La signification de l’abandon de la grenade GLI-F4 par le ministère de l’intérieur français (voir notre article) se révèle être très faible. D’abord parce que sa remplaçante reste un engin pouvant mutiler, même si elle explose sous l’effet d’un dispositif pyrotechnique plutôt qu’un explosif au sens strict (ce qui implique une onde de choc moindre). Dans son mémoire de défense devant le Conseil d’Etat en mai dernier, le ministère de l’intérieur écrivait : «Le choix de la grenade GM2L, dont la puissance (et donc la dangerosité pour quiconque voudrait ramasser un tel projectile) est quasiment similaire à celle de la GLI-F4, malgré l’absence d’explosif». Cependant, la GM2L produirait moins d’éclats vulnérants, du fait de l’emploi de plastique polyéthylène élastomère.

Mais outre cet aspect technique, l’annonce du retrait de la GLI-F4 pourrait simplement correspondre à l’épuisement des stocks! En effet, la GLI-F4 n’est plus produite depuis 2014, et le ministère de l’Intérieur annonçait il y a déjà un an et demi qu’elle serait utilisée jusqu’à l’épuisement des stocks. Interrogé par Libération sur la quantité de GLI-F4 restantes dans les armureries de la police et de la gendarmerie, le cabinet du ministère de l’Intérieur n’a pas répondu…

Fiche technique de la GM2L

 

Mercredi 22 janvier, deux militant·es syndicaux de  CGT-Energie employés à Enedis (ex-ERDF) en Dordogne ont été placés en garde à vue dans le cadre d’une enquête sur une coupure d’électricité. Ils auraient coupé le courant le 10 janvier dans l’entreprise Neuvic Interspray (qui conditionne des cosmétiques, aérosols, laques), pour protester contre la réforme des retraites. Cette entreprise étant classée Seveso (chargée du stockage de produits dangereux), les militant·es syndicaux sont accusés de «mise en danger de la vie d’autrui». L’enquête faisait suite à deux plaintes déposées par cette entreprise et par Enedis. Une soixantaine de personnes, syndicalistes CGT principalement mais FO aussi, étaient rassemblées en mi-journée mercredi devant la gendarmerie de Neuvic (où les militants sont emprisonnés) en soutien de leurs deux collègues. Plus tôt dans la matinée une nouvelle coupure avait été effectuée dans la même entreprise en solidarité avec les deux prisonniers.

Deux militants syndicaux en garde à vue pour voir coupé l'électricité dans une entreprise

Deux militants syndicaux en garde à vue pour voir coupé l’électricité dans une entreprise

Lundi 13, à l’occasion de la venue du président Macron dans le cadre du G5 Sahel, le local de organisation indépendantiste et socialiste d’Occitanie LIBERTAT, la « Tor deu Borrèu », a été attaqué par la police et six militant-e-s ont arrêté-e-s. A 16H, toutes les entrées de la ville de Pau étaient verrouillées par la Gendarmerie pour laisser passer le convoi présidentiel. Pendant ce temps, à la Tor deu Borrèu, des militant-e-s avaient accroché une banderole et diffusaient de la musique engagée via haut-parleur tout en scandant des slogans politiques. Cinq policiers en civil ont d’abord cherché à entrer dans le local, bientôt rejoints par une cinquantaine d’autres – en uniforme comme en civil. Les policiers forcent la porte, se jettent sur les militants et les arrêtent très brutalement. Une dizaine d’agents se saisissent de la sono et arrachent la banderole accrochée à la fenêtre du local. Une fois au commissariat, les policiers peinent à expliquer le motif des interpellations. Un coup c’était pour tapage diurne, puis un autre pour outrage, ensuite rébellion… Finalement, le chef d’accusation est « outrage sur personne dépositaire de l’autorité publique en réunion ». La garde-à-vue aura duré de 17H15 à 21H.

La Tor deu Borrèu le jour de l'attaque

 

Du 9 au 20 décembre 2019, le tribunal de Narbonne jugeait 31 Gilets Jaunes pour le saccage incendiaire d’un péage à Narbonne la nuit du 1er au 2 décembre 2018 (voir notre article). À cette occasion les locaux de la gendarmerie et ceux de la société Vinci avaient été incendiés et pillés par une foule de 200 personnes. Le jugement a été rendu le 7 janvier. Sur les 31 personnes qui ont comparu devant le tribunal, 21 ont été condamnées à une peine de prison ferme et trois d’entre elles ont fait l’objet d’une demande d’incarcération immédiate, deux autres ont été maintenues en prison (soit deux mandats de dépôt, deux maintiens en détention et un mandat d’arrêt). Kevin, 29 ans, a écopé de la peine la plus lourde, c’est-à-dire cinq ans de prison car il aurait ayant été le conducteur de l’engin qui a servi à projeter un véhicule en feu sur la barrière de péage, ce qu’il nie. Les avocats des autres 48 parties civiles, en majorité des gendarmes qui avaient évacué les locaux face à la foule, avaient demandé des réparations solidaires de quelque 700 000 euros. Les jugements sur les dommages et intérêts ont été renvoyés au 12 mai.

Les bâtiments incendiés

Lundi 16 décembre 2019, le gouvernement français a publié un arrêté instaurant un nouveau Service National des Données de Voyage (SNDV) rattaché à la police nationale. Ce service souhaite notamment collecter les données relatives aux réservations, enregistrements et embarquements des personnes qui effectuent des déplacements en avion, train, bus ou bateau pour le compte des ministres de la Défense, de l’Intérieur et du Budget (douanes), avec l’appui de celui des Transports. L’idée est de permettre à la police de centraliser toutes ces informations avec la possibilité pour d’autres administrations comme la Gendarmerie ou les douanes de les consulter. Ce service n’accèdera pas directement aux bases de données des transporteurs mais ces derniers pourront être interrogés, afin de retracer si besoin les trajets d’une personne donnée. Pour le moment, le SNDV a pour mission d’étudier les conditions techniques, juridiques et économiques de collecte et d’exploitation de ces données. Le gouvernement devra ensuite légiférer pour mettre en place et autoriser les dispositifs qui en découleront.

Notons que les autorités policières ont déjà accès aux données des passagers aériens via le système API-PNR. Ce système contient deux types d’informations sur les passagers aériens : les données API (Advanced passenger informations ou renseignements préalables sur les voyageurs) liées à l’enregistrement des passagers provenant du passeport ou d’un autre document de voyage et des informations générales concernant le vol ; et les données PNR (Passenger Name Record ou dossier passager) liées à la réservation et contenues dans les dossiers créés par les compagnies aériennes pour chaque vol. Elles permettent d’identifier chaque passager et d’avoir accès à tous les renseignements concernant son voyage : vols d’aller et de retour, correspondances éventuelles, moyens de paiement utilisés, services particuliers souhaités à bord, etc.

Le système API-PNR

Le système API-PNR

 

Pendant près de 12 jours, du 9 au 20 décembre, le tribunal de Narbonne a jugé 31 gilets jaunes pour le saccage incendiaire du péage-sud de la ville la nuit du 1er au 2 décembre 2018. A cette occasion les locaux de la gendarmerie et ceux de la société Vinci avaient été incendiés et pillés par une foule de 200 personnes (11 millions d’euros de dégâts). Le parquet a évoqué des « scènes de chaos, de guérilla et d’apocalypse », demandant 27 peines de prison ferme, dont plusieurs aménageables, 11 mandats de dépôt et 2 maintiens en détention de deux des prévenus qui comparaissent incarcérés. La plus lourde des peines requises l’a été à l’encontre de Kevin, 29 ans : il encourt six ans de prison, dont un avec sursis, assorti d’un mandat de dépôt à l’audience. Le Parquet le considère en effet comme le conducteur de l’engin qui a servi à projeter un véhicule en flammes contre la barrière de péage, ce que contestent le prévenu et son conseil. Le jugement a été mis en délibéré et sera rendu le 7 janvier prochain.

Les bâtiments incendiés

Dossier(s): France - Autres sujets Tags:

Nous vous parlions le 17 décembre du procès contre le gilet jaune Roland Veuillet pour “acte d’intimidation”, “participation à un attroupement après sommation de se disperser”, “entrave à la circulation des véhicules”, “rébellion”, “dénonciation calomnieuse” et “outrage” ; le tout pour une période allant de décembre 2018 à décembre 2019 (voir notre article). Roland a affronté politiquement la justice, tournant le dos au tribunal jusqu’à son expulsion de l’audience. Sa demande de remise en liberté a été acceptée ce 26 décembre. Il est placé sous contrôle judiciaire en attendant son procès le 9 janvier. Il doit pointer trois fois par semaine à la gendarmerie de Nîmes (dont le samedi) et il est interdit de manifestation et de port d’arme.

Rassemblement de soutien

Vendredi 13 décembre, le ministre de l’intérieur français, Christophe Castaner, a présenté la cellule Demeter de la gendarmerie nationale, chargée de lutter contre les intrusions dans les exploitations agricoles. Le ministre a également annoncé que l’antispécisme serait un des axes prioritaires du renseignement et que la coordination judiciaire au niveau national serait renforcée dans ce domaine afin d’établir des liens entre des faits non-reliés en apparence, pour ensuite constituer des « associations de malfaiteurs ».

Logo antispéciste

Logo antispéciste

Depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, la répression contre le mouvement social n’a cessé de s’intensifier. Dés lors l’armement des forces de police et de gendarmerie également. En décembre dernier, le gouvernement avait déjà commandé 450 « super flash-ball » et 1280 LBD 40. Six mois plus tard, en juin, c’est 40.000 grenades de désencerclement et 25 millions de … cartouches de fusil d’assaut qui sont commandées. Aujourd’hui, ce sont 1450 exemplaires de LBD que le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, vient de commander. Et ce alors que ces véritables armes à mutiler ont blessé plusieurs centaines de Gilets jaunes, et éborgné plus d’une vingtaine d’entre eux.

Un premier marché, d’une valeur de 727 450 euros, a été attribué au groupe Rivolier pour la fourniture de 180 lanceurs à six coups et leur équipement. Le second marché a été remporté par Alsetex, qui devra fournir 1 280 lanceurs de balles de défense mono-coup, apprend-on sur BFMTV, pour 1,638 million d’euros. L’usine sarthoise produira aussi 270 lanceurs à quatre coups et 180 lanceurs à six coups. Alsetex est l’usine qui avait fourni la commande de 40 000 grenades de désencerclement en juin. Si Alsetex se définit comme le « leader des produits pour la gestion démocratique des foules  », les armes qu’elle produit sont utilisées pour étouffer, dans le sang, différents processus politiques. En 2013, une étude a révélé que cette dernière avait fourni des grenades lacrymogènes pour réprimer la révolte au Bahreïn, qui auraient fait 43 morts. L’entreprise est également connue pour produire les grenades OF F1, le modèle qui a tué Rémi Fraisse, et les GLI-F4 qui ont amputé plusieurs personnes ces derniers mois.

LBD

 

 

Hier matin, dès l’aube, les forces de l’ordre ont procédé à l’évacuation et à la destruction de la ZAD de Saint-Victor. Dès 5h15, 15 camions, deux blindés et des motos de gardes mobiles étaient aperçus traversant Saint-Rome-de-Tarn en direction de l’Amassada via Tiergue, alors que 10 voitures de la gendarmeries arrivaient de Saint-Affrique. Selon l’Amassada, les occupants et soutiens étaient environ 200 pour attendre les forces de l’ordre. Des barricades enflammées ont été érigées tandis que les forces de l’ordre lancaient des grenades lacrymogènes en direction des zadistes. Cela a duré toute la matinée. A 11h30, l’expulsion était terminée et la destruction (dans le jargon de la com’ policière, la « déconstruction »…) des bâtiments commençait. Une interpellation a eu lieu tôt matin (la personne est en garde à vue à Millau), une autre à 12h25 (garde à vue confirmée à Villefranche-de-Rouergue). La ZAD de Saint-Victor a été mise en place pour protester contre la construction d’un transformateur à haute tension destiné à interconnecter des parcs éoliens de la région. En 2015, l’Amassada (ambassade en occitan) était construite sur la zone afin de l’occuper de manière permanente.

L'expulsion de la ZAD de Saint-Victor

 

Dossier(s): France - Autres sujets Tags: