le Bastar, une zone étendue de l’état de Chhattisgarh d’environ 100.000 kilomètres carrés, et ses actions contre les paramilitaires de la Salwa Judum, des miliciens fascistes formés à la contre-guérilla, armés par les propriétaires fonciers et payés par l’État, provoquent démoralisation et désertions. Le périodique Indian Express relatait d’une manière crue comment après une attaque maoïste qui a causé 55 morts à une force composée de policiers et de paramilitaires en se faisant l’écho d’un rapport officiel qui rapportait les événements: « la lâcheté, la désertion, la dépendance excessive des employés de police par rapport à la Police Spéciale Locale [la Salwa Judum], l’absence d’un entraînement approprié et la consommation de substances toxiques ont été la cause de l’assassinat des 19 policiers et des 39 PEL [miliciens Salwa Judum] ». Dans les zones libérées, les naxalites interdisent l’usure, organisent des coopératives, des travaux collectifs d’irrigation, un système de médecine populaire et un système d’enseignement. Les comités de pouvoir populaire décident aussi de mesures de préservation de l’écosystème et veillent à imposer les droits de la femme (lutte contre les mariages forcés, etc.).
En février 2007, le parti organise son 9e Congrès, intitulé le « Unity Congress », dans les jungles de l’état du Bihar. De nombreuses décisions quant à la stratégie et aux tactiques du parti furent prises, tant au niveau des luttes dans les campagnes que de leur implantation dans les zones urbaines. Les naxalites sont passés de la guerre de guérillas à la guerre de mouvements. Les attaques contre des postes de police et des paramilitaires, des entreprises minières, des chemins de fer, des stations de télécommunications, des constructions électriques et, même, des attaques de prisons (en décembre 2007, ils ont attaqué la prison de Raipur, la capitale de Chhattisgarth, libérant 299 prisonniers, avec parmi eux une centaine de guérilleros) sont le fait de groupes d’environ 40 à 150 combattants qui parfois atteignent même 400.
Rassemblement de la guérilla
En 2007, les naxalites ont réalisé 8.488 attaques contre des établissements policiers dans 91 districts de 11 états, selon un rapport présenté par le Ministre de l’Intérieur devant le parlement indien. La guérilla commence à chercher la complicité des policiers. Depuis juin 2007, chaque fois qu’une attaque est réalisée contre un établissement policier, les guérilleros laissent sur place des pamphlets où l’on peut lire « Tu luttes pour empêcher le soulèvement du peuple, parce que ta vie est en jeu, parce que le peuple celui que tu tues appartient à ta propre classe. Lève-toi contre le système ».
La situation est arrivée à un tel paroxysme que le gouvernement a décidé de mettre en marche un plan pour contenir l’avancée de la guérilla: commencer un programme de développement des zones les plus pauvres de l’Inde, modernisation de la Police, création d’infrastructures routières qui servent aussi bien aux populations qu’à faciliter les mouvements de la police et la création de six écoles de guerre, c’est-à-dire la formation d’unités antiguérillas pour pouvoir attaquer et détruire les campements naxalites dans la jungle. L’idée du gouvernement est de créer quelques bataillons spéciaux pour la lutte contre la guérilla qui comprendraient des effectifs de 14.000 soldats. Actuellement, la Force Centrale de Réserve de la Police (CRPF), unie aux paramilitaires de la Salwa Judum, sont les principaux protagonistes de la lutte contre les maoïstes. Mais ils ont fait preuve d’une rare inefficacité et c’est pourquoi il a été décidé la création des bataillons antiguérilla.
Véhicule de contre-guérilla
Opération de contre-guérilla
Miliciens
Jusqu’à maintenant, la guérilla ne s’occupait pas des villes pour se concentrer sur les campagnes, en suivant la stratégie d’encerclement des villes à partir des campagnes. La stratégie est de pénétrer dans les aires rurales, de se consolider dans celles-ci et d’établir des coordinations efficaces entre différentes cellules dans d’autres États.
Les maoïstes ne frappent pas les fonctionnaires locaux si le peuple considère qu’ils sont honnêtes, ni corrompus, ni répressifs. Ils taxent les entreprises qui sont installées sur leurs zones d’influence d’un impôt révolutionnaire, qui oscille entre 15 et 20% de leurs bénéfices, avec lequel ils financent leurs activités. Mais les naxalites sont implacables dans leur lutte contre les Zones Économiques Spéciales (ZES). En Inde, le gouvernement a prévu d’approuver 339 ZES où doivent travailler 800.000 personnes. Ce sont des aires où les entreprises ne payent aucun impôt, où elles jouissent d’avantages économique pour favoriser la productivité et où peuvent être aboli la législation normale du pays en matière du droit du travail, du respect de l’environnement. L’’objectif est d’attirer les investisseurs locaux et étrangers. Ces ZES sont en train de provoquer le déplacement de leurs foyers de dizaines de milliers de ruraux, qui par conséquent sont en train de perdre leurs moyens d’existence. L’énorme majorité des déplacés sont des métayers sans terre, des artisans et petits commerçants, issues des communautés défavorisées de dalits et adivasis et de minorités religieuses.
Le travail avec les dalits, les intouchables dans le système des castes et les parias en Inde, est au centre du travail politique de la guérilla naxalite, selon les décisions de son 9e Congrès. Ce Congrès a décidé, de surcroît, comme axe central du travail politique et militaire, l’extension de la guerre populaire à tout le pays, « l’appui aux luttes nationales contre l’expansionnisme indien » au Jammu et Cachemire, l’expansion du mouvement vers les villes pour avoir une présence dans les masses urbaines, appauvries, et la classe moyenne dans le but « d’obtenir un mouvement massif contre les politiques néolibérales » et, par conséquent, la lutte contre les Zones Économiques Spéciales qui ont été créées ces dernières années en Inde et qui ont provoqué en conséquence, « la dislocation des petites industries et des commerçants, qui ont été poussés à la banqueroute par l’offensive massive des compagnies impérialistes transnationales et des importateurs-bureaucrates-bourgeois » et qui sont qualifiées de « enclaves néocoloniales ».
Des cellules naxalites sont actives dans les zones ouvrières et industrielles de Delhi, Mumbai, Raipur, Pune et Jammu. Bien que pour le moment l’activité principale soit la propagande, dans quelques zones où le mouvement naxalite est spécialement fort, des actions militaires sont déjà menées. C’est le cas de Nayararh, l’une de villes les plus importantes de l’état d’Orissa, où un commando naxalite a réalisé l’une de ses actions les plus audacieuses jusqu’à présent: le 16 février 2009 s’est produit l’assaut d’une caserne de police et la réquisition de 1.069 armes qui s’y trouvaient.
La présence naxalite dans les cités et les centres industriels a apporté un saut qualitatif à la guerre populaire prolongée. Depuis la seconde moitié de 2007, les naxalites ont privilégiés leurs actions contre les ZES dans une frange qui comprend les villes de Bhilai-Ranchi-Dhanbad-Calcutta d’un côté, et de Mumbai-Pune-Surat-Ahmadabad de l’autre, dans le même temps où ils imposaient d’une manière inégale des blocus dans les zones où ils ont une force plus grande comme c’est le cas dans les états de Jharkhand, d’Orissa, de Chhattisgarh et du Bengale occidental et dans ceux où ils en ont moins comme en Haryana et dans le Punjab. Dans le Bengale occidental, un État gouverné par la gauche réformiste, la ZES prévue a du être suspendue après une révolte populaire, forte de l’appui maoïste, qui a été noyée dans le sang. Cela a provoqué un discrédit de la gauche traditionnelle, et favorisé l’insurrection naxalite qui a vu les paysans pauvres la rejoindre en masse.
Le CPI(Maoist) a mené plusieurs grandes attaques victorieuses contre les forces de sécurité. Le 6 avril 2010, des guérilleros ont tendu une embuscade à un convoi de la contre-guérilla, tuant 75 policiers militarisés (CRPF). Le 25 mai 2013, dans l’attaque contre un convoi du parti du Congrès dans le Bastar, 27 personnes ont été tuées dont Mahendra Karma, l’homme à l’origine de la création de la Salwa Judum. Le parti organise également des opérations visant à saisir des armes ou la destruction de matériel destiné à la construction d’équipements visant à faciliter la contre-insurrection. Le 14 mars, 200 guérilleros attaquent un convoi de la contre-guérilla : 11 policiers militarisés (CRPF) et quatre Salwa Judum sont tués dans l’état du Chattisgarh. Le 1er décembre 2014, toujours dans le Chattisgarh , 13 paramilitaires de la CRPF sont tués et 12 autres blessés dans un embuscade.
Les autorités ont effectué plusieurs opérations répressives tant dans le cadre de l’Opération Green Hunt qu’en marge de luttes populaires soutenues par le CPI (Maoist). Citons par exemple le meurtre de Kishenji, membre du Politburo et à la lutte du mouvement populaire de Jangal Mahal, au Bengale occidental. Selon les autorités, il aurait été abattu lors d’une fusillade entre des guérilleros et les forces de sécurité le 24 novembre 2011. Mais les rapports d’autopsie ainsi que différents témoignages révèlent qu’il aurait été capturé 24h avant sa mort et que son corps portait des traces de torture. Le 1er juillet 2010, les autorités ont annoncé avoir assassiné Azad, porte-parole du CPI (Maoist) et membre du Politburo, dépêché par le parti pour mener des pourparlers avec le gouvernement. Il a été abattu alors qu’il circulait en compagnie d’un journaliste afin de transmettre une note des autorités à la direction du parti en vue de poursuivre les négociations. Selon les chiffres officiels, 2.193 militants maoïstes auraient été abattus par les forces de sécurité entre 2005 et 2015, et la guérilla aurait abattu 1.753 membres des forces de sécurité au cours de la même période.
Les révolutionnaires indiens ont réussi, dans les zones rurales qu’ils contrôlent à améliorer le niveau de vie de la population, et où ils sont en situation d’offrir une alternative à la gauche traditionnelle et réformiste. Spécialement après le massacre de paysans ordonné par le gouvernement du Bengale occidental (gouverné par le Front de gauche réformiste) en mars 2007, quand ils s’opposaient à la ZES prévue dans Nandigram. .
Les maoïstes font dépendre le progrès de leur guerre populaire de la création d’une plate-forme culturelle et politiquement différente de celle qui a existé jusqu’à présent en Inde – et spécialement en ce qui concerne la séparation des castes, l’oppression féodale de la famille et des coutumes – et, surtout, loin des allées du pouvoir qu’affectionne la gauche traditionnelle. Ce qui amène certains secteurs des intellectuels indiens à afficher une certaine sympathie envers eux, comme Arundhati Roy, qui se refuse à qualifier leur lutte d’immorale ou terroriste, ou comme le célèbre musicien Ravi Shankar, qui a déclaré publiquement que les maoïstes sont « admirables ».
2. Les Adivasis ou peuples aborigènes de l’Inde
Les Adivasis, ou aborigènes de l’Inde forment une minorité substantielle de la population du pays. Ils sont particulièrement nombreux dans l’Orissa, le Bihar, le Jharkhand et dans les états du Nord-Est tels que le Mizoram. Ils sont officiellement reconnus, en vertu de la Constitution, comme Scheduled Tribes (‘tribus répertoriées’). Ils ne constituent en aucun cas un groupe homogène – plus de 200 tribus parlant plus de 100 langues différentes, qui varient énormément de par leur ethnicité, leur culture et leurs langues. Ils constituent environ 8% de la population de l’Inde, ce qui représente environ 68 millions de personnes selon le dernier recensement de 1991. Ils se répartissent géographiquement entre différentes régions du pays, mais ce sont les états du centre qui abritent les plus grandes tribus et quelques 75% de la totalité des aborigènes y vivent.
Une autre concentration d’aborigènes vit sur le plateau de l’Inde centrale; dans cette zone bordée par la Narmada au nord et la Godavari au sud-est, les peuples tribaux occupent les pentes montagneuses de la région. Le groupe le plus large, les Santâls, habitent le Jharkhand, au Bengale occidental. Les États indiens du centre abritent les plus grandes tribus du pays et quelque 75% de la totalité des aborigènes vivent là, et forment à peu près 10% de la population de la région. On rencontre de plus petits nombres d’aborigènes au Karnataka, au Tamil Nadu et au Kerala, dans les contreforts de l’Himalaya ainsi que plus au nord, au Goujerat et au Rajasthan, et bien évidemment dans les territoires des Laquedives et des îles Andaman et Nicobar.
Carte des populations aborigènes
Les tribus aborigènes tendent à former des unités économiques autosuffisantes. Elles pratiquent souvent la culture sur brûlis plutôt que l’agriculture intensive typique de la majeure partie de l’Inde rurale. Pour la plupart des aborigènes, les droits d’utilisation du sol dérivent simplement et traditionnellement de leur appartenance tribale. La société tribale tend à être égalitaire, la position de chef est légitimée plutôt par des considérations de valeurs personnelles que par l’hérédité. Les religions tribales n’identifient aucune autorité en dehors de la tribu. La plupart des tribus aborigènes sont concentrées dans des secteurs très forestiers qui combinent inaccessibilité et intérêt politique ou économique limité. De tous temps, l’économie de la plupart des tribus était caractérisée par une agriculture de subsistance, la chasse et la cueillette. Traditionnellement, les aborigènes cantonnaient leur contact avec l’extérieur à quelques produits de première nécessité qui leur manquaient comme le sel et le fer, et dépendaient d’artisans locaux pour la fourniture d’articles comme les ustensiles de cuisine.
Villageoises adivasis
Village adivasi
Vers 1900, beaucoup de régions autrefois isolées sont ouvertes à l’implantation de cultivateurs par le gouvernement colonial, les migrants (des Indiens non aborigènes) recevant un titre de propriété en échange pour la mise en culture. Pour les aborigènes comme pour les Indiens de manière générale, cependant, la terre était, la plupart du temps, considérée comme une ressource commune, libre d’utilisation pour celui qui avait besoin d’elle pour sa subsistance contre le paiement d’une taxe au souverain (‘mode de production asiatique’). L’introduction par les Britanniques de la notion de propriété de la terre va provoquer la spoliation en masse des aborigènes et faire émerger une classe de riches propriétaires terriens (landlords) et d’une autre d’usuriers qui vont être la source d’un appauvrissement effroyable des campagnes indiennes.
L’amélioration des communications, la construction de routes et une intervention plus fréquente des gouvernements ont entraîné un contact accru des aborigènes qui étaient encore protégés par leur isolement dans les années 1950, très isolés. Au cours des années 1960 et 1970, l’installation de commerçants non aborigènes était très courante dans les villages tribaux. Celui-ci vendant souvent ses marchandises à crédit, avec un taux d’intérêt élevé, beaucoup d’aborigènes se sont fortement endettés ou ont hypothéqué leur terre. Ces négociants encouragent également les aborigènes à abandonner les cultures vivrières pour des cultures industrielles comme le coton ou le ricin, ce qui augmente leur dépendance à l’égard du marché pour les fournitures de base. L’endettement est si étendu que, bien que de telles transactions soient illégales, les commerçants vendent parfois leurs débiteurs à d’autres négociants, les abaissant ainsi quasiment au statut d’esclaves.
Manifestation adivasis
Adivasis armés d'arcs
Au cours des années 1970, la pression sur les terres tribales a connu une augmentation, particulièrement en Inde centrale. Les migrations sur les terres tribales ont augmenté considérablement au fur et à mesure des spoliations de celles-ci au moyen de nombreuses méthodes telles que le remboursement de dettes ou la corruption des fonctionnaires cadastraux. Nombre d’aborigènes sont ainsi devenus des ouvriers agricoles sans terre au cours des années 1960 et 1970 et des régions qui étaient, quelques années plus tôt, le domaine exclusif des tribus possèdent maintenant une population de plus en plus mélangée.
Les politiques gouvernementales sur les réserves forestières ont profondément affecté la vie des aborigènes, les poussant parfois à une résistance armée. L’exploitation intensive des forêts, rendue possible par la corruption de fonctionnaires locaux, a souvent autorisé des étrangers à faire des coupes importantes, alors que les prélèvements des aborigènes étaient fortement réglementés, et a entraîné le remplacement de forêts à la flore riche qui permettaient la perpétuation de la vie tribale en plantations de monoculture. Les peuples aborigènes sont les premières victimes de la pollution des eaux par les sociétés minières, par l’industrie.
Chaque progrès de l’Inde capitaliste a représenté un drame pour les communautés aborigènes. Dans les années 60, un gisement d’uranium est découvert à Jadugoda, un village d’indigènes situé dans l’état du Bihar. En 1967, l’UCIL, l’Uranium Corporation of India Limited y ouvre une mine. Au début, l’exploitation se composait d’un puits et d’un étang. Au fil des années, la société s’agrandit. Aujourd’hui, elle compte trois mines et trois étangs sur un périmètre d’environ dix kilomètres. Depuis trois générations, les aborigènes qui vivent à l’ombre de la compagnie ont eu 35% de leurs nouveaux-nés marqués par des malformations. Le taux de radioactivité de l’air, du sol et des eaux atteint 50 fois la limite de sécurité préconisée par les normes internationales. Les villages de Chatikocha et de Dungriddih, les plus proches des étangs de retenue des rejets miniers, 50% des habitants sont atteints d’une infection ou d’une infirmité. Aucune des 130 familles qui peuplent ces deux villages n’est épargnée. On estime que les couples sont tous stériles car pas un enfant n’y est né depuis près de quatre ans.
Enfant victime de malformation
Enfant victime de malformation
Fût d'uranium
Les Adivasis ont payé un prix disproportionné pour les grands projets de développement pour la modernisation de l’Inde, des projets qui ont fourni des minéraux, de l’eau et de l’électricité pour l’évolution d’une société urbaine et industrielle dans le pays. La libéralisation et la mondialisation au début des années 1990 ont ajouté une nouvelle dimension au problème en ouvrant les vastes ressources minérales dans les régions adivasis, jusqu’alors uniquement accessible principalement aux compagnies du secteur public, pour l’exploitation rapace des diverses multinationales indiennes et étrangères. Pour ces sociétés, de plus en plus soutenue par le capital mondialisé et financialisé, il s’agissait de la dernière frontière en Inde. Et alors que leurs ravages augmentaient dans les régions adivasis, la résistance des masses adivasis augmentait aussi. Partout dans le monde, quand ils sont poussés au mur par le capitalisme, les peuples se défendent et résistent. Les Adivasis, avec leur longue histoire de résistance et de rébellion, n’y ont pas manqué.
3. Le mouvement de Lalgarh
Dans la région du Jangalmahal, au Bengale occidental, les populations tribales sont également touchées par ces bouillonnements, bien qu’ils prennent une trajectoire différente en raison des différences dans la géographie et l’économie sociale de la région.
Le Jangalmahal n’est pas la cible directe des sociétés en recherche de richesses minérales, mais cela ne diminue en rien la misère des populations. Là, les habitants sont victimes du lien entre les fonctionnaires forestiers, des marchants de feuilles de tendu et de bois de construction, des entrepreneurs et des politiciens corrompus maintenant les gens dans le bourbier de la pauvreté, de l’exploitation et de l’indignité. Les habitants possèdent peu de terre, en l’absence d’équipements d’irrigation, les rendements de l’agriculture sont maigres. Ceci a conduit à une migration de masse de la force de travail pour le travail agricole dans d’autres régions de l’état, ou même dans d’autres états, particulièrement durant la saison des récoltes. Les revenus de ceci ne sont pas suffisants pour faire vivre les familles durant toute l’année, et au cours de la période maigre, la famine et même les morts de faim prennent une ampleur sans précédent. Les habitants sont donc totalement dépendant de revenus supplémentaires issus des produits forestiers, mais là aussi, ils sont grandement exploités par les gardes forestiers et la mafia. Les prix des produits forestiers tels que les feuilles de tendus, par exemples, sont atrocement bas. L’accès même aux produits forestiers est livré aux caprices des gardes forestiers, et les cas d’histoires d’hommes battus ou de femmes harcelées alors qu’ils tentent de ramasser du bois de chauffage sont quotidiennes dans la région. L’absence de mesures de développement telles que des écoles, des centres de santé, des routes, l’électricité et des équipements d’irrigation est une norme. Les gouvernements locaux, quels que soit le parti au pouvoir, ont toujours été corrompus et une large section des dirigeants politiques se sont allègrement servi dans les budgets de développement alloués par le gouvernement central pour leur enrichissement personnel.
C’est dans ce contexte que sont apparus les maoïstes à la fin des années 1990. Ils ont mobilisé les habitants sur des questions de développement, exigeant de l’eau, de l’électricité et des équipements sanitaires, mais également des prix rémunérateurs pour les produits forestiers et la fin du harcèlement aux mains des gardes forestiers et de la police. Les modes de lutte étaient publics et constitutionnels, avec l’envoi de délégations aux fonctionnaires locaux et des manifestations autour des bâtiments officiels. Mais le gouvernement, au lieu de tenir compte de ces revendications, a répliqué avec une brutale répression. La police du Bengale occidental a organisé des raids en force dans les villages du Jangalmahal, déclenchant un règne de terreur sous la forme de passages à tabac, torture, brutalités à l’encontre des femmes et des milliers de poursuites sur des motifs montés de toutes pièces. Les maoïstes ont résisté à cette terreur d’état, et ont organisé la population pour qu’elle puisse résister. Les habitants ont également obtenu des victoires significatives comme les maoïstes ont pu faire imposer une augmentation substantielle du prix des petits produits forestiers tels que la feuille de tendu. Il y a même eu des fonctionnaires locaux pour reconnaître, en privé, qu’il s’agissait d’une des contributions majeures pour l’amélioration du sort des Adivasis dans toute la région forestières du centre-Est de l’Inde. Les maoïstes en ont tiré un soutien populaire de plus en plus grand et ont développé une base solide dans la région.
Manifestation de paysan au Lalgarh
Ce schéma de terreur d’état a continué tout au long des années 2000. La police a commencé à occuper les écoles de manière permanente, et les habitants faisaient quotidiennement face aux indignités des passages à tabac, harcèlement et autres raids policiers. Les affaires montées de toutes pièces à leur encontre sont devenues un fléau dans les vies des gens, salariés à la journée qui ne pouvaient pas se permettre de gaspiller des journées de travail pour se présenter au tribunal ou aller porter plainte au commissariat.
En novembre 2008, une mine visant le convoi de Buddhabed Bhattacharjee, qui revenait de l’inauguration d’une aciérie de la société Jindal et de la mise en place d’une ZES à Salboni, a explosé, blessant six policiers de son escorte. Suite à cette attaque que la police a mené des raids de représailles autour du village de Lalgarh, dans le Jangalmahal. Les atrocités policières, les raids indiscriminés et les tabassages brutaux se sont multipliés, principalement à l’égard des femmes. Ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase.
Les habitants se sont soulevés en masse, allant beaucoup plus loin que leurs prédécesseurs dans d’autres régions du pays. En effet, ils défiaient la fondation même de l’état en contestant le droit de l’état à administrer un peuple duquel il n’était pas prêt à reconnaître l’humanité. La violence de masse a éclaté en juin 2009, à Dharampur, suite à une attaque du CPI (Marxist), alors au pouvoir au Bengale occidental, contre un rassemblement dirigé par des femmes. La population s’est soulevée et a détruit le palais d’Anuj Pandey, le chef local du CPI (Marxist), tuant ses hommes de main armés qui terrorisaient la région. Dans ce soulèvement de masse, les maoïstes, qui avaient été l’épine dorsale organisationnelle du mouvement en raison de leur présence de longue date et leur travail organisationnel dans la région, se sont manifestés. C’est alors que fut déclenchée l’Opération Lalgarh, à l’initiative du gouvernement Left Front du Bengale occidental, de connivence avec le gouvernement UPA dirigé par le Congrès à Delhi. Ils ont envoyé de manière conjointe des forces de sécurité centrales et locales dans la région pour « réoccuper » le Jangalmahal. Ces soldats furent rejoints par des miliciens armés du CPI (Marxist). Comme par hasard, Jangalmahal s’est retrouvé dans le cadre de l’Opération Green Hunt (cf notre chapitre suivant) qui avait cours depuis un certain temps dans les régions forestières voisines du centre de l’Inde. La réoccupation de la zone indispensable pour les autorités s’explique ainsi: la région du Jangalmahal est voisine des régions forestières du Jharkhand. Or, avec le Chhattisgarh, le Maharashtra et l’Orissa, le Jharkhand est depuis 2008 visé par l’Opération Green Hunt et constitue une partie capitale de la zone sous influence maoïste. Comment l’état pourrait-il permettre qu’une région si cruciale soit déstabilisée par une zone ‘libérée’ de facto? Il était donc inévitable d’écraser le mouvement de Lalgarh.
Intervention policière au Lalgarh
Jusqu’en 2011, les opérations des forces de sécurité se sont poursuivies, faisant toujours plus de victimes parmi les Adivasis et les sympathisants au mouvement. Après les élections locales de 2011 et la perte du pouvoir du CPI (Marxist) après 34 ans de pouvoir dans l’état, les habitants ont eu une lueur d’espoir. Mamata Banerjee, durant sa campagne, avait promis l’arrêt des opérations ainsi que la libération de tous les prisonniers politiques. La promesse a tenu quinze jours, entre le 15 mai et le 1 juin 2011. Puis, les atrocités ont continué, les rapports de passages à tabac, de villages assiégés, de maisons mises à sac et d’arrestations indiscriminées sont revenus en force. De plus, un renforcement des restrictions contre les activités démocratiques telles que les meetings et les rassemblements populaires. Durant cette période, des étudiants appartenant à diverses organisations estudiantines adivasis furent arrêtés et battus en cellule, les maisons de plusieurs prisonniers politiques furent pillées, etc. Durant les six mois qui ont suivi les élections, plus de 300 personnes furent arrêtées, et le gouvernement a constitué une milice d’autodéfense, la Jan Jagran Manch. Elle a lâché un règne d’intimidation, forçant les gens à y adhérer et à faire office d’informateur. Ces personnes sont donc devenues les yeux et les oreilles des forces de l’état.
Arrestation au Lalgarh
En juillet 2011, Mamata Banerjee lance un appel à la guérilla maoïste, demandant son retour dans le courant dominant et le dépôt des armes. Les dirigeants du parti réagissent en proposant des pourparlers de paix avec le gouvernement, mettant quelques exigences en avant. Afin que ces pourparlers puissent avoir lieu, les maoïstes exigent le retrait des troupes du Jangalmahal ainsi que la libération de plusieurs de leurs dirigeants haut placés détenus dans diverses prisons du Bengale occidental (A noter que leur libération faisait partie du programme électoral de Mamata Banerjee). Durant plusieurs mois, les deux camps établissent des contacts. Les autorités rencontrent des prisonniers maoïstes, elles prennent également contact avec diverses organisations de soutien à la lutte populaire au Jangalmahal. Mais le 24 novembre, Kishenji, un des dirigeants maoïste à la tête de la lutte de Lalgarh, est abattu dans une zone forestière reculée du Bengale occidental. Les autorités affirment qu’il a été tué au cours d’une intense fusillade, ce qui est rapidement mis en cause par le CPI (Maoist) et ses sympathisants. Cet assassinat intervient alors que durant le mois d’octobre, Kishenji était entré en contact avec les dirigeants politiques du Jungalmahal et qu’il oeuvrait à la mise en place d’une trêve avec le gouvernement. En réaction, le CPI (Maoist) a déclaré bloquer tout processus de négociation et a exigé que soit menée une enquête indépendante sur la mort de son dirigeant. Du côté des négociateurs du gouvernement, le timing de ces assassinat fut longuement dénoncé également.
La mort de Kishenji, ainsi que l’arrestation de la plupart des dirigeants régionaux du CPI (Maoist) ont entrainé un sérieux revers pour le parti dans la région. De leur côté, les autorités se targuent d’une paix revenue. Les Adivasis, quant à eux, ont gardé les acquis de la lutte populaire menée de front par la population et les maoïste, mais dans le fond, rien n’a changé, le harcèlement, la corruption, les manque d’infrastructure et d’intérêts des autorités pour un développement durable de la région sont toujours de mise. Depuis 2013, le CPI (Maoist) tente de se regrouper dans le Jangalmahal, plusieurs escouades y ont mené diverses actions ces deux dernières années.
4. L’Opération Green Hunt
A la mi-octobre 2014, les médias indiens relataient un nouveau « combat » et une « fusillade féroce » dans les zones forestières du district de Bijarpur, dans le Chhattisgarh. Trois « femmes maoïstes » auraient été abattues durant l’échange de coups de feu avec les forces de sécurité composées de centaines de policiers militarisés de la CRPF et de la police locale, quant à eux tous indemnes.
Il est toujours délicat de discerner le vrai du faux dans ce genre de reportage, mais ce nouvel ‘incident’ rappelle les horreurs des « combats » factices de villageois adivasis de Sarkeguda en 2012 et de Ekakmetta en 2013 dans le même district de Bijapur. Ces massacres aussi avaient été présentés par les forces de sécurité comme des « fusillades intenses avec les Naxalites ». Et les médias avaient alors répété ces informations. Malgré les tentatives désespérées de la police, de la CRPF et du ministère de l’Intérieur pour colmater les fuites, il fut vite évident que durant cette soirée du 28 juin 2012, plus de 600 membres de la CRPF, de la force spéciale anti-guérilla CoBRA et de la police locale avaient encerclé le hameau de Sarkeguda et avaient ouvert le feu de manière indiscriminée sur des centaines d’Adivasis des villages voisins qui s’étaient réunis pour discuter des préparatifs leur festival annuel des semences. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, P. Chidambaram avaient alors prétendu que ses hommes avaient pourchassé des « maoïstes déterminés », mais du propre aveux du ministre des Affaires Tribales, parmi la vingtaine de personnes abattues figuraient au moins dix adolescents; un enfant grièvement blessé n’avait pas quatre ans; ils n’avaient pas d’armes; et aucun n’avait de casier criminel.
Un massacre semblable a eu lieu un an plus tard dans le village de Edakmetta, dans le même district de Bijapur. Le 20 mai 2013, au milieu de la nuit, les forces de sécurité ont encerclé des villageois rassemblés pour célébrer le festival des semences et une volée de balles furent tirées à leur encontre, tuant huit villageois dont trois enfants, tous non armés.
Telle est l’histoire des brutalités et « combats » factices au cours des cinq dernières années de guerre contre le peuple menée par le gouvernement au nom de l’Opération Green Hunt. Le terme « Opération Green Hunt » fut créé par les médias indiens pour décrire l’offensive totale déclenchée contre les maoïstes en 2009 dans le Chhattisgarh. Celui-ci fut rapidement repris pour qualifier toutes les opérations menées à travers le pays contre l’insurrection maoïste.
Corps d'une maoïste abattue
Les cinq états essentiellement visés par Green Hunt sont principalement habités par des tribaux et particulièrement riches en ressources naturelles. Ces dernières années, le gouvernement indien a signé des centaines de protocoles d’accord avec de grosses sociétés indiennes telles que Tata, Birlas, Ambani, Mittal mais aussi des multinationale afin de permettre le pillage de ces ressources. Et les tribaux, habitants ancestraux des terres sous lesquelles se trouvent ces ressources, sont déterminés à défendre leur moyen d’existence, leur vie et leur dignité contre le modèle de destruction et de déplacement mis en place par le gouvernement au nom du progrès et du développement.
Dès lors, les autorités qui se sont engagées vis à vis de ces grands groupes capitalistes, sont déterminées à réprimer tout mouvement de résistance visant à empêcher la construction d’usine, l’érection de grands barrages ou l’extraction industrielle dans les collines. Et la résistance des tribaux est organisée et armée par les maoïstes Cette guerre contre le peuple a donc également été déclarée pour faciliter la vente de ressources naturelles pour des milliards de dollars.
Et les autorités se sont donné les moyens. En 2009, au moment du lancement de l’Opération Green Hunt, le gouvernement a décidé de déployer 80.000 membres des forces paramilitaires dans l’offensive contre les maoïstes. Ceux-ci étaient soutenus par 10 hélicoptères armés de l’Indian Air Force. A la mi-2012, selon certaines sources, plus de 100.000 soldats issus de la CRPF, de la Border Security Force, de l’Indo-Tibetan Border Police et des forces CoBRA étaient mobilisés dans les opérations anti-maoïstes. Le 3 janvier 2013, le gouvernement autorisait le déploiement de 10.000 hommes supplémentaires dans le Bastar, l’Odisha et certaines régions du Jharkhand. En mai 2013, près de 84.000 hommes de la CRPF avaient été positionnés dans les états touchés par la guérilla maoïste pour renforcer l’offensive. En mars 2014, le chiffre de 286.200 hommes de la CRPF et de 100.000 hommes d’autres forces paramilitaires engagés dans 10 états du pays était avancé par diverses organisations. Le 8 juin 2014, le ministre de l’Intérieur approuvait le déploiement de 10.000 paramilitaires supplémentaire rien que pour l’état du Chhattisgarh. En août 2014, 2000 hommes des Nagaland’s Indian Reserve Battalions étaient dépêchés dans le Bastar, faisant de la région la zone la plus militarisée de l’Inde. Les autorités ont déployé des drones pour les opérations anti-maoïstes dans le Bihar, le Chhattisgarh et le Jharkhand. Insatisfaites par la qualité des résultats, la Defence Research and Development Organisation a pris l’initiative de développer des drones disposant de radars de plus basse fréquence pour faciliter la traquer des guérilleros dans les jungles. L’Inde a également récemment importé douze drones en provenance d’Israël pour la surveillance aérienne des activités maoïstes dans les régions forestières et peu accessibles à la frontière entre l’Andhra Pradesh, l’Orissa et le Chhattisgarh.
Opération Green Hunt
Cinq années après le début de cette vaste offensive, les bénéficiaires restent les même. Et le gouvernement continue à soutenir ses forces de sécurité bec et ongles, malgré toutes les enquêtes et contre-enquêtes en marge de chaque « combat » meurtrier. Après le ‘combat’ factice de Sarkeguda, le ministre de l’Intérieur Chidambaram a déclaré « Le combat, pour je ne sais quelles raisons, est qualifié de combat factice. Le directeur de la CRPF a dit qu’il n’avait rien à cacher, rien à craindre. Je suis le ministre de l’Intérieur, et la CRPF est sous mes ordres. Nous avons été parfaitement sincères, francs et honnête ». Quelques mois plus tard, Rajnath Singh est allé un pas plus loin disant que durant son mandat en tant que ministre en chef de l’Uttar Pradesh, il donnait carte blanche aux policiers pour gérer les maoïstes et il leur a assuré qu’ils ne seraient pas « embêtés » par la Commission pour les Droits de l’Homme. Avec ces déclarations, il prépare ouvertement le terrain pour d’autres « combats » factices, pour d’autres massacres, pillages, viols, tortures par les forces de sécurité qui disposent du soutien total du gouvernement.
4. Quelques prisonniers célèbres
Chhatradhar Mahato, président et membre fondateur du People’s Committee Against Police Atrocities, a été arrêté le 26 septembre 2009 dans une opération menée par la police du Bengale occidental dans le village de Birkar, à proximité de Lalgarh. Cette arrestation s’est déroulée en violation des lois indiennes, l’homme ayant été interpellé par des policiers déguisés en journalistes et dépourvus de mandat d’arrêt. Chhatradhar Mahato, militant pour la défense des Adivasis, a créé le PCAPA en novembre 2008 suite à l’attaque de Salboni. A la tête de ce mouvement populaire, Mahato, qui n’est pas lui-même issu d’une population tribale, entendait lutter contre les violence de la police et des paramilitaires à l’encontre de la population principalement aborigène de la région. Dès sa création, l’organisation fut cataloguée par les autorités comme étant une organisation de front de la guérilla maoïste, entraînant une répression de ses membres et de toutes ses actions. L’arrestation de son dirigeant est utilisée par les autorités pour terroriser tous ceux qui tentent de soutenir le mouvement des peuples minoritaires dans le Lalgarh, en alléguant qu’il sympathisent avec la guérilla maoïste. Depuis 2009, Mahato a été inculpé dans 38 affaires distinctes, toutes en vertu du Unlawful Activities Prevention Act. Cette législation anti-terroriste laisse les mains totalement au gouvernement pour arrêter arbitrairement et de placer en détention des personnes sans que ne soient clairement définies les infractions qui leur sont attribuées. Depuis, il s’est vu accordé une mise en libération sous caution pour 37 d’entre elles, mais reste incarcéré pour la dernière, qui a été entamée peu après qu’il ait été acquitté dans la 37e. Celle-ci concerne le meurtre de deux policiers à Purulia. La stratégie mise en place par le gouvernement pour maintenir les prisonniers politiques en détention est assez claire, et de toute évidence illégale, non-démocratique et vindicative. Dès qu’un prisonnier se voit libéré (même sous caution) dans le cadre d’une affaire, il se voit impliqué dans une autre par les autorités. De cette manière, le gouvernement maintient continuellement ces militants en prison, généralement sous de fausses allégations. Dans le cadre de l’affaire du meurtre de Purulia, à la mi-février 2015, la défense de Mahato a annoncé qu’il devrait cette fois encore être acquitté. Finalement, le juge s’est prononcé en mai 2015, et Mahalo, ainsi que cinq autres personnes, a été condamné à la prison à perpétuité. Ses avocats ont immédiatement fait appel.
Kobad Ghandy
Kobad Ghandy est issu d’une famille aisée, son père étant le directeur financier du géant pharmaceutique Glaxo. Après avoir étudié dans les plus grands collèges de Mumbia, il est allé suivre des cours de comptabilité à Londres. C’est là qu’il se confronte pour la première fois à la politique, purgeant même une peine de deux mois de prison après s’être retrouvé dans une vague de violence en marge d’un meeting anti-racisme. De retour à Mumbai, il s’engage dans divers mouvements estudiantins populaires avant de se rapprocher des naxalites. A la fin des années 1970, il fonde le Committee for the Protection of Democratic Rights avant d’entrer dans la clandestinité au milieu des années 1980. Membre du Comité Central du CPI(Maoist) et de son Politburo, Kobad Ghandy est notamment en charge de certaines publications du parti. Il fut arrêté à Delhi le 20 septembre 2009 alors qu’il était en ville pour suivre un traitement médical. Les autorités l’accusent, entre autre, d’avoir été dépêché par le parti dans la capitale afin de mener des activités de propagande et de recrutement dans le milieu urbain. Après 14 jours de détention provisoire, durant lesquels il a été interrogé et torturé, Ghandy a été transféré à la Tihar Jail de Delhi, où il se trouve toujours détenu en 2015. Souffrant d’un cancer, ainsi que de diverses affections, il est régulièrement transféré d’un quartier à l’autre, passant du quartier à haut risque à celui réservé aux personnes âgées au gré de la volonté des autorités pénitentiaires. Depuis sa cellule, Ghandy continue sa lutte, produisant régulièrement des écrits publiés par de multiples journaux et participant à toutes les actions et autres grèves de la faim organisées par les prisonniers maoïstes. Poursuivi en vertu du Unlawful Activities Prevention Act, les autorités l’accusent d’avoir propagé et disséminé l’idéologie maoïste à Delhi et d’avoir oeuvré à la création d’un réseau urbain du parti. Son procès a début en septembre 2012 et est toujours en cours à la mi-2015, alors que la santé du prisonnier se dégrade et qu’il ne reçoit toujours que des soins sporadiques.
Binayak Sen
Binayak Sen est un cas emblématique de l’histoire militante indienne. Il s’agit d’un cas célèbre, défendu par toutes les grandes organisations humanistes bourgeoises telles qu’Amnesty, parce que visiblement sans aucun lien avec l’insurrection maoïste. Médecin, Sen s’employait à rendre accessibles les soins médicaux aux populations reculées des jungles dans le centre du pays. Vice-président du People’s Union for Civil Liberties, il dénonçait régulièrement les violences commises par les milices à la solde du gouvernement et les paramilitaires à l’encontre des populations aborigènes sous prétexte de la lutte contre les maoïstes. Son simple engagement humanitaire a suffi aux autorités pour l’arrêter le 14 mai 2007 pour violation du Chhattisgarh Special Public Security Act et du Unlawful Activities Prevention Act. Il est accusé d’avoir soutenu et encouragé la violence maoïste. En vertu de ces lois anti-terroristes permettant au gouvernement de le maintenir en détention, Binayak Sen restera enfermé durant sept mois sans inculpation. En mars 2008, il passe plusieurs semaines à l’isolement, pour sa propre sécurité, selon les autorités pénitentiaires. Le 25 mai 2009, Sen est libéré sous caution principalement pour des raisons de santé, mais probablement aussi en raison de l’intense mobilisation internationale. Depuis, il est toujours dans l’attente d’un éventuel procès. Lors de la condamnation à perpétuité de plusieurs de ses co-accusés dans le cadre d’autres affaires en 2010, le gouvernement a révoqué sa libération conditionnelle et Binayak Sen a été réincarcéré. Mais il fut une nouvelle fois libéré. La persécution d’un humaniste bourgeois aussi notoirement inoffensif que le docteur Sen en dit long sur la férocité de la politique de répression du gouvernement indien.
Malla Raji Reddy
La torture en Inde
Publiée chaque année par le Asian Center for Human Rights (ACHR), une organisation démocratique-bourgeoise de défense des Droits de l’Homme basé à New Delhi, l’étude consacrée à la torture en Inde est accablante. Du 1er avril 2001 au 31 mars 2009, 1.184 personnes sont morte alors qu’elles étaient aux mains de la police – et ceci est le chiffre officiel de la National Human Rights Commission. La plupart de ces morts ont eu lieu dans les premières 48 heures de la détention, et une majorité écrasante a succombé suite à des sévices corporels. Un nombre équivalent de personnes serait quotidiennement torturé à mort par l’armée et les paramilitaires dans les zones insurgées du pays, où des législations spéciales donnent quasiment les pleins pouvoirs aux soldats. ‘Des centaines sont tués, des dizaines obtiennent une compensation financière, mais seuls trois à quatre policiers sont condamnés chaque année‘, résume le directeur de l’ONG. A cela s’ajoute les sévices commis par les milices des grands propriétaires. La pratique de la torture au service du ‘maintien de l’ordre’ est généralisée à travers le pays.
Il s’agit d’un système institutionnalisé. Seule une poignée de policiers ont été condamnés ces dernières années. Le ministre de l’Intérieur attribue ces milliers de morts en garde à vue ‘à la maladie, à des accidents, à des tentatives d’évasion ou à des suicides‘. Les textes de lois indiens ne reconnaissent d’ailleurs pas la torture comme un crime à part entière. Les agents des forces de l’ordre sont de plus soumis à un régime juridique spécial qui leur assure une relative impunité puisque c’est au pouvoir exécutif que revient la décision de poursuivre ou non un officier en justice. Et lorsqu’une affaire est effectivement portée devant un tribunal, les délais sont aberrants: il faut entre 25 et 30 ans pour aboutir à un procès contre un policier responsable, ce qui nourri la culture de l’impunité. Tentant de renvoyer les belligérants dos-à-dos, le rapport de la ACHR rapporte également cinq cas de sévices corporels commis par les naxalites en 2008: quatre contre des indicateurs de police, un contre un déserteur de la guérilla.
Un organisme national de défense des Droits de l’Homme à été mis en place en 1993. Mais la National Human Rights Commission (NHRC) préfère dédommager les victimes plutôt que de les encourager à porter plainte. Cet organisme vise finalement à dédouaner l’état de la généralisation de la torture et à éclipser l’ampleur du problème. Le gouvernement indien n’a d’ailleurs toujours pas ratifié la convention de l’ONU contre la torture, pourtant signée en 1997.
Linga est un jeune homme d’une famille aisée de la tribu Muriya, de Sameli, village du Dantewada. Comme chaque membre de tribu sur sa terre, la police l’a sommé de choisir: servir l’Etat ou être considéré comme naxalite. Un gouvernement paranoïaque exige d’avoir chaque membre de tribu de son côté, comme informateurs, comme guide durant leurs opérations dans la jungle, comme auxiliaires de police spéciale… Ceux d’entre eux qui sont tués dans un engagement sont finalement toujours comptés comme des naxalites morts. Dans cette lutte, le même mot ne signifie pas la même chose pour tout le monde.
Dans la matinée du 31 août, Linga est enlevé de chez lui, à Sameli, par des policiers en civil, mais armés. Les policiers l’ont emmené dans le camp de la Force Centrale de Réserve de la Police sur le chemin du commissariat de Dantewada. A Dantewada, il est amené dans le bureau du commissaire Amresh Mishra. ‘Il m’a fait asseoir par terre et m’a frappé. Il m’a demandé si j’étais le fils d’un naxalite. J’ai répondu que j’étais fils de fermier, que mon père avait été membre du conseil du village. Ensuite, ils m’ont enfermé dans une pièce minuscule. Je devais chier, uriner et manger dans cette pièce… il y avait un autre garçon avec moi. Il était là depuis un mois. On nous autorisait à nous laver moins d’une fois par semaine. Ils nous torturaient constamment. Si tu ne nous aide pas, nous dirons que tu es naxalite et nous te tuerons.‘
Quand on lui demande pourquoi les policiers l’appelaient naxalite, si les naxalites venaient dans son village, s’il en avait rencontré. Il répond: ‘Les naxalites ont des armes, quand ils viennent dans ton village, tu dois les rencontrer. Mais ce n’est pas un crime de se contenter de les écouter. La police aussi a des armes, quand ils nous veulent, nous devons y aller aussi. La différence, c’est que les naxalites ne nous frappent pas, mais la police n’épargne personne.‘
Durant la détention de Linga, son frère a introduit un habeas corpus à la Haute Cour de Bilaspur. Le commissariat de police de Dantewada a reçu un avis de la Haute Cour. Cela a obligé la police à modifier sa stratégie. Linga affirme: ‘mes cheveux étaient devenus très longs… j’avais une barbe… j’étais sale… pas lavé… ils m’ont donné du savon, de l’eau, des vêtements… m’ont emmené à Bilaspur, m’ont fait errer dans tous les marchés. Les policiers me suivaient à distance. Si j’avais essayé de m’échapper, ils m’auraient abattu.‘ Un Linga bien habillé, bien nourri et rasé de près errant sur les places des marchés avec des officiers de la police spéciale, cela sèmerait le doute dans les esprits naxalites. Ils se demanderaient s’il a rejoint la police, ou s’il est devenu leur informateur. Cela pourrait provoquer de brutales représailles. Et c’est en effet exactement ce que la police souhaitait, afin de fermer toutes les portes de sortie à Linga.
Bien qu’il ai été torturé durant toute sa garde à vue, Linga a affirmé au tribunal qu’il ne l’avait pas été. Le tribunal ordonne à la police de le relâcher. Il est resté en détention illégale du 31 août au 6 octobre. On lui a demandé pourquoi il avait menti au tribunal. ‘J’avais peur pour ma vie. Je n’ai jamais su si je m’en sortirais vivant.‘ Durant sa garde à vue, Linga a donc accepté le deal de la police: il ne parlerait pas des tortures et en retour, la police n’insisterait pas pour qu’il devienne officier de la police spéciale et le laisserait partir. Il savait qu’il n’était pas en sécurité en garde à vue. Il savait qu’il n’était pas non plus en sécurité à l’extérieur. Il n’y avait aucune charge, aucune affaire, pas de preuve, pas encore… Il pense que la police de Dantewada va essayer de se venger. Mais que s’il survit, et qu’il n’obtient pas justice, il deviendra naxalite. La famille de Linga est riche et pourrait faire une démarche au tribunal de Bilaspur.
Dans le sillage de Naxalbari retrace la grande insurrection maoïste en Inde de sa naissance en 1967 jusqu’à son effroyable répression au début des années ’70. Sumanta Banerjee en détaille et contextualise les épisodes, avec un remarquable mélange de proximité et de distance. Proximité, parce que l’auteur a été directement impliqué dans les événements ; distance, parce que ce livre a été écrit puis réécrit avec le recul nécessaire. Il en résulte un ouvrage riche de sources et d’expériences directes mais aussi de documents officiels rendus accessible ultérieurement, à la fois rigoureux et empathique, qui apporte le meilleur éclairage sur cet épisode majeur de l’histoire de l’Inde. Cette parution (éditions Academia, traduction de J. Adarshini) est d’autant mieux venue que les héritiers des Naxalites d’aujourd’hui une lutte armée au coeur de l’Inde d’une telle ampleur que le Premier ministre indien a qualifié cette nouvelle insurrection comme « la plus grande des menaces » pour la sécurité nationale.
La semaine du « No border Camp », à Bruxelles a été l’occasion d’une répression policière d’une grande ampleur et d’une grande brutalité, dont le sommet a été atteint lors des arrestations préventives de masse le 29 septembre et le 1er octobre. Ce dossier fait le récapitulatif des mobilisations, des initiatives et des répressions survenues à cette occasion, ainsi que de leurs diverses suites politiques et judiciaires.
Les quatre inculpés de l’attaque du commissariat des Marolles ont été mis en liberté provisoire vendredi 22. C’est le juge d’instruction lui-même qui a levé ses mandats d’arrêt.
La cour d’appel qui s’est réuni hier pour statuer sur les détentions préventives des quatre personnes inculpées pour l’attaque du commissariat des Marolles a confirmé les mandats d’arrêt. Les quatre personnes détenues resteront donc en prison au moins un mois supplémentaire, jusqu’au prochain passage devant la chambre du conseil.
Un rassemblement anti-répression convoqué Porte de Hal à 15H00 s’est transformé en une manifestation improvisée qui a amené 500 personnes, (parmi lesquelles une délégation de notre Secours Rouge) devant la prison de Saint-Gilles. Les manifestants ont un moment bloqué la barrière de Saint-Gilles, et ont terminé place Albert après un long face à face rue Ducpétiaux avec un barrage de policiers anti-émeute épaulés par une auto-pompe. Le rassemblement place Albert s’est disloqué petit à petit sans incident.
10 octobre: Rassemblement devant la prison de Saint-Gilles
10 octobre : Une centaine de manifestants (parmi lesquels une délégation de notre Secours Rouge) se rassemblent devant la prison de Saint-Gilles pour réclamer la libération des quatre personnes toujours détenues suite à l’attaque du commissariat des Marolles. Entourés d’un sérieux contingent policier, les manifestants ont scandé des slogans en solidarité avec les détenus et contre les violences policières et la répression.
Un groupe de militants ont attaqué l’immeuble où se trouvent les bureaux de la société Stéria à Bruxelles. Le slogan ’Smash Eurodac’ a été peint sur les murs et plusieurs vitres ont été brisées. Stéria est la société qui a conçu la base de données Eurodac dans le cadre de la politique de migration répressive mise en place en Europe. Ce système permet aux états membres d’identifier les demandeurs d’asile et les personnes ’ayant illégalement franchi les frontières extérieures de l’Europe’ en comparant leurs empreintes digitales avec celles contenues dans une base de données centrale où figurent deux millions de candidats à l’immigration. Stéria a récemment vanté l’exceptionnelle efficacité de son système ’capable de traiter 500.000 comparaisons par seconde avec un taux de précision de 99,9%.
Dans un communiqué, la FGTB wallonne condamne « les dérives sécuritaires dans les manifs ». Le communiqué mentionne entre autres que : la FGTB wallonne refuse la répression dont sont de plus en plus régulièrement victimes des militants qui choisissent des modes d’action et d’expression alternatifs non violents. Nous ne cautionnons en aucun cas l’amalgame qui est fait entre ces militants et de dangereux émeutiers et ne serons jamais complices des dérives sécuritaires qui les visent. Notons que quand elles s’accompagnent d’intimidations et de violences policières, ces pratiques se rapprochent dangereusement de celles des pires régimes politiques. » La FGTB fédérale de pour sa part envoyé un courrier au bourgmestre de Bruxelles-Ville et responsable de la zone de police, Freddy Thielemans.
Rappelons cependant que le service d’ordre commun avait pour consigne d’aviser la police si elle voyait des clowns, ces personnes déguisées pour baisser la tension entre policiers et manifestants. Par conséquent la FGTB fédérale dénoncerait ce à quoi elle a contribué (pour ne pas parler de l’attitude honteuse de certains délégués se faisant les auxiliaires directs des arrestations et des violences policières).
Une dizaine de personnes vêtues d’habits sombres, portant capuchons et bonnets ont lancé lundi soir peu après 23heures des feux d’artifice en direction de la prison de Forest où sont incarcérés les quatre personnes accusées de l’attaque du commissariat des Marolles. La police de la zone Midi a interpellé deux suspects après ratissage du quartier.
Un riverain est sorti de chez lui et leur a demandé de partir. Il a dû retourner rapidement vers sa maison car l’un des individus l’aurait menacé. La police qui a ratissé le quartier avec le témoin et a arrêté deux personnes. Reconnus par le riverain, ils ont été privés de leur liberté. Les policiers auraient trouvé sur eux un papier mentionnant l’adresse et le numéro de téléphone de la prison. Âgés de 22 et 31 ans, les deux personnes arrêtées ont respectivement les nationalités suisse et autrichienne.
La chambre du conseil de Bruxelles se réunit pour décider ou non du maintien en détention des quatre personnes arrêtées dans le cadre de la semaine du ’No Border Camp’. Une cinquantaine de personnes, dont une délégation de notre Secours Rouge, s’étaient rassemblées devant le Palais de Justice en solidarité avec les inculpés.
La Chambre du conseil décide la libération de trois des quatre inculpés pour l’attaque du commissariat des Marolles et confirme la détention prétentive du quatrième (un des deux Italiens). Le parquet fait appel aux libérations (l’appel est suspensif : ils restent donc en prison), l’avocat du quatrième fait appel au maintien en détention. Tous repasseront donc dans les 15 jours en chambre d’appel.
2 octobre : Manifestation « No Border » 1200 manifestants parmi lesquels une délégation de notre Secours Rouge. Un calicot géant No Border est suspendu place de Brouckère. Un policier en civil est expulsé de la manifestation sous le slogan moqueur: « c’est pas facile d’être un flic en civil ». Ce sera le seul incident. La police avait établi un lourd dispositif pour isoler soigneusement la manifestation de la population des quartiers pauvres de Molenbeek. Plus tôt dans la journée, 50 personnes avaient déployés une banderole et tracté contre la présence de Frontex à à l’aéroport de Zaventem.
C’était vers 22 heures que le commissariat de la place du Jeu de Balle a été attaqué. Une cinquantaine personnes se seraient lancées à l’assaut du commissariat, vêtues de noir et masquées, porteurs de haches et de marteaux. Elles ont immédiatement jeté des pierres vers le commissariat et vers un policier qui quittait les lieux, et qui a reçu plusieurs pierres dans le dos et sur la tête avant de se réfugier dans le commissariat. L’agent s’est brisé l’omoplate. Un autre agent a été plus légèrement blessé. Les dégâts au commissariat sont importants : on dénombre 66 coups sur les vitres du bâtiment et des voitures ont été endommagées.
La police a interpellé 6 personnes. Parmi elles, se trouvait un mineur qui a dû être relâché sur ordre du parquet de Namur. Les 5 autres ont la trentaine. Présentés devant le parquet, quatre d’entre eux ont été placés sous mandat d’arrêt. Il s’agit d’un Suisse, d’un Espagnol et de deux Italiens. « Ce qui leur est reproché pour le moment c’est une association de malfaiteurs puisqu’il y avait une coordination du groupe pour attaquer le commissariat. Il y a également des coups et blessures à agents avec préméditation puisque le groupe est arrivé manifestement dans le but d’en découdre avec les forces de l’ordre. Il y a également des dégradations immobilières et des véhicules qui ont été mis hors d’usage », indique le Substitut du Procureur du Roi de Namur. Les personnes arrêtées risquent jusqu’à 10 ans de prison.
1er octobre: Manifestation sauvage étouffée dans l’oeuf
Le quartier de la gare du midi est quadrillé par la police. Dans les alentours de la gare il est affiché : « Par ordre de police tout rassemblement de plus de 5 personnes est interdit aux alentours de la gare du Midi de 15h aujourd’hui jusqu’à 6h du matin ». La police commence par arrêter les petits groupes, puis elle arrête toutes les personnes au look de manifestant. Entre 120 et 150 personnes sont arrêtées, parmi lesquels 10 mineurs. Des groupes de manifestants vont et viennent dans le bas de Saint-Gilles. Pendant un certain temps il y a une situation tendue à un bar de la rue Jean Volders: 30 activistes étaient à l’intérieur avec la police les attendant en dehors. La situation s’est ensuite calmée.
1er octobre: Recueil de plainte contre la police et les autorités
Un groupe d’avocats bruxellois a préparé une plainte en réaction aux arrestations préventives qui ont lors de l’euromanifestation syndicale. Selon la loi, la police ne peut procéder à ce type d’arrestations qu’en cas de troubles. Or, mercredi, les personnes arrêtées ne faisaient que se rendre au rassemblement en groupe, sans perturber l’ordre public. La plupart n’ont même pas contesté le contrôle d’identité subi. La plainte porte aussi sur « usage excessif de la violence ».
29 septembre: Arrestations de masse à la manifestation eurosyndicale
Les participants du No Border Camp et d’autres militants anti-capitalistes voulant participer à la manifestation eurosyndicale se font arrêter préventivement. Dès 11H55, les premières arrestations surviennent à la Place Sainctelette et la rue Ribaucourt. Ceux qui échappent à ces arrestation se rassemblent place Bara où ils sont bloqué par la police qui procès à de nouvelles arrestations et qui confisque des banderolles. A 13H40, il y a déjà 240 activistes arrêtés préventivement. A 14H00, environ 150 activistes ont pu rejoindre la manifestation principale. La police a bloqué le camion du bloc anticapitaliste. La police essaie à nouveau d’encercler les manifestants. A 14H25, une dizaine d’autres personnes ont été arrêtées à le station de métro Yzer, à proximité du camp « No Border »
A 14H55, Le bloc anticapitaliste est encerclé au cœur de la manifestation par les policiers anti-émeute. Le groupe est enfermé dans un « kessel » dos au mur. Le cordon de policier est lui-même entouré de manifestants. Certains responsables syndicaux appellent à la désolidarisation. De nombreux syndiqués se solidarisent pourtant. Plusieurs manifestants qui protestent contre les arrestations sont eux-mêmes violemment arrêtés. Le « kessel » glisse le long de l’avenue de la Porte de Hal jusqu’au débouché de la chaussée de Waterloo où un important dispositif policier le réceptionne. Les militants arrêtés sont alors forcés à s’asseoir en file, les mains liées derrière le dos. Ils sont plus d’une centaine. Une ambulance vient apporter les premiers soin à quelques uns d’entre eux.
Vers 16H00, la manifestation a fini de défiler devant la porte de Hal où reste la centaine de personnes arrêtées, les policiers et environ 200 personnes solidaires, des manifestants, des syndicalistes et des gens du quartier restent avec le bloc anticapitaliste à la Porte de Hal. Les bus de la police viennent peu à peu enlever les personnes arrêtées pour les enfermer aux casernes. De nombreux manifestants y subissent des mauvais traitements: coups, insultes, humiliations (notamment à caractère sexuel).
18H25: Les premiers activistes sont relâchées. Les libérations auront lieu au compte goutte toute la nuit. Quatre manifestants sont hospitalisés suite aux violences policières : deux Belges et une Allemande de 19 ans et un Allemands d’une cinquantaine d’années sérieusement blessé au cou.
La première manifestation organisée dans le cadre de la semaine du camp « No Border »(devait partir de la gare de Nossegem à 14H00 pour marcher sur le centre 127bis. Les arrivants sont accueillis à la gare par un lourd dispositif policiers. Les policiers filment les visages, procèdent à des fouilles, des contrôles d’identités systématiques et bloquent les manifestants dans les couloirs de la gare. La manifestation se met finalement en route et arrive devant le centre fermé à 15H45. 11 personnes qui voulaient bloquer l’entrée du centre sont arrêtées vers 17H20. Peu après, les policier arrête un photographe qui les prenaient en photo et le matraquent. Les manifestants rentrent sur Bruxelles « encagés » par un dispositif policier.
Georges Ibrahim Abdallah est un militant communiste libanais. Il a été arrêté à Lyon en 1984. En 1987 il a été condamné à la prison à perpétuité comme fondateur supposé des Fractions Armées Révolutionaires Libanaises. Il était légalement libérable après 14 ans de prison, et il est en prison depuis 29 ans malgré neuf demandes de libération. Récemment, un tribunal la lui avait accordée, mais ce jugement n’a pas été appliqué par les autorités jusqu’à ce qu’un tribunal rende un avis contraire, sous la pression des Etats-Unis et d’Israël, qui ont exprimé leur « sérieuse inquiétude » que Georges Abdallah retourne sur le champ de bataille.
Georges n’est qu’un exemple des nombreux révolutionnaires prisonniers, qui restent des décennies derrières les barreaux parce que leur identité révolutionnaire n’a pas été brisée et parce qu’ils continuent à se comporter comme des révolutionnaires.
Le Secours Rouge International appelle à deux journées d’action les vendredi 5 et samedi 6 juillet.
A cette occasion une douzaine de prisonniers révolutionnaires, communistes, anarchistes et antifascistes emprisonnés en Italie, en Grèce, au Maroc et en Suisse mèneront une grève de la faim de solidarité avec Georges.
Montrons notre solidarité avec Georges Ibrahim Abdallah et tous les révolutionnaires prisonniers de longue durée non repentis et luttons à leurs côtés pour leur libération !
– Paris: Samedi 6, rassemblement devant le siège du Parti Socialiste pour les 1er et 2e arrondissements à l’appel du Secours rouge arabe et du Comité Anti-impérialiste. Des affiches pour Georges sont collées sur la façades.
Collage Georges Ibrahim Abdallah siège PS Paris
– Lille: Samedi 6, un groupe de militants solidaires du nord de la France et de Belgique a accrochés six banderoles aux entrées autoroutières de Lille – et dans le centre ville.
banderoles Georges Ibrahim Abdallah Lille 6 juillet 2013
– Carvin: Stand et intervention pour Georges Abdallah du comité « Bassin Minier » au Festival de la Résistance, samedi 6.
Carvin Festival Résistance Georges Ibrahim Abdallah
– Feuchy (Pas-de-Calais): La banderole « Libérez Abdallah ! » est déployée sur le fronton de l’usine Fraisnor occupée par les travailleurs en lutte contre la liquidation de leur entreprise depuis fin mai.
Fraisnor Georges Abdallah
– Bordeaux: Un rassemblement a eu lieu le samedi 5.
Tunis: Collages d’affiches jeudi 4 par le Comité tunisien pour la libération de Georges Ibrahim Aballah. Un rassemblement s’est tenu ce vendredi 5 juillet devant l’ambassade de France à Tunis, à l’occasion de la visite de François Hollande. Voir l’article du quotidien libanais Al Safir sur cette mobilisation
affiche Georges Abdallah Tunis
Ambassade France à Tunis Manifestation Georges Ibrahim Abdallah
Montréal: Rassemblement vendredi 5 à l’appel du Secours Rouge Canada, devant le consulat de France.
Georges Ibrahim Abdallah Montréal
Rassemblement devant le consulat de France à Montréal
Berne: vendredi 5 au soir, un rassemblement a eu lieu à Berne, devant l’ambassade de France, à l’appel du Secours Rouge de Suisse.
Rassemblement Georges Ibrahim Abdallah Berne
Winterthur: Des affiches ont été collées.
winterthur georges ibrahim abdallah
Bâle: Une banderole a été accrochée devant le siège de la banque française BNP-Paribas
BNP Paribas, Bale, Georges Ibrahim Abdallah
Hambourg: Rassemblement à Altona et meeting à l’Internationales Zentrum organisés le samedi 6 par la section hambourgeoise du Netzwerk Freiheit für alle politische Gefangenen.
Rassemblement Georges Abdallah Hambourg
Stuttgart: Rassemblement sur la Schillerplatz et un meeting à Arabischen Kulturclub organisés le samedi 6 par la section locale du Netzwerk Freiheit für alle politische Gefangenen. En outre, des collages ont eu lieu dans la ville de Stuttgart.
Georges Ibrahim Abdallah Stuttgart
Affiche Stuttgart Georges Ibrahim Abdallah
Magdeburg: Les inculpés de « Zuzamen Kampfen » ont mené une grève de la faim de solidarité.
A l'Infoladen de Magdeburg où a eu lieu la grève de la faim de solidarité
Rome: Rassemblement devant l’ambassade de France (une trentaine de personnes) et une soirée de soldiarité avec projection d’un film sur les prisonniers politiques arabes (une cinquantaine de participants).
Bruxelles: Un rassemblement a eu lieu vendredi 5 à l’initiative du Secours Rouge de Belgique en face de la résidence de l’ambassadeur de France.
Georges Ibrahim Abdallah manifestation Bruxelles
Rassemblement Bruxelles Georges Abdallah
Zürich: Des banderoles ont été accrochées et des affiches ont été collées en différents endroits de la ville le samedi 5. Le dimanche 6, une banderole a été accrochée sur le consulat de France.
Georges Ibrahim Abdallah Zürich
Banderoles Georges Ibrahim Abdallah Zurich
consulat France Zurich Georges ibrahim Abdallah
4. Mobilisation dans les prisons
Andrea
En Suisse, Andrea « Andi » Stauffacher (membre de la Révolutionarer Aufbau et du Secrétariat du Secours rouge international) et Marco Camenisch (prisonnier vert-anarchiste de longue durée) sont en grève de la faim. Cette grève est leur contribution aux journées internationales d’action pour Georges Ibrahim Abdallah. Mercredi 3, le service compétent de l’Office cantonal de correction a posé à Andi un ultimatum : soit elle cesse la grève de la faim dans les 24 heures, soit elle est transférée dans une prison de haute sécurité. Cet ultimatum est une réponse à l’initiative collective des prisonniers politiques pour participer à la campagne pour Georges. C’est le même département qui maintient Marco en prison alors qu’il est libérable depuis longtemps, parce qu’il maintient son identité anarchiste, il ne doit pas sortir. Andi a refusé de céder à l’ultimatum, et elle a été transférée.
Dix prisonniers politiques marxistes-léninistes-maoïstes, membre de l’Union Nationale des Etudiants du Maroc/Groupe Aziz ELBOUR et de la Voie démocratique basiste, sont entré vendredi 5 juillet en grève de la faim en solidarité avec Georges Ibrahim Abdallah dans le cadre des journées internationales d’actions. Ces prisonniers ont été condamnés fin avril à des peines de deux à trois ans de prisons suite à des manifestations à l »université de Marrakech et sont détenus à la prison locale de Boulmherez de Marrakech. Il s’agit de Ibrahim ENNAJMI, Hamid ELBAGHDADI, Abdelhak ETTALHAWI, Aziz ELBOUR, Hicham ELMASKINI, Hamid ZADOU, Mohamed ELWAKASSI, Mohamed ELMOADEN, Boujmâa JAMOU, Mohamed AHRIK.
En Allemagne aussi une émission radio a traité des journées d’action pour Georges et plus particulièrement de la grève de solidarité des prisonniers politiques.
Le leader de l’Indonésie indépendante est Sukarno, dont le nationalisme unitaire, vantant la tolérance religieuse, a un caractère anti-impérialiste. Dans un État constitué de six grandes religions, 300 dialectes, 17.000 îles et 100 millions d’habitants, Sukarno se posait comme l’arbitre entre les forces sociales et politiques antagonistes. Sa politique du front national consiste en une direction par le Parti national indonésien d’un mouvement unitaire avec d’un côté les groupements religieux conservateurs, de l’autre les communistes.
sukarno.jpg
Le Parti communiste indonésien, le PKI, voulait constituer un « front populaire national » en vue de fonder une nation indépendante de l’impérialisme, démocratique et sociale qui constituerait une étape vers le socialisme. Ce qui était pour Sukarno un but était pour le PKI une étape. Le PKI avait obtenu 16% des voix aux élections de 1955 mais il ne cessa de progresser et, en 1965, le PKI comptait 3,5 millions d’adhérents. Ses organisations de masse rassemblaient plus de 20 millions de sympathisants, soit un cinquième de la population indonésienne en 1965. C’était le troisième parti communiste du monde.
pki.jpg
Puissant chez les travailleurs du pétrole, du caoutchouc ainsi que chez les petits paysans de Java et Sumatra, le PKI visait une réforme agraire pour les paysans (ce qui lui valait l’hostilité des propriétaires fonciers dirigeants les communautés musulmanes) et la nationalisation des ressources nationales. Après la victoire de Mao en Chine et le développement de la lutte de libération au Vietnam, la montée du communisme indonésien inquiétait l’impérialisme américain, craignant tant une radicalisation anti-impérialiste de Sukarno qu’une révolution communiste. Dans un premier temps, les Etats-unis vont apporter un soutien à tous les opposants de Sukarno en finançant le Parti socialiste (PSI), très anti-communiste, et le parti islamiste Masyumi. En 1958, une rébellion armée à Sumatra, riche en pétrole, sans base populaire, appuyé par les États-Unis et par les partis socialiste et islamiste est défait en quelques mois par l’armée indonésienne. Les Etats-Unis changent de stratégie et se tournent vers les militaires indonésiens en encourageant la faction anti-Sukarno et pro-impérialiste, conduite par le général Suharto, lui-même formé par les Etats-unis, face à la faction dominante « centriste », dirigé par Yani.
suharto-a-gauche.jpg
Les Etats-Unis contribuent à former les officiers indonésiens à la guerre « contre-insurrectionnelle » qui, eux-mêmes formeront les embryons de milices qui seront au cœur de la terreur de 1965. Car l’essentiel des massacres reviendra aux milices des partis religieux Nahdaltul Ulama (avec sa branche de jeunesse ANSOR) et Muhammadiyah, deux organisations islamistes de masse, ancrés dans les communautés rurales, appelant à un djihad anti-communiste. Les sympathisants communistes étaient souvent eux-mêmes musulmans. L’antagonisme de 1965 s’est structuré entre santri, musulmans fondamentalistes, proches des propriétaires terriens, colonne vertébrale des milices ; et abangan, forme religieuse syncrétique de l’islam, tolérante, ancrée dans les masses rurales sympathisantes du PKI.
Le prétexte au massacre survient le 30 septembre 1965 : un coup de force d’officiers qui proclame un gouvernement révolutionnaire après avoir exécuté six membres de la faction « centriste » de l’armée, dont le général Yani. Le général Suharto prend le contrôle de Djakarta, au nom du maintien du régime de Sukarno. En attribuant le putsch aux communistes, il déclenche le massacre. Ce sera à peu près le même schéma partout : encouragements venant des militaires, intervention et soutien logistique là où le PKI est puissant . L’intervention des para commandos, proches de Suharto, permettra le massacre sans risque des communistes. Venant de Jakarta “pacifié”, ils inaugurent le 19 octobre à Semarang un scénario qui se répétera le 21 à Magelang, le 22 à Solo, le 23 à Wonosobo : démonstration de force puis, sous leur protection, déclenchement de la chasse aux communistes par les milices ; on tue, on brûle sièges d’organisations comme demeures particulières; les survivants, qui fuient vers les campagnes, y sont pourchassés par les milices locales. C’est ainsi que, vers la mi-novembre, le secrétaire-général du PKI, Aidit, est capturé près de Solo, puis “confessé” et sommairement exécuté.
Le massacre s’étend à Java-Est : c’est dans cette province, la plus peuplée d’Indonésie, que les morts vont être les plus nombreux; c’est là qu’on décrit des rivières rouges de sang, et ces corps échoués que, chaque matin, le riverain rejette dans le courant. Puis la frénésie d’assassinats se porte sur Bali. La phase la plus aiguë dure un bon mois; à Java, à partir de la mi-novembre; dans certaines zones, jusqu’au tiers des hommes adultes ont semble-t-il été tué.
Entre 500.000 et trois millions de communistes, de sympathisants communistes, de personnes suspectées de l’être, ou d’appartenir à des groupes sociaux jugés favorables aux communistes (athées, descendants de l’immigration chinoise ou indienne, etc.) sont assassinés par balle, baïonnette ou décapitation. Un autre million de communistes et de sympathisants furent emprisonnées ou astreintes à des travaux forcés dans les plantations, les mines et les chantiers de construction, cependant que leurs femmes furent violées puis contraintes par milliers à la prostitution, ce que reconnaît le rapport de 2012 de la Commission indonésienne des droits de l’Homme.
Pour les USA, le succès de la liquidation du mouvement révolutionnaire en Indonésienne fut une source d’inspiration pour l’opération Phoenix au Viet-Nam et les coups d’Etat latino-américains, et au mois d’octobre 1965 la presse occidentale jubile: « The West’s best new for years in Asia » », la meilleure nouvelle d’Asie pour le camp occidental depuis des années selon le Times Magasine.
Après le massacre, Suharto évince Sukarno et se fait élire président de la République en 1967. Dans ses 32 années de règne, les répressions sanglantes furent sa marque de fabrique, comme à Timor oriental et en Papouasie occidentale (300.000 morts). Suharto, comme Pinochet au Chili, fut prompt à mettre en place les recettes néo-libérales : austérité budgétaire, suppression des aides sociales (remplacées par la charité islamique), privatisations et fiscalité attractive pour les entreprises. Malgré la manne pétrolière et trois décennies de croissance économique, l’Indonésie compte encore 120 millions de pauvres, la moitié de la population vivant avec moins de 2 $ par jour, selon les chiffres de la Banque mondiale, 200 millions vivant avec moins de 4 $ par jour.
En 1982, un film hollywoodien, L’année de tous les dangers, prit les événements de 1965 comme toile de fonds. En 2012, un remarquable documentaire, The Act of Killing, met en scène les anciens génocidaires, comblés d »honneurs par le régime, et n’hésitant pas à se vanter de leurs crimes:
Pour retrouver tous nos articles sur les différents procès contre Bahar Kimyongür et le DHKP-C, ainsi que sur les campagnes de solidarité menées par le Secours Rouge en Belgique et à l’étranger, consultez notre dossier d’archives.