Actualité de la répression et
de la résistance à la répression

Le 1er mars 1976, le gouvernement travailliste abroge le statut spécial d’incarcération créé en 1972 pour les prisonniers politiques. La première forme de protestation contre cette mesure est le refus de porter l’uniforme de détenu imposé aux prisonniers sociaux. Dans les blocs H de la prison de Maze, appelée Long Kesh en Irlande, 300 prisonniers de l’IRA et de l’INLA deviendront ainsi les blanket men, les « hommes à la couverture » car ils restent nus couvert d’une seule couverture.

prison de long kesh

Deux ans après, en 78, ils ajoutent à leur mouvement une dirty protest : ils refusent de se laver et souillent les murs de leur cellule de leurs excréments sur les murs de leur cellule. En 1980, nouvelle escalade : un groupe de sept prisonniers entament une grève de la faim qui, après 53 jours, débouchent sur un accord partiel : les prisonniers peuvent porter des vêtements civils, mais pas les leurs. Les autres revendications, à commencer par la récupération du droit d’avoir des activités collectives, ne sont pas rencontrées.

affiche prisonniers ira

Les prisonniers décident alors de lancer un nouveau mouvement. La tactique choisie est celle de la grève collective mais échelonnée, les prisonniers entrant en grève de la faim les uns après les autres à intervalles régulier, pour éviter qu’ils n’arrivent en groupes à un moment critique et augmenter ainsi les possibilités d’agir sur le rapport de force. Brendan McFarlane, un ancien gréviste, racontera plus tard : « Nous avions le sentiment que nous n’avions pas le choix, en raison de la détermination de Maggie Thatcher à nous briser. Elle était déterminée à utiliser les prisonniers pour casser le moral de notre peuple. Nous n’avions pas d’autre arme que notre corps.»
Il y avait une longue tradition de grèves de la faim radicales dans le mouvement irlandais, Thomas Ashe, l’un des dirigeant du soulèvement anti-britannique de 1916 mourut lors d’une grève de la faim en 1917. Une dizaine d’autres Républicains irlandais allaient mourir des suite de leur grève de la faim dans les prisons britanniques les années qui suivirent, et notamment Terence MacSwiney, le maire de Cork, en 1920.

Le 1er mars 1981, la nouvelle grève de la faim commence. L’officier commandant des prisonniers de l’IRA à Long Kesh, Bobby Sands, se met en grève de la faim le premier. Il avait été condamné à 14 années de prison pour appartenance à l’IRA et avait écrit pendant sa détention un livre devenu très populaire, One Day in my life, qui décrit le déroulement d’une journée normale en prison. Le décès d’un député d’Irlande du Nord va provoqué des élections anticipées en Irlande du nord qui sera l’occasion d’une grande campagne des Républicains qui parviennent à faire élire au poarlement britannique Bobby Sands le 9 avril 1981 avec 30.492 votes contre 29.046 au candidat protestant. Ce vote montre que la solidarité avec les grévistes va bien au-delà de la sphère d’influence de l’IRA. Le gouvernement Tatcher réagit en changeant la loi électorale: les prisonniers condamnés à plus d’un an de prison ne peuvent plus se présenter à des élections. Tatcher refuse de céder quoi que ce soit aux prisonniers et déclare : « Nous ne sommes pas prêts à accorder un statut spécial catégoriel pour certains groupes de gens accomplissant des peines à raison de leurs crimes. Un crime est un crime et seulement un crime, ce n’est pas politique. »

Le 5 mai 1981, Bobby Sands meurt à l’hôpital de la prison après 66 jours de grève de la faim, à l’âge de 27 ans. Sa mort provoqua de nombreuses émeutes dans les quartiers républicains, dans lesquelles deux personnes trouveront la mort. Plusieurs actions de l’IRA se feront en représailles, tuant un policier et blessant deux militaires. Plus de 100.000 personnes suivirent le cortège lors de ses funérailles où un détachement de l’IRA tire une salve d’honneur.

Le 12 mai, un second gréviste, Francis Hughes, 25 ans, également membre de l’IRA, meurt. Le 21 mai c’est le tour de Raymond McCreesh (IRA, 24 ans), le même jour meurt Patsy O’Hara, un membre de l’INLA âgé de 23 ans, le 8 juillet c’est Joe McDonnell (IRA, 30 ans), le 12 juillet Martin Hurson (IRA, 29 ans), le 1er aout Kevin Lynch (INLA, 25 ans), le 2 août Kieran Doherty (IRA, 25 ans), le 8 août Thomas McElvee (IRA, 23 ans) et le 20 août Michael Devine (INLA, 27 ans).

les dix grévistes de la faim

La grève prend fin sans que les prisonniers aient satisfaction. Mais elle aura eu un impact énorme en Irlande du Nord: elle a provoqué un afflux de volontaires et de contributions vers l’IRA et renforcé le mouvement républicain. Elle reste un référence centrale pour le mouvement républicain. De nombreuses fresques à Belfast et à Derry, et des cérémonies annuelles honorent les grévistes. Le film Hunger de Steve McQueen, sorti en 2008, retrace la grève de la faim menée par Bobby Sands avec beaucoup de force.

fresque de bobby sands

« Je n’étais qu’un enfant de la classe ouvrière d’un ghetto nationaliste, mais c’est la répression qui a créé l’esprit révolutionnaire de liberté. Je ne me résoudrai qu’à la libération de mon pays, jusqu’à ce que l’Irlande devienne une république souveraine, indépendante et socialiste. »
Bobby Sands

prison de long kesh
affiche prisonniers ira
les dix grévistes de la faim
fresque de bobby sands

Nelson Mandela est devenu membre du Congrès National Africain (ANC) en 1944, afin de lutter contre la domination politique de la minorité blanche et la ségrégation raciale. Devenu avocat, il participe à la lutte non violente contre les lois de l’apartheid. C’est dans les luttes des années ’50 que se forme la triple alliance entre l’ANC, le COSATU (l’union des syndicats) et le parti communiste sud-africain (SACP, interdit depuis 1950). En 1960, après le massacre de Shaperville, (69 manifestants désarmés tués par la police) Mandela défend l’usage de la violence : « La dure réalité, c’est que cinquante années de non-violence n’ont rien apporté d’autre aux Africains qu’une législation plus répressive et de moins en moins de droits.»

Le massacre de Sharpville

L’option de la lutte armée fut mis sur la table par Mandela dans une réunion en juin 1961 avec le principal dirigeant du SACP, Moses Kotane. Celui-ci critiqua cette proposition avec les arguments habituelles dans les PC pro-soviétiques (la lutte armée était une « réaction désespérée », le fruit d’un « manque de patience, de détermination et d’imagination dans l’emploi des vieilles méthodes », etc.). Mandela lui répondit qu’il reproduisait l’erreur du Parti communiste de Cuba sous Batista qui, sous prétexte que « les conditions n’étaient pas réunies » avait laissé l’initiative aux castristes. A l’intérieur de l’ANC, Mandela dû batailler pour imposer l’idée de la lutte armée (notamment face aux Sud-Africains d’origine indienne, fort imprégnés de gandisme).

Mandela emporte la décision et est chargé de développer la lutte armée. Il fonde l’Umkhonto we Sizwe (La lance de la nation ou MK), une organisation militaire dont les militants proviennent du SACP, de l’ANC et du COSATU. Le commandement est formé de Mandela et Walter Sisulu (pour l’ANC) et de Joe Slovo (pour le SACP). Le 16 décembre (jour où les Sud-Africains blancs célébraient la victoire des Boers sur les Zoulous en 1838) 1961, les premières bombes de la MK explosent dans des centrales électriques et des bureaux du gouvernement à Johannesburg, Port Elizabeth et Durban.

sabotage de l’uMkhonto weSizwe


Affiche de la MK

Après 17 mois de clandestinité (comprenant un voyage de formation militaire et de recherche de soutien en Chine, en Algérie et en Ethiopie), Mandela est arrêté le dimanche 5 août 1962, en compagnie de Cecil Williams, un Blanc, directeur de théâtre et membre de MK, sur une route les menant à Johannesburg. Il est condamné à 5 ans de prison.

Les services secrets sud-africains parviennent à infiltrer la MK et le 11 juillet 1963, la police arrête plusieurs dirigeants de l’ANC et de la MK, parmi lesquels Walter Sisulu. Un nouveau procès à lieu pour sabotages, trahison, liens avec le SACP, et complot d’une invasion du pays par l’étranger. Le « procès de Rivonia » débute le 9 octobre 1963 à Pretoria. Dans sa déclaration pour sa défense le 20 avril 1964, devant la Cour suprême à Pretoria, Nelson Mandela défend le recourt à la lutte armée. Les accusés sont condamnés (sauf un) à la détention à perpétuité.

Les inculpés du procès de Rivonia

L’infiltration des services secrets sud-africain avait porté de grands coup à la MK mais n’arriva pas à la déraciner. Commandée par le seul Joe Slovo (futur secrétaire général du SACP), la MK revendique entre 1961 et 1963 environ 134 actions amées. Le 1er mai 1963, le gouvernement prit un décret qui donnait le pouvoir à tout officier de police d’arrêter sans mandat toute personne soupçonnée de crime politique. Ceux qui étaient arrêtés pouvaient être détenus, sans procès, sans chef d’inculpation, sans possibilité de contacter un avocat pendant 90 jours, cette détention pouvant être prolongée indéfiniment.

Les membres présumés de la MK furent systématiquement battus et torturés à l’électricité, par étouffement, etc. Des peines (de cinq ans de prison jusqu’à la peine de mort) punissaient pour ceux qui « favorisaient les objectifs » des organisations interdites. La reproduction de toute déclaration d’un membre de l’ANC ou du SACP était ainsi interdite et la possession d’une publication interdite était passible de deux ans de prison. Et comme le disait Mandela: « Pendant les moments les plus tristes, Amnesty International ne faisait pas campagne pour nous parce que nous avions utilisé la lutte armée et cette organisation ne défendait aucune personne qui avait choisi la violence. »

Mandela dans sa cellule

En 1965, La MK installe des bases dans les pays limitrophes, dont notamment en Angola, et en Tanzanie où ses combattants sont formés par des instructeurs soviétiques et cubains. Certains élèves reçoivent une formation en URSS, en Allemagne de l’Est ou en Tchécoslovaquie. La MK relance la guérilla rurale et urbaine. L’action la plus dévastatrice survient le 20 mai 1983. Une voiture piégée vise siège voisin de la South African Air Force. La bombe explose quelques minutes trop tôt, tuant les deux combattantes de la MK et 15 autres personnes (dont 7 de la SAAF), en blessant 217 autres (84 de la SAAF). Le régime réplique par les escadrons de la morts qui qui assassineront des centaines de personnes et frapperont jusqu’en Europe (assassinat de Dulcie September en France en 1988).

Combattant de la MK en formation en Tanzanie


L’attentat de Churchstreet

En février 1985, le président Pieter Botha avait proposé à Nelson Mandela la liberté conditionnelle en échange d’un renoncement à la lutte armée, ce que Mandela avait rejeté en disant : « Seuls les hommes libres peuvent négocier ». En juin 1988 a lieu le concert hommage des 70 ans de Nelson Mandela à Wembley, regardé par six cents millions de téléspectateurs dans 67 pays, qui expose au niveau mondial la captivité de Mandela et l’oppression de l’apartheid. Mandela mis en résidence surveillée le 7 décembre 1988 et relâché le 11 février 1990. Mandaté par l’ANC, il entame en déclarant à la presse: « il n’y a aucune contradiction entre mon soutien à la lutte armée et ma demande de négociations. C’était la réalité et la menace de la lutte armée qui avaient amené le gouvernement au seuil des négociations. »

Il mène les négociations avec le gouvernement qui aboutissent au cessez-le-feu, au démantèlement du système d’apartheid. En 1993, il reçoit, avec le président de Klerk le prix Nobel de la paix. En 1994, il devient le premier président noir d’Afrique du Sud en 1994. A ce moment, l’ANC est encore sur la liste des « organisations terroristes » des USA. Elle n’en sera rayée qu’en 2008…

Winnie Mandela, Nelson Mandela, Joe Slovo

Le massacre de Sharpville
sabotage de l'uMkhonto weSizwe
Affiche de la MK
Les inculpés du procès de Rivonia
Combattant de la MK en formation en Tanzanie
L'attentat de Churchstreet
Winnie Mandela, Nelson Mandela, Joe Slovo

A la fin de la guerre Iran-Irak, le régime de la République islamique redoutait des mouvements populaires, notamment à l’occasion de la rentrée scolaire (les universités avaient été fermées pendant deux ans). Les dirigeants décident de décimer préventivement l’opposition. Khomeiny émet des fatwas (décrets religieux) ordonnant d’exécuter les membres de l’Organisation des Moudjahidines du Peuple d’Iran (OMPI), la principale organisation d’opposition : « quiconque, à n’importe quel stade, continue d’appartenir aux Monafeghine [terme péjoratif pour désigner les Moudjahidines] doit être exécuté. Anéantissez immédiatement les ennemis de l’islam. Ceux qui sont dans les prisons à travers le pays et restent inébranlables dans leur soutien à l’OMPI sont en guerre contre Dieu et condamnés à être exécutés » Khomeiny profitait du relatif discrédit de l’OMPI qui avaient collaborés militairement avec Saddam Hussein au cours de la guerre contre Iran-Irak

Le décret de Khomeiny

Une prétendue « commission d’amnistie » est mise en place dans chaque prison, composée de d’un représentant du ministère du Renseignement (Vevak), un juge religieux et un procureur. C’est au Vevak que revenait la décision finale. Ils tenaient un procès de quelques minutes. Si les prisonniers n’étaient pas disposés à collaborer totalement avec le régime, c’était considéré comme un signe de sympathie avec l’OMPI et la peine était l’exécution immédiate. Des pelotons d’exécution avaient d’abord été envisagés mais trop bruyants, risquant donc d’alarmer les prisonniers et le voisinage, et trop coûteux. En province, des prisonniers seront fusillés mais la solution retenue en général est finalement les rangées de potence.

Aux prisons d’Evin et Gohardasht à Téhéran, le régime va exécuter toutes les heures de 7h30 à 17h00, jeunes à partir de 13 ans, femmes enceintes, hommes ou vieillards, près de 3.800 personnes seront exécutées la première nuit. Pour soutenir la cadence des exécutions, à la prison d’Evin, des prisonniers auraient été empoisonnés. En moyenne, ce sont plusieurs centaines d’exécutions par jour qui ont lieu en août et septembre 1988, atteignant le record de 8.000 pendus en deux semaines.

La prison de Gohardasht


Pendaison en masse à Tabriz, été 1988

Le massacre a été à ce point massif que certains des plus proches confidents de Khomeiny, comme Montazeri, un religieux désigné pendant 10 ans comme le dauphin de Khomeiny, ont protesté. Dans des lettres à Khomeiny, Montazeri a appelé à une certaine indulgence. Sa lettre du 31 juillet 1988 expliquait en outre que l’exécution de masse des prisonniers de ne ferait que renforcer les sympathies envers l’OMPI. Mais Khomeiny avait ordonné qu’il ne devait y avoir de pitié pour personne, y compris les adolescents. Il avait déclaré que les femmes enceintes ne devaient pas être épargnées ni même avoir la chance de donner naissance à leur enfant et devaient être exécutées sur le champ.

Le massacre s’est étendu aux prisonniers d’autres organisations de l’opposition. Seront à leur tour exécutés les militants emprisonnés du Parti Tudeh (pro-soviétique), et de l’OGFPI « Majorité » (Organisation des Guérilleros Fedayins du Peuple d’Iran, marxiste-léniniste), deux partis qui avaient au début soutenu le régime islamiste en l’analysant comme « petit-bourgeois, national, et anti-impérialistes », les prisonniers de l’OGFPI « Minorité » (marxistes-léninistes opposés dès le début à la République islamiques, et dont de nombreux militants et dirigeants avaient été arrêtés et exécutés en 1981), du Rahe Kargar (Organisation des travailleurs révolutionnaires d’Iran), et des deux principales organisation des Kurdes d’Iran : le Komala (Organisation révolutionnaire du peuple travailleur du Kurdistan, maoïste) et PDKI. (Parti démocratique du Kurdistan Iranien, nationaliste).

A Téhéran, les cadavres des victimes sont stockés et expédiés par convois nocturnes vers un terrain vague du quartier Khavaran dans le Sud de la capitale, jetés dans des fosses communes. Les charniers seront d’abord découverts par les chiens qui déterrent les cadavres. Khavaran va vite devenir un charnier à ciel ouvert. Dans d’autres endroits, les cadavres seront enterrés dans des canaux ou dans des cimetières.

Un des charnier des prisonniers de 1988 dans la banlieue de Téhéran


Dépouilles des prisonniers assassinés exhumés par des chiens errants à Khavaran

A l’automne, 30.000 prisonniers politiques avaient été assassinés. La majorité des victimes purgeaient des peines de prison pour leurs activités politiques ou avaient terminé leur peine mais étaient toujours incarcérées. Mais certains avaient déjà été libérés et seront de nouveau été arrêtés pour être exécutés. Les massacres ont eu lieu dans presque toutes les villes iraniennes. Chaque responsable du régime devait approuver ce massacre ou était limogé, voire éliminé. C’est ainsi que l’ayatollah Montazeri qui avait protesté est tombé en disgrâce et a été limogé début 1989.
Le régime iranien continue de nier ce massacre. Ses auteurs ou commanditaires n’ont jamais été traduits en justice.

Le massacre est évoqué par Marjane Satrapi dans Persepolis. Son oncle Anouche, membre du parti Tudeh, est une des 30.000 victimes du massacre de 88.

Extrait de Persepolis

Le décret de Khomeiny
La prison de Gohardasht
Un des charnier des prisonniers de 1988 dans la banlieue de Téhéran
Dépouilles des prisonniers assassinés exhumés par des chiens errants à Khavaran
Extrait de Persepolis

Fils de paysan, autodidacte, Fransisco Ferrer suit les cours du soir dispensés par les organisations républicaines et les sociétés ouvrières. Se rapprochant des milieux libertaires barcelonais, il découvre les grands théoriciens anarchistes mais s’affirme finalement comme républicain progressiste, finalement franc-maçon. En 1886, il prend part à la tentative insurrectionnelle républicaine du général Villacampa qui échoue. Obligé de s’exiler, il se réfugie à Paris où il vit de petites métiers et milite activement au sein de la Libre-pensée.

A une période où les attentats anarchistes réalisent des attentats spectaculaires aux quatre coins de l’Europe, Francisco Ferrer s’affirme comme partisan d’une évolution progressive de la société par le développement de l’éducation. Il postule que l’émancipation de l’individu par l’instruction aboutirait naturellement à la transformation de la société. En 1895, Il enseigne l’espagnol dans plusieurs écoles et publie un manuel d’espagnol qui sera fort apprécié et servira de modèle. S’intéressant de plus en plus aux questions pédagogiques, enthousiasmé par la conception de l’éducation intégrale de Paul Robin, Ferrer il retourne en 1901 à Barcelone et pour y fonder une école primaire moderne avec l’héritage que lui a légué une de ses anciennes élèves,

L’Eglise catholique a alors le monopole de l’enseignement, mais Ferrer surmonte tous les obstacles et ouvre les portes de L’Escuela moderna le 8 octobre 1901. Elle accueille 30 élèves : 12 filles et 18 garçons, mais les effectifs augmenteront rapidement. Ferrer résume ainsi son projet : « Fonder des écoles nouvelles où seront appliqués directement des principes répondant à l’idéal que se font de la société et des Hommes, ceux qui réprouvent les conventions, les préjugés, les cruautés, les fourberies et les mensonges sur lesquels est basée la société moderne. » et sa démarche pédagogique : « L’objet de notre enseignement est que le cerveau de l’individu doit être l’instrument de sa volonté. Nous voulons que les vérités de la science brillent de leur propre éclat et illumine chaque intelligence, de sorte que, mises en pratique, elles puissent donner le bonheur à l’humanité, sans exclusion pour personne par privilège odieux. »

L’école moderne

L’école de Ferrer fait école : de nombreux centres éducatifs rationalistes voient le jour dans tout le pays, suscitant l’hostilité de la réaction. Parallèlement Ferrer subventionne et écrit pour le journal ouvrier La Huelga General (La Grève Générale) de 1901 à 1903 et contribue en 1907 à la création du syndicat Solidaridad Obrera et de son journal. En 1909, il participe à la campagne pour la libération des prisonniers de Alcalá del Valle.

Le 31 mai 1906, le jour du mariage du roi Alfonso XIII, une bombe explose au milieu du cortège, provoquant la mort de 28 personnes. L’auteur de l’attentat, Mateo Morral avait été traducteur et bibliothécaire à l’École Moderne, ce qui suffit à entraîner sa fermeture. Ferrer lui-même est arrêté et accusé d’être l’instigateur de l’attenta. En dépit de nombreuses protestations, il est emprisonné plus d’un an. Son procès tourne court, car aucune charge précise ne peut être retenue contre lui. Il est finalement acquitté, le 10 juin 1907.

L’attentat contre Alfonse III

Francisco Ferrer tente vainement d’obtenir l’autorisation de rouvrir l’École Moderne. Il décide alors de retourner à Paris et, pour donner une dimension internationale à son œuvre pédagogique, il séjourne dans plusieurs capitales européennes dont Bruxelles et Londres. Il fonde en avril 1908 la Ligue internationale pour l’éducation rationnelle de l’enfance (Président Honoraire : Anatole France), publie une revue (L’École Rénovée) et dirige une une maison d’édition.

En 1909, au début de la Guerre du Rif au Maroc, le gouvernement espagnol déclare la mobilisation. Le 26 juillet, à Barcelone, Solidarida Obrera et le syndicat socialiste UGT proclament une grève générale pour protester contre la guerre. En quelques heures, la ville est paralysée. Le peuple insurgé déborde les cadres des organisations et, dans la nuit du 27, incendie les églises et les couvents. Le gouvernement proclame la loi martiale et envoie l’armée pour écraser la grève. Mais une partie des militaires et des gardes civils refusent de tirer sur les grévistes et se mutinent. Ce n’est que trois jours plus tard, le 29 juillet, que le gouvernement écrase l’insurrection. La répression, sanglante, dure jusqu’au 2 août. Le bilan de la « semaine tragique » est de 78 morts, 500 blessés et 2.000 arrestations.

Barcelone 1909


Semaine tragique à Barcelone 1909

L’évêque de Barcelone déclare responsables de la « semaine tragique » « les partisans de l’École sans dieu, de la presse sectaire et des cercles anarchistes qu’il faut supprimer ». Ferrer, qui n’est pour rien dans les événements, est arrêté et mis au secret. Un mouvement de solidarité se développe aussitôt, notamment en France où, les anarchistes et les républicains démocrates et progressistes mobilisent : Anatole France, Henri Rochefort, Séverine et Maeterlinck s’engagent. L’instruction, à charge, est bâclée et le 6 octobre, Ferrer doit désigner un avocat sur une liste de huit officiers, son défenseur ne peut examiner les 600 pages du dossier qu’à la veille du procès. Le 9 octobre, le tribunal militaire siège : Ferrer a à peine la parole, ses juges refusent l’audition des témoins et la sentence est tenue secrète. Le 11 octobre, Francisco Ferrer est transféré à la citadelle de Monjuich. Le 12 octobre, sa condamnation à mort lui est notifiée. Il est amené le lendemain matin devant un peloton d’exécution auquel il lance: « Mes enfants, vous n’y pouvez rien, visez bien. Je suis innocent. Vive l’École Moderne».

Francisco Ferrer

Le 13 octobre, lorsque Francisco Ferrer est exécuté, le scandale est énorme. Une manifestation spontanée rassemble à Paris, plusieurs dizaines de milliers de personnes qui investissent l’ambassade d’Espagne. Les policiers à cheval chargent, blessant de nombreuses personnes, certains manifestants sont armés et tirent, un policier est tué. La deuxième manifestation Ferrer, le 17 octobre 1909, instaure une pratique appelée à se développer : l’encadrement conjoint d’une manifestation par ses organisateurs et la police.Dans le bassin de Charleroi, on hisse des drapeaux noirs sur les maisons du peuple. En Argentine, un meeting improvisé par la Fédération ouvrière régionale argentine, réunis 20.000 ouvriers qui appellent à la grève générale. Elle sera effective le lendemain et durera jusqu’au 17 octobre. C’est dans le monde entier une protestation massive qui contraint 50 consuls d’Espagne à démissionner de leurs postes à l’étranger. Surpris par l’ampleur de la réprobation, le gouvernement espagnol démissionne une semaine plus tard. Le procès de Ferrer est révisé en 1911, et la condamnation reconnue « erronée » en 1912.

Monument à Francisco Ferrer

L’exécution de Francisco Ferrer
L'école moderne
L'attentat contre Alfonse III
Barcelone 1909
Semaine tragique à Barcelone 1909
Francisco Ferrer
Monument à Francisco Ferrer

« A bas les exploiteurs !
A bas les despotes !
A bas les frontières !
A bas les conquérants !
A bas la guerre !
Et vive l’Egalité sociale. »

Jean Baptiste Clément

Jean-Baptise Clément

Jean Baptiste Clément est né à Boulogne-Billancourt le 31 mai 1836 dans une famille aisée. Il rompt très jeune avec sa famille et, dès l’âge de 14 ans, il exerce le métier de garnisseur de cuivre. A Paris, il côtoie des journalistes écrivant dans des journaux socialistes, notamment Le Cri du peuple de Jules Vallès. Militant socialiste et républicain il doit se réfugier en Belgique en 1867. Il y il publie Le Temps des cerises (sur une musique composée par Antoine Renard en 1868).
Revenu à Paris, il collabore à divers journaux d’opposition à Napoléon III. Il condamné pour avoir publié un journal non cautionné par l’empereur, et emprisonné jusqu’au soulèvement républicain du 4 septembre 1870.

Clément à la prison de Sainte-Pélagie (1869)

Il participe aux différentes journées de contestation du Gouvernement de la Défense nationale qui déboucheront sur la Commune. Révolutionnaire ardent et orateur apprécié, Clément est élu le 26 mars 1871 au Conseil de la Commune par le XVIIIe arrondissement. Il est membre de la commission des Services publics et des Subsistances. Le 16 avril, il est nommé délégué à la fabrication des munitions, puis, le 21 avril, à la commission de l’Enseignement. Combattant sur les barricades pendant la Semaine sanglante, il écrit peu après la chanson La Semaine sanglante (chantée sur l’air du Chant des Paysans de Pierre Dupont) qui dénonce la répression du Paris insurgé.
Clément réussit à fuir Paris, gagne la Belgique et se réfugie à Londres, où il poursuit son combat. Il est condamné à mort par contumace en 1874. Pendant cette période de mai 1875 à novembre 1876, il se réfugie clandestinement chez ses parents à Montfermeil. Il rentre à Paris après l’amnistie générale de 1880. En 1885, il fonde le cercle d’études socialiste de Charleville et la Fédération socialiste des Ardennes et mouru misérable. Des milliers de personnes suivirent son enterrement au Père Lachaise le 26 février 1903.

Le Temps des Cerises évoque à l’origine simplement le printemps et l’amour, mais, écrite bien avant la Commune, elle lui est fortement associée. D’abord parce qu’après son retour d’exil, Clément lui ajouta cette dédicace : « A la vaillante citoyenne Louise, l’ambulancière de la rue Fontaine-au-Roi, le dimanche 28 mai 1871 ». Ce jour là, avec Eugène Varlin et Charles Ferré (tous deux plus tard condamnés à mort et fusillés), Clément se trouvait sur la dernière des barricades. Louise Michel en était, qui évoque cette jeune femme dans son Histoire et souvenirs de la Commune : « Au moment où vont partir leurs derniers coups, une jeune fille venant de la barricade de la rue Saint-Maur arrive, leur offrant ses services : ils voulaient l’éloigner de cet endroit de mort, elle resta malgré eux. Quelques instants après, la barricade jetant en une formidable explosion tout ce qui lui restait de mitraille mourut dans cette décharge énorme, que nous entendîmes de Satory, ceux qui étaient prisonniers ; à l’ambulancière de la dernière barricade et de la dernière heure, J.-B. Clément dédia longtemps après la chanson des cerises. Personne ne la revit. »
L’assimilation du Temps des cerises à la Commune de Paris vient de son texte ouvert, qui peut aussi bien évoquer une révolution qui a échoué qu’un amour perdu. La coïncidence chronologique fait aussi que la Semaine sanglante fin mai 1871 se déroule justement durant la saison, le temps des cerises.

partition du temps des cerises

Le Temps des cerises

Quand nous chanterons le temps des cerises / Et gai rossignol et merle moqueur / Seront tous en fête. / Les belles auront la folie en tête / Et les amoureux du soleil au cœur. / Quand nous chanterons le temps des cerises / Sifflera bien mieux le merle moqueur.

Mais il est bien court le temps des cerises / Où l’on s’en va deux cueillir en rêvant / Des pendants d’oreilles. / Cerises d’amour aux robes pareilles (vermeilles) / Tombant sous la feuille en gouttes de sang. / Mais il est bien court le temps des cerises / Pendants de corail qu’on cueille en rêvant.

Quand nous en serons au temps des cerises / Si vous avez peur des chagrins d’amour / Évitez les belles. / Moi qui ne crains pas les peines cruelles / Je ne vivrai point sans souffrir un jour. / Quand vous en serez au temps des cerises / Vous aurez aussi des peines d’amour.

J’aimerai toujours le temps des cerises / C’est de ce temps-là que je garde au cœur / Une plaie ouverte. / Et Dame Fortune, en m’étant offerte / Ne pourra jamais fermer ma douleur. / J’aimerai toujours le temps des cerises / Et le souvenir que je garde au cœur.

La Semaine sanglante, évoque puissamment les journées terribles du 21 au 28 mai 1871, où la Commune de Paris est écrasée et ses membres exécutés en masse. Selon Lissagaray, 3.000 Communards ont été tués et blessés au combat, et environ 20.000 Communards ou présumés Communards, ont été fusillés la Semaine sanglante.

La Semaine sanglante

Sauf des mouchards et des gendarmes, / On ne voit plus par les chemins, / Que des vieillards tristes en larmes, / Des veuves et des orphelins. / Paris suinte la misère, / Les heureux mêmes sont tremblant. / La mode est aux conseils de guerre, / Et les pavés sont tous sanglants.

Refrain: Oui mais ! / Ça branle dans le manche, / Les mauvais jours finiront. Et gare ! à la revanche, / Quand tous les pauvres s’y mettront. / Quand tous les pauvres s’y mettront.

Les journaux de l’ex-préfecture, / Les flibustiers, les gens tarés, / Les parvenus par l’aventure, / Les complaisants, les décorés / Gens de Bourse et de coin de rues, / Amants de filles au rebut, / Grouillent comme un tas de verrues, / Sur les cadavres des vaincus.

On traque, on enchaîne, on fusille / Tout ceux qu’on ramasse au hasard. / La mère à côté de sa fille, / L’enfant dans les bras du vieillard. / Les châtiments du drapeau rouge / Sont remplacés par la terreur / De tous les chenapans de bouges, / Valets de rois et d’empereurs.

Nous voilà rendus aux jésuites / Aux Mac-Mahon, aux Dupanloup. / Il va pleuvoir des eaux bénites, / Les troncs vont faire un argent fou. / Dès demain, en réjouissance / Et Saint Eustache et l’Opéra / Vont se refaire concurrence, / Et le bagne se peuplera.

Demain les manons, les lorettes / Et les dames des beaux faubourgs /
Porteront sur leurs collerettes / Des chassepots et des tambours / On mettra tout au tricolore, / Les plats du jour et les rubans, / Pendant que le héros Pandore / Fera fusiller nos enfants.

Demain les gens de la police / Refleuriront sur le trottoir, / Fiers de leurs états de service, / Et le pistolet en sautoir. / Sans pain, sans travail et sans armes, / Nous allons être gouvernés / Par des mouchards et des gendarmes, / Des sabre-peuple et des curés.

Le peuple au collier de misère / Sera-t-il donc toujours rivé ? / Jusques à quand les gens de guerre / Tiendront-ils le haut du pavé ? / Jusques à quand la Sainte Clique / Nous croira-t-elle un vil bétail ? / À quand enfin la République / De la Justice et du Travail ?

semaine sanglante

En 1884 est publié à Paris le recueil Chansons de Clément. Clément y reprend et transforme une chanson entendu de sa grand-mère. Ce sera la fameuse contine Dansons la capucines dont on connaît généralement une version édulcorée, et dont voici le texte de Clément :

Dansons la Capucine

Dansons la Capucine, / Le pain manque chez nous… / Le curé fait grasse cuisine, / Mais il mange sans vous. / Dansez la Capucine / Et gare au loup, / You !

Dansons la Capucine, / Le vin manque chez nous… / Les gros fermiers boivent chopine, / Mais ils trinquent sans vous. / Dansez la Capucine / Et gare au loup, / You !

Dansons la Capucine / Le bois manque chez nous… / Il en pousse dans la ravine, / On le brûle sans vous. / Dansez la Capucine / Et gare au loup, / You !

Dansons la Capucine, / L’esprit manque chez nous… / L’instruction en est la mine, / Mais ça n’est pas pour vous. / Dansez la Capucine / Et gare au loup, / You !

Dansons la Capucine, / L’argent manque chez nous… / L’Empereur en a dans sa mine, / Mais ça n’est pas pour vous. / Dansez la Capucine /
Et gare au loup, / You !

Dansons la Capucine, / L’amour manque chez nous… / La pauvreté qui l’assassine / L’a chassé de chez vous. / Dansez la Capucine / Et gare au loup, /You !

Dansons la Capucine, / La misère est chez nous… / Dame Tristesse est sa voisine / Et vous en aurez tous. / Dansez la Capucine / Et gare au loup, / You !

Dansons la Capucine, / La tristesse est chez nous… / Dame Colère est sa voisine / Et vous en aurez tous. / Dansez la Capucine / Et gare au loup, / You !

Dansons la Capucine, / La colère est chez nous… / Dame Vengeance est sa voisine, / Courez et vengez-vous ! / Dansez la Capucine / Et gare au loup, /You !

Jean-Baptise Clément
Clément à la prison de Sainte-Pélagie (1869)
partition du temps des cerises
semaine sanglante

28/07/2005

Le Sel de la terre

Le Sel de la terre est un film américain de 1954 a été réalisé de manière totalement indépendante des studios (avec l’aide financière d’un syndicat) par des victimes de la répression maccartyste, le scénariste Michael Wilson et le réalisateur Herbert Biberman avaient fait de la prison (ce sont deux des « Dix de Hollywood » ) et avaient été mis sur la liste noire des studios, tout comme le producteur Paul Jarrico, le compositeur de la musique du film, Sol Kaplan, et le principal acteur, Will Geer).

La principale actrice du film, la grande actrice mexicaine Rosaura Revueltas, a été arrêtée durant le tournage, renvoyée au Mexique et placée sur la liste noire des studios américains pour sa participation au film. Le film, qui fut interdit de distribution, est aussi important pour la culture antirep parce qu’il traite avec force de la répression anti-ouvrière aux États-Unis par le moyen de la loi Taft-Hartley.

Les Dix de Hollywood

Début 1947, le Comité des activité anti-américaines du Congrès, la HUAC décida d’enquêter sur l’influence du communisme au sein de l’industrie du cinéma. Deux sénateurs commencèrent une série d’auditions à Los Angeles, qui ne déboucha sur rien de probant. Le FBI allait alors fournir à l’HUAC une liste de 19 communistes (ou anciens communistes) travaillant à Hollywood. Elle comprenait les scénaristes Alvah Bessie, Lester Cole, Richard Collins, Gordon Kahn, Howard Koch, Ring Lardner Jr, John Howard Lawson, Albert Maltz, Samuel Ornitz, Waldo Salt et Dalton Trumbo, les réalisateurs Edward Dmytryk, Lewis Milestone et Irving Pichel, les scénaristes et réalisateurs Herbert Biberman et Robert Rossen, le scénariste et producteur Robert Adrian Scott, le dramaturge Bertolt Brecht et un acteur, Larry Parks.

Le 20 octobre 1947, La HUAC commença une nouvelle série d’auditions à Washington. Les 19 d’Hollywood (à l’exception de Brecht, qui avait déjà décidé de quitter les États-Unis) décidèrent d’invoquer le 1er Amendement de la Constitution. Un comité de soutien se forma comprenant notamment John Huston, William Wyler, Humphrey Bogart, Lauren Bacall, Groucho Marx et Frank Sinatra. Seuls onze des 19 furent finalement entendus par la commission ; ceux qui sont aujourd’hui connus comme les Dix de Hollywood et Bertolt Brecht qui allait quitter les USA. Aucun des Dix n’accepta de répondre à la question de la commission : « Êtes-vous ou avez-vous été membre du Parti communiste américain ? », et le 24 novembre, le Congrès procéda à l’inculpation des Dix pour outrage. Le jour même, 58 hauts dirigeants des studios de Hollywood se réunirent à New York pour décider que les Dix seraient licenciés et que désormais, plus aucun communiste ne serait employé par les studios.

Les procès des Dix commença au mois d’avril 1948 et prirent fin en juin 1950. John Howard Lawson, Dalton Trumbo, Alvah Bessie, Lester Cole, Ring Lardner Jr, Albert Maltz, Samuel Ornitz et Adrian Scott furent condamnés à un an de prison et 1000 dollars d‘amende. Herbert Biberman et Edward Dmytryk furent condamnés à six mois de prison et 500 dollars d‘amende. Les Dix purgèrent leur peine dans des prisons fédérales. Dmytryk fut le seul à craquer : il comparait à nouveau devant la HUAC en avril 1951, donna des noms de personnalités adhérant au parti ou « à l’idéologie » communiste, et put à nouveau tourner. Certains des Dix parvinrent quelquefois à travailler pour des réalisateurs complices en utilisant des prête-noms (Otto Preminger, Stanley Kubrick firent ainsi travailler Dalton Trumbo).

Les Dix de Hollywood

La loi Taft-Hartley

A l’époque du film, les luttes ouvrières sont réprimées au moyen du Taft-Hartley Act. Le Taft-Hartley Act est une loi anti-syndicale américaine de 1947 qui rend illégale les débrayages spontanés (un préavis de 60 jours est imposé), interdit la grève aux fonctionnaires (fédéraux, d’états et des collectivités locales), supprime le système du closed shop (contrôle de l’embauche par les syndicats), permet au gouvernement fédéral d’interdire et d’arrêter une grève qui met en danger la « sécurité nationale », et oblige les dirigeants syndicaux de prêter serment de non-communisme (cette disposition sera déclarée anticonstitutionnelle en 1965).

Le film

Le Sel de la terre présente l’histoire authentique de mineurs mexicano-américains de l’État du Nouveau-Mexique, luttant pour l’amélioration de leurs conditions de vie. Le conflit social est racontée par Esperanza Quintero (Rosaura Revueltas), trente-cinq ans, enceinte de son troisième enfant et mariée à Ramon, employé à la mine depuis dix-huit années. Les deux revendications principales des grévistes sont l’égalité des salaires avec les ouvriers américains et la sauvegarde de la sécurité par la suppression du travail en solitaire. Les épouses des mineurs souhaiteraient, quant à elle, inscrire une revendication supplémentaire : la fourniture d’eau chaude courante dans les maisons louées par la Compagnie. Lorsque les mineurs se voient interdire de poursuivre la grève en raison du Taft-Hartley Act, leurs épouses et leurs filles décident, non sans quelques difficultés (la plupart des mineurs y sont initialement opposés), de tenir les piquets de grève à leur place, ce qui ajoute une dimension féministe à la dimension sociale du film.
Le Sel de la terre n’est pas simplement un film de résistance bourré de qualités humaines, sociales et politiques, c’est aussi un grand film par ses qualité cinématographique.
En 2000, un film assez plat, One of the Hollywood ten (Hollywood, liste rouge), raconte la persécution de Biberman et le tournage du Sel de la terre.

Les Dix de Hollywood

« Je suis ici pour accuser, non pour me défendre ! »
Karl Liebknecht à son procès (Berlin, 1916)

Lors d’un procès, une « défense de rupture » (appelée aussi « stratégie de rupture ») implique que l’accusé se fait accusateur, considère que le tribunal n’a pas la légitimité, prend l’opinion à témoin ou s’adresse à la société par dessus la tête du tribunal. La « défense de rupture » s’oppose à la « défense de connivence », qui est classiquement plaidée, et qui suppose une reconnaissance de la justesse et de la validité des lois, de la légitimité des tribunaux.

La défense de rutpure est aussi ancienne que le procès politique. C’était déjà la position adoptée par Socrate. Lors du débat sur la peine, les juges devaient, non pas déterminer leur propre sentence, mais choisir parmi les propositions des deux parties du procès. L’accusateur Mélétos demanda la mort. Socrate aurait pu proposer une peine qui pût être acceptée par les juges, par exemple une forte amende. Mais il déclara qu’avec ce qu’il avait fait pour la Cité, il méritait d’être hébergé et nourri à ses frais pour le reste de ses jours …

La mort de Socrate, par David

Le procès de rupture le plus célèbre fut celui de l’incendie du Reichstag, siège du parlement allemand à Berlin, qui brûla la nuit du 27 au 28 février 1933. Immédiatement exploité par les nazis, il est suivi par la proclamation d’état d’exception et des dizaines de milliers d’arrestations (principalement de communistes allemands), le nazi Hermann Göring (alors ministre de la justice de la Prusse), le présentant que le signal du début de l’insurrection communiste.
Le principal accusé Dimitrov, un des dirigeants de l’insurrection communiste bulgare de 1923 et condamné à mort par contumace, quitte la Bulgarie pour l’Union soviétique où il devient responsable de l’internationale Communiste. Le 9 mars 1933, il est arrêté en Allemagne alors qu’il voyageait clandestinement, sous le prétexte de complicité dans l’incendie du Reichstag. Devant la presse internationale, Dimitrov tient tête à Goebbels et à Göring à qui il fait perdre son calme en pleine audience, il accuse les nazis d’avoir eux-mêmes fait incendier le Reichstag, fait voler en éclat la thèse officielle et transforme le procès en tribune antinazie. Ce procès lui vaudra une renommée mondiale et dissuadera les nazis de faire d’autres grands procès publics contre des dirigeants communistes. Acquitté après une année d’incarcération, il est expulsé en URSS qui lui a conféré la citoyenneté soviétique.

Une première théorisation avait été faite par Marcel Willard, un avocat communiste, dans son livre La Défense accuse (Editions sociales, 1938, réédité en 1951). Lénine, rapporte-t-il, avait fixé cette ligne de conduite dès 1905, à tous les Bolcheviks traduits en justice : « Défendre sa cause et non sa personne, assurer soi-même sa défense politique, attaquer le régime accusateur, s’adresser aux masses par dessus la tête du juge… »

Dès son premier dossier que Jacques Vergès a géré en tant qu’avocat (celui de la société qui logeait les travailleurs imigreés), Vergès s’engage dans une « défense de rupture ». Vergès milite ensuite pour le FLN et défend leurs combattants. Il est notamment l’avocat de Djamila Bouhired, militante du FLN capturée par les paras français, torturée puis jugée pour attentat à la bombe durant la bataille d’Alger, notamment au Milk-Bar (cinq morts et 60 blessés). Cette défense lui vaut un an de suspension du barreau, en 1961.

Djamila Bouhired

Ce n’est qu’après l’avoir ainsi pratiquée que Jacques Vergès la théorisa, dans son fameux De la stratégie judiciaire (Éditions de Minuit, 1968, réédité en 1981) qui expose que « Le but de la défense n’est pas tant de faire acquitter l’accusé que de mettre en lumière ses idées ». Ce livre-culte inspira des générations d’avocats,
Selon lui (et en cela consiste son apport théorique par rapport à Marcel Willard), dans les situations de confrontations extrêmes, la stratégie de la rupture est en définitive la plus efficace pénalement. Alors que précédemment dans les procès politique, la défense de connivence sauvait les têtes et les procès de rupture gagnaient la cause. Vergès faisait remarquer que si ses clients, qui étaient devenu des symboles par leurs positions de rupture, par le fait qu’ils incarnaient leur cause, avaient été condamnés à mort (à commencer Djamila Bouhired), les autorités françaises n’avaient oser exécuter aucun d’entre eux (à la différence d’autres militants, défendus classiquement).

De la stratégie judiciaire

Le procès de rupture se distingue du procès de « présence offensive » ou d’autres tactiques de procès politiques. Le Secours Rouge International a publié en novembre 2010 une brochure sur ces différentes tactiques et stratégies intitulée : Le procès politique théorie et pratique, principes et tactiques.

Le procès politique : théorie et pratique, principes et tactiques

Le contenu de ce numéro

La mort de Socrate, par David
La défense « de rupture »
Djamila Bouhired
De la stratégie judiciaire

L’art urbain, ou « street art » a pour origine la culture hip-hop américaine, et regroupe toutes les formes d’art réalisées dans la rue, ou dans des endroits publics. Les techniques sont variées. Aux tags, graff, free style du hip hop américain se sont ajouté, surtout en Europe au début, les collages et pochoirs. Le street art utilise aujourd’hui une vaste gamme de technique : stencil, bombe, marqueur, affiches peintes ou sérigraphiées, autocollants, mosaïques, collages, etc.

Cet art populaire (aujourd’hui récupéré par une tendance de l’art contemporain) a très vite marqué l’expression politique. Le spectre du street art politique est large, allant d’artistes délivrant (parfois occasionnellement) des messages politiques à des militants utilisant les modes d’expression et techniques du street art. Les simples messages autrefois hâtivement tracés sur les murs prennent alors, par exemple, des formes très élaborées.

Type: stencil (style réaliste)


Type: Throw ups, style: bubble


Type: street art (affiche)


Technique mixte

On peut distinguer les types et les styles (chaque type pouvant utiliser chaque style).

Les types

Le tag: C’est le type de graffiti originel. C’est une signature personnalisée réalisé avec une seule couleur.

La pièce: C’est un ensemble de lettres stylisées, une représentation élaborée du nom de l’artiste. Une pièce est réalisée avec 3 couleurs ou plus et peut être accompagnée d’un personnage.

La fresque: Elle rassemble plusieurs pièces d’artistes différents sur un support géant. Une fresque raconte une histoire, elle peut avoir un fond unifié qui dessert les pièces de chaque artistes.

Le « street art » proprement dit: Ce sont les pochoirs, les interventions sur mobilier urbain, les détournements publicitaires, les stickers, les affiches, les collages, et les placements d’objets.

Les « Throw ups » : type de graffiti se situe entre le tag et la pièce. Le flop est fait pour être réalisé rapidement avec un minimum de traits et de couleur. Les lettres sont condensées, une couleur pour les contours, une pour le remplissage et éventuellement une autre pour les reflets.

Le personnage: Il représente une personne, un monstre, un super-heros, un animal, un portrait, une chimère, ou tout type de forme unifiée.

Le chrome : Graffiti réalisé avec une couleur dominante: le « chrome » (argenté). C’est une pièce basique dont les contours sont souvent réalisés en noir.

Type: chrome


Type: street art


Type: affiche (style: 3D)


Type: stencil (style réaliste)

Quelques styles

Wildstyle : Graffiti dans lequel les lettres sont entremelées, fusionnées et extravagantes. Leur extrémités sont dynamiques et peuvent se transformer en flèches ou pointes. Les lettres sont tellement travaillées et déformées avec style qu’il est difficile de déchiffrer pour les non-initiés.

3D : Graffiti créant l’illusion de 3 dimensions.

Bubble : Style de lettres en forme de bulles.

Old School : Style issu des premières vagues de graffiti (années 70 et 80).

Bloc : Ce style fait intervenir des formes en bloc dans le travail des lettres. Les formes sont carrées ou rectangulaires ce qui donne un effet de lourdeur, de solidité à la pièce.

Ignorant : Ce style de graffiti se veut une réaction au styles stylisés, techniques, et compliqués (wildstyle, 3D…). Basique, enfantin mais innovant. Ne pas confondre un graffiti raté et un graffiti au style ignorant dont la simplicité cache parfois un grande technique.

Hardcore : Ce style qualifie tous les tags, flop, pièces et vandal particulièrement violentes, agressives, dégoulinantes.

Réaliste: Personnages ou paysages sont réalisés de façon à rester le plus fidèle possible à la réalité.

Fat cap : Tags, flops ou traits réalisés avec un Fat Cap. Il existe différent cap (valve par laquelle sort le spray de peinture), le fat cap permet de réaliser des trait épais.

etc.

Type: fresque, (style: 3D)


Type: street art (style: affiche détournement publicitaire)


Type: fresque (style réaliste)


inclassable…

Type: stencil (style réaliste)
Type: Throw ups, style: bubble
Type: street art (affiche)
Technique mixte
Type: chrome
Type: street art
Type: affiche (style: 3D)
Type: stencil (style réaliste)
Type: fresque, (style: 3D)
Type: street art (style: affiche détournement publicitaire)
Type: fresque (style réaliste)
inclassable...