Eyüp Bas avait été hospitalisé à la fin du mois de septembre, suite à de violentes douleurs abdominales, à l’hôpital universitaire de Capa. Ses médecins lui ont alors diagnostiqué une jaunisse. Suite à des complications, le 6 novembre dernier, Eyüp Bas a été plongé dans un coma artificiel. Le soir du 9 novembre, son coeur s’est arrêté. Il n’avait que 41 ans.
Eyüp Bas est l’illustration de cette génération sacrifiée qui connut la prison dans les années 90 et l’assaut meurtrier du 19 décembre 2000. En dix années de captivité, Eyüp Bas subit de nombreuses tortures et garda des séquelles de ses multiples grèves de la faim (dont une de 69 jours qui coûta la vie à 12 autres détenus). Au moment de sa mort, il y avait dans son corps, près d’une vingtaine de grenailles de plomb tirées par les militaires lors de l’assaut du 19 décembre.
Muharrem Kursun, ex-gréviste de la faim mutilé et membre du Parti Ouvrier Communiste de Turquie (TKIP), témoigne: ‘Finalement, le 19 décembre, nous nous sommes réfugiés dans les sanitaires du dortoir qui avait été le moins touché par les bombes irritantes. Mais malgré tout, l’air y était irrespirable. Eyüp portait un tissu en main. Il le posa et le pressa sur ma bouche. Pendant ce temps, il respirait du gaz toxique. C’est là un des plus beaux exemples de camaraderie. Il était si brave qu’il pouvait sacrifier sa vie pour protéger un compagnon. Son audace lui venait de sa foi inébranlable en la révolution.‘
Eyüp Bas, ce cafetier devenu héros révolutionnaire était une figure emblématique de la gauche turque. Dès sa sortie de prison en 2004 et en tant que porte-parole du Front populaire (Halk Cephesi), il avait contribué au rassemblement de la gauche si souvent critiquée pour sa division. Eyüp était également présent dans de nombreux rendez-vous militants internationaux comme les Forums sociaux européens (FSE) ainsi que les rassemblements anti-impérialistes de Beyrouth et du Caire. L’ensemble des partis et des associations progressistes de Turquie et une partie du monde syndical ont rendu hommage émouvant à Eyüp Bas. Quelques heures après son décès, il a été inhumé, selon sa volonté, dans le quartier rebelle de Gazi, à côté du dirigeant révolutionnaire Dursun Karatas.