Le gouvernement fédéral a trouvé vendredi un accord en comité restreint pour préciser la loi qui contient la peine d’interdiction de manifester. Cette peine accessoire, contenue dans un projet de loi fourre-tout visant “à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme”, vise les “casseurs” actifs dans des manifestations ou autres “rassemblements revendicatifs”. Les syndicats et plusieurs associations ont dénoncé le texte car ils redoutent que celui-ci constitue une entrave de plus aux personnes qui mèneraient des actions dans le cadre d’un conflit social ou pour dénoncer politiquement une situation. En commission de la Chambre, le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne (Open Vld), avait assuré que son projet ne s’appliquerait pas aux actions de grève. Devant la fronde des syndicats et du monde associatif, le PS et les écologistes ont réclamé que les intentions du ministre se retrouvent explicitement dans le projet de loi et ne soient pas simplement consignées dans les travaux parlementaires (voir notre article).

Mercredi, faute d’accord en “kern”, la commission de la Justice de la Chambre a dû reporter ses travaux. L’accord trouvé aujourd’hui vendredi prévoit que la garantie de “la liberté de manifester dans un but politique syndical, humanitaire, philosophique, environnemental, civique ou le droit de mener des actions collectives” soit inscrite dans le texte de loi par le biais d’un amendement qui précisera aussi la nécessité d’un caractère intentionnel des actes (vandalisme, coups et blessures, etc.) qui donnent lieu à la condamnation principale. L’interdiction de manifester ne s’appliquera en outre qu’à partir d’un “rassemblement revendicatif” d’au moins 100 personnes. En d’autres termes, des piquets de grève ou les actions “coup de poing” de certaines organisations comme Greenpeace ne seraient pas concernés. L’interdiction prononcée par un juge ne peut excéder trois ans et 5 ans en cas de récidive, et non plus 6 ans.

Un document du Conseil européen recensant les positions des différents États membres de l’Union concernant les législations sur le chiffrement, révèle un soutien significatif parmi ces États pour des propositions visant à scanner les messages privés à la recherche de contenu illégal. Sur les 20 pays de l’UE représentés dans le document, la majorité (15) s’est déclarée favorable à une forme de scan des messages chiffrés, avec une position espagnole particulièrement radicale. Des représentants espagnols ont déclaré : « Idéalement, à notre avis, il serait souhaitable d’empêcher législativement les fournisseurs de services basés dans l’UE de mettre en œuvre un chiffrement de bout en bout ». Le chiffrement de bout en bout, utilisé par WhatsApp et Signal, est conçu pour permettre uniquement à l’expéditeur et au destinataire de voir le contenu des messages, excluant toute autre partie, y compris l’éditeur de la messagerie. Si l’Espagne et d’autres pays estiment qu’il devrait être affaibli, certains États membres, comme le Danemark et l’Irlande, se disent en faveur d’une forme de scan des messageries sans affaiblir pour autant le chiffrement de bout de bout. Mais c’est quelque chose d’impossible à réaliser, d’après les experts. Les Pays-Bas proposent de leur côté la possibilité de scanner l’appareil en amont : c’est ce qu’avait proposé Apple pour les photos pédopornographiques (voir ici), mais après la polémique suscitée par cette idée, le constructeur l’avait abandonnée.

Le 23 décembre 2022, le conseil des ministres avait approuvé l’instauration d’une interdiction judiciaire de manifester pour les « casseurs », en réaction aux échauffourées pendant la Coupe du monde (photo) et aux affrontements à l’issue des manifestations contre les mesures sanitaires. Selon le projet de loi validé en conseil des ministres, le juge peut imposer l’interdiction en tant que peine autonome si une personne est amenée à comparaître devant le juge après avoir commis des actes de vandalisme dans le cadre d’une manifestation. La durée de l’interdiction judiciaire de manifester est de 3 ans maximum (6 ans en cas de récidive)  et est valable pour l’ensemble du pays. En cas de non-respect de la mesure, le parquet renverra le contrevenant devant le juge. Cette interdiction pourra être contrôlée par n’importe quel policier belge car l’information sera ajoutée dans la Banque de données nationale générale (BNG). Mercredi 12 mai, le ministre de l’intérieur a présenté cette loi en commission, ce qui est un nouveau pas vers son adoption.

 

Cinq jours après avoir demandé la dissolution des Soulèvements de la Terre (voir notre article), le ministre de l’intérieur français, Gérald Darmanin, a annoncé vouloir interdire un nouveau groupe: Défense Collective. « Nous avons identifié (ce) mouvement qui appelle au soulèvement. Nous allons aussi lance sa dissolution » a-t-il indiqué. Défense Collective est un collectif de Rennes né au moment les luttes contre la Loi Travail de 2016 et qui pour but de soutenir les personnes confrontées à la répression policière et judiciaire, mais aussi d’agir en amont par son action dans la rue et par l’expérience tirée de la répression. Defco organise des formations antirep, une legal team, et met en ligne des conseils (comment réagir à une garde à vue, etc.). Depuis, des collectifs Defco ont été fondés à Marseille et à Paris, mais il semble que seul le collectif rennois soit dans le collimateur.

Le site de Défense collective

«L’ordure va vous parler demain à 13 heures». Ce message a été posté par une quinquagénaire du Nord de la France sur Facebook avant l’intervention de Macron à la télévision le 22 mars dernier. Pour ce simple message, des policiers ont débarqué chez elle et l’ont emmenée au poste. Placée en grade à vue, elle est convoquée en procès, et encourt jusqu’à 12.000 euros d’amende pour «outrage». Un sous-préfet a porté plainte, des policiers ont enquêté, un procureur a décidé qu’il fallait poursuivre.

Le site Contre-attaque a rencensé quelques épisode de ce retour au crime de « lèse-majesté » en France:
En avril 2022, pour son dernier discours avant les élections, Macron était dans la petite ville de Figeac. Des habitants et habitantes ont déployé une banderole à leur balcon, sur la place où parlait le président : «Quand tout sera privé, on sera privé de tout». Des policiers étaient montés dans l’appartement, avaient menacé de défoncer la porte et d’embarquer les habitants, avant d’arracher la banderole. Ils étaient resté, illégalement, dans le domicile pendant tout le discours.
Durant le confinement, plusieurs personnes ont été intimidées voire placées en garde à vue à Toulouse, Marseille ou Caen pour avoir affiché des banderoles ou des pancartes contre Macron à la fenêtre de leurs domiciles. À chaque fois, le slogan était «Macronavirus, à quand la fin».
Le 27 mars 2023, un enseignant a été placé en garde à vue pour avoir posé sur les rails de la gare de Nice un pantin à l’effigie du président de Macron.
Le 7 avril 2018 à Nantes, lors d’une manifestation, une marionnette en papier et en chiffon à l’effigie de Macron a été jugée symboliquement et pendue. Pendant deux mois, une équipe de la Police Judiciaire de Nantes a enquêté, en récupérant des photos de journalistes et de vidéosurveillance. Un manifestant avait été interpellé à son travail, placé en garde à vue et perquisitionné, un autre, à la santé défaillante, a aussi été placé en cellule, et un mineur a été convoqué au commissariat.

Suite à la décision de la Cour de cassation de novembre 2022, l’affaire Vincenzo Vecchi a été rejugé ce vendredi 24 février. Après Rennes et Angers, la cour d’appel de Lyon est la troisième a traité cette affaire (lire de précédents articles ici et ici). La cour d’appel de Lyon rendra sa décision le 24 mars. Si la cour d’appel refuse l’extradition, le ministère public pourra une fois de plus introduire un pourvoi en cassation.
Pour en savoir plus sur l’affaire Vicenzo Vecchi : https://www.comite-soutien-vincenzo.org/

Des affrontements ont eu lieu samedi dans la capitale bretonne lors de la manifestation organisée contre la réforme des retraites du gouvernement (voir notre article). Le parquet de Rennes a annoncé lundi avoir « ouvert une enquête criminelle confiée à la sûreté départementale pour tentative d’homicide volontaire sur personnes dépositaires de l’autorité publique s’agissant du jet d’un cocktail Molotov place de la République ayant blessé trois CRS, dont un plus sérieusement (à la suite de l’inflammation de sa tenue) ». Les policiers sont en ITT pour 8 à 10 jours.

Par ailleurs, quatre personnes interpellées samedi, âgées de 18 à 24 ans et sans antécédents judiciaires, ont été déférées. Poursuivi en comparution immédiate des chefs de « violences sur fonctionnaires de police » et « port sans motif légitime d’artifice détonant », un homme a obtenu le renvoi de son affaire au 20 mars et est placé jusqu’à cette date sous contrôle judiciaire. Deux autres seront poursuivies le 7 mars, notamment pour « violences sur fonctionnaires de police », et sont également placées d’ici-là sous contrôle judiciaire. Une quatrième a été condamnée lundi pour rébellion à 105 heures de travaux d’intérêt général à effectuer dans les 18 mois dans le cadre d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (Crpc).

 

Des affrontements ont éclaté entre manifestants et policiers lors d’une protestation contre le gouvernement dans les rue de Lima. Le Conseil métropolitain de Lima a approuvé une interdiction des rassemblements publics dans une zone de 10,3 kilomètres carrés autour du centre historique de la capitale. Le maire a souligné que cet accord est une « étape transcendantale » pour transformer le centre de Lima en une attraction touristique de classe mondiale. À cette fin, il a appelé à une coordination étroite avec la police et le ministère de la Culture. Le bureau du procureur municipal poursuivra les contrevenants. Il s’agit bien entendu d’une mesure visant la vague de protestations contre la présidente par intérim, Dina Boluarte. Et comme les manifestants ont utilisé des barres pour enlever les pavés des trottoirs de l’Avenida Abancay pour attaquer la police, le conseil municipal a fait retirer 518 mètres carrés de pavés afin qu’ils ne soient pas utilisés comme projectiles.

 

La commission constitutionnelle et judiciaire du Parlement turc a reçu des motions présidentielles visant à lever l’immunité de plusieurs députés. Les demandes de déchéance du mandat de député concernent 18 parlementaires: 16 du Parti démocratique des Peuple, le HDP, un CHP (kémaliste) et un DBP (parti frère du HDP). Les demandes sont toutes basées sur des propos tenus par les députés dans le cadre de leurs fonctions, interprétés comme un soutien au PKK. Par ailleurs, une procédure de fermeture du HDP est en cours devant la Cour constitutionnelle turque. Une décision est attendue avant les élections parlementaires et présidentielles qui se tiendront au mois de mai. La levée de l’immunité parlementaire et l’emprisonnement des députés de l’opposition est l’un des moyens les plus utilisés par l’État turc ces dernières années pour éliminer toute dissidence politique. Fin novembre, plus de 2 000 demandes de destitution étaient pendantes devant l’Assemblée nationale turque. Au moins 1.500 visaient des députés du HDP et du DBP.

Un tribunal de Chiang Rai (nord) a reconnu coupable Mongkol T., un activiste de 29 ans, dans deux affaires de diffamation contre la famille royale. Sa peine a été réduite de 42 ans à 28 ans après son témoignage. Mongkol T. a pu faire appel de sa condamnation et a été mis en liberté provisoire contre une caution. Il s’agit de la deuxième peine la plus lourde pour lèse-majesté, après qu’une Thaïlandaise a été condamnée à 43 ans de prison en 2021. L’article 112 sur la lèse-majesté, l’un des plus sévères dans le monde de ce type, prévoit des peines de trois à quinze ans de prison pour toute personne reconnue coupable de diffamation envers le roi et sa famille, et est utilisé pour étouffer toute contestation. Depuis novembre 2020, plus de 200 protestataires ont été inculpés en vertu de l’article 112 qui n’avait plus été utilisé entre 2018 et 2020.

Badigeonnées de peinture rouge pour imiter le sang, Tantawan « Tawan » Tuatulanon et Orawan “Bam” Phuphong, deux jeunes militantes se sont présentées au tribunal pénal de Bangkok le 16 janvier 2023 pour demander à une juge d’annuler leur remise en liberté sous caution, en solidarité avec les autres militants incarcérés pour crime de “lèse-majesté” (photo). Elles avaient été inculpées en février 2022 pour le même motif, après avoir organisé un “sondage d’opinion” au sujet de la monarchie dans un centre commercial de Bangkok. Le 18 janvier, elles ont entamé une grève de la faim et de la soif. Elles ont été hospitalisées mais refusent tous soins médicaux. Depuis, un mouvement de solidarité se développe, des concerts, rassemblements, graffitis et messages de soutiens se sont multipliés cette semaine dans toute la Thaïlande et sur les réseaux sociaux.