Les adresses personnelles, la valeur de leur logement, leurs hobbys, leur opinion politique, l’état de santé de leurs proches… Des informations personnelles concernant plus de 500 scientifiques, journalistes, militants écologistes ou experts auprès de l’ONU, jugés « gênants » de l’agriculture intensive, ont été partagées sur une plateforme américaine privée, cette accumulation est destinée aux cadres de l’industrie chimique. L’échelle, la précision et le caractère international du fichier, révélé par le média d’investigation Lighthouse Reports est d’une ampleur inédit.
L’enquête révèle qu’environ 500 scientifiques et militants critiques de l’industrie agrochimique ont été fichés dans une base de données pour » contrer l’opposition aux pesticides « , ceci rappelle le scandale des fichiers Monsanto. Quelques militants écologistes célèbres, comme l’indienne Vandana Shiva ou le nigérian Nnimmo Bassey y sont mentionnés, les autres personnes fichées sont des scientifiques inconnus du grand public, mais qui ont travaillé sur les dégâts des pesticides sur l’environnement et sur la santé humaine, ou encore sur l’impact de l’agrochimie sur les abeilles et sur la fertilité masculine. S’y trouve aussi deux ex-rapporteurs spéciaux de l’ONU, qui ont proposé en 2017 un traité international pour règlementer et bannir les pesticides dangereux en agriculture, ainsi que deux critiques culinaires du New York Times.
La plateforme Bonus Eventus, qui compile les données très personnelles sur toutes ces personnes à destination de l’industrie des pesticides, est pilotée par v-Fluence, une entreprise de gestion de réputation spécialisée dans la défense de l’agro-industrie. v-Fluence a obtenu entre 2013 et 2019 plus de 400 000 dollars du gouvernement américain dans le cadre de son programme de promotion des OGM en Afrique et Asie. On ignore l’étendue des usages, privés ou publics, qui peuvent être faits de ces informations, la nature des informations collectées laisse peu de doute sur la volonté de discréditer les cibles ou de les déstabiliser en mettant à disposition des membres de Bonus Eventus un arsenal d’arguments ou d’informations parfois sensibles. Le patron de Bonus Eventus, un ancien de la firme Monsanto, assure que toutes ces informations sont publiquement accessibles. Néanmoins, cette base de données ressemble à une réserve de munitions pour tenter de décrédibiliser ou nuire à celles et ceux que l’agrochimie considère comme ses opposants.