Communiqué de NLPF:

Vendredi 30 septembre, Nathalie Ménigon, militante d’Action Directe emprisonnée au CD de Bapaume, a dû être emmenée à l’hôpital d’Arras à la suite d’un nouveau malaise cérébral. Elle avait été prise de violents maux de tête et de tremblements incontrôlables, troubles de toute évidence consécutifs aux deux accidents vasculaires cérébraux dont elle a été victime au cours de sa détention.

Reconduite quelques heures plus tard dans sa cellule, elle ressort très affaiblie par cet événement alarmant et ses proches plus inquiets que jamais. Niant l’évidence, le pouvoir, ses magistrats et ses experts médicaux continuent de la maintenir en détention malgré le risque majeur, voire mortel encouru. L’acharnement de l’Etat contre Nathalie, le lynchage judiciaire auquel elle a été soumise à l’audience de demande de mise en liberté conditionnelle, la négation de son état de santé critique lors de ses deux demandes de suspension de peine pour raison médicale s’apparentent à de la discrimination judiciaire et constituent un traitement dégradant et inhumain.

Il faut que cette tragique mascarade cesse au plus vite. Dans les tous prochains jours, une nouvelle demande de suspension de peine sera déposée par Nathalie. Le combat pour la libération des militant-e-s d’Action Directe est l’affaire de tous. Il est de notre responsabilité collective de ne pas laisser faire. Le collectif NLPF appelle à élargir et renforcer la solidarité et proposera très rapidement des actions publiques dans ce sens.

Collectif NLPF! Le 2 octobre 2005

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Note 8 mai 2016: La page des Amitiés Kurdes de Bretagne est très complète.
Note 15 décembre 2016: Ajout du dossier « Que sont « l’Armée Syrienne Libre » et la rébellion syrienne ? »

L’actualité de la répression et de la contre-répression étant particulièrement riche au Kurdistan ces derniers mois, il peut-être utile de situer quelques détails pour les personnes qui arrivent en cour de route ou pour ne pas se perdre dans le déluge d’abréviations qu’apporte une scène politique aussi active que celle-là.

Nous avons l’habitude d’utiliser sur notre site un ‘glossaire’ qui permet de passer sa souris au-dessus d’un terme pour obtenir plus d’informations. En plus de celui-ci, cette page rassemblera la plupart des expressions courantes et permettra de les situer entre-elles. Voici donc quelques notes pour mieux comprendre la situation au Kurdistan.

I. Géographie: Rojava, Rojhilat, Bakuré, Basuré
Le Kurdistan est actuellement séparé sur les quatre pays qu’il recouvre. Sur environ 40-45 millions de Kurdes dans le monde, 25-30 millions sont répartis dans ces quatre pays: la Turquie (12-15 millions), l’Iran (6-9 millions), l’Irak (5-7 millions) et la Syrie (2-3 millions).

Carte du Kurdistan.

Carte du Kurdistan.

1. Le Bakuré: La partie turque du Kurdistan (en kurde Bakûrê Kurdistan pour ‘Kurdistan du Nord’) reprend la majeure partie de la population kurde (15 millions, soit 18% de la population turque). Elle abrite également la principale organisation kurde, le PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan) qui contrôle via sa guérilla une partie du Nord-Kurdistan. La Turquie est très farouchement opposée au projet kurde, ou même à concéder certains droits élémentaires (l’enseignement en langue kurde par exemple), il n’y a donc pas un début de reconnaissance comme on peut le voir à divers niveaux dans les trois autres régions.

Votes pour le principal parti kurde légal en 2011.

Votes pour le principal parti kurde légal en 2011.

On parle souvent indistinctement du PKK pour désigner d’autres organisations qui en sont proches ou qui n’en sont que des parties.

HPG : Force de Défense du Peuple. Branche armée.
YJA-Star : Unités des Femmes Libres. Branche armée des femmes.
PAJK : Parti des Femmes Libres du Kurdistan. Organisation politique des femmes.
YPS : Unités de Protection Civile.
YDG-H: Mouvement de la Jeunesse Révolutionnaire Patriotique. C’est une organisation de jeunesse armée proche de l’idéologie apoïste. De fait, il s’est produit que les HPG étaient une « guérilla de campagne » et la YDG-H une guérilla de ville.

HDP : Parti Démocratique des Peuples. C’est un parti légal qui se présente aux élections. Le HDP est un front regroupant de nombreuses organisations révolutionnaires en Turquie, dont certaines ont des structures clandestines. Le HDP n’est pas un parti kurde mais il prend régulièrement la défense du PKK ou de son pendant syrien.
DBP : Parti Démocratique des Régions. Le DBP succède au BDP qui succède lui-même au DTP. Le DBP est au Nord-Kurdistan ce que le HDP est à la Turquie. HDP et BDP agissent comme des organisations soeurs. A l’occasion des élections de 2015, le HDP et le BDP fusionnent dans les urnes et présentent une seule liste ‘HDP’ pour toute la Turquie (mêmes si elles existent encore distinctement).
HDK: Congrès Démocratique des Peuples. Mouvement plus large que le HDP. Le HDP est la branche politique du HDK.

Notons également les noms d’autres organisations révolutionnaires turques:
MLKP: Parti Communiste Marxiste-Léniniste.
DHKP-C: Parti-Front Révolutionnaire pour la Libération du Peuple.
TKP-ML: Parti Communiste Turc – Marxiste-Léniniste. Sa branche armée est le Tikko.
MKP : Parti Communiste Maoïste.
MLSPB : Union Marxiste-Léniniste pour la Propagande Armée.
DAF: Action Révolutionnaire Anarchiste.

Drapeau du PKK.

Drapeau du PKK.

2. Le Rojava : Le Kurdistan Occidental
Le Rojava (‘ouest’ en kurde) est une région de facto autonome depuis novembre 2013. Il abrite 2,2 millions de Kurdes, représentant 10% de la population syrienne. Le Rojava reprend tout le nord de la Syrie et est composé de trois cantons : Afrin (à l’ouest), Kobané (au centre) et Ciziré (dit aussi Jazira, à l’est). Le mouvement qui contrôle le Rojava est le PYD (Parti de l’Union Démocratique), une organisation soeur du PKK.

La situation en janvier 2016

A l’heure actuelle, il ne reste qu’une bande de territoire de 100km le long de la frontière turque, entre les villes de Jarabulus (sur la rive de l’Euphrate opposée à celle de Kobané) et de Mare, qui sont toujours sous occupation islamiste et qui sépare le canton d’Afrin du reste du Rojava.

Cette bande est à l’heure actuelle sous le contrôle partagé de l’Etat Islamique, du Front al-Nusra et du Front Islamique. La Turquie protège les islamistes depuis l’autre coté de la frontière en mitraillant toute tentative de traverser l’Euphrate de la part des forces kurdes. La Turquie a d’ailleurs mis en garde le PYD que la traversée de l’Euphrate constituerait une “ligne rouge” qui entraînerait une riposte. Cette ligne rouge a été franchie par les YPG le 26 décembre 2015 lorsqu’ils ont pris le Barrage de Tichrin à l’Etat Islamique.

La prise du Barrage de Tichrin (qui suivait celle de Howl à la frontière irako-syrienne, à l’ouest de Shengal) constituait un tournant dans la stratégie des YPG. Ils inauguraient la coalition récemment formée des “Forces Démocratiques Syriennes” (QSD), une alliance multi-ethnique (kurde, arabe, turkmène, assyrienne,…) démocrate et anti-islamiste. Les YPG refusant de se comporter comme une “armée d’occupation kurde“, cette alliance leur permet de libérer les villes “non-kurdes”. La prise du Barrage est également l’entrée des forces kurdes dans la province d’Alep.

L’objectif affiché des forces kurdes est donc la prise de Jarabulus par le sud, évitant les tirs de l’armée turque, permettant l’unification du Rojava et coupant la voie à l’aide que la Turquie apporte à l’Etat Islamique.

Voire la carte en haute-définition.

Situation au Rojava au 6 janvier 2016

Situation au Rojava au 6 janvier 2016

Organisations liées au PYD:
YPG: Unités de Protection du Peuple. Branche armée.
YPJ: Unités de Protection des Femmes. Branche armée des femmes.
Asayîş : C’est le mot kurde pour ‘sécurité’ c’est la ‘police’ du Rojava.
Brigades Burkan el Firat : (ou Burkan al Furat) “Volcans de l’Euphrate”, brigade unifiée de combattants FSA et YPG. Remplacée par les QSD.
IFB : Brigade Internationale de Libération (ou Bataillion International de la Liberté). Ce sont les Brigades Internationales, créées à l’initiative du MLKP dans un esprit similaires aux brigades éponymes de la guerre d’Espagne. L’IFB regroupe de nombreuses organisations marxistes-léninistes, maoïstes, hoxhaïstes et anarchistes de nombreux pays (Turquie, Europe, Etats-Unis,…). Le Secours Rouge fait campagne pour envoyer des équipements médicaux à ce Bataillon, voyez la page dédiée.
BOG : Forces Unies pour la Liberté (UFF, United Freedom Forces). C’est l’une des forces intégrée dans l’IFB. Ces forces regroupent les combattants des organisations qui n’ont pas de branche armée propre, notamment les anarchistes turcs, les européens et plusieurs groupes communistes turcs.
MFS : Conseil Militaire Syriaque. Groupe Syriaque/Assyrien/Chrétien, pro-YPG.
QSD : Fondée au milieu du mois d’octobre 2015, les Forces Démocratiques Syriennes (désignées comme SDF ou QSD) sont une alliance regroupant une quarantaine de groupes armés actifs dans le Rojava et dans le nord de la Syrie. L’alliance est multi-ethnique (Kurdes, Arabes, Turkmènes, Circassiens,…) et anti-islamiste. Les plus gros groupes composants l’alliance sont les YPG/YPJ (revendiquant 50.000 combattants) et le Jaysh al-Thuwar (Armée des Révolutionnaires, revendiquant 5.000 combattants).
TEV-DEM: « Mouvement pour une société démocratique », le gouvernement du Rojava.

Forces Démocratiques Syriennes

Forces Démocratiques Syriennes

Groupes armés défendant le Rojava.

Groupes armés défendant le Rojava.

Organisations majeures de la guerre civile en Syrie:

ASL: Voir notre dossier « Que sont « l’Armée Syrienne Libre » et la rébellion syrienne ? »
ASA : Armée Syrienne Arabe. Ce sont les forces loyales au régime de Bashar al-Assad, l’armée officielle. Le PYD et le régime s’affrontent rarement, et lorsque cela se produit, c’est souvent “par accident”.
EI : Etat Islamique (également désigné par EIIL, ISIS, IS, DAESH). Malheureusement, il n’y a plus besoin de les présenter.
Front al-Nosra : Aussi connu comme al-Nusra ou Jabhat al-Nosra. Salafistes brièvement affilié à l’EI, ils sont à présent la succursale d’al-Qaïda en Syrie. Leur territoire (morcelé) se limite au nord-ouest du pays.

Ce diagramme -qui n’a pas été créé par le SR et ne reflète pas ses positions- peut donner une idée de la composition de l’Armée Syrienne Libre. Comme on peut le voir, la FSA est plus un nom générique donné à de nombreuses factions qui combattent le régime et ne reflète aucune forme d’unité.

Armée Syrienne Libre

Armée Syrienne Libre

Drapeau du PYD.

Drapeau du PYD.

3. Le Kurdistan du Sud
C’est la partie irakienne du Kurdistan, elle est politiquement singulière à plusieurs niveaux. Le Kurdistan Sud est la seule des 4 parties qui dispose d’une quasi-autonomie. Il est gouverné par le KRG (Gouvernement Régional Kurde) et pourrait probablement devenir un état indépendant dans les prochaines années selon la tournure que prendra la guerre en Irak.

Le Kurdistan du Sud a un parlement, un président, une armée officielle… Son président est Massoud Barzani, du PDK (aussi appelé KDP), le Parti Démocrate du Kurdistan. Le PDK est un parti libéral et bourgeois.
Malgré qu’il règne sur un territoire pratiquement indépendant, le PDK n’a pas l’hégémonie sur le territoire. De nombreuses troupes du PKK sont stationnées en Irak, troupes qui sont naturellement présentes près de la frontière turque, mais également dans la chaîne montagneuse du Sinjar (aussi appelé Shengal) et dans l’est (près de la frontière iranienne, dans les montagnes de Qandil). Les zones contrôlées sont souvent désignées comme “Medya Defense Zones”.

A l’heure actuelle, il n’y a pas encore eu de conflit ouvert (armé) entre le PKK et le PDK, mais le PDK voit d’un mauvais oeil la présence de la guérilla sur ‘son’ sol. Le PDK est également en très bon termes avec les gouvernements états-unien et turc, ce qui n’arrange rien à l’affaire.

Notons également que le PDK contrôle la frontière à Sêmalka, un checkpoint important par lequel les combattants des YPG/YPJ qui sont morts au combat sont exfiltrés vers le Nord-Kurdistan pour y être enterrés. Le PDK empêche à présent ces cortèges funéraires de passer, sur demande de la Turquie.

Camps du PKK en Irak bombardés par la Turquie, juillet 2015.

Camps du PKK en Irak bombardés par la Turquie, juillet 2015.

Les organisations politiques du Kurdistan irakien.
PUK : Parti de l’Union Patriotique. C’est un parti de droite. Le parti Change (Gorran) en est une scission.
PÇDK : Parti pour une Solution Démocratique du Kurdistan (aussi connu domme KDSP). C’est l’organisation soeur du PKK en Irak.
Peshmerga : Les Peshmergas sont souvent confondus dans la presse bourgeoise avec les YPG. En kurde, ‘peshmerga’ veut dire ‘celui qui affronte la mort’. C’est à la base une formule pour désigner les combattants kurdes, mais à présent c’est le nom de l’armée officielle du Kurdistan Sud, et donc le bras armé du PDK.
YPS : Unités de Protection du Sinjar. C’est une organisation armée commandée par le PKK. Elle a été créée suite à l’opération de sauvetage de 200.000 Yézidis (abandonnés par les Peshmergas) par le PKK-PYD. Les Yézidis étaient pourchassés par les troupes de l’EI et ont été massacrés et kidnappés par milliers. Le Yézidisme est une religion kurde très ancienne, régulièrement persécutée à travers l’histoire.

Drapeau du PÇDK.

Drapeau du PÇDK.

4. Le Rojhilat, le Kurdistan de l’Est : C’est la partie iranienne du Kurdistan (rojhilat veut dire ‘Est’ en kurde). Elle abrite 10% de la population kurde (13% de la population iranienne). Il faut noter qu’il existe une région iranienne qui s’appelle officiellement ‘Kurdistan’ qui est l’une des 4 régions iraniennes constituant le Rojhilat (la seconde en partant du haut sur la carte suivante).

Le Kurdistan iranien en vert.

Le Kurdistan iranien en vert.

PJAK : Parti pour une Vie Libre au Kurdistan. Organisation soeur du PKK en Iran.
KJAR : Société des Femmes Libres du Kurdistan Oriental. Mouvement des Femmes.
YRK : Unités de Défense du Rojhilat. La branche armée.
HPJ : Force de Protection des Femmes. La branche armée des femmes.
KODAR: Société Libre et Démocratique du Kurdistan de l’Est. Organisation politique faisant la promotion de l’idéologie d’Apo, le confédéralisme démocratique.
Komala: Comité des Révolutionnaires du Kurdistan Iranien. Organisation marxiste-léniniste créée en 1969 et ayant lutté contre le Shas et contre la république islamique avec une grande guérilla.
PDKI: Parti Démocratique du Kurdistan Iranien (également appelé KDPI). Parti social-démocrate. N’est pas lié au PJAK.

Drapeau du PJAK.

Drapeau du PJAK.

II. Organisations transrégionales kurdes

KCK: Groupe des Communautés du Kurdistan (anciennement KKK). Souvent défini comme le ‘parapluie’ qui regroupe les 4 partis (PKK, PYD, PÇDK, PJAK), le HPG et d’autres organisations.
KONGRA GEL: Congrès des Peuples du Kurdistan (anciennement KADEK). Organe éxécutif du KCK. Parlement exilé.
KNK: Congrès National du Kurdistan. Organisation qui regroupe à peu près tous les partis kurdes existants.

Cet organigramme reprend la plupart des organisations kurdes. Voir en grand.

Organisations kurdes

Organisations kurdes

1. Pourquoi cette campagne ?
Suite à l’explosion de l’usage des appareils photo (smartphones, tablettes, drônes,…) par les manifestants, certaines personnes n’ont pas tout à fait conscience du danger qu’elles courent et font courir à d’autres en capturant des images et en les diffusant sur le net.

Un gréviste lançant un pavé (ou se tenant à côté d’un de ses camarades qui en ferait autant), une travailleuse qui aurait menti à son patron pour aller à une manifestation, des sans-papiers qui ne savent pas que l’Office des Etrangers tiendront leur activité politique en motif contre leur régularisation, un jeune manifestant qui s’est discrètement éclipsé face à des parents ou à des profs réactionnaires, militante antifasciste menacée par l’extrême-droite dans son quartier. Tous ces exemples, toutes ces « exceptions », nous les connaissons. Les manifestants prennent le danger de manifester face aux répressions policière, fasciste, patronale. Ils prennent le danger d’être fiché par la police et d’être filmé par des chaînes de télévision bourgeoises. Mais lorsqu’ils se retournent vers la manifestation, vers leurs camarades, ce sont certains manifestants qui le menacent, parfois sans même s’en rendre compte.

Certaines personnes argumentent que nous devons tous manifester à visages découverts dans les manifestations et que si les manifestants ne veulent pas être exposés aux yeux de tous, ils devraient se masquer, ayant ainsi le choix entre prendre un risque supplémentaire ou être interdit de manifestation. Dans d’autres cas, ce sont des gestes de rupture qui ne peuvent plus avoir lieu tant les téléphones et les perches à selfie sont omniprésentes.

Un coup de pied pour la banque, 50 photos pour la police...

Un coup de pied pour la banque, 50 photos pour la police…

S’il est clair que les images des luttes doivent circuler et servir à partager les informations ainsi qu’à la propagande, le problème ne doit pas être retourné : la photographie doit rester un outil du mouvement social, et pas l’inverse. Trop souvent à présent, les manifestants sont devenus les modèles involontaires et forcés de photographes irresponsables.

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Un assemblage d'images prises à des moments différents par des personnes différentes, lors des émeutes de Baltimore, ont permis à la police de lancer un avis de recherche.

Un assemblage d’images prises à des moments différents par des personnes différentes, lors des émeutes de Baltimore, ont permis à la police de lancer un avis de recherche.

Face à cette problématique et suite à des situations où des militantes et des militants ont dû payer le prix de ces photos à la place des photographes, le Secours Rouge lance une campagne et une plateforme pour que les photos en manifestations -et ailleurs dans la scène- soient prises de façon responsable et réfléchie.

2. La plateforme No Photo
La Plateforme No Photo est une série de comportements que des organisations s’engagent à respecter et à diffuser parmi leurs membres. Essentiellement, cette plateforme fait la promotion d’un usage responsable et intelligent. Il serait idiot d’interdire en bloc tout usage de la photographie en manifestation. Cette plateforme demande en somme à chaque photographe de réfléchir à chaque étape de sa photographie aux personnes qu’il met en danger.
– Avant de prendre quelqu’un en photo : cette personne est elle d’accord d’être prise en photo ?
– En transportant des photos qui n’ont pas été traitées : suis-je en mesure de détruire des photos qui pourraient servir de preuves contre des militants au cas où je suis arrêté ?
– En mettant la photo en ligne : cette photo est elle débarrassée des données qui identifient le photographe (EXIF) ? Permet elle de reconnaître des militants ? Met elle des progressistes en danger ?

La plateforme sera bientôt proposée aux signatures des organisations.

3. Matériel
– Un dépliant qui informe sur les risques et les méthodes de la photographie en manifestation. Télécharger
– Un autocollant avec un logo explicite que les personnes qui ne veulent pas être prises en photo peuvent porter.
Une brochure « petit procès grands enjeux » sur un procès qui impliquait des images de « photographes militants ».

Petit procès, grands enjeux - format pdf

Petit procès, grands enjeux – format pdf

4. Tutoriels

4.1 Logiciels
Télécharger Jstrip
Télécharger Gimp.
Lien Obscuracam

4.2 Flouter les visages avec Photoshop
Veuillez régler la qualité de la vidéo (minimum 720p) pour que la vidéo ne soit pas floue.

5. Liens et notes
Mediactivista
Brochure sur la prise d’image

1. Histoire et actualité du mouvement naxalite

Dès les années cinquante et les premières années de l’Inde indépendante, de nombreux mouvements paysans militants se sont développés contre le caractère féodal du pays. Ceux-ci n’ont jamais pu aboutir totalement, principalement en raison du manque d’organisation et de leur caractère spontané.
Le plus important fut le mouvement du Telengana de 1946, activement soutenu par le Communist Party of India. Sa nature insurrectionnelle et l’intention formelle de renverser les seigneurs féodaux par la force armée ont entraîné une répression terrible de la part des autorités indiennes. Des milliers de personnes furent assassinées, des dizaines de milliers emprisonnées et encore davantage de personnes furent torturées par les militaires. En 1951, le Communist Party of India, divisé en interne sur la question de ce soutien, l’arrêta officiellement. Cette décision entraîna une scission et la formation du Communist Party of India (Marxist).
C’est en 1967 que s’est déclenché la révolte de Naxalbari, au Bengale occidental, portée par des militants communistes à la tête d’un mouvement solidement structuré et dont l’objectif était une guerre populaire sur le modèle chinois. C’est soutenus par ces militants qu’au début de l’année 1967, trois cultivateurs appuyés de quelques travailleurs du CPI (Marxist) équipés d’armes rudimentaires, ont saisi tout le stock de paddy du grenier d’un propriétaire foncier. Au cours des mois suivants, les occupations de terre, saisies des stocks de grains et incendies de registres fonciers se sont multipliés.
Les propriétaires fonciers n’ont pas tardé à réagir, se débarrassant de ceux qui travaillaient dans « leurs » champs. Un jour, des paysans parti travailler dans les champs ne sont pas rentrés. Le lendemain, d’autres hommes sont allés dans les champs, mais ne sont pas revenus non plus. Des hommes et des femmes se sont alors cachés à proximité pour voir ce qu’il se passait. A peine un autre lot d’hommes avait-il commencé à labourer les terres occupées qu’une brigade de police est apparue et les a emmené. Mise devant le fait accompli, la police a déclaré agir pour le compte du propriétaire foncier, provoquant une colère énorme parmi les paysans, ceux-ci se constituant en brigades clandestines, sous la direction Charu Mazumdar, considéré comme le principal théoricien de mouvement révolutionnaire indien.
Bientôt devait suivre une guerre sanglante qui ferait de Naxalbari la première pierre du mouvement maoïste en Inde et qui lui donnerait aussi un nom: le mouvement naxal. Le 23 mai 1967, l’inspecteur de police qui dirigeait une brigade de police chargée d’arrêter les dirigeants à l’origine de l’agitation, fut blessé à mort par une flèche tirée dans un affrontement avec les tribaux en colère. Deux jours plus tard, un plus gros contingent fut dépêché sur place. Les hommes et les femmes, armés de tout ce qu’ils avaient pu trouver, sont sortis pour affronter la police. Le police a tiré, tuant neuf tribaux dont six femmes et deux enfants. La guerre était déclenchée.

Tag naxalite

Tag naxalite

Elle a duré 72 jours. 72 jours durant lesquels Naxalbari fut une « zone libérée ». En juillet 1967, les forces de répression envoyées par le gouvernement du Bengale occidental et de New Delhi ont repris le contrôle de la zone, par la force des armes. La majeure partie des dirigeants communistes sont arrêtés. Un des seuls à éviter l’arrestation fut Charu Mazumdar, qui s’est dès lors engagé à développer le mouvement et à déclencher d’autres insurrections pour avancer vers la prise du pouvoir révolutionnaire. De multiples mouvements paysans furent engagés dans diverses régions de l’Inde, notamment au Srikakulam et dans plusieurs districts de l’Andhra Pradesh.
De 1971 à 1972, la contre-révolution en Inde a volé d’un succès à l’autre, ouvrant des brèches dans les rangs révolutionnaires communistes par de violentes représailles, en terrorisant la population par des lois draconiennes et des actions de gangstérisme. Cette contre-révolution violente eut de fortes répercussions sur le CPI (M-L), faction dissidente du CPI(Marxist) et architecte de la continuité de l’insurrection après la révolte de Naxalbari. Le 16 juillet 1972, Charu Mazumdar fut arrêté par la police à Kolkata. L’arrestation avait été rendue possible par la révélation, arrachée sous la torture à un de ses camarades arrêtés, de la cachette de Charu Mazumdar. Une fois arrêté, il fut une victime condamnée d’avance par la vengeance de la classe dirigeante. Il n’a survécu que douze jours à arrestation. Il était atteint d’une affection cardiaque grave. Les rigueurs de la vie clandestine s’étaient fait sentir toutes ces années. En cellule, il fut soumis à des interrogatoires incessants, à des pressions et à la torture. Il dû être hospitalisé le 27 juillet. Privé du traitement médical adéquat, il est mort le lendemain.

Charu Mazumdar

Charu Mazumdar

En 1973, on compte 32.000 prisonniers naxalites, et à la moitié des années ’70, le mouvement était presque anéanti. Néanmoins, de nombreuses factions militantes ont continué à mener la guérilla dans plusieurs états, travaillant principalement dans les zones tribales, avec pour base principale les plus démunis.
A la formation du CPI (M-L), un des groupes a décidé de pas y adhéré et à formé le Dakshin Desh. En 1975, le groupe a pris le nom de MCC (Maoist Communist Center). Jusqu’en 1982 et la mort de son leader Kanhai Chaterjee, il fut particulièrement actif au Bengale occidental, prônant la constitution de mouvements de masse afin de permettre le développement de la lutte armée. En 1982, de nombreux militants rejoignirent le CPI (M-L), ceci n’empêchant pas le MCC de poursuivre son travail.
En 1979, le CPI (M-L) avait de nombreux cadres ‘publics’ et ‘clandestins’, principalement en Andhra Pradesh. L’un d’entre eux, Kondapalli Seetharamaiah, critiqua le mouvement en déclarant en 1979 que celui-ci n’avait pas encore pris la forme de la lutte armée. Selon lui, les actions isolées menées depuis des années ne pouvaient être qualifiées de lutte armée. Le 22 avril 1980, il annonce la création du CPI-ML (People’s War), un nouveau parti qui ferait avancer la ligne de la lutte armée.
En 2004, les deux partis, qui avaient entre-temps absorbés diverses fractions du CPI (M-L) d’origine, prirent la décision de fusionner, pour former le CPI(Maoist). Ils publient alors plusieurs documents fondateurs, parmi lesquels la Constitution du CPI (Maoist), la Résolution politique du CPI (Maoist), le Programme du CPI (Maoist), la Perspective urbaine du CPI (Maoist), Stratégie et tactiques de la révolution indienne et Porter haut la bannière rouge éclatante du marxisme-léninisme-maoïsme.
Le développement de la lutte armée basée parmi la paysannerie, avec pour but avoué la révolution agraire et la stratégie de la guerre populaire prolongée a eu lieu en parallèle du processus de mondialisation en cours en Inde depuis de nombreuses années. Cette lutte, menée d’abord par le CPI-ML (People’s War), le MCC et divers autres partis marginaux, s’est étendue dans les régions adivasis et y a trouvé un terrain fertile. Les conditions objectives dans ces régions, la pauvreté extrême et la marginalisation des population, le lien gouvernement-petits entrepreneurs-grosses sociétés-parti politique qui a maintenu le cycle d’exploitation et d’oppression et l’inaccessibilité et l’inhospitalité du terrain ont permis aux partis naxalites de gagner en influence. Les Adivasis, avec leur faible intérêt dans les systèmes économiques et politiques indiens, avec leur faible dépendance à l’égard de la terre agricole en propriété privée et leurs solides notions de propriété collective et communautaire, se sont révélés être une puissante force révolutionnaire. Le CPI(Maoist) a donc trouvé une base solide parmi les populations tribales du centre de l’Inde, où il a pu établir une zone libérée et développer le système de gouvernement populaire parmi les Adivasis de la région.

Guérilleros naxalites

Guérilleros naxalites

En août 2006, le magazine The Economist a publié un reportage sur l’État du Chhattisgarh où il a visité, dans la forêt de Bastar, au sud de la capitale Raipur, un maquis tenu par le CPI (Maoist). Ce maquis combattait contre les projets du capital financier d’exploiter les richesses minérales de la forêt. Quelques heures avant la rencontre, plusieurs centaines de combattants avaient attaqué un commissariat de police à Errabore, une base paramilitaire et un camp de personnes déplacées dans cette région sous-développée à 9 heures de route de la capitale, Raipur.
Les naxalites contrôlent un vaste territoire aux villages miséreux. Ici, il y a bien une pompe à eau mais le puits est à sec. Il n’y a pas de routes, pas de canalisations, pas d’électricité ni de téléphone. Là, il y a bien un instituteur, mais pas d’école. Il fait donc la classe en plein air. On ne voit jamais aucun policier, aucun travailleur de santé, aucun fonctionnaire. Les trois quarts des 1.220 villages de Dantewada sont habités par des aborigènes adivasis, 1.161 villages n’ont aucune installation médicale, 214 n’ont pas d’école primaire. La région a bien une ligne de chemin de fer mais elle est destinée au transport du minerai de fer exploité à la mine de Bailadilla, dont les déchets colorent, à la saison des pluies, la rivière en orange, rendant l’eau imbuvable…
Les aborigènes adivasis sont, avec les dalits, opprimés parmi les opprimés. Les dalits (ou ‘intouchables’) constituent une caste de 160 millions de personnes misérables et méprisées. La caste des brahmanes (dont le colonisateur britannique s’est acquis la complicité) truste les postes dirigeants et utilise le système de caste pour justifier l’exploitation des masses populaires. Les grands propriétaires brahmanes disposent de milices, les senas, qui brisent de manière barbare toute velléité de résistance des paysans pauvres à la surexploitation (43% des paysans indiens sont sans terre). L’image de l’Inde technologique, paradis de l’informatique, masque une réalité sociale épouvantable: 47% des enfants soufrent de dénutrition, 80% de la population vit avec moins de deux dollars par jour.
Dès 2006, le premier ministre Manmohan Singh avait qualifié la rébellion naxalite de « plus grand défi pour la sécurité intérieure qu’ait jamais dû relever notre pays ». Depuis, la situation n’a cessé d’empirer. A la mi-juillet 2009, le ministre de l’intérieur, M. Chidambaram a dû admettre que la menace avait été ‘sous-estimée’. Les naxalites agissent dans 14 des 28 Etats de l’Inde (Chhattisgarh, Jharkhand, Uttar Pradesh, Asma, Uttaranchal, Kerala, Tamil Nadu, Bengala Occidental, Gujarat, Andhra Pradesh, Madhya Pradesh, Orissa, Maharashtra y Bihar) et ce qui, en chiffres, signifie que dans 182 districts sur un total de 602 dans lesquels est divisé administrativement le pays, ce sont les maoïstes qui contrôlent la situation.
Cette influence est en progression non seulement dans les campagnes, mais dans les villes également, spécialement dans les zones ouvrières et industrielles de Dheli, de Mumbai, de Raipur, de Pune et de Jammu en alternant les actions de propagande avec les militaires. Le gouvernement indien lui-même considérait qu’en 2008 entre 30% et 35% du territoire de l’Inde était sous le contrôle des naxalites, pourcentage qui serait encore majoré aujourd’hui.

Carte des zones occupées par la guérilla en 2015

Carte des zones occupées par la guérilla en 2015

Les succès révolutionnaires dans les campagnes sont indiscutables: ni la police, ni les fonctionnaires de l’Etat n’osent entrer dans le Bastar, une zone étendue de l’état de Chhattisgarh d’environ 100.000 kilomètres carrés, et ses actions contre les paramilitaires de la Salwa Judum, des miliciens fascistes formés à la contre-guérilla, armés par les propriétaires fonciers et payés par l’État, provoquent démoralisation et désertions. Le périodique Indian Express relatait d’une manière crue comment après une attaque maoïste qui a causé 55 morts à une force composée de policiers et de paramilitaires en se faisant l’écho d’un rapport officiel qui rapportait les événements: « la lâcheté, la désertion, la dépendance excessive des employés de police par rapport à la Police Spéciale Locale [la Salwa Judum], l’absence d’un entraînement approprié et la consommation de substances toxiques ont été la cause de l’assassinat des 19 policiers et des 39 PEL [miliciens Salwa Judum] ». Dans les zones libérées, les naxalites interdisent l’usure, organisent des coopératives, des travaux collectifs d’irrigation, un système de médecine populaire et un système d’enseignement. Les comités de pouvoir populaire décident aussi de mesures de préservation de l’écosystème et veillent à imposer les droits de la femme (lutte contre les mariages forcés, etc.).
En février 2007, le parti organise son 9e Congrès, intitulé le « Unity Congress », dans les jungles de l’état du Bihar. De nombreuses décisions quant à la stratégie et aux tactiques du parti furent prises, tant au niveau des luttes dans les campagnes que de leur implantation dans les zones urbaines. Les naxalites sont passés de la guerre de guérillas à la guerre de mouvements. Les attaques contre des postes de police et des paramilitaires, des entreprises minières, des chemins de fer, des stations de télécommunications, des constructions électriques et, même, des attaques de prisons (en décembre 2007, ils ont attaqué la prison de Raipur, la capitale de Chhattisgarth, libérant 299 prisonniers, avec parmi eux une centaine de guérilleros) sont le fait de groupes d’environ 40 à 150 combattants qui parfois atteignent même 400.

Rassemblement de la guérilla

Rassemblement de la guérilla

En 2007, les naxalites ont réalisé 8.488 attaques contre des établissements policiers dans 91 districts de 11 états, selon un rapport présenté par le Ministre de l’Intérieur devant le parlement indien. La guérilla commence à chercher la complicité des policiers. Depuis juin 2007, chaque fois qu’une attaque est réalisée contre un établissement policier, les guérilleros laissent sur place des pamphlets où l’on peut lire « Tu luttes pour empêcher le soulèvement du peuple, parce que ta vie est en jeu, parce que le peuple celui que tu tues appartient à ta propre classe. Lève-toi contre le système ».
La situation est arrivée à un tel paroxysme que le gouvernement a décidé de mettre en marche un plan pour contenir l’avancée de la guérilla: commencer un programme de développement des zones les plus pauvres de l’Inde, modernisation de la Police, création d’infrastructures routières qui servent aussi bien aux populations qu’à faciliter les mouvements de la police et la création de six écoles de guerre, c’est-à-dire la formation d’unités antiguérillas pour pouvoir attaquer et détruire les campements naxalites dans la jungle. L’idée du gouvernement est de créer quelques bataillons spéciaux pour la lutte contre la guérilla qui comprendraient des effectifs de 14.000 soldats. Actuellement, la Force Centrale de Réserve de la Police (CRPF), unie aux paramilitaires de la Salwa Judum, sont les principaux protagonistes de la lutte contre les maoïstes. Mais ils ont fait preuve d’une rare inefficacité et c’est pourquoi il a été décidé la création des bataillons antiguérilla.

Véhicule de contre-guérilla

Véhicule de contre-guérilla

Opération de contre-guérilla

Opération de contre-guérilla

Miliciens

Jusqu’à maintenant, la guérilla ne s’occupait pas des villes pour se concentrer sur les campagnes, en suivant la stratégie d’encerclement des villes à partir des campagnes. La stratégie est de pénétrer dans les aires rurales, de se consolider dans celles-ci et d’établir des coordinations efficaces entre différentes cellules dans d’autres États.
Les maoïstes ne frappent pas les fonctionnaires locaux si le peuple considère qu’ils sont honnêtes, ni corrompus, ni répressifs. Ils taxent les entreprises qui sont installées sur leurs zones d’influence d’un impôt révolutionnaire, qui oscille entre 15 et 20% de leurs bénéfices, avec lequel ils financent leurs activités. Mais les naxalites sont implacables dans leur lutte contre les Zones Économiques Spéciales (ZES). En Inde, le gouvernement a prévu d’approuver 339 ZES où doivent travailler 800.000 personnes. Ce sont des aires où les entreprises ne payent aucun impôt, où elles jouissent d’avantages économique pour favoriser la productivité et où peuvent être aboli la législation normale du pays en matière du droit du travail, du respect de l’environnement. L’’objectif est d’attirer les investisseurs locaux et étrangers. Ces ZES sont en train de provoquer le déplacement de leurs foyers de dizaines de milliers de ruraux, qui par conséquent sont en train de perdre leurs moyens d’existence. L’énorme majorité des déplacés sont des métayers sans terre, des artisans et petits commerçants, issues des communautés défavorisées de dalits et adivasis et de minorités religieuses.
Le travail avec les dalits, les intouchables dans le système des castes et les parias en Inde, est au centre du travail politique de la guérilla naxalite, selon les décisions de son 9e Congrès. Ce Congrès a décidé, de surcroît, comme axe central du travail politique et militaire, l’extension de la guerre populaire à tout le pays, « l’appui aux luttes nationales contre l’expansionnisme indien » au Jammu et Cachemire, l’expansion du mouvement vers les villes pour avoir une présence dans les masses urbaines, appauvries, et la classe moyenne dans le but « d’obtenir un mouvement massif contre les politiques néolibérales » et, par conséquent, la lutte contre les Zones Économiques Spéciales qui ont été créées ces dernières années en Inde et qui ont provoqué en conséquence, « la dislocation des petites industries et des commerçants, qui ont été poussés à la banqueroute par l’offensive massive des compagnies impérialistes transnationales et des importateurs-bureaucrates-bourgeois » et qui sont qualifiées de « enclaves néocoloniales ».
Des cellules naxalites sont actives dans les zones ouvrières et industrielles de Delhi, Mumbai, Raipur, Pune et Jammu. Bien que pour le moment l’activité principale soit la propagande, dans quelques zones où le mouvement naxalite est spécialement fort, des actions militaires sont déjà menées. C’est le cas de Nayararh, l’une de villes les plus importantes de l’état d’Orissa, où un commando naxalite a réalisé l’une de ses actions les plus audacieuses jusqu’à présent: le 16 février 2009 s’est produit l’assaut d’une caserne de police et la réquisition de 1.069 armes qui s’y trouvaient.
La présence naxalite dans les cités et les centres industriels a apporté un saut qualitatif à la guerre populaire prolongée. Depuis la seconde moitié de 2007, les naxalites ont privilégiés leurs actions contre les ZES dans une frange qui comprend les villes de Bhilai-Ranchi-Dhanbad-Calcutta d’un côté, et de Mumbai-Pune-Surat-Ahmadabad de l’autre, dans le même temps où ils imposaient d’une manière inégale des blocus dans les zones où ils ont une force plus grande comme c’est le cas dans les états de Jharkhand, d’Orissa, de Chhattisgarh et du Bengale occidental et dans ceux où ils en ont moins comme en Haryana et dans le Punjab. Dans le Bengale occidental, un État gouverné par la gauche réformiste, la ZES prévue a du être suspendue après une révolte populaire, forte de l’appui maoïste, qui a été noyée dans le sang. Cela a provoqué un discrédit de la gauche traditionnelle, et favorisé l’insurrection naxalite qui a vu les paysans pauvres la rejoindre en masse.
Le CPI(Maoist) a mené plusieurs grandes attaques victorieuses contre les forces de sécurité. Le 6 avril 2010, des guérilleros ont tendu une embuscade à un convoi de la contre-guérilla, tuant 75 policiers militarisés (CRPF). Le 25 mai 2013, dans l’attaque contre un convoi du parti du Congrès dans le Bastar, 27 personnes ont été tuées dont Mahendra Karma, l’homme à l’origine de la création de la Salwa Judum. Le parti organise également des opérations visant à saisir des armes ou la destruction de matériel destiné à la construction d’équipements visant à faciliter la contre-insurrection. Le 14 mars, 200 guérilleros attaquent un convoi de la contre-guérilla : 11 policiers militarisés (CRPF) et quatre Salwa Judum sont tués dans l’état du Chattisgarh. Le 1er décembre 2014, toujours dans le Chattisgarh , 13 paramilitaires de la CRPF sont tués et 12 autres blessés dans un embuscade.
Les autorités ont effectué plusieurs opérations répressives tant dans le cadre de l’Opération Green Hunt qu’en marge de luttes populaires soutenues par le CPI (Maoist). Citons par exemple le meurtre de Kishenji, membre du Politburo et à la lutte du mouvement populaire de Jangal Mahal, au Bengale occidental. Selon les autorités, il aurait été abattu lors d’une fusillade entre des guérilleros et les forces de sécurité le 24 novembre 2011. Mais les rapports d’autopsie ainsi que différents témoignages révèlent qu’il aurait été capturé 24h avant sa mort et que son corps portait des traces de torture. Le 1er juillet 2010, les autorités ont annoncé avoir assassiné Azad, porte-parole du CPI (Maoist) et membre du Politburo, dépêché par le parti pour mener des pourparlers avec le gouvernement. Il a été abattu alors qu’il circulait en compagnie d’un journaliste afin de transmettre une note des autorités à la direction du parti en vue de poursuivre les négociations. Selon les chiffres officiels, 2.193 militants maoïstes auraient été abattus par les forces de sécurité entre 2005 et 2015, et la guérilla aurait abattu 1.753 membres des forces de sécurité au cours de la même période.
Les révolutionnaires indiens ont réussi, dans les zones rurales qu’ils contrôlent à améliorer le niveau de vie de la population, et où ils sont en situation d’offrir une alternative à la gauche traditionnelle et réformiste. Spécialement après le massacre de paysans ordonné par le gouvernement du Bengale occidental (gouverné par le Front de gauche réformiste) en mars 2007, quand ils s’opposaient à la ZES prévue dans Nandigram. .
Les maoïstes font dépendre le progrès de leur guerre populaire de la création d’une plate-forme culturelle et politiquement différente de celle qui a existé jusqu’à présent en Inde – et spécialement en ce qui concerne la séparation des castes, l’oppression féodale de la famille et des coutumes – et, surtout, loin des allées du pouvoir qu’affectionne la gauche traditionnelle. Ce qui amène certains secteurs des intellectuels indiens à afficher une certaine sympathie envers eux, comme Arundhati Roy, qui se refuse à qualifier leur lutte d’immorale ou terroriste, ou comme le célèbre musicien Ravi Shankar, qui a déclaré publiquement que les maoïstes sont « admirables ».

2. Les Adivasis ou peuples aborigènes de l’Inde

Les Adivasis, ou aborigènes de l’Inde forment une minorité substantielle de la population du pays. Ils sont particulièrement nombreux dans l’Orissa, le Bihar, le Jharkhand et dans les états du Nord-Est tels que le Mizoram. Ils sont officiellement reconnus, en vertu de la Constitution, comme Scheduled Tribes (‘tribus répertoriées’). Ils ne constituent en aucun cas un groupe homogène – plus de 200 tribus parlant plus de 100 langues différentes, qui varient énormément de par leur ethnicité, leur culture et leurs langues. Ils constituent environ 8% de la population de l’Inde, ce qui représente environ 68 millions de personnes selon le dernier recensement de 1991. Ils se répartissent géographiquement entre différentes régions du pays, mais ce sont les états du centre qui abritent les plus grandes tribus et quelques 75% de la totalité des aborigènes y vivent.
Une autre concentration d’aborigènes vit sur le plateau de l’Inde centrale; dans cette zone bordée par la Narmada au nord et la Godavari au sud-est, les peuples tribaux occupent les pentes montagneuses de la région. Le groupe le plus large, les Santâls, habitent le Jharkhand, au Bengale occidental. Les États indiens du centre abritent les plus grandes tribus du pays et quelque 75% de la totalité des aborigènes vivent là, et forment à peu près 10% de la population de la région. On rencontre de plus petits nombres d’aborigènes au Karnataka, au Tamil Nadu et au Kerala, dans les contreforts de l’Himalaya ainsi que plus au nord, au Goujerat et au Rajasthan, et bien évidemment dans les territoires des Laquedives et des îles Andaman et Nicobar.

Carte des populations aborigènes

Carte des populations aborigènes

Les tribus aborigènes tendent à former des unités économiques autosuffisantes. Elles pratiquent souvent la culture sur brûlis plutôt que l’agriculture intensive typique de la majeure partie de l’Inde rurale. Pour la plupart des aborigènes, les droits d’utilisation du sol dérivent simplement et traditionnellement de leur appartenance tribale. La société tribale tend à être égalitaire, la position de chef est légitimée plutôt par des considérations de valeurs personnelles que par l’hérédité. Les religions tribales n’identifient aucune autorité en dehors de la tribu. La plupart des tribus aborigènes sont concentrées dans des secteurs très forestiers qui combinent inaccessibilité et intérêt politique ou économique limité. De tous temps, l’économie de la plupart des tribus était caractérisée par une agriculture de subsistance, la chasse et la cueillette. Traditionnellement, les aborigènes cantonnaient leur contact avec l’extérieur à quelques produits de première nécessité qui leur manquaient comme le sel et le fer, et dépendaient d’artisans locaux pour la fourniture d’articles comme les ustensiles de cuisine.

Villageoises adivasis

Villageoises adivasis

Village adivasi

Village adivasi

Vers 1900, beaucoup de régions autrefois isolées sont ouvertes à l’implantation de cultivateurs par le gouvernement colonial, les migrants (des Indiens non aborigènes) recevant un titre de propriété en échange pour la mise en culture. Pour les aborigènes comme pour les Indiens de manière générale, cependant, la terre était, la plupart du temps, considérée comme une ressource commune, libre d’utilisation pour celui qui avait besoin d’elle pour sa subsistance contre le paiement d’une taxe au souverain (‘mode de production asiatique’). L’introduction par les Britanniques de la notion de propriété de la terre va provoquer la spoliation en masse des aborigènes et faire émerger une classe de riches propriétaires terriens (landlords) et d’une autre d’usuriers qui vont être la source d’un appauvrissement effroyable des campagnes indiennes.
L’amélioration des communications, la construction de routes et une intervention plus fréquente des gouvernements ont entraîné un contact accru des aborigènes qui étaient encore protégés par leur isolement dans les années 1950, très isolés. Au cours des années 1960 et 1970, l’installation de commerçants non aborigènes était très courante dans les villages tribaux. Celui-ci vendant souvent ses marchandises à crédit, avec un taux d’intérêt élevé, beaucoup d’aborigènes se sont fortement endettés ou ont hypothéqué leur terre. Ces négociants encouragent également les aborigènes à abandonner les cultures vivrières pour des cultures industrielles comme le coton ou le ricin, ce qui augmente leur dépendance à l’égard du marché pour les fournitures de base. L’endettement est si étendu que, bien que de telles transactions soient illégales, les commerçants vendent parfois leurs débiteurs à d’autres négociants, les abaissant ainsi quasiment au statut d’esclaves.

Manifestation adivasis

Manifestation adivasis

Adivasis armés d'arcs

Adivasis armés d’arcs

Au cours des années 1970, la pression sur les terres tribales a connu une augmentation, particulièrement en Inde centrale. Les migrations sur les terres tribales ont augmenté considérablement au fur et à mesure des spoliations de celles-ci au moyen de nombreuses méthodes telles que le remboursement de dettes ou la corruption des fonctionnaires cadastraux. Nombre d’aborigènes sont ainsi devenus des ouvriers agricoles sans terre au cours des années 1960 et 1970 et des régions qui étaient, quelques années plus tôt, le domaine exclusif des tribus possèdent maintenant une population de plus en plus mélangée.
Les politiques gouvernementales sur les réserves forestières ont profondément affecté la vie des aborigènes, les poussant parfois à une résistance armée. L’exploitation intensive des forêts, rendue possible par la corruption de fonctionnaires locaux, a souvent autorisé des étrangers à faire des coupes importantes, alors que les prélèvements des aborigènes étaient fortement réglementés, et a entraîné le remplacement de forêts à la flore riche qui permettaient la perpétuation de la vie tribale en plantations de monoculture. Les peuples aborigènes sont les premières victimes de la pollution des eaux par les sociétés minières, par l’industrie.
Chaque progrès de l’Inde capitaliste a représenté un drame pour les communautés aborigènes. Dans les années 60, un gisement d’uranium est découvert à Jadugoda, un village d’indigènes situé dans l’état du Bihar. En 1967, l’UCIL, l’Uranium Corporation of India Limited y ouvre une mine. Au début, l’exploitation se composait d’un puits et d’un étang. Au fil des années, la société s’agrandit. Aujourd’hui, elle compte trois mines et trois étangs sur un périmètre d’environ dix kilomètres. Depuis trois générations, les aborigènes qui vivent à l’ombre de la compagnie ont eu 35% de leurs nouveaux-nés marqués par des malformations. Le taux de radioactivité de l’air, du sol et des eaux atteint 50 fois la limite de sécurité préconisée par les normes internationales. Les villages de Chatikocha et de Dungriddih, les plus proches des étangs de retenue des rejets miniers, 50% des habitants sont atteints d’une infection ou d’une infirmité. Aucune des 130 familles qui peuplent ces deux villages n’est épargnée. On estime que les couples sont tous stériles car pas un enfant n’y est né depuis près de quatre ans.

Enfant victime de malformation

Enfant victime de malformation

Enfant victime de malformation

Enfant victime de malformation

Fût d'uranium

Fût d’uranium

Les Adivasis ont payé un prix disproportionné pour les grands projets de développement pour la modernisation de l’Inde, des projets qui ont fourni des minéraux, de l’eau et de l’électricité pour l’évolution d’une société urbaine et industrielle dans le pays. La libéralisation et la mondialisation au début des années 1990 ont ajouté une nouvelle dimension au problème en ouvrant les vastes ressources minérales dans les régions adivasis, jusqu’alors uniquement accessible principalement aux compagnies du secteur public, pour l’exploitation rapace des diverses multinationales indiennes et étrangères. Pour ces sociétés, de plus en plus soutenue par le capital mondialisé et financialisé, il s’agissait de la dernière frontière en Inde. Et alors que leurs ravages augmentaient dans les régions adivasis, la résistance des masses adivasis augmentait aussi. Partout dans le monde, quand ils sont poussés au mur par le capitalisme, les peuples se défendent et résistent. Les Adivasis, avec leur longue histoire de résistance et de rébellion, n’y ont pas manqué.

3. Le mouvement de Lalgarh

Dans la région du Jangalmahal, au Bengale occidental, les populations tribales sont également touchées par ces bouillonnements, bien qu’ils prennent une trajectoire différente en raison des différences dans la géographie et l’économie sociale de la région.
Le Jangalmahal n’est pas la cible directe des sociétés en recherche de richesses minérales, mais cela ne diminue en rien la misère des populations. Là, les habitants sont victimes du lien entre les fonctionnaires forestiers, des marchants de feuilles de tendu et de bois de construction, des entrepreneurs et des politiciens corrompus maintenant les gens dans le bourbier de la pauvreté, de l’exploitation et de l’indignité. Les habitants possèdent peu de terre, en l’absence d’équipements d’irrigation, les rendements de l’agriculture sont maigres. Ceci a conduit à une migration de masse de la force de travail pour le travail agricole dans d’autres régions de l’état, ou même dans d’autres états, particulièrement durant la saison des récoltes. Les revenus de ceci ne sont pas suffisants pour faire vivre les familles durant toute l’année, et au cours de la période maigre, la famine et même les morts de faim prennent une ampleur sans précédent. Les habitants sont donc totalement dépendant de revenus supplémentaires issus des produits forestiers, mais là aussi, ils sont grandement exploités par les gardes forestiers et la mafia. Les prix des produits forestiers tels que les feuilles de tendus, par exemples, sont atrocement bas. L’accès même aux produits forestiers est livré aux caprices des gardes forestiers, et les cas d’histoires d’hommes battus ou de femmes harcelées alors qu’ils tentent de ramasser du bois de chauffage sont quotidiennes dans la région. L’absence de mesures de développement telles que des écoles, des centres de santé, des routes, l’électricité et des équipements d’irrigation est une norme. Les gouvernements locaux, quels que soit le parti au pouvoir, ont toujours été corrompus et une large section des dirigeants politiques se sont allègrement servi dans les budgets de développement alloués par le gouvernement central pour leur enrichissement personnel.
C’est dans ce contexte que sont apparus les maoïstes à la fin des années 1990. Ils ont mobilisé les habitants sur des questions de développement, exigeant de l’eau, de l’électricité et des équipements sanitaires, mais également des prix rémunérateurs pour les produits forestiers et la fin du harcèlement aux mains des gardes forestiers et de la police. Les modes de lutte étaient publics et constitutionnels, avec l’envoi de délégations aux fonctionnaires locaux et des manifestations autour des bâtiments officiels. Mais le gouvernement, au lieu de tenir compte de ces revendications, a répliqué avec une brutale répression. La police du Bengale occidental a organisé des raids en force dans les villages du Jangalmahal, déclenchant un règne de terreur sous la forme de passages à tabac, torture, brutalités à l’encontre des femmes et des milliers de poursuites sur des motifs montés de toutes pièces. Les maoïstes ont résisté à cette terreur d’état, et ont organisé la population pour qu’elle puisse résister. Les habitants ont également obtenu des victoires significatives comme les maoïstes ont pu faire imposer une augmentation substantielle du prix des petits produits forestiers tels que la feuille de tendu. Il y a même eu des fonctionnaires locaux pour reconnaître, en privé, qu’il s’agissait d’une des contributions majeures pour l’amélioration du sort des Adivasis dans toute la région forestières du centre-Est de l’Inde. Les maoïstes en ont tiré un soutien populaire de plus en plus grand et ont développé une base solide dans la région.

Manifestation de paysan au Lalgarh

Manifestation de paysan au Lalgarh

Ce schéma de terreur d’état a continué tout au long des années 2000. La police a commencé à occuper les écoles de manière permanente, et les habitants faisaient quotidiennement face aux indignités des passages à tabac, harcèlement et autres raids policiers. Les affaires montées de toutes pièces à leur encontre sont devenues un fléau dans les vies des gens, salariés à la journée qui ne pouvaient pas se permettre de gaspiller des journées de travail pour se présenter au tribunal ou aller porter plainte au commissariat.
En novembre 2008, une mine visant le convoi de Buddhabed Bhattacharjee, qui revenait de l’inauguration d’une aciérie de la société Jindal et de la mise en place d’une ZES à Salboni, a explosé, blessant six policiers de son escorte. Suite à cette attaque que la police a mené des raids de représailles autour du village de Lalgarh, dans le Jangalmahal. Les atrocités policières, les raids indiscriminés et les tabassages brutaux se sont multipliés, principalement à l’égard des femmes. Ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase.
Les habitants se sont soulevés en masse, allant beaucoup plus loin que leurs prédécesseurs dans d’autres régions du pays. En effet, ils défiaient la fondation même de l’état en contestant le droit de l’état à administrer un peuple duquel il n’était pas prêt à reconnaître l’humanité. La violence de masse a éclaté en juin 2009, à Dharampur, suite à une attaque du CPI (Marxist), alors au pouvoir au Bengale occidental, contre un rassemblement dirigé par des femmes. La population s’est soulevée et a détruit le palais d’Anuj Pandey, le chef local du CPI (Marxist), tuant ses hommes de main armés qui terrorisaient la région. Dans ce soulèvement de masse, les maoïstes, qui avaient été l’épine dorsale organisationnelle du mouvement en raison de leur présence de longue date et leur travail organisationnel dans la région, se sont manifestés. C’est alors que fut déclenchée l’Opération Lalgarh, à l’initiative du gouvernement Left Front du Bengale occidental, de connivence avec le gouvernement UPA dirigé par le Congrès à Delhi. Ils ont envoyé de manière conjointe des forces de sécurité centrales et locales dans la région pour « réoccuper » le Jangalmahal. Ces soldats furent rejoints par des miliciens armés du CPI (Marxist). Comme par hasard, Jangalmahal s’est retrouvé dans le cadre de l’Opération Green Hunt (cf notre chapitre suivant) qui avait cours depuis un certain temps dans les régions forestières voisines du centre de l’Inde. La réoccupation de la zone indispensable pour les autorités s’explique ainsi: la région du Jangalmahal est voisine des régions forestières du Jharkhand. Or, avec le Chhattisgarh, le Maharashtra et l’Orissa, le Jharkhand est depuis 2008 visé par l’Opération Green Hunt et constitue une partie capitale de la zone sous influence maoïste. Comment l’état pourrait-il permettre qu’une région si cruciale soit déstabilisée par une zone ‘libérée’ de facto? Il était donc inévitable d’écraser le mouvement de Lalgarh.

Intervention policière au Lalgarh

Intervention policière au Lalgarh

Jusqu’en 2011, les opérations des forces de sécurité se sont poursuivies, faisant toujours plus de victimes parmi les Adivasis et les sympathisants au mouvement. Après les élections locales de 2011 et la perte du pouvoir du CPI (Marxist) après 34 ans de pouvoir dans l’état, les habitants ont eu une lueur d’espoir. Mamata Banerjee, durant sa campagne, avait promis l’arrêt des opérations ainsi que la libération de tous les prisonniers politiques. La promesse a tenu quinze jours, entre le 15 mai et le 1 juin 2011. Puis, les atrocités ont continué, les rapports de passages à tabac, de villages assiégés, de maisons mises à sac et d’arrestations indiscriminées sont revenus en force. De plus, un renforcement des restrictions contre les activités démocratiques telles que les meetings et les rassemblements populaires. Durant cette période, des étudiants appartenant à diverses organisations estudiantines adivasis furent arrêtés et battus en cellule, les maisons de plusieurs prisonniers politiques furent pillées, etc. Durant les six mois qui ont suivi les élections, plus de 300 personnes furent arrêtées, et le gouvernement a constitué une milice d’autodéfense, la Jan Jagran Manch. Elle a lâché un règne d’intimidation, forçant les gens à y adhérer et à faire office d’informateur. Ces personnes sont donc devenues les yeux et les oreilles des forces de l’état.

Arrestation au Lalgarh

Arrestation au Lalgarh

En juillet 2011, Mamata Banerjee lance un appel à la guérilla maoïste, demandant son retour dans le courant dominant et le dépôt des armes. Les dirigeants du parti réagissent en proposant des pourparlers de paix avec le gouvernement, mettant quelques exigences en avant. Afin que ces pourparlers puissent avoir lieu, les maoïstes exigent le retrait des troupes du Jangalmahal ainsi que la libération de plusieurs de leurs dirigeants haut placés détenus dans diverses prisons du Bengale occidental (A noter que leur libération faisait partie du programme électoral de Mamata Banerjee). Durant plusieurs mois, les deux camps établissent des contacts. Les autorités rencontrent des prisonniers maoïstes, elles prennent également contact avec diverses organisations de soutien à la lutte populaire au Jangalmahal. Mais le 24 novembre, Kishenji, un des dirigeants maoïste à la tête de la lutte de Lalgarh, est abattu dans une zone forestière reculée du Bengale occidental. Les autorités affirment qu’il a été tué au cours d’une intense fusillade, ce qui est rapidement mis en cause par le CPI (Maoist) et ses sympathisants. Cet assassinat intervient alors que durant le mois d’octobre, Kishenji était entré en contact avec les dirigeants politiques du Jungalmahal et qu’il oeuvrait à la mise en place d’une trêve avec le gouvernement. En réaction, le CPI (Maoist) a déclaré bloquer tout processus de négociation et a exigé que soit menée une enquête indépendante sur la mort de son dirigeant. Du côté des négociateurs du gouvernement, le timing de ces assassinat fut longuement dénoncé également.
La mort de Kishenji, ainsi que l’arrestation de la plupart des dirigeants régionaux du CPI (Maoist) ont entrainé un sérieux revers pour le parti dans la région. De leur côté, les autorités se targuent d’une paix revenue. Les Adivasis, quant à eux, ont gardé les acquis de la lutte populaire menée de front par la population et les maoïste, mais dans le fond, rien n’a changé, le harcèlement, la corruption, les manque d’infrastructure et d’intérêts des autorités pour un développement durable de la région sont toujours de mise. Depuis 2013, le CPI (Maoist) tente de se regrouper dans le Jangalmahal, plusieurs escouades y ont mené diverses actions ces deux dernières années.

4. L’Opération Green Hunt

A la mi-octobre 2014, les médias indiens relataient un nouveau « combat » et une « fusillade féroce » dans les zones forestières du district de Bijarpur, dans le Chhattisgarh. Trois « femmes maoïstes » auraient été abattues durant l’échange de coups de feu avec les forces de sécurité composées de centaines de policiers militarisés de la CRPF et de la police locale, quant à eux tous indemnes.
Il est toujours délicat de discerner le vrai du faux dans ce genre de reportage, mais ce nouvel ‘incident’ rappelle les horreurs des « combats » factices de villageois adivasis de Sarkeguda en 2012 et de Ekakmetta en 2013 dans le même district de Bijapur. Ces massacres aussi avaient été présentés par les forces de sécurité comme des « fusillades intenses avec les Naxalites ». Et les médias avaient alors répété ces informations. Malgré les tentatives désespérées de la police, de la CRPF et du ministère de l’Intérieur pour colmater les fuites, il fut vite évident que durant cette soirée du 28 juin 2012, plus de 600 membres de la CRPF, de la force spéciale anti-guérilla CoBRA et de la police locale avaient encerclé le hameau de Sarkeguda et avaient ouvert le feu de manière indiscriminée sur des centaines d’Adivasis des villages voisins qui s’étaient réunis pour discuter des préparatifs leur festival annuel des semences. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, P. Chidambaram avaient alors prétendu que ses hommes avaient pourchassé des « maoïstes déterminés », mais du propre aveux du ministre des Affaires Tribales, parmi la vingtaine de personnes abattues figuraient au moins dix adolescents; un enfant grièvement blessé n’avait pas quatre ans; ils n’avaient pas d’armes; et aucun n’avait de casier criminel.
Un massacre semblable a eu lieu un an plus tard dans le village de Edakmetta, dans le même district de Bijapur. Le 20 mai 2013, au milieu de la nuit, les forces de sécurité ont encerclé des villageois rassemblés pour célébrer le festival des semences et une volée de balles furent tirées à leur encontre, tuant huit villageois dont trois enfants, tous non armés.
Telle est l’histoire des brutalités et « combats » factices au cours des cinq dernières années de guerre contre le peuple menée par le gouvernement au nom de l’Opération Green Hunt. Le terme « Opération Green Hunt » fut créé par les médias indiens pour décrire l’offensive totale déclenchée contre les maoïstes en 2009 dans le Chhattisgarh. Celui-ci fut rapidement repris pour qualifier toutes les opérations menées à travers le pays contre l’insurrection maoïste.

Corps d'une maoïste abattue

Les cinq états essentiellement visés par Green Hunt sont principalement habités par des tribaux et particulièrement riches en ressources naturelles. Ces dernières années, le gouvernement indien a signé des centaines de protocoles d’accord avec de grosses sociétés indiennes telles que Tata, Birlas, Ambani, Mittal mais aussi des multinationale afin de permettre le pillage de ces ressources. Et les tribaux, habitants ancestraux des terres sous lesquelles se trouvent ces ressources, sont déterminés à défendre leur moyen d’existence, leur vie et leur dignité contre le modèle de destruction et de déplacement mis en place par le gouvernement au nom du progrès et du développement.
Dès lors, les autorités qui se sont engagées vis à vis de ces grands groupes capitalistes, sont déterminées à réprimer tout mouvement de résistance visant à empêcher la construction d’usine, l’érection de grands barrages ou l’extraction industrielle dans les collines. Et la résistance des tribaux est organisée et armée par les maoïstes Cette guerre contre le peuple a donc également été déclarée pour faciliter la vente de ressources naturelles pour des milliards de dollars.
Et les autorités se sont donné les moyens. En 2009, au moment du lancement de l’Opération Green Hunt, le gouvernement a décidé de déployer 80.000 membres des forces paramilitaires dans l’offensive contre les maoïstes. Ceux-ci étaient soutenus par 10 hélicoptères armés de l’Indian Air Force. A la mi-2012, selon certaines sources, plus de 100.000 soldats issus de la CRPF, de la Border Security Force, de l’Indo-Tibetan Border Police et des forces CoBRA étaient mobilisés dans les opérations anti-maoïstes. Le 3 janvier 2013, le gouvernement autorisait le déploiement de 10.000 hommes supplémentaires dans le Bastar, l’Odisha et certaines régions du Jharkhand. En mai 2013, près de 84.000 hommes de la CRPF avaient été positionnés dans les états touchés par la guérilla maoïste pour renforcer l’offensive. En mars 2014, le chiffre de 286.200 hommes de la CRPF et de 100.000 hommes d’autres forces paramilitaires engagés dans 10 états du pays était avancé par diverses organisations. Le 8 juin 2014, le ministre de l’Intérieur approuvait le déploiement de 10.000 paramilitaires supplémentaire rien que pour l’état du Chhattisgarh. En août 2014, 2000 hommes des Nagaland’s Indian Reserve Battalions étaient dépêchés dans le Bastar, faisant de la région la zone la plus militarisée de l’Inde. Les autorités ont déployé des drones pour les opérations anti-maoïstes dans le Bihar, le Chhattisgarh et le Jharkhand. Insatisfaites par la qualité des résultats, la Defence Research and Development Organisation a pris l’initiative de développer des drones disposant de radars de plus basse fréquence pour faciliter la traquer des guérilleros dans les jungles. L’Inde a également récemment importé douze drones en provenance d’Israël pour la surveillance aérienne des activités maoïstes dans les régions forestières et peu accessibles à la frontière entre l’Andhra Pradesh, l’Orissa et le Chhattisgarh.

Opération Green Hunt

Opération Green Hunt

Cinq années après le début de cette vaste offensive, les bénéficiaires restent les même. Et le gouvernement continue à soutenir ses forces de sécurité bec et ongles, malgré toutes les enquêtes et contre-enquêtes en marge de chaque « combat » meurtrier. Après le ‘combat’ factice de Sarkeguda, le ministre de l’Intérieur Chidambaram a déclaré « Le combat, pour je ne sais quelles raisons, est qualifié de combat factice. Le directeur de la CRPF a dit qu’il n’avait rien à cacher, rien à craindre. Je suis le ministre de l’Intérieur, et la CRPF est sous mes ordres. Nous avons été parfaitement sincères, francs et honnête ». Quelques mois plus tard, Rajnath Singh est allé un pas plus loin disant que durant son mandat en tant que ministre en chef de l’Uttar Pradesh, il donnait carte blanche aux policiers pour gérer les maoïstes et il leur a assuré qu’ils ne seraient pas « embêtés » par la Commission pour les Droits de l’Homme. Avec ces déclarations, il prépare ouvertement le terrain pour d’autres « combats » factices, pour d’autres massacres, pillages, viols, tortures par les forces de sécurité qui disposent du soutien total du gouvernement.

4. Quelques prisonniers célèbres

Chhatradhar Mahato, président et membre fondateur du People’s Committee Against Police Atrocities, a été arrêté le 26 septembre 2009 dans une opération menée par la police du Bengale occidental dans le village de Birkar, à proximité de Lalgarh. Cette arrestation s’est déroulée en violation des lois indiennes, l’homme ayant été interpellé par des policiers déguisés en journalistes et dépourvus de mandat d’arrêt. Chhatradhar Mahato, militant pour la défense des Adivasis, a créé le PCAPA en novembre 2008 suite à l’attaque de Salboni. A la tête de ce mouvement populaire, Mahato, qui n’est pas lui-même issu d’une population tribale, entendait lutter contre les violence de la police et des paramilitaires à l’encontre de la population principalement aborigène de la région. Dès sa création, l’organisation fut cataloguée par les autorités comme étant une organisation de front de la guérilla maoïste, entraînant une répression de ses membres et de toutes ses actions. L’arrestation de son dirigeant est utilisée par les autorités pour terroriser tous ceux qui tentent de soutenir le mouvement des peuples minoritaires dans le Lalgarh, en alléguant qu’il sympathisent avec la guérilla maoïste. Depuis 2009, Mahato a été inculpé dans 38 affaires distinctes, toutes en vertu du Unlawful Activities Prevention Act. Cette législation anti-terroriste laisse les mains totalement au gouvernement pour arrêter arbitrairement et de placer en détention des personnes sans que ne soient clairement définies les infractions qui leur sont attribuées. Depuis, il s’est vu accordé une mise en libération sous caution pour 37 d’entre elles, mais reste incarcéré pour la dernière, qui a été entamée peu après qu’il ait été acquitté dans la 37e. Celle-ci concerne le meurtre de deux policiers à Purulia. La stratégie mise en place par le gouvernement pour maintenir les prisonniers politiques en détention est assez claire, et de toute évidence illégale, non-démocratique et vindicative. Dès qu’un prisonnier se voit libéré (même sous caution) dans le cadre d’une affaire, il se voit impliqué dans une autre par les autorités. De cette manière, le gouvernement maintient continuellement ces militants en prison, généralement sous de fausses allégations. Dans le cadre de l’affaire du meurtre de Purulia, à la mi-février 2015, la défense de Mahato a annoncé qu’il devrait cette fois encore être acquitté. Finalement, le juge s’est prononcé en mai 2015, et Mahalo, ainsi que cinq autres personnes, a été condamné à la prison à perpétuité. Ses avocats ont immédiatement fait appel.

Kobad Ghandy

Kobad Ghandy

Kobad Ghandy est issu d’une famille aisée, son père étant le directeur financier du géant pharmaceutique Glaxo. Après avoir étudié dans les plus grands collèges de Mumbia, il est allé suivre des cours de comptabilité à Londres. C’est là qu’il se confronte pour la première fois à la politique, purgeant même une peine de deux mois de prison après s’être retrouvé dans une vague de violence en marge d’un meeting anti-racisme. De retour à Mumbai, il s’engage dans divers mouvements estudiantins populaires avant de se rapprocher des naxalites. A la fin des années 1970, il fonde le Committee for the Protection of Democratic Rights avant d’entrer dans la clandestinité au milieu des années 1980. Membre du Comité Central du CPI(Maoist) et de son Politburo, Kobad Ghandy est notamment en charge de certaines publications du parti. Il fut arrêté à Delhi le 20 septembre 2009 alors qu’il était en ville pour suivre un traitement médical. Les autorités l’accusent, entre autre, d’avoir été dépêché par le parti dans la capitale afin de mener des activités de propagande et de recrutement dans le milieu urbain. Après 14 jours de détention provisoire, durant lesquels il a été interrogé et torturé, Ghandy a été transféré à la Tihar Jail de Delhi, où il se trouve toujours détenu en 2015. Souffrant d’un cancer, ainsi que de diverses affections, il est régulièrement transféré d’un quartier à l’autre, passant du quartier à haut risque à celui réservé aux personnes âgées au gré de la volonté des autorités pénitentiaires. Depuis sa cellule, Ghandy continue sa lutte, produisant régulièrement des écrits publiés par de multiples journaux et participant à toutes les actions et autres grèves de la faim organisées par les prisonniers maoïstes. Poursuivi en vertu du Unlawful Activities Prevention Act, les autorités l’accusent d’avoir propagé et disséminé l’idéologie maoïste à Delhi et d’avoir oeuvré à la création d’un réseau urbain du parti. Son procès a début en septembre 2012 et est toujours en cours à la mi-2015, alors que la santé du prisonnier se dégrade et qu’il ne reçoit toujours que des soins sporadiques.

Binayak Sen

Binayak Sen

Binayak Sen est un cas emblématique de l’histoire militante indienne. Il s’agit d’un cas célèbre, défendu par toutes les grandes organisations humanistes bourgeoises telles qu’Amnesty, parce que visiblement sans aucun lien avec l’insurrection maoïste. Médecin, Sen s’employait à rendre accessibles les soins médicaux aux populations reculées des jungles dans le centre du pays. Vice-président du People’s Union for Civil Liberties, il dénonçait régulièrement les violences commises par les milices à la solde du gouvernement et les paramilitaires à l’encontre des populations aborigènes sous prétexte de la lutte contre les maoïstes. Son simple engagement humanitaire a suffi aux autorités pour l’arrêter le 14 mai 2007 pour violation du Chhattisgarh Special Public Security Act et du Unlawful Activities Prevention Act. Il est accusé d’avoir soutenu et encouragé la violence maoïste. En vertu de ces lois anti-terroristes permettant au gouvernement de le maintenir en détention, Binayak Sen restera enfermé durant sept mois sans inculpation. En mars 2008, il passe plusieurs semaines à l’isolement, pour sa propre sécurité, selon les autorités pénitentiaires. Le 25 mai 2009, Sen est libéré sous caution principalement pour des raisons de santé, mais probablement aussi en raison de l’intense mobilisation internationale. Depuis, il est toujours dans l’attente d’un éventuel procès. Lors de la condamnation à perpétuité de plusieurs de ses co-accusés dans le cadre d’autres affaires en 2010, le gouvernement a révoqué sa libération conditionnelle et Binayak Sen a été réincarcéré. Mais il fut une nouvelle fois libéré. La persécution d’un humaniste bourgeois aussi notoirement inoffensif que le docteur Sen en dit long sur la férocité de la politique de répression du gouvernement indien.

Malla Raji Reddy

Malla Raji Reddy

La torture en Inde

Publiée chaque année par le Asian Center for Human Rights (ACHR), une organisation démocratique-bourgeoise de défense des Droits de l’Homme basé à New Delhi, l’étude consacrée à la torture en Inde est accablante. Du 1er avril 2001 au 31 mars 2009, 1.184 personnes sont morte alors qu’elles étaient aux mains de la police – et ceci est le chiffre officiel de la National Human Rights Commission. La plupart de ces morts ont eu lieu dans les premières 48 heures de la détention, et une majorité écrasante a succombé suite à des sévices corporels. Un nombre équivalent de personnes serait quotidiennement torturé à mort par l’armée et les paramilitaires dans les zones insurgées du pays, où des législations spéciales donnent quasiment les pleins pouvoirs aux soldats. ‘Des centaines sont tués, des dizaines obtiennent une compensation financière, mais seuls trois à quatre policiers sont condamnés chaque année‘, résume le directeur de l’ONG. A cela s’ajoute les sévices commis par les milices des grands propriétaires. La pratique de la torture au service du ‘maintien de l’ordre’ est généralisée à travers le pays.

Il s’agit d’un système institutionnalisé. Seule une poignée de policiers ont été condamnés ces dernières années. Le ministre de l’Intérieur attribue ces milliers de morts en garde à vue ‘à la maladie, à des accidents, à des tentatives d’évasion ou à des suicides‘. Les textes de lois indiens ne reconnaissent d’ailleurs pas la torture comme un crime à part entière. Les agents des forces de l’ordre sont de plus soumis à un régime juridique spécial qui leur assure une relative impunité puisque c’est au pouvoir exécutif que revient la décision de poursuivre ou non un officier en justice. Et lorsqu’une affaire est effectivement portée devant un tribunal, les délais sont aberrants: il faut entre 25 et 30 ans pour aboutir à un procès contre un policier responsable, ce qui nourri la culture de l’impunité. Tentant de renvoyer les belligérants dos-à-dos, le rapport de la ACHR rapporte également cinq cas de sévices corporels commis par les naxalites en 2008: quatre contre des indicateurs de police, un contre un déserteur de la guérilla.

Un organisme national de défense des Droits de l’Homme à été mis en place en 1993. Mais la National Human Rights Commission (NHRC) préfère dédommager les victimes plutôt que de les encourager à porter plainte. Cet organisme vise finalement à dédouaner l’état de la généralisation de la torture et à éclipser l’ampleur du problème. Le gouvernement indien n’a d’ailleurs toujours pas ratifié la convention de l’ONU contre la torture, pourtant signée en 1997.

Victime de la torture

Victime de la torture

Victime de la torture

Victime de la torture

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Un témoignage

Linga est un jeune homme d’une famille aisée de la tribu Muriya, de Sameli, village du Dantewada. Comme chaque membre de tribu sur sa terre, la police l’a sommé de choisir: servir l’Etat ou être considéré comme naxalite. Un gouvernement paranoïaque exige d’avoir chaque membre de tribu de son côté, comme informateurs, comme guide durant leurs opérations dans la jungle, comme auxiliaires de police spéciale… Ceux d’entre eux qui sont tués dans un engagement sont finalement toujours comptés comme des naxalites morts. Dans cette lutte, le même mot ne signifie pas la même chose pour tout le monde.

Dans la matinée du 31 août, Linga est enlevé de chez lui, à Sameli, par des policiers en civil, mais armés. Les policiers l’ont emmené dans le camp de la Force Centrale de Réserve de la Police sur le chemin du commissariat de Dantewada. A Dantewada, il est amené dans le bureau du commissaire Amresh Mishra. ‘Il m’a fait asseoir par terre et m’a frappé. Il m’a demandé si j’étais le fils d’un naxalite. J’ai répondu que j’étais fils de fermier, que mon père avait été membre du conseil du village. Ensuite, ils m’ont enfermé dans une pièce minuscule. Je devais chier, uriner et manger dans cette pièce… il y avait un autre garçon avec moi. Il était là depuis un mois. On nous autorisait à nous laver moins d’une fois par semaine. Ils nous torturaient constamment. Si tu ne nous aide pas, nous dirons que tu es naxalite et nous te tuerons.

Quand on lui demande pourquoi les policiers l’appelaient naxalite, si les naxalites venaient dans son village, s’il en avait rencontré. Il répond: ‘Les naxalites ont des armes, quand ils viennent dans ton village, tu dois les rencontrer. Mais ce n’est pas un crime de se contenter de les écouter. La police aussi a des armes, quand ils nous veulent, nous devons y aller aussi. La différence, c’est que les naxalites ne nous frappent pas, mais la police n’épargne personne.

Durant la détention de Linga, son frère a introduit un habeas corpus à la Haute Cour de Bilaspur. Le commissariat de police de Dantewada a reçu un avis de la Haute Cour. Cela a obligé la police à modifier sa stratégie. Linga affirme: ‘mes cheveux étaient devenus très longs… j’avais une barbe… j’étais sale… pas lavé… ils m’ont donné du savon, de l’eau, des vêtements… m’ont emmené à Bilaspur, m’ont fait errer dans tous les marchés. Les policiers me suivaient à distance. Si j’avais essayé de m’échapper, ils m’auraient abattu.‘ Un Linga bien habillé, bien nourri et rasé de près errant sur les places des marchés avec des officiers de la police spéciale, cela sèmerait le doute dans les esprits naxalites. Ils se demanderaient s’il a rejoint la police, ou s’il est devenu leur informateur. Cela pourrait provoquer de brutales représailles. Et c’est en effet exactement ce que la police souhaitait, afin de fermer toutes les portes de sortie à Linga.

Bien qu’il ai été torturé durant toute sa garde à vue, Linga a affirmé au tribunal qu’il ne l’avait pas été. Le tribunal ordonne à la police de le relâcher. Il est resté en détention illégale du 31 août au 6 octobre. On lui a demandé pourquoi il avait menti au tribunal. ‘J’avais peur pour ma vie. Je n’ai jamais su si je m’en sortirais vivant.‘ Durant sa garde à vue, Linga a donc accepté le deal de la police: il ne parlerait pas des tortures et en retour, la police n’insisterait pas pour qu’il devienne officier de la police spéciale et le laisserait partir. Il savait qu’il n’était pas en sécurité en garde à vue. Il savait qu’il n’était pas non plus en sécurité à l’extérieur. Il n’y avait aucune charge, aucune affaire, pas de preuve, pas encore… Il pense que la police de Dantewada va essayer de se venger. Mais que s’il survit, et qu’il n’obtient pas justice, il deviendra naxalite. La famille de Linga est riche et pourrait faire une démarche au tribunal de Bilaspur.

Forces de sécurité en action

Forces de sécurité en action

Pour en savoir plus

Lal Salaam

Lal Salaam

En Inde, expansion de la guérilla naxalite, un article de Cédric Gouverneur, Le Monde Diplomatique, décembre 2007

Entretien avec Ganapathy, secrétaire général du CPI(Maoist) en février 2010

Communiqué du 1er septembre 2014 à l’occasion du dixième anniversaire du CPI(Maoist)

Jaquette Sillage

Jaquette Sillage

Dans le sillage de Naxalbari retrace la grande insurrection maoïste en Inde de sa naissance en 1967 jusqu’à son effroyable répression au début des années ’70. Sumanta Banerjee en détaille et contextualise les épisodes, avec un remarquable mélange de proximité et de distance. Proximité, parce que l’auteur a été directement impliqué dans les événements ; distance, parce que ce livre a été écrit puis réécrit avec le recul nécessaire. Il en résulte un ouvrage riche de sources et d’expériences directes mais aussi de documents officiels rendus accessible ultérieurement, à la fois rigoureux et empathique, qui apporte le meilleur éclairage sur cet épisode majeur de l’histoire de l’Inde. Cette parution (éditions Academia, traduction de J. Adarshini) est d’autant mieux venue que les héritiers des Naxalites d’aujourd’hui une lutte armée au coeur de l’Inde d’une telle ampleur que le Premier ministre indien a qualifié cette nouvelle insurrection comme « la plus grande des menaces » pour la sécurité nationale.

Pour davantage d’information: www.jadarshini.be

Bref historique du Black Panther Party

En octobre 1966, Huey Newton et Bobby Seale fondent le Black Panther Party for Self-Defense, qui deviendra vite le Black Panther Party. Ils rédigent un programme en dix points, qu’ils souhaitent être un programme politique concret qui touche directement la communauté noire. Leurs principales sources d’inspirations sont Franz Fanon, Malcolm X, et Mao.

Dans les premiers mois de son existence, le BPP se consacre à contrer les attaques de la police et les agressions contre les racistes blancs. La nécessité de s’armer se fait jour, et le financement de l’achat des armes se fait par la vente du Petit Livre Rouge de Mao. En décembre 1966, Bobby Hutton devient le premier membre du parti, mais très vite, le nombre de militant s’accroît. En effet, le BPP tient tête à la police d’Oakland, et gagne ainsi une certaine notoriété.

Groupe de Panthères Noires

Groupe de Panthères Noires

En avril 1967, le premier numéro du journal des Panthers sort de presse, suite à l’assassinat d’un jeune noir de San Francisco. Composé de quatre pages, ses textes remettent en question les différents ‘faits’ établis par la police après la mort du jeune homme. Un peu plus tard, Newton est arrêté pour avoir tué un policier.

Huey Newton en prison

Huey Newton en prison

Le BPP entame le mouvement ‘Free Huey‘. Durant cette période, le parti s’enracine en s’alliant à divers groupes révolutionnaires et connaît un succès grandissant. L’organisation du parti ne s’est pas décidée dès sa création. Elle s’est construite au fil de l’évolution et de la croissance du mouvement. Le parti est divisé en ‘Chapitres’, qui sont propres à chaque Etat. Ensuite vient la branche (chaque grande ville en compte une). Enfin, chaque branche est divisée en sections, elles-mêmes divisées en sous-sections. Le comité central est l’instance dirigeante du parti. Il est composé d’un bureau politique qui définit les politiques à mener. A sa tête, le ministre de la Défense, secondé par le président du parti. On trouve également un ministre de l’Information (le journal du BPP tire à 125.000 exemplaires) et un secrétaire général chargé de l’organisation du parti au jour le jour.

Organigramme du parti

Organigramme du parti

A côté de sa campagne pour l’auto-défense, le BPP met en place un programme social très important. Fred Hampton, fondateur du Chapitre du parti à Chicago lance les petits-déjeuners gratuits pour les enfants noirs (30.000 enfants en bénéficieront bientôt), ainsi qu’un programme médical visant à dépister l’anémie. Le BPP crée également la ‘Oakland Community School’ afin d’accueillir les jeunes de la communauté. Les objectifs du parti sont clairs: nourrir – soigner – éduquer.

Groupe de Panthères Noires

Groupe de Panthères Noires

Tout cela déplaît aux autorités, et dès 1967, le FBI déploie contre le BPP le programme de répression utilisé dans les années 50 contre le Parti Communiste: le COINTELPRO. Le BPP va dès lors être la cible d’une campagne de harcèlement et de répression d’un caractère nouveau et d’une ampleur jusque là inégalée.

Toutes ces actions menées par le FBI entraînent un climat de suspicion au sein même du groupe, ainsi que des tensions avec d’autres organisations menant à une inévitable guerre. Toutes ces querelles et dissensions fomentées par le COINTELPRO vont finir par faire imploser le parti. Dès 1971, les militants radicaux les plus chevronnés sont soit morts, soit en exil, soit en prison. En 1973, le Black Panther Party disparaît.

Quelques protagonistes

Huey Newton

Huey Newton

Huey Percy Newton: co-fondateur du BPP, il est né le 17 février 1942 en Louisiane dans une famille d’ouvriers. Il grandit à Oakland, Californie. Durant ses années de collège, il s’engage dans différentes associations politiques, progressistes et culturalistes noires. C’est alors qu’il rencontre Bobby Seale et fonde le parti.

Bobby Seale

Bobby Seale

Bobby Seale: co-fondateur du BPP. Il est né le 22 octobre 1936 à Dallas, au Texas. Après une enfance pauvre à Oakland, il devient mécanicien et s’engage dans l’armée d’où il est exclu. De retour dans sa famille, il milite dans plusieurs associations où il rencontre Huey Newton et fonde le parti en octobre 1966.

Bobby Hutton

Bobby Hutton

Bobby Hutton: né en 1950, il fut le premier membre du BPP, qu’il rejoint à l’âge de 16 ans. Moins de deux ans plus tard, le 7 avril 1968, il est assassiné par la police d’Oakland.

Fred Hampton

Fred Hampton

Fred Hampton: il est né le 30 août 1948 à Chicago, où il passe toute son enfance. Brillant étudiant en droit, il milite durant ses études pour les droits civiques, et en novembre 1968 fonde le Chapitre BPP de Chicago. Il met en place des actions sociales telles que les petits-déjeuners et les soins médicaux gratuits pour les enfants défavorisés. Leader charismatique, il donne également de nombreuses conférences et rencontre un écho plus que favorable auprès de la population. Il est assassiné le 4 décembre 1969 par la police de Chicago.

Affiche de recherche d'Angela Davis

Affiche de recherche d’Angela Davis

Angela Davis: née le 26 janvier 1944 dans l’état d’Alabama où ses parents sont enseignants. Elle étudie aux Etats-Unis, en France et en Allemagne. Elle reçoit sa maîtrise en 1968 et devient membre du Parti Communiste des Etats-Unis et du BPP. Elle commence à enseigner, mais est renvoyée à cause de ses convictions. En 1970, recherchée et arrêtée sous l’accusation de conspiration pour libérer des prisonniers du BPP, elle passe 16 mois en prison avant d’être acquittée. Aujourd’hui, Angela Davis enseigne à l’université et continue son combat politique et social.

La répression contre le Black Panther Party

Le programme COINTELPRO (COunter INTELligence PROgram) du FBI a été créé secrètement en 1956 pour lutter contre le Parti Communiste aux Etats-Unis. Il fut relancé en 1967 contre les groupes de libération afro-américains et contre la gauche révolutionnaire. Il a été mis à jour en 1971. Son but avoué par le FBI: ‘protéger la sécurité nationale, prévenir la violence et maintenir l’ordre social et politique existant‘. Tous les moyens, allant jusqu’à l’assassinat politique furent employés à cette fin.

De 1956 et 1971, il y a eu 2.218 opérations liées au COINTELPRO, 2.305 écoutes téléphoniques illégales et l’ouverture de 57.646 courriers. Sur les 295 opérations menées contre les organisations afro-américaines, 233 visaient le BPP. Une note du directeur du FBI indique: ‘Le but de l’action du Counter Intelligence est de perturber le BPP, et c’est sans importance de savoir s’il existe des faits pour prouver les accusations (contre le BPP)’.

Des agents ont été payés pour devenir membre du BPP, pour perturber son travail et pour pousser ses membres à se mettre hors-la-loi. Il permet de récolter un maximum d’informations et de se tenir au courant au jour le jour. Le FBI a orchestré la désinformation et la manipulation par la publication de fausses informations dans les médias pour briser les soutiens au BPP, par l’envoi de lettres anonymes afin de créer des divisions au sein du BPP. Cela a permis la création d’un climat de suspicion entraînant des tensions internes au BPP, et des tensions avec d’autres organisations entraînant parfois une guerre ouverte.

Le FBI s’est livré au harcèlement à travers le système légal: des officiers de police donnent de faux témoignages, fabriquent des preuves pour arrêter et faire emprisonner des membres du BPP. Les FBI a directement usé de violences extra-légales: le FBI et la police menacent et provoquent des assauts, du vandalisme, des bagarres pour effrayer et pour perturber le mouvement. Au total, 38 militants du BPP ont été tués durant l’année 1970 suite à des raids organisés par la police contre les bureaux du parti.

L’assassinat de Bobby Hutton

Le 7 avril 1968, huit membres du parti, dont Bobby Hutton, voyageaient dans deux voitures lorsqu’ils tombent dans une embuscade dans la police à Oakland. Bobby prend la fuite avec un camarade, et ils trouvent refuge dans un sous-sol. Très vite, ils sont cernés par plus de cinquante policiers qui prennent d’assaut le bâtiment, qui prend feu. Bobby en sort les mains en l’air, ayant enlevé son tee-shirt pour montrer qu’il était sans arme. Dès sa sortie, il est la cible de douze tirs qui le tuent sur le coup.

Hommage à Hutton

Hommage à Hutton

L’assassinat de Fred Hampton

Le 3 décembre 1969 à Chicago, après avoir donné une conférence, Hampton et quelques membres du parti se rendent à son appartement. Mais une taupe se trouve parmi eux. Il avait fourni au FBI un plan de l’appartement. Le soir même, il sabota les armes et durant le repas, drogua Hampton. A 4 heures du matin, lorsque les policiers prirent l’appartement d’assaut, Hampton est tué dans son sommeil. Tous les autres membres du parti présents ont également été la cible des tirs policiers, et notamment la compagne d’Hampton, alors enceinte.

Le corps de Fred Hampton

L’inculpation d’Angela Davis

Durant l’été 70, Davis participe à la campagne pour la libération de Georges Jackson et des ‘Soledad Brothers’ (Lire les lettres de prison de Georges Jackson). Le 7 août, le frère du prisonnier tente de faire évader John McClain au moment de son procès. Avec deux camarades, ils prennent cinq otages, dont le juge. Dès leur sortie, la police fait feu sur leur véhicule, tuant quatre hommes. Davis est accusée d’avoir fourni les armes à Jackson. Elle se retrouve sur la liste des personnes les plus recherchées du FBI. Après des mois de cavale, elle est capturée à New-York. En 1972, après 16 mois de prison, elle est finalement acquittée.

Badge pour Angela Davis

Badge pour Angela Davis

Chronologie du Black Panther Party

1965

21 février: Malcolm X est assassiné alors qu’il s’exprimait à l’Audubon Ballroom, à Harlem.

1966

Mai: Stokely Carmichael est élu président du SNCC (Student Nonviolent Coordination Committee).

15 octobre: Huey P. Newton et Bobby Seale rédigent la première version du programme en dix points du BPP.

Décembre: Bobby Hutton, 16 ans, est la première recrue du BPP.

1967

1 janvier: Le BPP ouvre son premier bureau au 5624 Grove Street, à Oakland.

21 février: Deux ans après le meurtre de Malcolm X, les Panthères noires escortent sa veuve, Betty Shabazz, de l’aéroport aux bureaux de la revue Ramparts, où travaille Eldridge Cleaver. Impressionné, ce dernier rejoint le BPP.

1 avril: A Richmond, en Californie, Denzil Dowell est abattu par la police. Celle-ci prétend que ses agents ont tiré pour se défendre. Sa famille demande aux Panthères Noires de mener une enquête indépendante pour faire toute la lumière sur sa mort.

25 avril: Publication du premier numéro du journal officiel des Panthères: Black Panther Party – Black Community News Service.

2 mai: Trente Panthères armées s’introduisent dans le Capitole de Sacramento pour protester contre le Mulford Act, projet de loi destiné à empêcher le port d’armes en Californie.

28 juin: L’Etat de Californie adopte la loi ‘anti-armes’ Mulford, qui prohibe le port d’armes dans tout espace public. Les patrouilles de Panthères se retrouvent de fait hors-la-loi.

28 octobre: A 4h56 du matin, à Oakland, les officiers de police John Frey et Herbert Haines contrôlent le véhicule de Huey P. Newton, accompagné de Gene McKinney. Dans l’altercation qui suit, John Frey est abattu et son collègue blessé. Newton est lui aussi gravement blessé, il est arrêté alors qu’il vient d’arriver à l’hôpital.

1968

Janvier: Création d’un chapitre du BPP en Californie du Sud, par Alpentice ‘Bunchy’ Carter.

17 février: Pour l’anniversaire de Huey P. Newton, une grande manifestation ‘Free Huey’ est organisée à l’auditorium d’Oakland. Plus de 5000 personnes sont présentes, dont Stokely Carmichael, H. Rap Brown, James Forman, dirigeants du SNCC, ainsi que des membres du Peace and Freedom Party.

Mars: Arthur (Glen) Carter, frère de Bunchy Carter, est abattu par la police. Il est le premier Panthère noire à tomber sous les balles de la police.

Avril: Création d’un chapitre du BPP à New-York.

4 avril: Martin Luther King Jr. est assassiné à Memphis, dans le Tennessee. Sa mort enflamme les ghettos américains.

6 avril: Bobby Hutton, 17 ans, premier membre du Parti, est tué lors d’une fusillade à Oakland. Présent sur les lieux, Eldridge Cleaver est blessé et incarcéré.

Juin-juillet: L’alliance entre le SNCC et les Panthères noires tourne court. Chassé du SNCC, Carmichael rejoint le BPP.

15-16 juillet: Le procès de Huey P. Newton s’ouvre à Oakland. Plus de 6.000 manifestants se rassemblent pour l’occasion devant le palais de justice.

27-28 septembre: Huey P. Newton est condamné à une peine de 2 à 15 ans de prison. Quatre heures après cette condamnation, deux policiers tirent à bout portant sur la vitrine du local des Panthères sur Grove Street. Dans le même temps, la conditionnelle d’Eldridge Cleaver est révoquée. Il doit retourner en prison.

24 novembre: Trois jours avant de retourner en prison, Eldridge Cleaver disparait. Accompagné de sa femme Kathleen Cleaver, ils quittent le pays pour Cuba, Paris, et plus tard Alger.

1969

Janvier: Mise en place du premier programme de petits-déjeuners gratuits pour les enfants, à l’église Ste Augustine, à Oakland.

17 janvier: A Los Angeles, Bunchy Carter et John Huggins sont tués au Campbell Hall du campus de l’UCLA par des membres de l’organisation noire US (United Slaves). Le soir même, dix-sept Panthères sont arrêtées au domicile de John Huggins. La police prétend qu’elles préparaient leur vengeance sur US.

24 mars: De retour d’une tournée dans les pays scandinaves, Bobby Seale est inculpé pour avoir fomenté des émeutes lors de la convention démocrate d’août 1968. C’est le début de l’affaire des ‘Chicago 8’.

1 avril: Début du programme de petits-déjeuners à Chicago. A la fin de la semaine, 1.100 enfants sont accueillis et nourris.

2 avril: Le procureur de New York, Frank S. Hogan, engage des poursuites contre 21 Panthères de NY pour préparation d’un attentat contre la police, des grands magasins et le métro new yorkais. C’est le début de l’affaire des ‘Panthères 21’.

22 mai: A New Haven, dans le Conecticut, 8 Panthères sont arrêtées (dont Bobby Seale et Ericka Huggins) pour le meurtre d’Alex Rackley, membre du Parti à New-York. Début de l’affaire de New Haven.

23 mai: John Savage, membre du parti, est abattu par des membres de US.

8 juin: Bobby Seale est condamné à 3 ans de conditionnelle pour port d’armes près d’une prison (il s’était fait arrêter alors qu’il rendait visite à Huey P. Newton).

17 juillet: Le Parti lance à New Haven son premier programme de détection de l’empoisonnement au plomb contenu dans la peinture d’appartement.

18 juillet: Ouverture à Oakland du ‘Front uni contre le fascisme’, organisé par le BPP. Pendant trois jours, le principal sujet de débat est le contrôle de la police par la communauté.

15 août: Sylvester Bell, membre du BPP à San Diego, est abattu par des membres de US.

19 août: Bobby Seale est en prison pour deux affaires dans lesquelles il est accusé d’être impliqué.

3 septembre: Création de la section internationale du BPP en Algérie, sous l’égide d’Eldridge Cleaver.

18 octobre: Walter Pope, membre du BPP à Los Angeles, est abattu par la police alors qu’il vend le journal du Parti.

4 décembre: Fred Hampton et Mark Clark sont assassinés par la police de Chicago.

8 décembre: Attaque massive de la police de Los Angeles contre les bureaux du BPP àLos Angeles. S’ensuivent quatre heures d’affrontements armés.

1970

5 août: Huey P. Newton est libéré sous caution.

7 août: Jonathan Jackson, frère cadet de Georges Jackson, emprisonné depuis 1960, tente par une prise d’otage de faire évader John McClain du tribunal où se tient son procès. Assisté de Ruchell Magee et dʼun autre prisonnier, tous deux témoins dans le procès, ils prennent cinq otages, dont le juge. Dans leur fuite éclate une fusillade. Jonathan Jackson est abattu. L’arme avec laquelle il a fait cette prise d’otage a été enregistrée au nom d’Angela Davis, militante communiste et membre du comité de soutien de Georges Jackson. En quelques jours, elle devient la femme la plus recherchée des Etats-Unis. Arrêtée quelques semaines plus tard, elle devient une figure marquante du mouvement révolutionnaire américain.

Août – début septembre: Voyage d’une délégation du BPP, menée par Eldridge Cleaver au Viêtnam, en Chine, à Moscou et en Corée du Nord.

20 novembre: L’affaire de New Haven est définitivement classée. Les 8 Panthères noires, dont Bobby Seale, sont libres.

1971

Janvier: La branche d’Oakland ouvre l’institut intercommunal de la Jeunesse (renommé Oakland Community School en 1974).

26 février: Débat télévisé entre Huey P. Newton et Eldridge Cleaver à l’issue duquel la scission dans le BPP se confirme.

8 mars: Un bureau du FBI est cambriolé en Pennsylvanie. 800 documents d’archives des campagnes de répression contre des dizaines d’organisations américaines y sont volés.

19 mai: Date du 46ème anniversaire de Malcolm X, la Black Liberation Army (BLA) revendique sa responsabilité dans une fusillade qui a visé deux policiers.

21 août: Georges Jackson, maréchal du BPP dans la prison de San Quentin, est assassiné, alors qu’il était soi-disant en train de s’évader.

1972

18 août: Elmer ‘Geronimo’ Pratt est condamné à la prison pour le meurtre d’une jeune institutrice, Caroline Olsen, assassinée à Santa Monica. A l’heure du crime, Geronimo était à Oakland, à plus de 700 kilomètres de là.

1973

Avril: Elaine Brown et Bobby Seale se présentent aux élections à Oakland. Brown au conseil de la ville et Seale pour devenir maire d’Oakland.

3 mai: Zayd Shakur, Sundiata Acoli et Assata Shakur, membres du la BLA, sont arrêtés par une patrouille de police. La fusillade qui suit laisse Zayd Shakur et un policier au sol, morts. Assata Shakur, grièvement blessée, est arrêtée. Acoli parvient à s’enfuir.

1974

Eté: Risquant une inculpation dans deux affaires d’agression et de meurtre, Huey P. Newton par en exil à Cuba.

2 novembre: Huey P. Newton est inculpé pour le meurtre d’une prostituée, Kathleen Smith.

Après 1974

18 novembre 1975: Eldridge Cleaver et sa femme Kathleen reviennent aux Etats-Unis après 7 ans d’exil.

2 novembre 1975: Assata Shakur s’évade de la prison où elle purge sa peine et s’exile à Cuba.

Mai 1981: Mumia Abu Jamal, ancien membre du BPP à Philadelphie devenu journaliste, est accusé du meurtre d’un policier. Victime d’un procès truqué, il clame son innocence depuis le couloir de la mort. D’importantes campagnes de soutien ont lieu dans le monde entier. Il incarne la ‘Voix des Sans-Voix’.

22 août 1989: Huey P. Newton est assassiné dans une rue d’Oakland, alors qu’il sort de chez son dealer.

19 janvier 1995: Dhoruba bin Wahad (Richard Moore), emprisonné depuis 1973 pour le meurtre d’un policier, est déclaré innocent après avoir fait appel.

10 juin 1997: Elmer Geronimo Pratt, emprisonné depuis 25 ans, est innocenté du meurtre de Caroline Olsen.

1 mai 1998: Eldridge Cleaver meurt à l’âge de 62 ans.

Chronologie issue de Panthères noires. Histoire du Black Panther Party, Tom Van Eersel, Editions de l’Echapée, Paris, 2006.

Un héritier du BPP: la Black Liberation Army

La Black Liberation Army (BLA) était issue de l’expérience de la répression massive contre le BPP. Des structures clandestines s’étaient formées pour protéger ceux qui passaient dans la clandestinité. Il n’y avait pas de structure centralisée, mais de petites cellules autonomes, nombreuses dans certaines villes.

Le programme minimal était celui décidé le 31 mars 1968 entre différents courants nationalistes et anti-impérialistes du mouvement noir, à savoir la formation d’une Republic of New Afrika à partir des Etats de Louisiane, du Mississippi, de l’Alabama, de Georgia et de Caroline du sud.

En 1973 la plupart des cellules avaient été anéanties, la plupart des combattants tués ou arrêtés. A la mi-70 on consolida les restes du BLA par le BLA-Coordinating-Committee. Une minorité forma sa propre organisation en 78, la Revolutionary Task Force avec le soutien d’ancien Weathermen. Il y avait donc des activistes noirs et blancs, dans le but d’une ‘modification révolutionnaire et d’un processus croissant d’unification‘.

Assata Shakur (photo), une des fondatrices de la BLA, fut libérée de sa prison par un commando de cette organisation et se réfugia à Cuba. Cette action fut extrêmement populaire. Sur de nombreux murs de ghettos, on pouvait lire ‘Assata is welcome here‘.

Assata Shakur

Assata Shakur

Il y eut de très nombreuses actions contre des banques pour financer des programmes sociaux. Lorsqu’en 81 une attaque contre un fourgon à West Nyack (New York) amena l’arrestation de membres de la revolutionary armed task force, ce fut le début de la fin, des arrestations s’en suivirent.

Conférence de Claude Guillaumaud-Pujol sur Mumia et le BPP

Le 20 février 2009, le Secours Rouge a organisé à Bruxelles une Conférence de Claude Guillaumaud-Pujol sur le Black Panther Party et le cas Mumia Abu-Jamal. Claude Guillaumaud-Pujol est née le 16 avril 1945 à Tours. En tant qu’universitaire spécialisée en civilisation américaine, elle s’est rendue en 1990 à Philadelphie afin de mener sa thèse consacrée à la brutalité policière et aux minorités. Elle a enseigné dans les universités de Tours, Clermont-Ferrand et Marne-la-Vallée. Avec ses étudiants à Tours, elle fonde un groupe de soutien à Mumia Abu-Jamal et aux MOVE 9: ‘Just Justice TOURS’. Elle est également membre du Collectif national ‘Ensemble sauvons Mumia Abu-Jamal’ basé à Paris.

Lire le texte de la conférence – format pdf

Avant sa conférence publique, Claude Guillaumaud-Pujol a répondu aux questions d’une animatrice de la radio Passe-Muraille. Cet entretien a été diffusé sur les ondes le lendemain de la soirée, dans le cadre de l’émission sur la prison diffusée tous les dimanches.

Lire la retranscription de l’entretien

Affiche de la soirée BPP

Pour en savoir plus

Quelques documents

1° Mumia Abu-Jamal fut un membre important du Black Panther Party. Il fut notamment dès 1969 chargé de l’information du Chapitre de Philadelphie. Le FBI le considère comme l’une des personnes ‘à surveiller et interner en cas d’alerte nationale’. A ce titre, il est l’une des cibles du COINTLEPRO. Après la dissolution du parti, il devient un journaliste très apprécié, notamment pour sa critique de la corruption de la police. En 1981, il est accusé, sans réelles preuves concrètes, du meurtre d’un policier et condamné à mort en 1982. En 2001, sa sentence de mort est provisoirement écartée suite à l’aveu d’un ancien tueur à gage. Malgré tout, il est toujours considéré comme coupable et se trouve toujours en prison à l’heure actuelle. Dans ce texte, Mumia Abu-Jamal se souvient de Fred Hampton:

Texte de Mumia à propos de Fred Hampton – format pdf

2° Lors du raid mené sur l’appartement de Fred Hampton le 4 décembre 1969, ce dernier dormait aux côtés de sa compagne Déborah Johnson, enceinte de 8 mois. Un mois plus tard naissait Fred Hampton Junior. Le 17 juin 1999, il écrit un texte ‘témoignage’ de cette nuit du 3 au 4 décembre.

Lire le témoignage de Fred Hampton Junior – format pdf

3° Bobby Seale, co-fondateur du Black Panther Party, a notamment écrit un ouvrage intitulé ‘A l’affût – Histoire du Parti des Panthères noires et de Huey Newton’. Il y explique pourquoi leur combat est une lutte de classe et non pas une lutte raciale. En 1970, il écrit également ‘Les femmes et le parti des Panthères Noires’ dans lequel il évoque le statut des femmes au sein du parti.

Lire quelques extraits des ouvrages de Bobby Seale – format pdf

4° Une brochure en ligne (format .pdf):

Jaquette de la brochure

Jaquette de la brochure

5° Notre brochure (également format .pdf):

Jaquette du Cahier SR sur les BPP

Jaquette du Cahier SR sur les BPP

Un site consacré aux BPP (en français)

7° Un site: it’s about time (tenu par d’anciens black panthers)

8° Voir notre dossier consacré à Mumia Abu-Jamal

Autres ouvrages:

SHAMES Stephen, JONES Charles E., SEALE Bobby, ‘Black Panthers‘, Editions de la Martinière, Paris, 2006

DAVIS Angela, ‘Angela Davis parle‘, Edtitions sociales – Collection Notre Temps, Paris, 1971

DAVIS Angela, APTHEKER Bettina, ‘S’ils frappent à l’aube‘, Editions Gallimard Témoin, Paris, 1972

DAVIS Angela, ‘Femmes, race et classe‘, Des femmes – Antoinette Fouque, Paris, 1983

VAN EERSEL Tom, ‘Panthères Noires. Histoire du Black Panther Party‘, Editions de l’Echapée, Paris, 2006

TSE-TOUNG Mao, ‘Le Petit Livre Rouge‘, Seuil, Paris, 1967

FANON Franz, ‘Les damnés de la terre‘, Editions Maspéro, Paris, 1961

JACKSON Georges, ‘Les frères de Soledad‘, Editions Gallimard, Paris, 1977

– [fond rouge]Notice[/fond rouge]

This legal guide is not an invitation to respect the law.

The anti-repression work of the Secours Rouge is part and parcel of the anti-capitalis revolutionary struggle. We think that legal means should be used, bu we also know that they won’t be sufficient to overthrow the established order. How could it be otherwise as the law fortifies a social power struggle and makes the reproduction of the established order easier. Acting within the bourgeois laws while fighting against the authority of the bourgeoisie is just like cutting your foot to get it inside your shoe.

This legal guide just helps to make choices (is it legal or illegal?) to find out when you cross the line where legal repression begins, and thus to make the customary arrangements against repression necessray, starting with anonymity.

– [fond rouge]Demonstrations: allowed, tolerated, prohibited[/fond rouge]

The constitution guarantees the right to hold a demonstration. But this right is swamped by a mass of different rules and laws. The municipalities demand a preliminary application which is accepted after a telephone conversation in most cases. Prohibited demonstrations may be nipped in the bud, but can also sometimes be tolerated.

Tolerance is inexistent in two zones (punished by a fine of 250€): at less than 50 meters away from any embassy/consulate (this is however possible with a permission). In Brussels, there won’t be any permission for a demonstration in the ‘neutral zone’ (this zone consists of the rue Ducale, rue de Louvain (from the rue du Nord to the rue Royale), rue Royale (from the crossroads between the rue de la Croix de Fer, de l’Enseignement and du Treurenberg to the Place Royale), place des Palais, place du Trône, rue Bréderode et inside the zone delimited by these streets).

– [fond rouge]Anonymity[/fond rouge]

The police films the demonstrators for the purpose of collecting information via plain-clothes photographers, permanent cameras or even helicopters. In some countries, the militant tradition is to prevent them from doing this effectively: masks, hoods, ejection of the photographers from the demonstration are used to hamper their work.
In Belgium, masks, hoods and making-up are prohibited.

– [fond rouge]Prohibited[/fond rouge]

Rebellion: Policemen do not hesitate to use this offence. It is resistance towards the police who are taking action to enforce the law. Be the resistance with violence (even light violence), or threats (the policeman fears a real and imminent danger).
This includes cases when: you struggle while you are held by a policeman, you hit a policeman excluding cases of self-defense, you charge into a police cordon. If you are in a group (two or more) and if you are armed (a placard is enough), it is an aggravation. Refusing to obey an order is not rebellion: you can lie down on the floor and let them drag you away, run away to escape from being arrested,…

Slander, insult, calumny

Calumny is punished by a prison sentence from eight days up to one year and a fine. Slanderous denunciation is punished by a prison sentence from fifteen days up to six months and a fine. The courts assesses what a calumny is.

– [fond rouge]The police in public places[/fond rouge]

The police has the right to:
– Ask you to prove your identity. In theory, you can do it anyway you wish (driving licence, student card,…). In practice, not showing your ID card often leads to a preventive custody. If you don’t have any papers with you, you may be given a fine.
– Carry out a ‘security body search’, superficial and without undressing you, in cases when the law and order could be threatened: people, bags, cars,.. can be searched. It has to be done within an hour, the police cannot force you into the police van to do it.
– Carry out a deeper body search if it has a warrant for arrest. The searching can last six hours, they are allowed to undress you. An internal body search can only be carried out by an appointed doctor.

– [fond rouge]Different types of arrests[/fond rouge]

Preventive custody: in cases of absolute necessity, of threat towards law and order or if the police thinks that you are going to break the law. There is no warrant of arrest, yet you are deprived of your freedom for maximum 12 hours. You don’t have the right to have a lawyer, neither to call someone to tell that you are there, except if you are a minor. The police has the right to take pictures of you ‘if they suspect you of belonging to a movement’, which applies to demonstrators. Foreigners can be kept in jail for maximum 24 hours.

Judicial arrest without warrant: likewewise to the precedent, but the prosecutor is informed, and the loss of liberty is increased up to 48 hours. You don’t have the right to have a lawyer. This type of arrest occurs when you are caught in the act of something illegal.

Judicial arrest with warrant: The prosecutor or the examining magistrate decides to go for it, you are heard within 48 hours by an examining magistrate, who can decide to issue a warrant of arrest and to send you to jail. In this case, demand for a laywer, even if the police will unlikely respect your right. You have the right to call someone so long as there is no risk that your call will spoil the possible judicial enquiry.

– [fond rouge]Force[/fond rouge]

The police’s use of strength: A policeman can resort to force according to three principles: legality (purpose and scope of the law), necessity (he has to have no other way to accomplish his purpose), proportionality (he cannot use more strength than needed). He also has to warn that he is going to use force, unless it makes his action ineffective.

A policeman can use his weapon in three cases: self-defence, against one (or more) armed person(s) or very likely armed person(s), or if absolutely necessary to defend persons/properties/places under his protection.

Resistance: If a policeman commits a serious and blatant illegality, you can prevent him of doing it, even with violence. This violence must be strictly necessary and proportional (you can shut the door in his face, form a cordon, but not punch him, unless he punches you,…)
This is theoretical, in case of trial, le police will have a watertight case, you will have to be able to prove that using violence was justified.

Plead self-defence: The legal conditions are very strict, you can respond to an attack: if it is violent, accompagnied by a serious threat (you have the right to defend a friend), present or imminent (a few minutes later, it is considered as reprisals and not self-defence), unfair (if the policemen uses strength scrupulously respecting legal conditions, you cannot react legally), directed against persons (but not your camera) and proportional (you are not allowed to throw a grenade in response to a hustle)

Violence excused by provocation. Provocation is defined as an event which gives rise to anger ou fear and leads to an offence by spontaneous reaction. It can be excused according to the following conditions: illegal, exerted against one or several persons, and in the present. Make sure to gather evidences.
Photos, fingerprints, DNA: a ministerial directive allows the policemen to take pictures of people under preventive custody ‘if they suspect them of belonging to a movement’, which of course applies to demonstrators.

– [fond rouge]Questionning[/fond rouge]

A questionning usually means that they don’t have enough evidence. Don’t be scared, the real danger is that they are gathering evidences. Do not help them. You don’t have anything to declare. The police may ask you anything, but you are not compelled to answer. Don’t do it. You can refuse to answer, keep silent and explain that you have nothing to say. This refusal can not be considered as a confession.
If, despite everything, you declare something, you have the right to reread it, to change it, to add something and to get a copy. You are not compelled to sign your declaration. There is no exceptions to these rights.
The rules are the same in front of the investigating magistrate. Inform you inmates about this fact. Don’t talk too much: it is not impossible that a plain-clothes policeman is in the cell, that microphones have been hidden or that one of you cellman will be very talkative during is questionning. 



– [fond rouge]Lawyer[/fond rouge]

You are allowed to get one if you’re accused. Your lawyer is your ally within the law: he wants your release. But don’t lose sight of the political and collective stakes. It’s better to lose on the legal ground than to charge your inmates or to loose your political principles.

Nelson Mandela est devenu membre du Congrès National Africain (ANC) en 1944, afin de lutter contre la domination politique de la minorité blanche et la ségrégation raciale. Devenu avocat, il participe à la lutte non violente contre les lois de l’apartheid. C’est dans les luttes des années ’50 que se forme la triple alliance entre l’ANC, le COSATU (l’union des syndicats) et le parti communiste sud-africain (SACP, interdit depuis 1950). En 1960, après le massacre de Shaperville, (69 manifestants désarmés tués par la police) Mandela défend l’usage de la violence : « La dure réalité, c’est que cinquante années de non-violence n’ont rien apporté d’autre aux Africains qu’une législation plus répressive et de moins en moins de droits.»

Le massacre de Sharpville

Le massacre de Sharpville

L’option de la lutte armée fut mis sur la table par Mandela dans une réunion en juin 1961 avec le principal dirigeant du SACP, Moses Kotane. Celui-ci critiqua cette proposition avec les arguments habituelles dans les PC pro-soviétiques (la lutte armée était une « réaction désespérée », le fruit d’un « manque de patience, de détermination et d’imagination dans l’emploi des vieilles méthodes », etc.). Mandela lui répondit qu’il reproduisait l’erreur du Parti communiste de Cuba sous Batista qui, sous prétexte que « les conditions n’étaient pas réunies » avait laissé l’initiative aux castristes. A l’intérieur de l’ANC, Mandela dû batailler pour imposer l’idée de la lutte armée (notamment face aux Sud-Africains d’origine indienne, fort imprégnés de gandisme).

Mandela emporte la décision et est chargé de développer la lutte armée. Il fonde l’Umkhonto we Sizwe (La lance de la nation ou MK), une organisation militaire dont les militants proviennent du SACP, de l’ANC et du COSATU. Le commandement est formé de Mandela et Walter Sisulu (pour l’ANC) et de Joe Slovo (pour le SACP). Le 16 décembre (jour où les Sud-Africains blancs célébraient la victoire des Boers sur les Zoulous en 1838) 1961, les premières bombes de la MK explosent dans des centrales électriques et des bureaux du gouvernement à Johannesburg, Port Elizabeth et Durban.

sabotage de l'uMkhonto weSizwe

sabotage de l’uMkhonto weSizwe


Affiche de la MK

Affiche de la MK

Après 17 mois de clandestinité (comprenant un voyage de formation militaire et de recherche de soutien en Chine, en Algérie et en Ethiopie), Mandela est arrêté le dimanche 5 août 1962, en compagnie de Cecil Williams, un Blanc, directeur de théâtre et membre de MK, sur une route les menant à Johannesburg. Il est condamné à 5 ans de prison.

Les services secrets sud-africains parviennent à infiltrer la MK et le 11 juillet 1963, la police arrête plusieurs dirigeants de l’ANC et de la MK, parmi lesquels Walter Sisulu. Un nouveau procès à lieu pour sabotages, trahison, liens avec le SACP, et complot d’une invasion du pays par l’étranger. Le « procès de Rivonia » débute le 9 octobre 1963 à Pretoria. Dans sa déclaration pour sa défense le 20 avril 1964, devant la Cour suprême à Pretoria, Nelson Mandela défend le recourt à la lutte armée. Les accusés sont condamnés (sauf un) à la détention à perpétuité.

Les inculpés du procès de Rivonia

Les inculpés du procès de Rivonia

L’infiltration des services secrets sud-africain avait porté de grands coup à la MK mais n’arriva pas à la déraciner. Commandée par le seul Joe Slovo (futur secrétaire général du SACP), la MK revendique entre 1961 et 1963 environ 134 actions amées. Le 1er mai 1963, le gouvernement prit un décret qui donnait le pouvoir à tout officier de police d’arrêter sans mandat toute personne soupçonnée de crime politique. Ceux qui étaient arrêtés pouvaient être détenus, sans procès, sans chef d’inculpation, sans possibilité de contacter un avocat pendant 90 jours, cette détention pouvant être prolongée indéfiniment.

Les membres présumés de la MK furent systématiquement battus et torturés à l’électricité, par étouffement, etc. Des peines (de cinq ans de prison jusqu’à la peine de mort) punissaient pour ceux qui « favorisaient les objectifs » des organisations interdites. La reproduction de toute déclaration d’un membre de l’ANC ou du SACP était ainsi interdite et la possession d’une publication interdite était passible de deux ans de prison. Et comme le disait Mandela: « Pendant les moments les plus tristes, Amnesty International ne faisait pas campagne pour nous parce que nous avions utilisé la lutte armée et cette organisation ne défendait aucune personne qui avait choisi la violence. »

Mandela dans sa cellule

Mandela dans sa cellule

En 1965, La MK installe des bases dans les pays limitrophes, dont notamment en Angola, et en Tanzanie où ses combattants sont formés par des instructeurs soviétiques et cubains. Certains élèves reçoivent une formation en URSS, en Allemagne de l’Est ou en Tchécoslovaquie. La MK relance la guérilla rurale et urbaine. L’action la plus dévastatrice survient le 20 mai 1983. Une voiture piégée vise siège voisin de la South African Air Force. La bombe explose quelques minutes trop tôt, tuant les deux combattantes de la MK et 15 autres personnes (dont 7 de la SAAF), en blessant 217 autres (84 de la SAAF). Le régime réplique par les escadrons de la morts qui qui assassineront des centaines de personnes et frapperont jusqu’en Europe (assassinat de Dulcie September en France en 1988).

Combattant de la MK en formation en Tanzanie

Combattant de la MK en formation en Tanzanie


L'attentat de Churchstreet

L’attentat de Churchstreet

En février 1985, le président Pieter Botha avait proposé à Nelson Mandela la liberté conditionnelle en échange d’un renoncement à la lutte armée, ce que Mandela avait rejeté en disant : « Seuls les hommes libres peuvent négocier ». En juin 1988 a lieu le concert hommage des 70 ans de Nelson Mandela à Wembley, regardé par six cents millions de téléspectateurs dans 67 pays, qui expose au niveau mondial la captivité de Mandela et l’oppression de l’apartheid. Mandela mis en résidence surveillée le 7 décembre 1988 et relâché le 11 février 1990. Mandaté par l’ANC, il entame en déclarant à la presse: « il n’y a aucune contradiction entre mon soutien à la lutte armée et ma demande de négociations. C’était la réalité et la menace de la lutte armée qui avaient amené le gouvernement au seuil des négociations. »

Il mène les négociations avec le gouvernement qui aboutissent au cessez-le-feu, au démantèlement du système d’apartheid. En 1993, il reçoit, avec le président de Klerk le prix Nobel de la paix. En 1994, il devient le premier président noir d’Afrique du Sud en 1994. A ce moment, l’ANC est encore sur la liste des « organisations terroristes » des USA. Elle n’en sera rayée qu’en 2008…

Winnie Mandela, Nelson Mandela, Joe Slovo

Winnie Mandela, Nelson Mandela, Joe Slovo

28/07/2005

Z

Le film Z est un chef d’oeuvre de Costa-Gavras, un classique du cinéma politique et du cinéma en général. Le film, qui a été tourné en 1969 est un réquisitoire contre la dictature des colonels instaurée le 21 avril 1967 en Grèce. Ζ (zêta) est l’initiale du mot grec ζει/zi, qui signifie « il vit » ou « il est vivant ». Les opposants inscrivaient cette lettre sur les murs pour protester contre l’assassinat de Lambrakis. Le film adapte en effet le roman éponyme de Vassilis Vassilikos fondé sur un fait réel : l’assassinat du député grec Grigoris Lambrakis en 1963.

La Grèce des années ’50 est dans la continuité de l’écrasement de la Résistance (dont la force principale est le Parti Communiste) par la coalition des monarchistes, des anciens collaborateurs des nazis, et du corps expéditionnaire britannique : interdiction du Parti communiste, camps de concentration pour condamnés et « suspects » politiques, etc.

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Le Parti de la Gauche démocratique Unie (Eniaia Dimokratiki Aristera, EDA) créée en 1951, qui est au départ une émanation du PC interdit et clandestin, devient progressivement autonome par l’adhésion de nombreux non-communistes. En 1958, l’EDA atteint 25 % des suffrages, mais retombe à 14 % en 1961. Grigóris Lambrákis, un médecin qui avait participé à la Résistance et qui avait été un athlète célèbre, est élu député de l’EDA en 1961, dans la circonscription du Pirée.

Son mandat est marqué notamment par la marche de Marathon à Athènes le 21 avril 1963, au départ prévue comme manifestation en faveur de la paix ; mais le gouvernement l’ayant interdite (la campagne pour la paix, pour le désarmement atomique, était jugée pro-soviétique), la police intervient pour l’empêcher, arrêtant entre autres le jeune compositeur grec Mikis Théodorakis. Lambrakis, protégé par son immunité parlementaire, l’effectue seul.

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Le mercredi 22 mai 1963, à la sortie d’un meeting du mouvement pour la paix tenu à Thessalonique, Lambrákis est renversé par un triporteur sur lequel se trouvent deux hommes. Gravement touché à la tête, Lambrakis est hospitalisé dans le coma et meurt au bout de cinq jours, le lundi 27. Les funérailles ont lieu le 28. Le trajet de l’église au cimetière s’étend sur 6 km, le long desquels se presse une foule immense dans ce qui est une manifestation anti-gouvernementale de grande ampleur. Les participants ont proclamé Lambrakis « Immortel » en criant : Athanatos. Peu après, apparaîtront sur les murs les « Z », « Il est vivant ». L’instruction du juge Sartzetakis, établit la responsabilité du chef de la gendarmerie de Thessalonique et du commandant de la gendarmerie de la Grèce du Nord, provoquant un scandale politique. Les hommes de mains étaient des collaborateurs des nazis, amnistiés et remobilisés pendant la guerre civile, ils seront à nouveau amnistiés suite au coup d’état des colonels en 1967.

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Au tout début du film on peut lire : « Toute ressemblance avec des événements réels, des personnes mortes ou vivantes n’est pas le fait du hasard. Elle est VOLONTAIRE ». Même si le nom du pays n’est pas expressément mentionné, des références évidentes à la Grèce apparaissent dans le film, par exemple les panneaux publicitaires pour la compagnie aérienne Olympic ou la bière Fix.

Un député opposant au régime en place (Yves Montand) est gênant. Des hommes de mains déterminés perturbent sa réunion politique, puis l’agressent à la fin de celle-ci, dans l’indifférence des responsables de la police. Le coup porté est fatal. Un simple juge d’instruction intègre et motivé (Jean-Louis Trintignant) conduit une enquête minutieuse qui établit un vaste réseau de complicités ; il le démantèle en inculpant pour assassinat des cadres importants du régime. L’espace d’un moment plane un semblant de justice, mais se profile alors le coup d’état des colonels (1967).

Costa-Gavras avait proposé le livre de Vassilis Vassilikos à United Artists et obtenu une avance, mais United Artists se retire à la lecture du scénario, qu’elle juge trop politique. Pour le financement, il s’adresse à Eric Schlumberger et à Jacques Perrin qui utilisent leurs contacts en Algérie. En pleine dictature des colonels, il était impossible de tourner le film en Grèce. C’est donc en Algérie, durant l’été 1968, que Costa-Gavras tourna Z, car la ville d’Alger, par son architecture, ressemble beaucoup à Athènes. Par amitié et solidarité, Jean-Louis Trintignant accepte un cachet faible, Yves Montand accepte de jouer en participation, et Mikis Theodorakis, alors emprisonné par le régime des colonels, à qui Costa-Gavras demande d’écrire la musique du film, lui fait passer ce mot : « Prends ce que tu veux dans mon œuvre. » La distribution est remarquable, qui compte aussi Irène Papas, Charles Denner, Jacques Perrin, Julien Guiomar et quelques autres.

Le film rencontre en France un énorme succès. La critique unanime le salue comme le premier grand film politique français. Le film a été récompensé par le Grand Prix de l’Académie du Cinéma, par le Prix du Jury pour Costa-Gavras (à l’unanimité) et le prix d’interprétation masculine (pour Jean-Louis Trintignant) au Festival de Cannes, par l’Anthony Asquith Award de la meilleure musique de film pour Mikis Theodorakis, par le Golden Globe du meilleur film étranger et d’autres prix encore. C’est le premier volet de la trilogie politique de Costa-Gavras, avant L’Aveu (1970) et État de siège (1973).