Le 7 mars dernier, dans le cadre des multiples actions (qui se poursuivent depuis) des métallos de Florange pour obtenir le redémarrage des hauts fourneaux de leur usine, la justice française avait promulgué une ordonnance autorisant le recours à la force publique pour faire lever les piquets de grève de l’aciérie. Les syndicalistes, via leur avocat, avaient introduit un recours en référé devant le tribunal de grand instance de Thionville afin d’obtenir l’annulation de ce texte. Hier, le tribunal a refusé d’annuler cette ordonnance qui empêche ‘toute entrave au fonctionnement du site, à l’exercice du travail, à la circulation des biens et des marchandises, à la liberté du commerce et de l’industrie’ et autorise donc l’usage de la force publique pour la faire respecter. L’avocat des syndicats envisage actuellement d’interjeter appel.

La police du Québec utilise depuis deux mois systématiquement un article (l’article 500.1) du Code de la Sécurité Routière du Québec pour réprimer les manifestants. Pas moins de 682 contraventions (totalisant 309.742 dollars canadiens) ont été dressées entre le 15 mars 2011 et le 19 avril 2012. Plus précisément:
– Le 15 mars 2011 : 239 contraventions de 488$ aux participantEs à la manifestation du Collectif Opposé à la Brutalité Policière (COBP) à Montréal (116.632 $).
– Le 20 mars 2012 : 80 contraventions de 494$ suite au blocage du Pont Champlain par des étudiantEs (39.520 $)
– Le 27 mars 2012 : 60 contraventions de 494$ suite au blocage d’une autoroute à Sherbrooke (29.640 $) dans le cadre du mouvement étudiant
– Le 28 mars 2012 : 14 contraventions au coût minimum de 444$ suite à une manif étudiante à Québec (6.216 $)
– Le 18 avril 2012 : 160 contraventions de 484$ suite à une manif à l’UQO à Gatineau (77.400 $)
– Le 19 avril 2012 : 49 contraventions de 494$ suite à cour cours donné hors du CÉGEP de Limoilou (24.206$) dans le cadre du mouvement étudiant
– 27 avril 2012 : 80 contraventions de 494$ suite à une manif de la CLASSEE à Québec (39.520$) et une personne qui a reçu le 500.1 à Montréal.
– Le 13 avril Sherbrooke : 15 contraventions en vertu du CSR? De 100$ pour les mineurs et 140$ pour les adultes…

Quelques heures avant la défaite de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle, le ministère de l’Intérieur a créé par décret un énorme fichier commun à la police et la gendarmerie. Un fichage qui devrait concerner près la moitié de la population française et qui porte sur les antécédents judiciaires. Objectif : « fournir aux enquêteurs de la police et de la gendarmerie ainsi que de la douane judiciaire une aide à l’enquête, afin de faciliter la constatation des infractions, le rassemblement des preuves et la recherche de leur auteur », selon le décret paru au Journal officiel le dimanche 6 mai.

Prévu dans le cadre de la Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2), il doit ainsi mutualiser les fichiers STIC de la police nationale et JUDEX de la gendarmerie d’ici le 31 décembre 2013. Le fichier compilera toutes les infractions, de la contravention pour excès de vitesse à l’infraction contre les personnes ou l’atteinte à la « paix publique ». Les données seront conservées pendant cinq ans pour les contraventions, et jusqu’à 40 ans pour les délits les plus importants. À noter que, pour la première fois, le fichier recensera des données biométriques (des photographies) permettant la reconnaissance faciale.

Le gouvernement fédéral canadien appuiera le projet de loi privé C-309 visant à interdire le port d’un masque durant une manifestation. Les dispositions de la Loi sur la dissimulation d’identité institueraient deux nouvelles infractions au Code criminel, soit prendre part à une émeute en portant un masque ou en se déguisant pour dissimuler son identité et participer à un attroupement illégal en portant un masque ou en se déguisant pour dissimuler son identité. La peine maximale par mise en accusation pour cette infraction serait de cinq ans et de six mois d’emprisonnement ou d’une amende maximale de 5000 $ par déclaration sommaire de culpabilité.

Depuis 2007, le gouvernement tente de faire passer une proposition de super banque de données à destination du fisc. Hier, la Commission de la vie privée l’a acceptée et un projet de loi va rapidement être mis sur la table. Ce fichier rassemblera toutes les données des différentes administrations du fisc (des douanes aux droits de succession) ainsi que des informations en provenance d’autres services publics. Un profil détaillé de chaque particulier et de chaque entreprise sera ainsi accessible à tous les agents du fisc.

Cela fait maintenant plusieurs années que les données des voyageurs européens sont transmises aux autorités américaines en vertu d’un accord provisoire. Ce jeudi, le parlement européen a validé cet accord entre Bruxelles et Washington qui autorise durablement le transfert des données PNR des 48 millions de passagers qui voyagent chaque année entre les deux continents, et ce au nom de la lutte contre le terrorisme. Ces données PNR, pour Passenger Name Record, sont fournies par les passagers eux-mêmes aux compagnies aériennes. Il s’agit notamment de leur nom, de leurs coordonnées, des dates et itinéraire de leur voyage, du numéro de leur carte de crédit, des informations sur leurs bagages, du menu commandé dans l’avion,… Le nouveau texte ne prévoit que quelques garanties minimes en terme de protection de la vie privée. Les données ne seront utiliser que pour lutter contre le terrorisme et les crimes graves (à la libre évaluation des Etats-Unis en ce qui concerne les termes), ne pourront être conservées que pendant dix ans pour les crimes graves et quinze ans pour le terrorisme, devront être rendues anonymes au bout de six mois (noms accessibles sous certaines conditions) et transférées au bout de cinq ans dans des banques de données ‘dormantes’ (accessibles après contrôles stricts).

Le gouvernement espagnol a décidé de durcir la loi de Procédure Criminelle et la Loi Organique de Protection de la Sécurité des citoyens, en alléguant la nécessité de lutter contre ce qu’il appelle « une spirale de violence » pratiquée par ce qu’il a qualifié de « collectifs anti-système » qui pratiquent des « techniques de guerre urbaine ».

Parmi les mesures annoncées ces derniers jours, le durcissement des sanctions contre la violence de la rue par l’application de la législation anti-terroriste conçue pour traiter les cas de kale borroka au Pays Basque, et le rapport direct établi avec les affrontements survenus à Barcelone au cours de la grève du 29-M. Une autre proposition est de qualifier la résistance passive ou fortement active de « délit d’attentat contre l’autorité ». Ceci est une référence claire aux mobilisations estudiantines de Valence et au Mouvement des indignés. La réforme proposée prévoit que sera considéré comme « délit d’appartenance à une organisation criminelle » le fait de diffuser via Internet et les réseaux sociaux les appels à des rassemblements « protestataires susceptibles d’altérer gravement l’ordre public », ce qui concerne tous ceux qui n’auraient pas été notifiés et qui s’accompagneraient du refus de vider les lieux malgré l’avertissement de la police.

Seront incluses aussi « toutes les formes d’agression » attaque violente à l’encontre d’un policier, les menaces et comportements synonymes d’intimidation ou le jet de projectiles dangereux. Une autre mesure permettra de considérer comme circonstance aggravante le fait de perpétrer ces actions violentes dans des manifestations ou des rassemblements. Sera considéré comme délit contrevenant à l’ordre public le fait de pénétrer dans des établissements publics ou d’entraver l’accès à ces derniers. En conséquence, la quantité des dégâts comptabilisée sera étendue non seulement à ceux commis dans ces établissements mais aussi à ceux engendrés par l’interruption du service public.

Marc Trévidic est juge d’instruction au pôle antiterroriste à Paris, président de l’Association française des magistrats instructeurs. Auditionné au Sénat par la Commission pour le contrôle de l’application des lois, il ne s’est pas montré favorable au projet de loi pénalisant la consultation habituelle de sites « pro-terroristes »: « Les gens qu’on arrête, dans la plupart de nos dossiers, c’est grâce à Internet. C’est parce qu’ils vont sur Internet, et qu’on les surveille sur Internet, et qu’ils communiquent entre eux, qu’on voit ce qu’ils préparent. Si jamais on les empêche d’aller sur Internet, on risque d’avoir du mal à les détecter. Ca peut paraître contradictoire mais je ne connais pas un dossier depuis 2007 à peu près où on n’a pas arrêté les gens grâce à leur imprudence sur Internet.
Attention : des gens qui ne sont plus sur Internet mais qui ont une volonté de se radicaliser vont peut-être se radicaliser autrement, et on va encore moins les repérer. Je parle de technique, de ressenti des dossiers : combien de fois c’est parce qu’il y a des policiers qui surveillent Internet qu’on voit qu’il y a des gens qui préparent quelque chose… Ce sera peut-être utile pour limiter une forme de propagande : le fait de subir un prosélytisme sur Internet est mauvais, ça crée des vocations, d’un autre côté, c’est par le biais de ces sites-là qu’ils prennent contact entre eux, qu’ils fixent des rendez-vous, qu’il y a des recrutements, des contacts, et c’est comme ça qu’on sait ce qu’ils veulent faire, donc je suis assez partagé. »

Si Marc Trévidic estime que l’anti-terrorisme manque d’effectifs, il ne se plaint pas du manque de pouvoirs: « Je suis aussi obligé de dire qu’on ne peut pas vraiment avoir beaucoup plus de pouvoirs qu’on en a : on peut à peu près tout faire en terme de pouvoirs d’investigation. Un juge d’instruction antiterroriste peut sonoriser un appartement, une voiture, faire des écoutes téléphoniques, renouvelées tous les 4 mois, il peut très bien écouter des gens pendant 3 ans si ça lui chante, il fait des perquisitions où il veut quand il veut, peut mettre quelqu’un pendant 4 jours en garde à vue, voire 6 dans certaines conditions particulières… La loi LOPPSI 2 nous permet d’envoyer des espions dans les ordinateurs pour suivre en direct tout ce qu’il s’y passe… ce sont vraiment des pouvoirs d’investigation qui sont maximum. Je ne vois pas ce que l’on pourrait donner d’autres comme pouvoirs que nous n’ayons déjà. « 

France: « Les gens qu’on arrête, c’est grâce à Internet »

Le conseil des ministres a examiné le projet de loi qui sortira le délit de « provocation aux actes de terrorisme et d’apologie de ces actes » comme un délit « de la loi de 1881 sur la liberté de la presse pour le faire entrer dans le code pénal ». Ce projet crée également un nouveau délit puisque toute personne « qui consultera de manière habituelle, et sans motif légitime, des sites internet qui provoquent au terrorisme ou en font l’apologie et qui comportent à cette fin des images d’actes de terrorisme portant atteinte à la vie », sera désormais punie.

Le projet de loi prévoit par ailleurs que « toute personne française ou résidant habituellement sur le territoire français, qui se rend à l’étranger pour y suivre des travaux d’endoctrinement à des idéologies conduisant au terrorisme, en participant notamment à des camps d’entraînement, puisse être poursuivie et condamnée pénalement dès son retour en France ». Enfin, il transpose en droit national une « décision cadre » européenne qui stipule que « le chantage peut constituer un acte de terrorisme lorsqu’il est en relation avec une entreprise terroriste », une nouvelle infraction réprimant « celui qui essaie, par des promesses ou des pressions, de recruter une personne dans un réseau terroriste, même si la personne ne donne pas suite à cette proposition ».

La porte-parole du gouvernement a indiqué que ce projet serait déposé rapidement devant le Parlement, dont les travaux sont actuellement suspendus pour cause de campagne présidentielle.

Les sociétés de télécommunications seraient forcées de décrypter des messages pour des agences gouvernementales si le gouvernement fédéral canadien légifère en suivant les recommandations d’un rapport officiel. Le rapport sur la « situation du crime organisé » déplore que si les télécommunications peuvent être aisément interceptées, les prestataires de services ne fournissent pas toujours les informations sous une forme lisible aux agences d’application de la loi (en raison du cryptage employé automatiquement par certains systèmes). Le comité soutient que la législation fédérale pourrait exiger que les informations soient fournies sous une norme directement lisible.