Actualité de la répression et
de la résistance à la répression

Le 26 octobre dernier, trois juristes ont été mandatées par la Ligue des droits humains pour observer l’action de désobéissance civile Code rouge au port d’Anvers, sans y prendre part. Elles avaient pour mission de rendre compte du respect des libertés publiques, notamment dans le cadre des interventions des forces de l’ordre, et leur protection est consacrée par le droit international et européen depuis plusieurs années, contextualise la LDH. Les trois observatrices étaient vêtues chacune d’une chasuble jaune avec la mention « legal observer ». Elles s’étaient placées à l’écart des activistes et en dehors de la zone d’action, présentant d’initiative leurs cartes d’identité aux forces de l’ordre et leur faisant part de leur mission. Elles ont cependant été arrêtées illégalement plus tard durant la journée par la police fédérale, menottées, détenues pendant près de six heures sans motif à Etterbeek, puis libérées à Louvain peu avant minuit, dénonce la Ligue des droits humains.

« Tant leur arrestation, illégale, que leur menottage à l’aide de colsons, ainsi que la technique du “dropping” – c’est-à-dire le fait d’emmener les personnes loin du lieu de l’action comme de la détention – contreviennent aux lois en vigueur et constituent des fautes dans le chef de l’Etat », accuse la LDH. En tout, 270 personnes avaient été interpellées dans le cadre de cette action Code Rouge, dont deux journalistes et sept avocats. Soutenues par la Ligue des droits humains, les trois observatrices assignent l’Etat belge en responsabilité devant le tribunal de première instance de Bruxelles.

Ce mercredi 25 juin se tenait le procès de Manon et Rachel, militantes chez Dernière Rénovation, un collectif de résistance civile. En octobre 2023, Manon recouvre la vitrine du bâtiment Louis Vuitton des Champs-Élysées de peinture, « pour dénoncer l’enfer climatique que Bernard Arnault, PDG de LVMH et ses amis milliardaires, nous imposent ». Pour information, en 2024, Bernard Arnault a émis 1200 fois plus de gaz à effet de serre qu’un Français moyen. Manon risque une amende de 2000€ de dommages et intérêts ainsi qu’un an de prison avec sursis. En novembre 2023, Rachel recouvre la façade de Matignon de peinture lavable pour dénoncer le manque de moyens accordés à la rénovation thermique des bâtiments. L’État français réclame 160.000€ de dommages et intérêts, Rachel risque 6 mois de prison ferme. Verdict attendu le 23 septembre prochain. La France semble donc vouloir emboîter le pas au Royaume-Uni contre les militant·es écologistes en réclamant des peines de prison ferme pour de simples jets de peinture lavable. Au Royaume -Uni, c’est le collectif Just Stop Oil, qui demandait la fin des énergies fossiles, et a récemment annoncé la fin de ses activités (notre article ici), qui a payé le plus lourd tribut : 3300 arrestations, 180 peines de prison dont certaines de prison ferme jusqu’à 5 ans pour des blocages de route ou des jets de soupe.

La Ligue des Sociaux-Démocrates, l’un des derniers partis d’opposition encore actifs à Hong Kong après cinq années de répression politique menée par Pékin, a annoncé vendredi sa prochaine dissolution. Le parti avait été fondé en 2006 et était, à une époque, considéré comme la faction radicale du mouvement prodémocratie à Hong Kong. Il était connu pour ses campagnes de rue turbulentes, souvent menées par l’activiste Leung Kwok-hung, surnommé « Cheveux Longs », aujourd’hui emprisonné (photo). Le mouvement a toujours milité pour plus de démocratie à Hong Kong et défendu des causes concernant les citoyens de base, critiquant les inégalités sociales et économiques dans une ville ayant parmi les plus importants écarts de richesse au monde. Le parti a annoncé sa dissolution et l’explique : « Lorsque le système ne peut pas représenter fidèlement les demandes du peuple et devient un outil pour la classe dirigeante, nous devons nous appuyer sur un mouvement de masse hors du système pour mettre la pression sur ceux qui sont au pouvoir». À son apogée, le parti détenait trois sièges au Conseil législatif de Hong Kong.

Pour le troisième jour consécutif, des manifestations pour protester contre le régime de Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 20 ans, ont eu lieu samedi 28 juin, au Togo. Les autorités ayant déclaré les rassemblements illégaux, la police les a rapidement dispersés après de premiers échauffourées à Adidogomé, dans le nord de Lomé. Cette mobilisation lancée par des artistes et des influenceurs qui a notamment reçu un écho favorable au sein de la jeunesse togolaise, la répression a d’ailleurs été violente : à Lomé, trois corps ont été repêchés dans la lagune de Bè, le visage tuméfié. Le premier a été découvert dans la soirée du vendredi 27 juin, les deux autres dans la journée du samedi 28. « Hier nuit, quand le courant a été arrêté, les forces de l’ordre ont poursuivi des enfants jusqu’à la lagune. Parmi eux, mon fils de 16 ans qui vient d’avoir le BEPC et un autre dont les parents n’ont pas encore été retrouvés », témoigne le père de l’une des victimes.

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Nouveau gadget pour l’agence américaine chargée de contrôler l’immigration. Les agents disposent d’une application de reconnaissance faciale qui doit permettre d’effectuer des vérifications d’identité en temps réel, a révélé ce 26 juin le site 404 Média. Mobile Fortify promet de transformer le smartphone des agents d’ICE en arme d’identification massive. Fini de relever les empreintes digitales puis de les comparer à des fichiers, une photo prise avec le téléphone devrait suffire, d’après la description faite par ICE, système dont on ne sait pas s’il est déjà déployé ou encore en phase de test.

Mobile Fortify sera directement relié à différentes bases de données biométriques mises en place par le Département de la Sécurité Nationale (DHS). Il devrait, permettre de comparer les photos prises par les agents au fichier du Système automatisé d’identification biométrique (IDENT) du DHS qui contient des informations sur 270 millions de personnes présentes sur le territoire américain. Cette application de reconnaissance faciale enverra aussi les images à la base de données des douanes qui prennent en photo toutes les personnes qui entrent et sortent des États-Unis. L’objectif : identifier les personnes qui  résident en situation régulière ou non aux États-Unis et pouvoir effectuer des raids afin d’arrêter autant d’immigrés en situation irrégulière que possible.

D’ici septembre, l’agence devrait pouvoir s’appuyer sur un tout nouveau système de traitement des données baptisé ImmigrationOS. Ce logiciel offre une large palette d’outil pour : vérifier en « temps réel » quels sont les personnes qui décident de leur propre chef de quitter le territoire américain, de gérer le flux des arrestations et des expulsions, et enfin d’identifier plus rapidement les cibles prioritaires pour les agents de l’ICE.

Palantir omniprésent, le géant du traitement de données a obtenu 30 millions de dollars de la part du gendarme de l’immigration pour mettre en place ce logiciel. Palantir collabore avec cette agence depuis 2011. La collaboration des entreprises tech est essentielle pour une agence comme ICE, qui a besoin de la technologie de ces entreprises non seulement pour la reconnaissance faciale ou le traitement des données, mais aussi pour la géolocalisation ou l’identification des véhicules.

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Samedi 28 juin à Budapest, 200 000 personnes ont défilé dans une ambiance festive malgré l’interdiction par la police de la Marche des fiertés (voir article ici). Une mobilisation record en réaction à une régression inédite des droits LGBTQIA+ dans l’Union Européenne (article ici). Le Premier ministre, Viktor Orban, voulait éviter les images de répression violente. Vendredi, il a écarté toute intervention des forces de l’ordre, tout en menaçant les gays, lesbiennes et transgenres de poursuites judiciaires a posteriori. Tout le long du parcours, des caméras ont été installées et la reconnaissance faciale pourraient permettre aux autorités de distribuer des amendes pouvant aller jusqu’à 500 euros. Organiser ou appeler à participer à la Pride sont passibles d’un an de prison, une menace qui inquiète les manifestant·es dont certain·es ont tenté de contourner la reconnaissance faciale par diverses techniques de camouflage.

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Ne tenant aucun compte du cessez-le-feu déclaré unilatéralement par le PKK, et profitant au contraire de la liberté de mouvement que cela lui offre, l’armée turque intensifie ses attaques contre les bases de la guérilla kurde dans le Kurdistan irakien. Selon les HPG (les forces armées du PKK), ces deux dernières semaines, les forces armées turques ont intensifié leurs attaques dans la zone située entre le district d’Amadiya et le sous-district de Dêrelok, principalement dans le Zap occidental et à Metîna. Une vague d’attaques chimiques très intense a été lancée pour détruire complètement les forces HPG dans les bases situées dans le village de Sêgirê, près du district d’Amadiya, et dans Girê Amediyê, au-dessus du village de Sêgirê. La guérilla a riposté par opérations les 24 et 26 juin.

Voici le détail des dernières attaques menées par l’armée turque : Entre le 21 et le 26 juin, les tunnels dans la Girê Amediye, la zone de résistance de Şehîd Delîl, dans la région de Zap-Ouest, ont été bombardés à neuf reprises au gaz chimique et par des drones chargés d’explosifs. Le 27 juin, les tunnels de la zone de résistance de Girê Amediyê, dans la région de Zap-Ouest de Şehîd Delîl, ont été bombardés des explosifs puis avec des gaz. Entre le 21 et le 26 juin, les tunnels dans les zones de résistance de Bêşîlî et de Dergelê, dans la région de Metîna, ont été bombardés 11 fois par des drones chargés d’explosifs. Entre le 20 et le 26 juin, les tunnels dans la zone de résistance de Girê Amediye, dans la région de Şehîd Delîl, dans le Zap occidental, ont été attaqués 18 fois avec des marteaux-piqueurs, des excavatrices et des équipements de forage. Le 26 juin, les tunnels dans la zone de résistance de Dergelê, dans la région de Metîna, ont été attaqués 15 fois avec les mêmes équipements. Entre le 20 et le 27 juin, les zones de Bêşîlî, Serê Metîna, dans la région de Metîna ; les zones de Girê Sîser, Girê Reşîd, Dêreşê, Girgaşê, Deşta Kafya, Mijê, Girê Kun, Girê Zengil, Zêvkê, Heftebax, Spîndarê dans la région de Garê ; les zones de Girê Amediyê et Girê Bahar dans la région occidentale de Zap de Şehîd Delîl, et la zone de résistance de Berê Zînê dans la région de Xakurkê ont été lourdement bombardées avec des armes lourdes, de l’artillerie et des obusiers.

Les 5 personnes accusées de rébellion dans le cadre de l’action du Code Rouge contre l’aéroport de Deurne en 2023 ont toutes été déclarées non coupables. Trois des accusés ont été acquittés au motif qu’il n’y avait pas de preuve qu’ils avaient effectivement participé à l’action, parce qu’ils n’y étaient pas ! Deux de ces personnes sont septuagénaires et l’autre réside en Espagne… Les deux autres accusés ont été acquittés parce qu’il n’y avait aucune preuve qu’ils avaient personnellement commis des actes de rébellion. L’un d’entre eux a été reconnu par un seul policier qui n’a donné aucune indication sur la manière dont il a été reconnu, et son dossier médical montre qu’il a été brutalement battu durant l’arrestation. L’autre faisait partie d’une grande foule dans laquelle les bousculades se sont produites. Qu’un dossier aussi mal ficelé soit arrivé au tribunal est une indication de la montée de l’agressivité policière-judiciaire envers les activistes.

La branche 28 du tribunal révolutionnaire de Téhéran a condamné à mort quatre citoyens baloutches : Eidou Shabakhsh, Abdul Ghani Shabakhsh, Abdul Rahim Qanbarzahi et Suleiman Shabakhsh. Les quatre hommes ont été reconnus coupables de « rébellion et de formation de groupes opposés au régime iranien ». Le contexte de l’agression israélienne pousse le régime affaibli à la répression. Depuis le cessez-le-feu, au moins 115 personnes ont été arrêtées dans la seule province de Kermanshah pour « trouble à la sécurité ». D’autres arrestations ont été signalées par le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) et la police à Hamedan, Hormozgan, Fars (53 détenus), Gilan (36) et Zarand (11 arrêtés pour activités anti-régime). Le CGRI et ses forces paramilitaires Basij ont installé des points de contrôle aux entrées et sorties des villes kurdes, fouillant des véhicules et arrêtant plusieurs personnes. Un important déploiement de forces de sécurité en civil, dépêchées depuis d’autres provinces, a été observé dans les rues des villes kurdes. Ces forces ont arrêté des individus qu’elles jugent suspects sans présenter de mandat judiciaire. L’organisation du renseignement du CGRI et le ministère du Renseignement ont également convoqué et interrogé des membres des familles de militants politiques kurdes vivant à l’étranger, les menaçant et faisant pression pour les contraindre à cesser leur activisme à l’étranger.

Récemment, l’État néerlandais a rejeté l’appel de Mohammed Khatib, coordinateur européen de Samidoun, confirmant son interdiction d’entrée aux Pays-Bas pour deux ans. En octobre 2024, il avait été interdit d’entrer aux Pays-Bas afin de l’empêcher de s’exprimer à l’Université Radboud lors d’un événement en faveur du peuple palestinien. De la même manière, l’activiste et réfugié palestinien avait déjà été interdit d’entrer en Suisse pour une période de 10 ans en juin 2024 dans le cadre de la criminalisation des voix palestiniennes en Europe.

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