« A bas les exploiteurs !
A bas les despotes !
A bas les frontières !
A bas les conquérants !
A bas la guerre !
Et vive l’Egalité sociale. »
Jean Baptiste Clément
Jean Baptiste Clément est né à Boulogne-Billancourt le 31 mai 1836 dans une famille aisée. Il rompt très jeune avec sa famille et, dès l’âge de 14 ans, il exerce le métier de garnisseur de cuivre. A Paris, il côtoie des journalistes écrivant dans des journaux socialistes, notamment Le Cri du peuple de Jules Vallès. Militant socialiste et républicain il doit se réfugier en Belgique en 1867. Il y il publie Le Temps des cerises (sur une musique composée par Antoine Renard en 1868).
Revenu à Paris, il collabore à divers journaux d’opposition à Napoléon III. Il condamné pour avoir publié un journal non cautionné par l’empereur, et emprisonné jusqu’au soulèvement républicain du 4 septembre 1870.
Clément à la prison de Sainte-Pélagie (1869)
Il participe aux différentes journées de contestation du Gouvernement de la Défense nationale qui déboucheront sur la Commune. Révolutionnaire ardent et orateur apprécié, Clément est élu le 26 mars 1871 au Conseil de la Commune par le XVIIIe arrondissement. Il est membre de la commission des Services publics et des Subsistances. Le 16 avril, il est nommé délégué à la fabrication des munitions, puis, le 21 avril, à la commission de l’Enseignement. Combattant sur les barricades pendant la Semaine sanglante, il écrit peu après la chanson La Semaine sanglante (chantée sur l’air du Chant des Paysans de Pierre Dupont) qui dénonce la répression du Paris insurgé.
Clément réussit à fuir Paris, gagne la Belgique et se réfugie à Londres, où il poursuit son combat. Il est condamné à mort par contumace en 1874. Pendant cette période de mai 1875 à novembre 1876, il se réfugie clandestinement chez ses parents à Montfermeil. Il rentre à Paris après l’amnistie générale de 1880. En 1885, il fonde le cercle d’études socialiste de Charleville et la Fédération socialiste des Ardennes et mouru misérable. Des milliers de personnes suivirent son enterrement au Père Lachaise le 26 février 1903.
Le Temps des Cerises évoque à l’origine simplement le printemps et l’amour, mais, écrite bien avant la Commune, elle lui est fortement associée. D’abord parce qu’après son retour d’exil, Clément lui ajouta cette dédicace : « A la vaillante citoyenne Louise, l’ambulancière de la rue Fontaine-au-Roi, le dimanche 28 mai 1871 ». Ce jour là, avec Eugène Varlin et Charles Ferré (tous deux plus tard condamnés à mort et fusillés), Clément se trouvait sur la dernière des barricades. Louise Michel en était, qui évoque cette jeune femme dans son Histoire et souvenirs de la Commune : « Au moment où vont partir leurs derniers coups, une jeune fille venant de la barricade de la rue Saint-Maur arrive, leur offrant ses services : ils voulaient l’éloigner de cet endroit de mort, elle resta malgré eux. Quelques instants après, la barricade jetant en une formidable explosion tout ce qui lui restait de mitraille mourut dans cette décharge énorme, que nous entendîmes de Satory, ceux qui étaient prisonniers ; à l’ambulancière de la dernière barricade et de la dernière heure, J.-B. Clément dédia longtemps après la chanson des cerises. Personne ne la revit. »
L’assimilation du Temps des cerises à la Commune de Paris vient de son texte ouvert, qui peut aussi bien évoquer une révolution qui a échoué qu’un amour perdu. La coïncidence chronologique fait aussi que la Semaine sanglante fin mai 1871 se déroule justement durant la saison, le temps des cerises.
partition du temps des cerises
Le Temps des cerises
Quand nous chanterons le temps des cerises / Et gai rossignol et merle moqueur / Seront tous en fête. / Les belles auront la folie en tête / Et les amoureux du soleil au cœur. / Quand nous chanterons le temps des cerises / Sifflera bien mieux le merle moqueur.
Mais il est bien court le temps des cerises / Où l’on s’en va deux cueillir en rêvant / Des pendants d’oreilles. / Cerises d’amour aux robes pareilles (vermeilles) / Tombant sous la feuille en gouttes de sang. / Mais il est bien court le temps des cerises / Pendants de corail qu’on cueille en rêvant.
Quand nous en serons au temps des cerises / Si vous avez peur des chagrins d’amour / Évitez les belles. / Moi qui ne crains pas les peines cruelles / Je ne vivrai point sans souffrir un jour. / Quand vous en serez au temps des cerises / Vous aurez aussi des peines d’amour.
J’aimerai toujours le temps des cerises / C’est de ce temps-là que je garde au cœur / Une plaie ouverte. / Et Dame Fortune, en m’étant offerte / Ne pourra jamais fermer ma douleur. / J’aimerai toujours le temps des cerises / Et le souvenir que je garde au cœur.
La Semaine sanglante, évoque puissamment les journées terribles du 21 au 28 mai 1871, où la Commune de Paris est écrasée et ses membres exécutés en masse. Selon Lissagaray, 3.000 Communards ont été tués et blessés au combat, et environ 20.000 Communards ou présumés Communards, ont été fusillés la Semaine sanglante.
La Semaine sanglante
Sauf des mouchards et des gendarmes, / On ne voit plus par les chemins, / Que des vieillards tristes en larmes, / Des veuves et des orphelins. / Paris suinte la misère, / Les heureux mêmes sont tremblant. / La mode est aux conseils de guerre, / Et les pavés sont tous sanglants.
Refrain: Oui mais ! / Ça branle dans le manche, / Les mauvais jours finiront. Et gare ! à la revanche, / Quand tous les pauvres s’y mettront. / Quand tous les pauvres s’y mettront.
Les journaux de l’ex-préfecture, / Les flibustiers, les gens tarés, / Les parvenus par l’aventure, / Les complaisants, les décorés / Gens de Bourse et de coin de rues, / Amants de filles au rebut, / Grouillent comme un tas de verrues, / Sur les cadavres des vaincus.
On traque, on enchaîne, on fusille / Tout ceux qu’on ramasse au hasard. / La mère à côté de sa fille, / L’enfant dans les bras du vieillard. / Les châtiments du drapeau rouge / Sont remplacés par la terreur / De tous les chenapans de bouges, / Valets de rois et d’empereurs.
Nous voilà rendus aux jésuites / Aux Mac-Mahon, aux Dupanloup. / Il va pleuvoir des eaux bénites, / Les troncs vont faire un argent fou. / Dès demain, en réjouissance / Et Saint Eustache et l’Opéra / Vont se refaire concurrence, / Et le bagne se peuplera.
Demain les manons, les lorettes / Et les dames des beaux faubourgs /
Porteront sur leurs collerettes / Des chassepots et des tambours / On mettra tout au tricolore, / Les plats du jour et les rubans, / Pendant que le héros Pandore / Fera fusiller nos enfants.
Demain les gens de la police / Refleuriront sur le trottoir, / Fiers de leurs états de service, / Et le pistolet en sautoir. / Sans pain, sans travail et sans armes, / Nous allons être gouvernés / Par des mouchards et des gendarmes, / Des sabre-peuple et des curés.
Le peuple au collier de misère / Sera-t-il donc toujours rivé ? / Jusques à quand les gens de guerre / Tiendront-ils le haut du pavé ? / Jusques à quand la Sainte Clique / Nous croira-t-elle un vil bétail ? / À quand enfin la République / De la Justice et du Travail ?
En 1884 est publié à Paris le recueil Chansons de Clément. Clément y reprend et transforme une chanson entendu de sa grand-mère. Ce sera la fameuse contine Dansons la capucines dont on connaît généralement une version édulcorée, et dont voici le texte de Clément :
Dansons la Capucine
Dansons la Capucine, / Le pain manque chez nous… / Le curé fait grasse cuisine, / Mais il mange sans vous. / Dansez la Capucine / Et gare au loup, / You !
Dansons la Capucine, / Le vin manque chez nous… / Les gros fermiers boivent chopine, / Mais ils trinquent sans vous. / Dansez la Capucine / Et gare au loup, / You !
Dansons la Capucine / Le bois manque chez nous… / Il en pousse dans la ravine, / On le brûle sans vous. / Dansez la Capucine / Et gare au loup, / You !
Dansons la Capucine, / L’esprit manque chez nous… / L’instruction en est la mine, / Mais ça n’est pas pour vous. / Dansez la Capucine / Et gare au loup, / You !
Dansons la Capucine, / L’argent manque chez nous… / L’Empereur en a dans sa mine, / Mais ça n’est pas pour vous. / Dansez la Capucine /
Et gare au loup, / You !
Dansons la Capucine, / L’amour manque chez nous… / La pauvreté qui l’assassine / L’a chassé de chez vous. / Dansez la Capucine / Et gare au loup, /You !
Dansons la Capucine, / La misère est chez nous… / Dame Tristesse est sa voisine / Et vous en aurez tous. / Dansez la Capucine / Et gare au loup, / You !
Dansons la Capucine, / La tristesse est chez nous… / Dame Colère est sa voisine / Et vous en aurez tous. / Dansez la Capucine / Et gare au loup, / You !
Dansons la Capucine, / La colère est chez nous… / Dame Vengeance est sa voisine, / Courez et vengez-vous ! / Dansez la Capucine / Et gare au loup, /You !