Plusieurs manifestants auraient été tués et blessés après que la police de l’État ait ouvert le feu mercredi 21 mars dans plusieurs villes iraniennes. Les manifestations dans les villes de Dezful et Andimeshk, distantes de 10 km dans la province du Khuzestan, ont suivi l’installation d’un panneau affichant des images de mandataires du régime tués en Syrie et décrites comme des « protecteurs du sanctuaire ».

Les vidéos postées sur les médias sociaux semblent montrer des affrontements entre la population et la police de l’État et des membres des forces paramilitaires Basij des gardes de la révolution (IRGC), quelques heures seulement avant le début du nouvel an du calendrier iranien. Selon des informations locales, les forces de sécurité ont ouvert le feu sur des manifestants tuant deux personnes. Lors des affrontements de mercredi, les habitants d’Andimeshk ont attaqué le siège du Croissant-Rouge, où les forces de l’Etat s’étaient rassemblées, mettant le feu à l’installation. Les manifestants ont également incendié un certain nombre de véhicules de l’État et de motos de la police.

Andimeshk mercredi

Andimeshk mercredi

En Turquie, le ministre de l’Intérieur a annoncé hier lundi 18 mars le début d’une offensive militaire contre le PKK, une opération menée conjointement avec l’armée iranienne. La Turquie et l’Iran formalisent ainsi leur collaboration contre le PKK alors que les deux pays sont en total désaccord sur d’autres dossiers, notamment sur la Syrie. C’est la première fois qu’une telle opération est officiellement évoquée… et elle vient d’être démentie par un communiqué de l’agence iranienne INRA.

Les premières opérations de cette (éventuelle) offensive conjointe pourraient avoir lieu dans les montagnes du nord de l’Irak. L’annonce de l’offensive survient alors que les autorités irakiennes annoncent le décès de deux militaires dans un accrochages avec des combattants du PKK que ces militaires voulaient bloquer à un check-point de l’armée dans la province de Ninive. C’est la première fois qu’un affrontement armé de cette ampleur a lieu dans la région.

F-16 turcs

F-16 turcs

Arrêtée le 13 juin 2018, l’avocate iranienne Nasrin Sotoudeh est incarcérée depuis dans la prison Evin de Téhéran. L’avocate est connue pour sa militance et pour avoir défendu plusieurs femmes arrêtées entre décembre 2017 et janvier 2018 pour avoir enlevé leur foulard en public afin de protester contre le port du voile obligatoire.

Le 11 mars, elle a été condamnée à 5 ans de prison pour espionnage lors d’un procès auquel elle n’a pas assisté. Selon son mari, l’avocate a également été condamnée le 30 décembre 2018 lors d’un précédent procès tenu en son absence. Le jugement portait sur sept chefs d’accusation. Elle sera au final condamnée à 33 ans de prison, seule la peine la plus longue s’appliquant, en l’occurrence celle pour « incitation à la débauche ». À cela, s’ajoute une condamnation à 148 coups de fouet pour s’être présentée au tribunal par le passé sans le voile islamique obligatoire pour les femmes dans l’espace public.

Nasrin Sotoudeh avait été condamné en 2010 à 6 ans de prison et libérée à la moitié de sa peine. Elle a depuis été arrêtée et inquiétée à plusieurs reprises par la justice iranienne (voir nos articles ici et ici).

Nasrine Sotoudeh

Nasrine Sotoudeh

Arrêté le 29 novembre 2018, l’ancien président du syndicat des ouvriers d’Haft Tappeh, Ali Nejati, a obtenu un congé médical temporaire le temps de suivre un traitement médical à l’hôpital. Ali Nejati souffre de problèmes cardiaques et rénaux. Il avait été arrêté dans le cadre des manifestations et grèves de l’usine sucrière d’Haft Tappeh.

Ali Nejati

Ali Nejati

Depuis la fin 2018 et début 2019, dix militants écologistes kurdes ont été arrêtés à Kamyaran et à Sanandaj (Sinê), au Rojhilat (région kurde iranienne) (voir notre article). Certains d’entre eux sont des membres actuels ou anciens de la branche kurde du Parti de l’unité nationale, un parti légalement enregistré en Iran, deux des détenus sont des civils et deux autres sont des militants politiques. Les militants écologistes arrêtés à Kamyaran avaient organisé des activités pendant de nombreuses années et participé à de nombreuses campagnes, entre autre pour la lutte contre les incendies causés en partie par des exercices militaires des forces iraniennes.

Les militants sont Amanj Ghorbani, Bakhtiar Kamangar, Hossein Kamangar, Rashed Montazeri, Reza Asadi, Zanyar Zamiran, Isa Feizi, Fazel Qeitasi, Farhad Mohammadi, Hadi Kamangar. Tous sont en isolement à la prison à Sanandaj. Les familles n’ont aucun contact avec les détenues et ils soupçonnent qu’ils soient soumis à de la torture. À Kamyaran, un imam de haut niveau et le président du conseil municipal ont appelé à l’exécution des détenus lors des prières du vendredi dans les mosquées locales.

10 militants kurdes emprisonnés

10 militants kurdes emprisonnés

Le dimanche soir 20 janvier, Esmail Bakhshi et Sepideh Gholian ont été arrêtés à nouveau. Les forces de sécurité ont perquisitionné les logements des deux militants avant de les arrêtés. Le frère de Sepideh Gholian a également été arrêté pour s’être interposé à l’arrestation de sa sœur.

Esmail Bakhshi, représentant des travailleurs de Haft Tapeh Sugarcane, a été incarcéré et torturé pendant près d’un mois (du 18 novembre au 10 décembre 2018) pour avoir mené un mouvement de grève à l’usine Sugarcane (voir nos articles ici et ici ). Sepideh Gholian, une étudiante, journaliste et militante des droits sociaux avait également été arrêtée le 18 novembre pour son soutien aux grévistes. Elle sera libérée le 18 décembre et dénoncera les tortures subites durant son incarcération. À sa libération, Esmail Bakhshi avait publié un communiqué invitant le ministre des Renseignements à participer à un débat télévisé en direct au sujet de la torture qu’il avait subie pendant son incarcération. Le 19 janvier, à la veille de l’arrestation des deux militants, la télévision d’état diffusait des vidéos dans lesquelles on voit Esmail Bakhshi et Sepideh Gholian « avouer » leurs liens avec des groupes marxistes et communistes en dehors de l’Iran dans le but de renverser le système politique en organisant des grèves et des manifestations de travailleurs. Ni le lieu, ni la date, ni les conditions dans lesquelles ces images ont été tournées, n’ont été communiqués. Les « aveux » auraient été obtenus sous la torture.

La semaine dernière, le procureur général iranien Jafar Montazéri avait qualifié les accusations de torture de « mensonges éhontés » et faites « pour servir un but politique ». Il avait précisé que des institutions gouvernementales avaient engagé des poursuites contre l’ouvrier de la sucrerie pour diffamation présumée des autorités. Des enquêtes menées par le Parlement, le parquet et le ministère des Renseignements ont conclu qu’Esmail Bakhshi n’avait pas été victime de torture. Ces derniers mois, de nombreux mouvements de grève ou de protestation se sont organisés en Iran, essentiellement en dehors de Téhéran. Le chef de l’Autorité judiciaire a mis en garde en novembre les travailleurs contre la tentation de « créer du désordre dans le pays ».

Sepideh Gholian et Esmail Bakhshi

Sepideh Gholian et Esmail Bakhshi

Le lundi 31 décembre 2018, les forces de sécurité iraniennes ont pris d’assaut un magasin à Mellat. centre commercial à Kamyaran (ville située dans le Rojhelat – Kurdistan iranien). Le magasin était tenu par Reza Asadi et Fazel Ghaytasi, membres du comité environnemental de la branche du Kurdistan du National Unity Party. Tous les deux ont été arrêtés. Le même jour, Hadi Kamangar, un autre militant écologiste de Kamyaran a également été arrêté à son domicile. Les autorités n’ont pas révélé le lieu où les trois hommes étaient détenus, ni les charges retenues contre eux.

Fazel Ghaytasi, Reza Asadi et Hadi Kamangar

Fazel Ghaytasi, Reza Asadi et Hadi Kamangar

Début décembre, Shahou Sadeghi, Aram Mohammadi, Mehrdad Sabouri et Omid Ahmadi, des militants syndicaux Kurde iraniens de la ville de Kamyaran (Rojilat – Kurdistan iranien), ont été transférés à la prison de Kamyaran pour y purger leur peine. En mai 2016, les quatre syndicalistes ainsi que deux autres syndicalistes kurdes, Rozhin Ebrahimi et Delniya Sabouri, avaient été arrêtés pour leur participation à la journée du 1er mai. Rozhin Ebrahimi et Delniya Sabouri avaient été provisoirement libérés après interrogatoires et les quatre autres, sous caution, après une semaine de détention.

Le 3 octobre 2016, le procès de ces six militants avaient eu lieu sans la présence de leurs avocats les condamnant à 4 ans et six mois de prison pour propagande contre l’état dans le cadre de leur participation à la journée du 1er mai. L’appel du procès s’est tenu à la mi-novembre 2018. Mehrdad Sabouri et Omid Ahmadi ont été condamnés à un an de prison, Shahou Sadeghi et Aram Mohammadi à 91 jours de prison et Rozhin Ebrahimi et Delniya Sabouri à 3 jours de prison.

Iran : 4 syndicalistes kurdes emprisonnés pour avoir exercé leur liberté syndicale

Iran : 4 syndicalistes kurdes emprisonnés pour avoir exercé leur liberté syndicale

Depuis début novembre, les travailleurs du Groupe sidérurgique national iranien (INSIG) de la ville d’Ahvaz sont en grève pour réclamer le paiement de plusieurs mois de salaires impayés et des garanties pour la sécurité de leur emploi (voir notre article). Lundi 17 décembre, 31 sidérurgistes grévistes ont été arrêtés, principalement à leur domicile, durant des raids organisés de nuit, 10 autres seront arrêtés le mardi 18. Certains d’entre eux ont été battus par la police devant leur famille et des effets personnels ont été saisis, dont les téléphones portables. Sur les 41 arrêtés, 31 ont été emmenés à la prison de Sheyban (à Ahvaz). Dans la matinée du 19 décembre, la police et des Gardiens de la Révolution ont encerclé des quartiers de la ville d’Ahvaz pour empêcher les rassemblements de travailleurs à l’usine. Un groupe de travailleurs a malgré tout manifesté, notamment pour appeler à la libération de leurs collègues arrêtés.

Des travailleurs d’INSIG en grève

Des travailleurs d'INSIG en grève

Esmail Bakhshi, représentant des travailleurs de Haft Tappeh Sugarcane Mill, a été libéré ce mercredi 12 décembre.

Esmail Bakhshi avait été arrêté le 18 novembre avec d’autres syndicalistes et defenseurs des droits civils. Il avait également été torturé durant sa détention (voir notre article). Ali Nejati, l’ancien président du syndicat des ouvriers d’Haft Tappeh, qui avait été arrêté le 29 novembre, reste toujours en prison, ainsi que la défenseuse des droits civils Sepideh Qolian arrêtée également le 18 novembre.

Esmail Bakhshi

Esmail Bakhshi