Depuis le 30 juin 2009, le rédacteur en chef du quotidien turc ‘Milliyet’ Hasan Cakalkurt et un de ses journalistes Namik Durukan sont en procès pour avoir publié un article dans lequel ils donnaient la parole à Duran Kalkan, un des leaders du PKK. Celui-ci y affirmait entre autre que le PKK ne déposerait pas les armes, même s’il y avait une amnistie générale. Les eux journalistes ont immédiatement été accusés pour ‘avoir fait la propagande d’une organisation terroriste’. Mercredi, le procureur a requis 7,5 années d’emprisonnement pour chacun d’eux, déclarant qu’ils avaient été passivement impliqués dans un crime. Finalement, la Cour a déclaré hier qu’aucun élément criminel de propagande pour une organisation terroriste n’avait été trouvé dans l’article, et a acquitté les deux journalistes après plus d’un an de procédure.

L’Opération de « Retour à la vie », l’assaut des dortoirs où s’étaient barricadés les prisonniers politiques en grève de la faim, avait fait 28 morts dans 20 prisons, et près de 1000 blessés en décembre 2000. Le premier procès de ce massacre a commencé mardi à Istanbul: il concerne 39 anciens conscrits accusés d’avoir tué 12 détenus. Les accusés servaient dans une force paramilitaire qui a transféré des prisonniers politiques de la prison Bayrampasa d’Istanbul à de nouveaux établissements pénitentiaires à cellules d’isolement (les prison de Type F). Vingt-six accusés étaient présents mardi à la première audience. Ils sont également accusés de tentative de meurtre sur 29 autres détenus par le biais d’un recours excessif à la force. Les proches des prisonniers assassinés ont manifesté près du tribunal (photo).

Manifestation devant le palais de justice d’Istanbul

Manifestation devant le palais de justice d'Istanbul

Ces trois dernières années, les tribunaux se sont servis de la jurisprudence et de lois antiterroristes rédigées à la hâte et introduites au Code pénal turc en 2005 pour poursuivre en justice les manifestants. Les tribunaux ont décidé que le simple fait d’être présent à une manifestation soutenue par le PKK équivalait à obéir aux ordres du PKK.

Faisant suite aux critiques visant les poursuites engagées à l’encontre d’enfants ayant participé aux manifestations kurdes sur la base d’accusations de terrorisme, le Parlement a amendé ces lois en juillet afin de casser ces condamnations et de mettre un terme aux procès d’enfants devant les tribunaux spécialisés dans les affaires de terrorisme. Toutefois les autres aspects de ces lois demeurent inchangés. Ainsi l’article 220/6 du code pénal turc, qui condamne les crimes commis au nom du PKK et est utilisé pour poursuivre les manifestants en conjonction avec l’article 314/2, qui condamne la participation armée à cette organisation, demeure applicable.

Parmi les cas cités dans le rapport figurent, notamment, les cas suivants: Un étudiant, Murat Isikirik, purge une peine de six ans et trois mois pour avoir fait le signe de la victoire lors de la procession funéraire de quatre membres du PKK à Diyarbakir en mars 2006 et pour avoir applaudi lors d’une manifestation organisée sur le campus de Dicle, à Diyarbakir, en mars 2007. Mère de six enfants, Vesile Tadik a été condamnée à sept ans de prison pour avoir tenu une banderole portant le slogan « La paix ne peut se faire qu’avec Öcalan », lors d’une manifestation organisée à Kurtalan, Siirt, en décembre 2009. Pour avoir crié « Longue vie au président Öcalan » lors d’une manifestation organisée le même jour à Eruh, Siirt, Medeni Aydin a également été condamné à sept ans de prison. Lors de la même manifestation, Selahattin Erden a été aussi sévèrement puni pour avoir tenu une banderole portant un slogan pro-PKK. Lui aussi est actuellement en prison. Fatma Gökhan, Tufan Yildirim et Feyzi Aslan ont été condamnés à des peines allant de 10 ans et cinq mois à 11 ans et 3 mois pour avoir scandé des slogans, fait le signe de la victoire et jeté des pierres lors de la manifestation du 26 mars 2008 à Diyarbakir. Leurs condamnations pour « crimes commis au nom du PKK », répréhensibles au nom de leur « participation à une organisation armée », ont été confirmées et ils purgeront une peine d’au moins sept ans de prison, un autre procès ayant par ailleurs été initié sur la base de nouvelles accusations portées contre eux suite à l’amendement, en juillet 2010, de la loi sur les manifestations et les rassemblements publics.

Les poursuites judiciaires visant des manifestants font partie de mesures de répression plus vastes prises à l’encontre des partis politiques pro-kurdes légaux. Parmi les prévenus se trouvent plusieurs anciens maires et maires en activité, un célèbre défenseur des droits humains, ainsi que des avocats. Six des maires en activité et un défenseur des droits humains arrêtés en décembre dernier sont toujours en détention. Depuis avril 2009, 53 autres personnes, dont certaines sont avocats, sont détenues. À travers toute la Turquie, environ 1.700 membres de partis sont en détention dans l’attente d’un procès reposant sur des accusations similaires.

Un rassemblement contre les poursuites contre les kurdes aura lieu demain 20 novembre, de 13h a 15 h, à la gare du midi.

Le Comité des libertés a organisé un rassemblement ce lundi 15 novembre de 14h à 16h sur la place du Luxembourg à Bruxelles pour attirer l’attention sur le sort des militants politiques turcs en Allemagne poursuivis en vertu de l’article 129b du Code pénal allemand qui étend le champ d’application de la loi antiterroriste allemande (art. 129) aux « organisations étrangères ». Une petite délégation composée de parents de prisonniers politiques turcs incarcérés en Allemagne était présente, ainsi qu’une délégation de notre Secours Rouge.

Rassemblement à Bruxelles contre le §129b

Affiche SRI-RHI Europe/Turquie/Kurdistan version web

Rassemblement à Bruxelles contre le §129b
Affiche SRI-RHI Europe/Turquie/Kurdistan version web

Le 30 octobre, seize militants présumés du DHKP-C ont été interpellés au cours de perquisitions menées par la police antiterroriste turque dans une association de quartier et dans plusieurs domiciles. Elle leur reproche d’avoir participé l’an dernier aux manifestations contre le FMI et la Banque Mondiale. Douze d’entre elles ont été incarcérées pour appartenance au DHKP-C. Le 3 novembre, 18 étudiants de la Fédération de la jeunesse ont été raflés par la police à Istanbul et à Kocaeli pour leur appartenance au DHKP-C. Plusieurs ordinateurs, des CD-Roms, des DVD, des affiches et des pancartes auraient été saisis. Deux jours plus tard, une grande manifestation estudiantine a eu lieu. Les étudiants dénonçaient le Haut-Conseil à l’Education, institution créée en 1981 et mettant sous tutelle de l’armée les écoles supérieures et les universités, et exigeaient son abrogation ainsi que la gratuité de l’enseignement. A la fin du rassemblement, la police anti-émeute est intervenue violemment pour disperser la foule. Onze membres de la Fédération de la jeunesse ont été battus devant les caméras de télévision et les badauds avant d’être embarqués. L’un d’entre eux, grièvement blessé, a du être emmené aux soins intensifs. En moins d’une semaine, ce sont donc plus de 40 militants associatifs qui ont été arbitrairement arrêtés dans le cadre d’opérations visant le DHKP-C.

Le groupe armé kurde ‘Les faucons de la liberté du Kurdistan’ (TAK) ont revendiqué ce jeudi la responsabilité de l’explosion-suicide de dimanche dernier à Istanbul. Lundi, le PKK avait nié toute implication dans l’action, ce dont les autorités n’avaient pas tenu compte. Par ailleurs, le porte-parole des TAK a également ajouté que tant que des actions violentes viseraient la population kurde, les TAK poursuivraient la lutte par ce types d’actions visant les autorités et les forces de l’ordre.

Explosion-suicide à Istanbul

Explosion-suicide à Istanbul

Dimanche soir, une violente explosion visant des policiers anti-émeute a eu lieu dans le centre d’Istanbul, faisant 32 blessés. Cette date correspondant à la date de la fin du cessez-le-feu annoncé par le PKK, celui-ci a directement été accusé par les autorités d’en être responsable. Dans un communiqué paru ce lundi, la direction du Parti a affirmé n’avoir aucune implication dans cette attaque. Il y est ajouté que la trêve décrétée le 13 août dernier est prolongée jusqu’au mois de juin 2011.

Le 6 juillet 2001, Ismail Karaman (photo), militant recherché du mouvement marxiste anatolien DHKP-C âgé de 24 ans, est abattu en plein jour dans le quartier stambouliote d’Avcilar par les policiers de la section antiterroriste de la Sûreté. Le lendemain, la Direction de la Sûreté affirma dans un communiqué qu’Ismail Karaman était membre d’une unité combattante du DHKP-C et qu’il avait été tué au cours d’une confrontation armée. Les policiers personnellement impliqués dans l’assassinat d’Ismail Karaman prétendirent qu’il avait tiré cinq coups de feu dans leur direction, ce que dément le rapport de l’Institut médicolégal démontrant que les balles qui traversèrent le corps d’Ismail avaient été tirées dans son dos et à courte distance. Par ailleurs, peu avant, de nombreux militants arrêtés avaient entendu les policiers dire qu’Ismail Karaman serait exécuté pour venger la mort de trois des leurs.

Le 25 octobre dernier, la 5e Cour d’assises de Bakirköy a acquitté les deux policiers inculpés d’homicide, concluant qu’ils avaient « agi dans les limites légales de l’autodéfense ». Les demandes d’enquête introduites par la partie civile ont été systématiquement rejetées par la Cour. A la sortie du tribunal, l’avocat de la famille Karaman et président de la section stambouliote de l’Association des juristes progressistes, a déclaré : « Ce verdict a une nouvelle fois fait tomber le masque démocratique du gouvernement AKP. (…) Il s’agit d’un crime de plus dont les auteurs ont pu bénéficier des largesses et de la bienveillance de Dame justice.»

Ismail Karaman

Ismail Karaman

Le procès de 151 personnes accusées d’entretenir des relations avec le PKK a commencé hier à Diyarbakir. Parmi la quantité de suspects, 103 sont maintenus en détention depuis leur arrestation il y a plus d’un an et demi. Une douzaine de maires élus, membres du BDP (Parti de la Paix et de la Démocratie) se trouvent sur le banc des accusés dans un tribunal qui a du être agrandi vu leur nombre. Les charges retenues sont l’adhésion à un groupe armé illégal, la diffusion de sa propagande, la perturbation de l’intégrité territoriale de la Turquie et la tenue de meetings publics illégaux. L’accusation réclame des peines allant de quinze ans de prison à la perpétuité. La police de Diyarbakir a pris des mesures sécuritaires exceptionnelles pour encadrer le procès, déployant plus de 2.000 officiers. Hier déjà, des centaines de manifestants s’étaient rassemblés à l’extérieur du tribunal. A l’entame des débats, les accusés ont unanimement demandé que leurs avocats respectifs puissent s’exprimer en kurde, estiment que c’est un droit naturel que de pouvoir se défendre dans sa langue maternelle. L’audience a d’emblée été ajournée pour examiner la question.

Vendredi dernier, la police avait procédé à l’interpellation de 25 membres du Parti de la Paix et de la Démocratie (BDP, pro-kurde) les accusant de ‘lancer des cocktails Molotovs et de favoriser de telles actions’ et de ‘recruter du personnel pour une organisation terroriste’, à savoir le PKK. Huit d’entre eux, dont le dirigeant d’une section provinciale, ont été arrêtés et emprisonnés ce jeudi. Les 17 autres ont été libérés, mais 12 sont dans l’attente d’un jugement.