Des mouvements de révoltes de prisonniers ont, à nouveau éclaté, dans le cadre de la crise du Coronavirus en France, Colombie, Uruguay et Argentine. En France, une mutinerie à la prison de Rennes-Vezin a ainsi éclaté, dimanche 22 mars lors 72 prisonniers se sont révoltés. Les Équipes régionales d’intervention et de sécurité (Eris) sont intervenues pour réprimer le mouvement. Le même jour, une autre mutinerie a éclaté à la prison d’Uzerche, en Corrèze lorsque près de 200 prisonniers sont parvenus dimanche à prendre le contrôle d’un des bâtiments. Une quarantaine d’entre eux sont parvenus à monter sur les toits, dont ils ont été rapidement délogés. Le Eris sont également intervenues pour réprimer la révolte. Près de 250 cellules ont été rendues inutilisables.

En Colombie, 250 prisonniers de la prison Modelo de Cúcuta se sont révoltés, mardi 24 mars, et se sont affrontés avec les gardiens au cours d’une émeute. La révolte s’est déclenchée lorsque des proches des prisonniers ont tenté d’entrer pour laisser des articles d’hygiène personnelle, afin de fournir à leurs proches ce dont ils avaient besoin pour prendre soin d’eux-mêmes dans le contexte d’une urgence sanitaire. Les prisonniers étaient munis d’armes de fortune. Les gardiens ont tiré à balles réelles sur des prisonniers courant sur les toits. En Uruguay, les prisonniers de l’unité pénitentiaire 4 de la ville d’Entre Ríos de Concepción del Uruguay ont brûlé des matelas et ont déclenché, mardi, une émeute pour exiger de meilleures conditions sanitaires et protester contre l’annulation des visites familiales. Les prisonniers demandaient également une assignation à résidence pour les « prisonniers à risque » de contracter le coronavirus. Des coups de feu ont été entendus. Par ailleurs, les gardiens ont réprimé l’émeute à l’aide de balles en caoutchouc.

En Argentine, les prisonniers des prisons de quatre prisons de Santa-Fe et de Batán se sont révoltés lundi 23 mars. Ces deux mouvements de révoltes ont lancé lorsqu’un prisonnier a diffuser une vidéo dans laquelle il listait une série de plaintes telles que le non-respect de certaines mesures d’hygiène par les gardiens et le surpeuplement des prisons. À la prison de Coronda, 300 prisonniers de trois quartiers se sont révoltés. Les gardiens ont tirés sur les prisonniers avec des balles en caoutchouc. Un prisonnier est mort et cinq autres ont été blessés. À la prison de Las Flores, les prisonniers sont montés sur les toits pour jeter des objets sur les policiers venus en nombre réprimer le mouvement. Des coups de feu ont été entendus. À la prison de Florencio Varela, les prisonniers du pavillon 2 ont déclenché une émeute qui s’est terminée lorsque les plus hautes autorités pénitentiaires sont intervenues pour négocier. À la prison de Batán, les prisonniers du pavillon B ont détruit une partie des installations et jeté des objets sur les gardiens. Les unités spécialisées dans la répressions des émeutes de prisonniers sont intervenue pour réprimer le mouvement. Plusieurs prisonniers ont été blessés.

Révoltes dans quatre prisons en Argentine

Révoltes dans quatre prisons en Argentine

Plusieurs prisonniers politiques iraniens ont entamé une grève de la faim pour protester contre leur détention pendant l’épidémie de coronavirus qui a durement touché l’Iran. La grève de la faim fait suite aux revendications des familles des prisonniers politiques pour que le pouvoir judiciaire libère temporairement les prisonniers pour limiter la propagation de COVID-19. Au cours des deux dernières semaines, Téhéran a annoncé un plan de libération provisoire de plus de 50.000 prisonniers, puis de 85.000 (voir notre article). Or non seulement il reste de nombreux prisonniers politiques en Iran, mais ceux-ci suggèrent que des mesures ont été prises pour rendre certains types de détenus particulièrement vulnérables. Les prisons en Iran sont connues pour leur mauvaise hygiène, leur nourriture de mauvaise qualité, leur accès limité à l’eau et leur manque de ventilation. Dans l’ensemble, ces conditions contribuent fortement à la propagation de la maladie et aggravent également les conditions de santé préexistantes chez les détenus. Les détenus malades, quant à eux, sont systématiquement soumis au refus d’accès aux soins médicaux. Ceci est largement reconnu comme une tactique délibérée pour exercer une pression supplémentaire sur les prisonniers, en particulier les prisonniers politiques. Il n’est pas rare que cette tactique entraîne une invalidité permanente ou même la mort. Dans une récente lettre ouverte, plusieurs d’entre eux ont expliqué qu’ils avaient vu des codétenus tomber malades et mourir. D’autres auraient été transportés à l’hôpital et n’auraient jamais été revus.

Une prison en Iran

 

Dans la semaine du 9 mars, 40 personnes ont été arrêtées dans plusieurs villes du Nord-Kurdistan, dans le cadre d’une enquête lancée par le parquet d’Urfa. A ce jour, 52 personnes, dont 12 prisonniers, sont poursuivies dans le cadre de cette procédure engagée en 2018. Elles sont accusées d’avoir établi un lien entre les coordinations intérieures et extérieures du “Comité des prisons du PKK/KCK”. Sur la liste des 40 arrêté·es figure l’avocate Sevda Çelik Özbingöl, l’écrivain kurde Halil Çay et Ilyas Yeşilçay qui ont été envoyés en détention provisoire mercredi, alors que les 17 autres personnes arrêtées étaient libérées sous contrôle judiciaire. Les autres personnes placées en garde à vue, dont Berivan Kutlu, co-maire HDP de Cizre, ont été déférées devant le tribunal jeudi. Mme Kutlu qui avait été démise de son mandat de Maire en octobre dernier et remplacée par un administrateur d’Etat, a été libérée sous contrôle judiciaire, de même que 5 autres personnes.

Par ailleurs, le gouvernement turc a prit le contrôle, lundi, des municipalités kurdes de Batman, Silvan, Lice et Ergani, et désigné des administrateurs pour remplacer les co-maires destitué·es. Les co-maires de Silvan, Naşide Toprak, et d’Ergani, Ahmet Kaya, ont été placés en garde à vue, tandis que les deux autres maires sont en liberté. La police a encerclé les municipalités dont les accès ont complètement été interdits au public. Des actions de protestation ont été menées devant les mairies.

Les municipalités kurdes de Batman, Silvan, Lice et Ergani saisies par le gouverment turc

Lundi 23 mars, le ministère de justice a annoncé qu’il prendrait des ordonnances pour libérer 5000 prisonniers en fin de peine en raison du Coronavirus. La garde des Sceaux avait aussi indiqué avoir donné des instructions pour qu’on ne mette pas à exécution les courtes peines d’emprisonnement. Les prisons françaises avaient, comme ailleurs dans le monde, connus d’importants mouvements de révoltes des prisonniers inquiets pour leur santé et mécontents des mesures prises dans le cadre du confinement (voir notre article).

La mutnerie à la prison d'Uzerche

Le 20 mars, Erlan Baltabay, dirigeant du Syndicat indépendant des travailleurs du pétrole et de l’énergie au Kazakhstan, a été libéré de prison. Condamné à 7 ans de prison en juillet 2019 pour des raisons politiques, Erlan Baltabay avait été relâché en août de la même année, sa peine ayant été remplacée par une amende qu’il avait refusé de payer et fait appel à sa condamnation. En octobre 2019, il a été condamné à une nouvelle peine de prison de cinq mois et huit jours pour avoir refusé de payer l’amende (voir notre article). Il a purgé sa nouvelle peine de prison dans son intégralité, mais est toujours interdit de toute activité publique, y compris les activités syndicales, pour les sept prochaines années.

Erlan Baltabay

Pola Roupa a fait parvenir un communiqué sur les circonstances de son transfert disciplinaire (voir notre article)

Vendredi 20 mars, peu de temps après la fermeture de la prison, de membres des forces police spéciales de la police ont fait irruption dans mon quartier pour me faire sortir de Korydallos. Un ordre avait été donné par le ministère pour mon transfert afin de stopper  la mobilisation dans la prison pour femmes de Korydallos, pour soulager les prisons où l’on avait commencé le même jour à garder les portes des cellules ouvertes à midi. C’est la première fois qu’un tel ordre est donné pour briser une mobilisation et cela montre l’extrême autoritarisme du gouvernement, sa perception des détenus et comment il entend faire face à la menace d’un coronavirus mortel. Ils ont emmené avec moi un prisonnier de 65 ans, détenu pour des problèmes financiers, handicapé à 67% qui attendait sa libération. Son transfert était une décision de vengeance du service pénitentiaire. Dans les prisons d’Eleonas-Thebes, nous sommes maintenus en quarantaine à cause du coronavirus, nous y resterons plusieurs jours.
Avec nos textes et notre mobilisation, les détenues des prisons pour femmes de Korydallos ont voulu lancer une mise en garde pour éviter une propagation dévastatrice et meurtrière du virus dans les prisons du pays. Leur décongestion généralisée est la seule solution pour sauver des vies. Cependant, le gouvernement trouve moins important de prendre soin de la vie des détenus que sauver son prestige et de ne pas saper la discipline dans les prisons du pays. Son inquiétude «sincère» à l’égard de la vie des habitants de ce pays se manifeste également par son refus de prendre sous tutelle des hôpitaux privés, montrant ainsi qu’elle ne veut pas entrer en conflit avec le grand capital au milieu de la crise sociale et humanitaire plus large qui se poursuit. Le pays ne cesse de décimer les médecins et infirmières dans les hôpitaux publics infectés par le coronavirus, et qui sont contraints de se battre sans fonds, sans personnel, sans fournitures. Les prisonniers et les prisonniers de tout le pays sont à la merci d’une indifférence criminelle. Mon transfert brutal dès le début de la mobilisation confirme que la stratégie de l’ordre public prime sur la sécurité sociale et la vie humaine elle-même.
Pola Roupa, membre de Lutte révolutionnaire

Pour écrire à la camarade:
Πόλα Ρούπα (Pola Roupa)
Eleonas Women’s Prison
Thebes
T.K. 32200
Greece

Nikos sdet Pola à leur procès, avec une délégation solidaire du SR

Édit 23 mars 2020 : La mutinerie de la prison de La Modelo à Bogota a fait 23 morts et 83 blessés. Les familles des prisonniers se sont rassemblées, malgré le confinement, afin de tenter de recueillir des informations face au long silence des autorités.

En plus des révoltes qui ont éclaté dans les prisons d’Europe (voir notre article), on recense des mouvements similaires en Amérique latine, Afrique, au Moyen-Orient et en Inde. En voici un compte-rendu non-exhaustif. En Colombie, des mutineries ont éclaté samedi soir dans les prisons de Bogota et Ibagué. Les quelques 123 000 prisonnières et les prisonniers mécontent·es des mesures prises dans le cadre du Coronavirus se ont participé à des émeutes, des incendies, et se sont affronté avec les quelques 14 000 gardiens. Des coups de feu ont été entendus. Les prisonnières et les prisonniers demandent du matériel pour se protéger de la pandémie et le rétablissement des visites de leurs proches. Au Mexique, des prisonniers d’Atlacholoaya  se sont révoltés. Certains en ont profiter pour tenter de s’évader. La police ouvert le feu, tuant trois évadés et blessant dix autres. Mais d’autres prisonniers seraient toujours en fuite.

En Ouganda, une émeute a éclaté dans la prison du district d’Arua. Les affrontements se sont déclenchés après qu’un prisonnier qui avait tenté de gravir le périmètre de la prison pour s’échapper ait été abattu. L’émeute a été réprimée par les force de sécurité qui ont tué au moins six prisonniers et en ont blessé 23 autres. Par ailleurs, 23 prisonniers se sont échappés. Au Bengale de l’Ouest (Inde), une mutinerie a éclaté, samedi 21 mars, à la prison de Kolkata (dans l’ouest du pays). Les prisonniers ont incendié une partie de la prison. Des affrontements ont eut lieu avec les gardien et la police. Une unité spéciale de la police est intervenue pour réprimer la révolte faisant 4 morts et au moins blessés parmi les prisonniers. Les prisonniers demandaient le rétablissement des visites de leur proche ainsi que leur audience devant les tribunaux.

En Iran, une mutinerie a éclaté, vendredi 20 mars, dans la prison centrale d’Aligoudarz. Les prisonniers qui risquaient d’être exposés au coronavirus, se sont mutinés et ont désarmé des gardiens et ont tenté de s’évader. Les affrontements entre prisonniers et gardiens se sont étendus à l’extérieur et ont duré plusieurs heures. Des unités des pasdaran sont entrées en scène pour réprimer la mutinerie. Plusieurs prisonniers ont réussi à s’échapper. D’autres ont été tués ou blessés quand les forces de sécurité ont ouvert le feu. Le jour d’avant, le 19 mars 2020, environ 250 prisonniers de la prison de Parsilon à Khorramabad s’étaient mutinés et, après avoir désarmé les gardiens, avaient réussi à s’échapper. Les gardiens et les forces de sécurité avaient également ouvert le feu sur les évadés en tuant un certain nombre.

Des prisonniers ougandais blessé lors de la révolte

Pola Roupa a été transférée dans la prison de femmes parce qu’elle a mené à la prison de Korydallos une mobilisation contre le surpeuplement des prisons et l’adoption de mesures contre l’épidémie dans les prisons. Il y a une possibilité que Niko Maziotis soit transféré à la prison de haute-sécurité de Domokos, sa prison d’attache. Nikos était arrivé à Korydallos en 2015 pour les nombreuses audiences des procès contre « Lutte révolutionnaire », audiences qui se sont succédées pendant 5 ans. Sa détention à Korydallos va prendre fin puisque le 4e procès contre LR se termine. Le verdict de ce procès (concernant les attaques de banque qui ont été attribuées à LR) sera rendu le 28 avril 2020, si il n’est pas reportée pour cause d’épidémie. Le verdict prononcé, Nikos sera probablement transféré à Domokos. Nikos pourraient revenir à Korydallos en 2021, pour la cour d’appel du 5e procès contre LR (concernant la tentative d’évasion par hélicoptère tentée par Pola Roupa en 2015 et deux attaques de banques). Après la verdict d’avril, les 155 ans de condamnations accumulées par Nikos seront fusionnées en 20 ans selon le nouveau code pénal.

Nikos sdet Pola à leur procès, avec une délégation solidaire du SR

Ces derniers jours, plusieurs mouvements de révoltes des prisonniers ont éclaté dans différentes prisons de France d’Italie et de Belgique dans le cadre de la crise liée au Coronavirus. Voici un compte-rendu non-exhaustif des événements.

En Italie, depuis l’annonce, le 7 mars, de la suspension des visites de proches, des troubles majeurs ont éclatés dans 49 prison du pays sur un total de 189. En date du 11 mars, on comptait : 6 000 prisonnier révoltés, 600 lits détruits, ainsi que des dégâts matériels estimés à 35 millions d’euros. Dimanche 8 mars, des mutineries ont éclaté dans quatre prisons du pays. Au moins six prisonniers y sont morts. À Modène, la révolte, particulièrement intense, a fait au moins un mort parmi les détenus alors que 20 gardiens ont été blessés et que le reste du personnel a du être évacué. Les prisonniers sont parvenus à se barricader et à s’emparer d’armes. Dans la prison de Frosinone (sud de Rome), une centaine de prisonniers se sont barricadés dans une section de l’établissement, et la police est intervenue pour réprimer la mutinerie. Les prisonniers ont dressé une liste de revendications, dont la possibilité de visites de leurs proches, et tentent de négocier avec la direction. À la prison Torre del Gallo à Pavie, les prisonniers sont parvenus à prendre deux agents de la police pénitentiaire en otage, et à libérer des dizaines de leurs camarades. Par ailleurs, les familles sont venues soutenir dans la rue la fronde des prisonniers dans plusieurs prisons du pays. Enfin, à la prison de Poggia, dans les Pouilles, plusieurs prisonniers étaient parvenus à s’échapper avant d’être rattrapé par la police.

Des révoltes similaires ont également eut lieu cette semaine en France. Dans les région Alpes-Maritimes, une mutinerie a éclaté à la prison de Grasse, après une révolte de prisonniers inquiets face au coronavirus. Un groupe de six à sept hommes sont notamment montés sur le toit d’un des bâtiments de la prison et ont jeté des projectiles sur les gardiens. Le Raid est intervenu pour réprimer la mutinerie. La lendemain, on dénombrait une dizaine de mouvements de révolte dans tout le pays, principalement des refus par les prisonniers de réintégrer leur cellule après la promenade. Une mutinerie a cependant éclaté au centre de détention de Val-de-Reuil. Les corps d’intervention d’élite de l’administration pénitentiaire (Eris) étaient débordés par le nombre d’incidents et n’ont pas pu intervenir en même temps pour réprimer tous les mouvements.  Jeudi 19 mars, une autre mutinerie a également éclaté à la prison d’Argentan (Orne) avant d’être réprimée par les Eris. Une quinzaine de prisonniers révoltés sont montés sur le toit de la prison et refusaient d’en descendre.

En Belgique, une mouvement de révolte a éclaté à la prison de Saint-Gilles (Bruxelles) lorsqu’une vingtaine de prisonniers sont montés sur le toit pour protester contre la réduction de leur temps de préau.

Révolte de prisonniers en Italie dans le cadre de la crise du Coronavirus

Révolte de prisonniers en Italie dans le cadre de la crise du Coronavirus

Esmail Abdi, président du syndicat des enseignants en Iran, condamné en 2016 à six ans de prison pour « organisation et participation à des rassemblements illégaux », découlant de ses activités syndicales. Après une grève de la faim en 2017 (voir notre article), il avait été libéré provisoirement début 2018, mais renvoyé à la prison d’Evin le 20 janvier 2018. Il a été libéré provisoirement le mardi 17 mars.

Esmail Abdi