C’est sur le territoire du petit village de La Macarena, dans la région du Meta, à 200 kilomètres au sud de Bogota, un des coins les plus chauds du conflit colombien, que vient d’être découverte la plus grande fosse commune de l’histoire récente de l’Amérique latine. Le nombre de cadavres ‘SN’ (Sans Nom), enterrés sans être identifiés, pourrait s’élever à 2.000. Depuis 2005, l’Armée dont les forces d’élite sont déployées alentour, a entassé des centaines de cadavres, dans une fosse derrière le cimetière du village, avec l’ordre de les inhumer anonymement.
Le juriste Jairo Ramírez est le secrétaire du Comité Permanent pour la Défense des Droits Humains en Colombie, c’est lui qui a accompagné une délégation de parlementaires anglais sur place il y a quelques semaines, alors que l’on commençait à découvrir l’importance de la fosse de La Macarena. ‘Ce que nous avons vu était horrible. Une quantité incalculable de corps, et des centaines de planches en bois peintes en blanc réparties sur toute la superficie de la fosse avec inscrit dessus ‘SN’ (Sans Nom) et des dates depuis 2005 jusqu’à aujourd’hui’. À partir de 2005, le fossoyeur du village, avait commencé à marquer les tombes avec des tablettes sur lesquelles il inscrivait les dates d’inhumation des cadavres et les alias des personnes mortes. Ramírez ajoute: ‘Le commandant de l’armée nous avait dit que tous étaient des guérilléros tués au combat, mais les gens de la région nous parlaient d’une multitude de leaders sociaux, de paysans et de défenseurs de communautés qui avaient disparu sans laisser de traces.’
On a recensé plus de mille fosses communes emplies de cadavres non identifiés en Colombie. À la fin de l’an passé, les médecins légistes avaient recensé quelques 2.500 cadavres, dont 600 ont pu être identifiés et rendus à leur familles. La localisation de ces cimetières clandestins a été possible grâce aux déclarations en version libre de certains sous-chefs, en principe démobilisés, du paramilitarisme, et protégés par la très controversée Loi de Justice et Paix qui leur garantit une peine symbolique en échange de l’aveu de leurs crimes.
La dernière de ces déclarations est celle de John Jairo Rentería, alias Betún, qui vient de révéler devant le procureur et les familles des victimes que lui-même et ses hommes de mains ont enterré ‘au moins 800 personnes’ dans la propriété Villa Sandra, à Puerto Asís, dans la région de Putumayo. ‘Il fallait démembrer les gens. Tous ceux qui faisaient partie des Autodefensas devaient apprendre à le pratiquer et très souvent on le faisait avec les gens vivants’, a avoué le chef paramilitaire au procureur de Justice et Paix. Le Procureur Général, lui-même, parle de 25.000 ‘disparus’.