Le préfet de région a interdit la manifestation prévue hier samedi, place de la gare, à Rennes. Prévue de longue date, cette manifestation devait apporter un soutien à toutes les luttes du grand Ouest: sans-papiers, mouvements de chômeurs, opposition à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, mouvements sociaux dans les facs et les usines, etc. ‘Il s’agit de rassembler toutes ces luttes car elles ont en commun de vouloir en finir collectivement avec la passivité et la résignation à laquelle nous sommes acculés‘, expliquait le tract des organisateurs.

Ce sont les incidents de samedi dernier à Poitiers qui auraient amené le ministère de l’Intérieur à pousser le préfet à interdire la manifestation rennaise. Trois escadrons de gendarmerie mobile et une compagnie de CRS, auxquels s’ajouteront les hommes du GIPN, de la Brigade anticriminalité, et des unités locales étaient mobilisés ce samedi.

14h20. Dernier métro à s’arrêter à la gare de Rennes, les forces de l’ordre ont décidé d’empêcher les arrêts du métro. Les passagers sont invités à sortir de la station. De même à la gare, les entrées sont filtrées. A l’heure dite (15h), place de la gare, les gendarmes mobiles ont procédé à de nombreux contrôles. Malgré l’interdiction, 200 à 300 militants sont venus en petits groupes. En face, plus de 250 policiers et gendarmes les ont empêchés de se rassembler. Au total, les forces de l’ordre précèderont à 173 contrôles d’identité et 27 fouilles de véhicules. Personne ne sera interpellé. Aucune garde à vue ne sera ordonnée.

Le squat du canal Saint-Martin est envahi par une vingtaine de policiers. ‘Ils ont vidé les armoires, répandu de la sauce bolognaise sur nos vêtements propres et ils ont vidé des bouteilles de vin sur nos matelas’, explique un occupant. Le directeur départemental de la sécurité publique a expliqué: ‘Nous avons trouvé une camionnette immatriculée en Grande Bretagne qui était également présente à Poitiers, samedi dernier. A l’intérieur de ce véhicule nous avons trouvé des bâtons entourés de tissu, certainement des futures torches. En conséquence, nous avons vérifié les identités de toutes les personnes présentes près de la camionnette, qui se trouvait être garée devant le squat.‘ Un autre squat (une maison vide appartenant à la ville de Rennes) a été ouvert 47 rue de Paris.

Un embryon de Ministère de l’Intérieur de l’Union européenne a été fondé dans le secret dans le cadre du Traité de Lisbonne 4. Ces plans pour ‘un Ministère de l’Intérieur’ embryonnaire de l’Union européenne pour organiser le partage de renseignements et la lutte contre le terrorisme et le crime a été accepté aux pourparlers secrets la semaine dernière, selon le quotidien anglais Telegraph.

Le texte du Traité annonce qu »un comité permanent sera fondé dans le Conseil pour assurer que la coopération opérationnelle sur la sécurité intérieure est mis en place et renforcé dans l’Union‘. Les formules ont délibérément été laissées dans le vague. Selon un officiel impliqué dans les pourparlers: ‘parfois il vaut mieux ne pas expliciter trop les choses pour garder la flexibilité et offrir aux fonctionnaires (…) la créativité d’une page blanche.‘ Agissant sous le couvert de cette discrète section du Traité, des fonctionnaires ont fondé un Comité Permanent de la Sécurité Intérieure (COSI) pour mettre en oeuvre ce qui est efficacement la politique de sécurité intérieure de l’UE.

Les informations disponibles pour des agences d’application de la loi et ‘des organisations de sécurité publique’ seraient étendues du partage d’ADN et des bases de données d’empreinte digitale, gardées et stockées pour des nouvelles cartes d’identité de génération numériques, incluant aussi les enregistrements CCTV et celui issu de de la surveillance d’Internet. COSI coordonnera la politique entre des forces nationales et des organisations de l’Union européenne comme Europol, l’agence de frontières de Frontex, la Force de Gendarmerie européenne et les services de renseignements qui partagent le Centre de Situation Commun, sous des mesures connues comme ‘le programme de Stockholm’. Il intensifiera brusquement la collaboration parmi les polices des États membres.

Dépassé par l’ampleur du scandale lié au fichier EDVIGE, le Parlement avait chargé deux députés de lui remettre un rapport d’information sur les fichiers de police, rapport adopté à l’unanimité le 24 mars 2009.

Selon ce rapport, il serait ainsi ‘opportun’ de confier à une ‘commission’ le soin de trouver un moyen pour que le nouveau super-fichier ARDOISE n’hérite pas du ‘stock d’erreurs accumulées’ (plus d’un million, rien que pour ces trois dernières années) dans les fichiers (de police) STIC et (de gendarmerie) JUDEX qu’il doit absorber. L’an passé, 83% des fichiers policiers que la CNIL a été amenée à contrôler étaient inexacts, périmés ou erronés… et le tiers des fichiers qu’elle a vérifié, dans une opération de ‘blind test’ portant sur des affaires de stupéfiants, étaient erronés, faute d’avoir été mis à jour par le ministère de la Justice – censé informer la police des suites judiciaires données aux enquêtes policières, mais qui n’a transmis en, 2007, que 31% des ‘relaxes’, 21,5% des classements ‘sans suite’, 7% des ‘acquittements’, et 0,47% des ‘non lieux’…

Le rapport propose aussi d’avertir toute personne risquant de perdre son emploi du fait qu’elle est fichée, afin de lui permettre d’être ‘entendue, pour exposer son cas’, et non plus de l’en informer, après coup, une fois la décision prise. Un million de personnes, blanchies par la justice, étaient toujours considérées comme suspectes dans les fichiers policiers. Et dans son rapport sur le contrôle du système de traitement des infractions constatées (STIC), la CNIL estime que plus d’un million de personnes sont concernées par ces ‘enquêtes administratives de moralité’, qui peuvent leur coûter leur emploi.

Les deux députés viennent de déposer un projet de loi pour modifier la loi ‘informatique et libertés’ de sorte que la création d’un fichier policier ne puisse être autorisée sans en passer par une loi. Jusqu’en 2004, tout fichier ‘de sûreté’ ou portant sur la totalité de la population devait en effet être autorisé par la CNIL. La nouvelle loi ‘informatique et libertés’ a fait sauter ce verrou: l’Etat doit toujours, certes, saisir la CNIL, mais il n’a plus à tenir compte de son avis, déniant ce pour quoi la CNIL avait pourtant été créée, à savoir protéger les citoyens du fichage policier. Cette même loi autorise également les fichiers policiers à être ‘hors la loi’ jusqu’en octobre 2010. Résultat: le nombre de fichier policiers a augmenté en France de 70% ces trois dernières années, et le quart des 58 fichiers de police n’ont aucune existence légale.

Pour en revenir au fichier Edvige, les deux députés proposent la création (par la loi) de deux nouveaux fichiers destinés à remplacer celui des Renseignements Généraux: un pour le service de renseignement de la Préfecture de Police de Paris, l’autre pour la sous-direction de l’information générale (SDIG), qui a récupéré le quart des effectifs des anciens Renseignements Généraux. Y seront notamment fichés ‘les personnes, groupes, organisations et personnes morales qui, en raison de leur activité individuelle ou collective, peuvent porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, par le recours ou le soutien actif apporté à la violence’… ainsi que ‘les personnes entretenant ou ayant entretenu des relations directes et non fortuites avec ceux-ci’. Les mineurs de 13 ans, qui avaient eux aussi cristallisés une partie des opposants à EDVIGE, leur fichier sera effacé au bout de trois ans… sauf s’ils sont de nouveau fichés, ou que le magistrat (du parquet) en charge du contrôle du fichier accepte de les y maintenir, pendant un ou deux ans supplémentaires, à la demande de ceux qui les ont fichés.

Trois cents interpellations ont eu lieu après les incidents qui ont éclaté à Strasbourg, jeudi après-midi, entre la police et des manifestants opposés au sommet de l’Otan. Au total, 70 – sur les 105 du départ – sont encore en garde à vue ce vendredi matin. Le parquet local a donc remis en liberté une trentaine de personnes qui étaient poursuivies pour participation à un attroupement armé et violences avec armes par destination. Selon le Legal Team de Strasbourg, quatre à cinq personnes pourraient être jugées en comparution immédiate, une information non confirmée de source judiciaire. ‘Les personnes interpellées viennent de toute l’Europe‘, d’après un porte-parole de la Legal Team.

Plusieurs centaines de manifestants avaient quitté, jeudi, le village autogéré du contre-sommet pour se diriger vers le centre-ville, distant de 6 kilomètres. Les policiers leur ont barré le chemin en grand nombre, appuyés par un hélicoptère. Ils ont fait usage de gaz lacrymogènes et de grenades assourdissantes-aveuglantes et ont repoussé les manifestants jusqu’à une zone forestière et industrielle. Les vitres d’une caserne, ainsi que des abribus ont été brisés, quelques poubelles ont été incendiées et le commissariat du quartier du Neuhof, fermé à ce moment-là, a été attaqué. Un photographe allemand de l’agence DDP a été blessé alors qu’il couvrait l’évènement dans le quartier du Neuhof. Rapidement conduit à l’hôpital hier soir, ‘il a reçu une balle en caoutchouc dans le ventre‘, selon le chef du service photo de l’agence DDP. La grande manifestation aura lieu ce samedi. On attend 60.000 manifestants auxquels feront face près de 10.000 policiers et gendarmes appuyés par des unités d’élite de la police et de la gendarmerie et 200 policiers allemands.

Manifestation à Strasbourg

Manifestation à Strasbourg

Un jeune faucheur volontaire d’OGM a été relaxé par un tribunal d’Orléans, où il était jugé pour refus de prélèvement d’ADN: une infraction passible de plusieurs mois de prison. Le tribunal a justifié cette relaxe par le fait que la loi punissant les fauchages de cultures agricoles ne prévoit pas l’imposition de prélèvements d’ADN aux condamnés. Ce jugement est peu commun. Jusqu’à présent, en effet, la majorité des réfractaires aux empreintes ADN étaient condamnés à des amendes et/ou à des peines de prison.

Les données récoltées vont nourrir le ‘Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques’ (FNAEG), un fichier exploité en commun par la police et la gendarmerie qui contient à ce jour, et pour une durée pouvant aller jusqu’à quarante ans, un million de profils génétiques. Lors de sa création, sous le gouvernement Jospin en 1998, le FNAEG était réservé aux auteurs de crimes graves: les criminels sexuels, singulièrement. Mais en 2003, alors que Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur, la droite a étendu la portée de ce fichier à plus d’une centaine d’infractions (jusqu’aux infractions au code de la route et aux tags) et a permis que le FNAEG recense non plus seulement les condamnés, mais aussi les suspects. Depuis, les prélèvements ADN sont imposés à des militants anti-OGM, antipub, antinucléaire, à des manifestants, etc. Parfois, des prélèvements ont même été réclamés à des élus rejoignant ces activistes sur le terrain, voire à des enfants ayant chapardé dans des grands magasins.

La ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, si elle a déjà reconnu dans le passé que ce fichier était ‘encombré’ tant les forces de l’ordre avaient pris l’habitude de l’alimenter, tient à cet outil qui aurait ‘permis de réaliser 45928 rapprochements de profils génétiques’. Ce qui a contribué à la hausse, ces dernières années, du nombre d’affaires élucidées. Pour les autorités, dès lors, la poursuite de ‘l’extension de la police technique et scientifique à toutes les formes de délinquance’ est ‘une des priorités’ pour l’avenir. Jusqu’à ce que l’Hexagone, comme le Royaume-Uni par exemple, dispose d’un fichier génétique regroupant plusieurs millions de profils.

Un militant présumé de l’ETA, au volant d’une voiture, s’était soustrait dans la matinée à un contrôle de police dans le centre de la ville de Millau. Pris en chasse, l’homme a alors eu un accident de la route et a été interpellé par la gendarmerie près de Compeyre, autre localité du département de l’Aveyron.

L’ancien prisonnier politique basque Peio Fagan a été arrêté le 10 février à son domicile de Bidart, où la police française a effectué une perquisition, dans ce qui semble être la suite de ‘l’enquête’ sur les bars de la gauche nationaliste. Il a été emmené au commissariat de Bayonne peu après 8h. Par ailleurs, au moins 6 personnes sont convoquées cette semaine au commissariat de Bayonne dans le cadre de la même procédure, la plupart d’entre elles ayant déjà été soit convoquées, soit arrêtées pour répondre aux mêmes questions.

Près de 90 personnes ont déjà été soit arrêtées, soit convoquées (et une bonne partie d’entre elles mises en garde-à-vue aussitôt), en tout cas interrogées sur toute la militance basque au prétexte de questions sur la gestion des bars. La théorie de départ selon laquelle Batasuna financerait la lutte armée par le biais de ces bars s’étant effondrée – le Procureur Jean-Claude Marin lui-même l’a reconnu en novembre dernier, déclarant qu’aucun élément n’avait prouvé le lien entre ETA et Batasuna – , les autorités françaises ont retourné l’hypothèse, cherchant maintenant à prouver que c’est la lutte armée qui finance ces bars! Il apparaît de plus en plus clairement que le Parquet est à la recherche de n’importe quel prétexte dans un but politique: criminaliser un mouvement politique, harceler ses membres et leurs proches, et détourner ces militants de leur travail quotidien, les obligeant à se justifier et à se débattre dans des procédures arbitraires.

Au sujet des bars: il s’agit de projets largement soutenus, de lieux populaires, euskaldun, ouverts à toutes les associations et partis, instruments indispensables à la mobilisation et à la solidarité. C’est en cela aussi qu’ils sont dans la ligne de mire d’un pouvoir qui préfère largement le modèle individualiste du chacun chez soi. Des dizaines et des dizaines de personnes sont aujourd’hui inquiétées et parfois maltraitées pour un simple chèque de soutien! Au sujet des méthodes: la convocation est de plus en plus utilisée, et est présentée par la police comme une faveur, leur demandant s’ils préfèreraient être arrêtés et perquisitionnées à 6h du matin par trente agents. Ce n’est pas une faveur, c’est un chantage. Ces interrogatoires servent à un fichage massif et à préparer les prochains montages policiers et judiciaires.

Il faut ajouter à cela le véritable harcèlement auquel sont en train de se livrer la police et la gendarmerie française ces dernières semaines: contrôles incessants, présence étouffante; interrogatoires politiques à l’occasion de soi-disant contrôles d’alcoolémie; convocations de jeunes sous des prétextes ridicules (comme par exemple: ‘nous avons retrouvé votre portefeuille devant un graffiti’ avec prises d’empreintes, ADN et centaines de questions); contrôle d’une militante de SEGI avec fouille de son véhicule ‘sur ordre du procureur’; etc.

Au cours des années 1999 et 2000, s’inspirant des méthodes mises au point en Europe contre les prisonniers révolutionnaires, l’Etat fasciste turc a mené à bien un programme de construction de prisons spéciales (de type F) conçues sur le principe de l’isolement maximal, méthodique, permanent et de longue durée. L »isole’ent comme mode de détention (plutôt que comme mode de punition temporaire) est une forme de torture blanche pratiquée tant pour ses effets à court terme (le retrait des prisonniers de la vie politique) que pour ses effets à long terme (la destruction de la santé mentale des prisonniers). De plus, l’isolement met les prisonniers à la merci des tortionnaires, alors que la détention en groupe limitait les exactions dans les prisons.

Il y avait alors 9000 prisonniers politiques en Turquie, pour moitié issus du mouvement de libération nationale du Kurdistan, pour moitié issus des organisations communistes révolutionnaires. 800 prisonnières et prisonniers appartenant à trois organisations révolutionnaires, le Parti-Front Révolutionnaire de Libération du Peuple, le Parti Communiste de Turquie Marxiste-Léniniste, et le Parti Communiste des Travailleurs de Turquie, ont commencé le 20 octobre 2000 une grève de la faim au finish pour s’opposer aux transferts dans les premières nouvelles prisons d’isolement.

Tout a été fait pour briser cette lutte. Les 19, 20 et 21 décembre 2000, la gendarmerie et les commandos de l’armée ont attaqué à l’explosif, au gaz de combat, à la grenade incendiaire et à l’arme automatique les dortoirs de vingt pénitenciers où s’étaient barricadés les prisonniers révolutionnaires. 32 prisonniers et prisonnières ont trouvés la mort dans ces assauts, les autres, le plus souvent cruellement blessés, bras et jambes cassés, ont été jetés sans soin dans les cellules-cachots des prisons de type F. Turquie, des militants turcs à Bruxelles ont appelé au jugement des assassins.

Calicot pour les prisonniers turcs

Manifestation pour les prisonniers turcs

Calicot pour les prisonniers turcs
Manifestation pour les prisonniers turcs

Mercredi 25 novembre, un Comité de Soutien aux Inculpés du 11 novembre a été fondé à Bruxelles. Voici son texte fondateur:

A l’aube du 11 novembre, 150 policiers cagoulés ont encerclé le village de Tarnac (350 habitants) en Corrèze, en plein centre de la France. A leur suite, une brigade de la police scientifique, des chiens renifleurs d’explosifs, un hélicoptère et une nuée de journalistes. Ces derniers n’avaient toutefois pas eu le temps de sortir leurs micro que déjà les dépêches AFP vendaient le scoop: les ‘dangereux saboteurs du rail‘ ont été débusqués et arrêtés. Cette opération spectaculaire a eu lieu à la suite de dommages commis sur des câbles électriques de la SNCF, qui avaient entraîné une perturbation du trafic ferroviaire les jours précédents, dans un contexte de grogne des cheminots. Un jour entier, le petit village a été isolé du monde par des barrages de police. Sur 20 personnes interpellées, 9 ont été emmenées dans les locaux de la police judiciaire à Paris pour subir quatre jours d’interrogatoires (temps maximum récemment autorisé par la loi pour une enquête terroriste). Les personnes qui ont été arrêtées vivaient en communauté; certains travaillaient à la ferme du Goutailloux, d’autres à l’épicerie du village qu’ils avaient repris à sa fermeture et où ils servaient tous les jours des repas ouvriers. Piétinant la présomption d’innocence aussi bien que le simple bon sens, les médias ont relayé deux jours durant les discours de la ministre de l’Intérieur et du chef de l’Etat, qui se sont empressés de saluer cette enquête éclair, ont ‘félicité la police et la gendarmerie pour leur diligence‘ et se sont ‘réjouis des progès rapides et prometteurs de l’enquête‘, tandis qu’un responsable syndical exprimait son soulagement à ne voir figurer aucun cheminot parmi les prévenus. Avant même le début de la garde à vue, l’affaire semblait entendue. Mais moins de deux jours après, force était de reconnaître de source judiciaire qu’aucune des preuves attendues n’était venue conforter les affirmations des policiers; ni flagrant délit, ni trace ADN, ni aveux, le dossier ne se fonde plus que sur l’enquête de police et sur des soupçons. L’on assiste dès lors à une surenchère de discours tenant lieu de pièces à conviction: dans la presse, on est passé ‘d’actes de malveillance‘ à ‘actes terroristes‘. S’il y a communauté, il ne peut s’agir que d »une secte‘. S’ils n’ont pas de portable, ce n’est pas un choix de vie mais parce que ce sont des ‘pros de la clandestinité‘. Ils ont une épicerie? Oui, mais ‘tapie dans l’ombre‘ (le Figaro, 12/11). A cela s’ajoute un classique éculé, la construction de la figure du ‘leader charismatique‘: le principal prévenu est accusé d’être le ‘dirigeant‘ d’une inconcevable ‘cellule invisible‘ ayant pour objet la ‘lutte armée‘, dont les cinq personnes aujourd’hui en détention seraient le ‘noyau dur‘. Ce qui peut valoir ‘jusqu’à 20 ans de prison‘ (le procureur Jean-Claude Marin, dans Libération, 15/11). Avec le comité de soutien de Tarnac à l’appel duquel nous répondons, nous ne pouvons que constater la démesure, grotesque ou tragique, qui entoure cette affaire: Démesure entre les actes reprochés et leurs qualifications, entre les preuves fournies par l’accusation et les procès d’intention faits aux inculpés, entre l’ampleur de l’opération ‘Taïga’ digne d’un raid en Irak et l’existence tout sauf clandestine des personnes qu’elles visaient. Après une semaine de délire et de surenchère généralisée, la presse change un peu de ton, grâce d’ailleurs à la lucidité salutaire de certaines interventions (nous pensons au philosophe Giorgio Agamben, dans le Libération du 19, ou à un article de M. Quadruppani, sur le site Rue89 le 18…) et à l’indignation d’un grand nombre de lecteurs anonymes choqués par le traitement médiatique de cette affaire. Mais cinq des inculpés, eux, restent en détention. Une détention qualifiée de ‘provisoire’ mais qui peut s’étendre en France, pour les affaires qualifiées de ‘terrorisme’, jusqu’à 4 ans et huit mois… Dans un contexte de crise générale allant s’approfondissant et face aux désaveux de sa politique, l’Etat français a besoin pour se soutenir de la constitution d’un nouvel ennemi intérieur. Le ‘terrorisme islamique‘, la ‘racaille des banlieues‘ ne suffisent plus: la ‘résurgence d’une mouvance anarcho-autonome‘ (décrétée par Michèle Alliot-Marie, ministre française de l’Intérieur) semble arriver à point nommé. Si l’affaire de Tarnac paraît ‘montée de toute pièce‘ il y a derrière un enjeu de taille. En faisant, d’une part, coïncider toujours davantage la figure du suspect et celle du coupable, l’Etat installe la peur dans les milieux contestataires. D’autre part, en faisant passer pour terroristes des actes qui relèvent plutôt du blocage, et qui s’inscrivent dans la continuité de gestes qui ont toujours existé dans les luttes sociales (blocages de la gare du midi par les étudiants de l’ULB ces mois derniers à Bruxelles, blocages autoroutiers en France pendant le CPE…). Il diabolise toute contestation qui ne se condamnerait pas d’avance à rester symbolique; il s’agit là de distiller la peur dans l’opinion publique. Pour ce faire, rien de tel qu’une opération comme celle du 11 novembre; opération dont la démesure est elle-même une opération visant à conforter, aussi a posteriori, l’introduction de ces ‘lois d’exception’. Les lois d’exception s’appliquent bien sûr aussi en Belgique. La Belgique a été l’un des premier pays à suivre avec zèle les directives européennes invitant à se doter de nouvelles mesures anti-terroristes. Affirmer maintenant notre solidarité avec ceux qui se trouvent en ce moment sous le coup de ces mesures indique aussi bien que nous nous organisons pour résister, ici, à leur mise en oeuvre. En écho avec le comité de soutien de Tarnac, nous demandons la libération immédiate de tous les inculpés et la levée des poursuites en matière de terrorisme.

Le Comité de Soutien aux Inculpés du 11 novembre – Bruxelles

Pour contacter le comité: soutien11novembre@bruxxel.org

Pour ceux de Tarnac

Pour ceux de Tarnac

Le 9 septembre, la 6e chambre du tribunal civil de Liège a condamné l’Etat belge à payer 2.000 euros de dédommagement aux quatre activistes liégeois, mis sur écoute téléphonique lors d’un sommet européen en 2001 (cf. ci-dessous). Selon le jugement, l’enquête proactive de la gendarmerie et la mise à l’instruction du dossier ne constituent pas vraiment des fautes: des précédents (Gênes et Göteborg) ayant pu laisser croire à une menace de violences urbaines. Ceci dit, les techniques spéciales d’investigation sont hors de proportion. Un magistrat prudent n’aurait pas du les autoriser. De même, l’acharnement du parquet du procureur du roi est constitutif d’une faute. Une première ordonnance favorable aux quatre suspects a été frappée d’appel, ce qui a allongé la procédure de trois ans. Inutilement.

Journal télévisé