28/07/2005

Le Sel de la terre

Le Sel de la terre est un film américain de 1954 a été réalisé de manière totalement indépendante des studios (avec l’aide financière d’un syndicat) par des victimes de la répression maccartyste, le scénariste Michael Wilson et le réalisateur Herbert Biberman avaient fait de la prison (ce sont deux des « Dix de Hollywood » ) et avaient été mis sur la liste noire des studios, tout comme le producteur Paul Jarrico, le compositeur de la musique du film, Sol Kaplan, et le principal acteur, Will Geer).

La principale actrice du film, la grande actrice mexicaine Rosaura Revueltas, a été arrêtée durant le tournage, renvoyée au Mexique et placée sur la liste noire des studios américains pour sa participation au film. Le film, qui fut interdit de distribution, est aussi important pour la culture antirep parce qu’il traite avec force de la répression anti-ouvrière aux États-Unis par le moyen de la loi Taft-Hartley.

Les Dix de Hollywood

Début 1947, le Comité des activité anti-américaines du Congrès, la HUAC décida d’enquêter sur l’influence du communisme au sein de l’industrie du cinéma. Deux sénateurs commencèrent une série d’auditions à Los Angeles, qui ne déboucha sur rien de probant. Le FBI allait alors fournir à l’HUAC une liste de 19 communistes (ou anciens communistes) travaillant à Hollywood. Elle comprenait les scénaristes Alvah Bessie, Lester Cole, Richard Collins, Gordon Kahn, Howard Koch, Ring Lardner Jr, John Howard Lawson, Albert Maltz, Samuel Ornitz, Waldo Salt et Dalton Trumbo, les réalisateurs Edward Dmytryk, Lewis Milestone et Irving Pichel, les scénaristes et réalisateurs Herbert Biberman et Robert Rossen, le scénariste et producteur Robert Adrian Scott, le dramaturge Bertolt Brecht et un acteur, Larry Parks.

Le 20 octobre 1947, La HUAC commença une nouvelle série d’auditions à Washington. Les 19 d’Hollywood (à l’exception de Brecht, qui avait déjà décidé de quitter les États-Unis) décidèrent d’invoquer le 1er Amendement de la Constitution. Un comité de soutien se forma comprenant notamment John Huston, William Wyler, Humphrey Bogart, Lauren Bacall, Groucho Marx et Frank Sinatra. Seuls onze des 19 furent finalement entendus par la commission ; ceux qui sont aujourd’hui connus comme les Dix de Hollywood et Bertolt Brecht qui allait quitter les USA. Aucun des Dix n’accepta de répondre à la question de la commission : « Êtes-vous ou avez-vous été membre du Parti communiste américain ? », et le 24 novembre, le Congrès procéda à l’inculpation des Dix pour outrage. Le jour même, 58 hauts dirigeants des studios de Hollywood se réunirent à New York pour décider que les Dix seraient licenciés et que désormais, plus aucun communiste ne serait employé par les studios.

Les procès des Dix commença au mois d’avril 1948 et prirent fin en juin 1950. John Howard Lawson, Dalton Trumbo, Alvah Bessie, Lester Cole, Ring Lardner Jr, Albert Maltz, Samuel Ornitz et Adrian Scott furent condamnés à un an de prison et 1000 dollars d‘amende. Herbert Biberman et Edward Dmytryk furent condamnés à six mois de prison et 500 dollars d‘amende. Les Dix purgèrent leur peine dans des prisons fédérales. Dmytryk fut le seul à craquer : il comparait à nouveau devant la HUAC en avril 1951, donna des noms de personnalités adhérant au parti ou « à l’idéologie » communiste, et put à nouveau tourner. Certains des Dix parvinrent quelquefois à travailler pour des réalisateurs complices en utilisant des prête-noms (Otto Preminger, Stanley Kubrick firent ainsi travailler Dalton Trumbo).

La loi Taft-Hartley

A l’époque du film, les luttes ouvrières sont réprimées au moyen du Taft-Hartley Act. Le Taft-Hartley Act est une loi anti-syndicale américaine de 1947 qui rend illégale les débrayages spontanés (un préavis de 60 jours est imposé), interdit la grève aux fonctionnaires (fédéraux, d’états et des collectivités locales), supprime le système du closed shop (contrôle de l’embauche par les syndicats), permet au gouvernement fédéral d’interdire et d’arrêter une grève qui met en danger la « sécurité nationale », et oblige les dirigeants syndicaux de prêter serment de non-communisme (cette disposition sera déclarée anticonstitutionnelle en 1965).

Le film

Le Sel de la terre présente l’histoire authentique de mineurs mexicano-américains de l’État du Nouveau-Mexique, luttant pour l’amélioration de leurs conditions de vie. Le conflit social est racontée par Esperanza Quintero (Rosaura Revueltas), trente-cinq ans, enceinte de son troisième enfant et mariée à Ramon, employé à la mine depuis dix-huit années. Les deux revendications principales des grévistes sont l’égalité des salaires avec les ouvriers américains et la sauvegarde de la sécurité par la suppression du travail en solitaire. Les épouses des mineurs souhaiteraient, quant à elle, inscrire une revendication supplémentaire : la fourniture d’eau chaude courante dans les maisons louées par la Compagnie. Lorsque les mineurs se voient interdire de poursuivre la grève en raison du Taft-Hartley Act, leurs épouses et leurs filles décident, non sans quelques difficultés (la plupart des mineurs y sont initialement opposés), de tenir les piquets de grève à leur place, ce qui ajoute une dimension féministe à la dimension sociale du film.
Le Sel de la terre n’est pas simplement un film de résistance bourré de qualités humaines, sociales et politiques, c’est aussi un grand film par ses qualité cinématographique.
En 2000, un film assez plat, One of the Hollywood ten (Hollywood, liste rouge), raconte la persécution de Biberman et le tournage du Sel de la terre.

Les Dix de Hollywood

« Je suis ici pour accuser, non pour me défendre ! »
Karl Liebknecht à son procès (Berlin, 1916)

Lors d’un procès, une « défense de rupture » (appelée aussi « stratégie de rupture ») implique que l’accusé se fait accusateur, considère que le tribunal n’a pas la légitimité, prend l’opinion à témoin ou s’adresse à la société par dessus la tête du tribunal. La « défense de rupture » s’oppose à la « défense de connivence », qui est classiquement plaidée, et qui suppose une reconnaissance de la justesse et de la validité des lois, de la légitimité des tribunaux.

La défense de rutpure est aussi ancienne que le procès politique. C’était déjà la position adoptée par Socrate. Lors du débat sur la peine, les juges devaient, non pas déterminer leur propre sentence, mais choisir parmi les propositions des deux parties du procès. L’accusateur Mélétos demanda la mort. Socrate aurait pu proposer une peine qui pût être acceptée par les juges, par exemple une forte amende. Mais il déclara qu’avec ce qu’il avait fait pour la Cité, il méritait d’être hébergé et nourri à ses frais pour le reste de ses jours …

Le procès de rupture le plus célèbre fut celui de l’incendie du Reichstag, siège du parlement allemand à Berlin, qui brûla la nuit du 27 au 28 février 1933. Immédiatement exploité par les nazis, il est suivi par la proclamation d’état d’exception et des dizaines de milliers d’arrestations (principalement de communistes allemands), le nazi Hermann Göring (alors ministre de la justice de la Prusse), le présentant que le signal du début de l’insurrection communiste.
Le principal accusé Dimitrov, un des dirigeants de l’insurrection communiste bulgare de 1923 et condamné à mort par contumace, quitte la Bulgarie pour l’Union soviétique où il devient responsable de l’internationale Communiste. Le 9 mars 1933, il est arrêté en Allemagne alors qu’il voyageait clandestinement, sous le prétexte de complicité dans l’incendie du Reichstag. Devant la presse internationale, Dimitrov tient tête à Goebbels et à Göring à qui il fait perdre son calme en pleine audience, il accuse les nazis d’avoir eux-mêmes fait incendier le Reichstag, fait voler en éclat la thèse officielle et transforme le procès en tribune antinazie. Ce procès lui vaudra une renommée mondiale et dissuadera les nazis de faire d’autres grands procès publics contre des dirigeants communistes. Acquitté après une année d’incarcération, il est expulsé en URSS qui lui a conféré la citoyenneté soviétique.

Une première théorisation avait été faite par Marcel Willard, un avocat communiste, dans son livre La Défense accuse (Editions sociales, 1938, réédité en 1951). Lénine, rapporte-t-il, avait fixé cette ligne de conduite dès 1905, à tous les Bolcheviks traduits en justice : « Défendre sa cause et non sa personne, assurer soi-même sa défense politique, attaquer le régime accusateur, s’adresser aux masses par dessus la tête du juge… »

Dès son premier dossier que Jacques Vergès a géré en tant qu’avocat (celui de la société qui logeait les travailleurs imigreés), Vergès s’engage dans une « défense de rupture ». Vergès milite ensuite pour le FLN et défend leurs combattants. Il est notamment l’avocat de Djamila Bouhired, militante du FLN capturée par les paras français, torturée puis jugée pour attentat à la bombe durant la bataille d’Alger, notamment au Milk-Bar (cinq morts et 60 blessés). Cette défense lui vaut un an de suspension du barreau, en 1961.

Ce n’est qu’après l’avoir ainsi pratiquée que Jacques Vergès la théorisa, dans son fameux De la stratégie judiciaire (Éditions de Minuit, 1968, réédité en 1981) qui expose que « Le but de la défense n’est pas tant de faire acquitter l’accusé que de mettre en lumière ses idées ». Ce livre-culte inspira des générations d’avocats,
Selon lui (et en cela consiste son apport théorique par rapport à Marcel Willard), dans les situations de confrontations extrêmes, la stratégie de la rupture est en définitive la plus efficace pénalement. Alors que précédemment dans les procès politique, la défense de connivence sauvait les têtes et les procès de rupture gagnaient la cause. Vergès faisait remarquer que si ses clients, qui étaient devenu des symboles par leurs positions de rupture, par le fait qu’ils incarnaient leur cause, avaient été condamnés à mort (à commencer Djamila Bouhired), les autorités françaises n’avaient oser exécuter aucun d’entre eux (à la différence d’autres militants, défendus classiquement).

Le procès de rupture se distingue du procès de « présence offensive » ou d’autres tactiques de procès politiques. Le Secours Rouge International a publié en novembre 2010 une brochure sur ces différentes tactiques et stratégies intitulée : Le procès politique théorie et pratique, principes et tactiques.

Le procès politique : théorie et pratique, principes et tactiques

Le contenu de ce numéro

La mort de Socrate, par David
La défense « de rupture »
Djamila Bouhired
De la stratégie judiciaire

L’art urbain, ou « street art » a pour origine la culture hip-hop américaine, et regroupe toutes les formes d’art réalisées dans la rue, ou dans des endroits publics. Les techniques sont variées. Aux tags, graff, free style du hip hop américain se sont ajouté, surtout en Europe au début, les collages et pochoirs. Le street art utilise aujourd’hui une vaste gamme de technique : stencil, bombe, marqueur, affiches peintes ou sérigraphiées, autocollants, mosaïques, collages, etc.

Cet art populaire (aujourd’hui récupéré par une tendance de l’art contemporain) a très vite marqué l’expression politique. Le spectre du street art politique est large, allant d’artistes délivrant (parfois occasionnellement) des messages politiques à des militants utilisant les modes d’expression et techniques du street art. Les simples messages autrefois hâtivement tracés sur les murs prennent alors, par exemple, des formes très élaborées.




On peut distinguer les types et les styles (chaque type pouvant utiliser chaque style).

Les types

Le tag: C’est le type de graffiti originel. C’est une signature personnalisée réalisé avec une seule couleur.

La pièce: C’est un ensemble de lettres stylisées, une représentation élaborée du nom de l’artiste. Une pièce est réalisée avec 3 couleurs ou plus et peut être accompagnée d’un personnage.

La fresque: Elle rassemble plusieurs pièces d’artistes différents sur un support géant. Une fresque raconte une histoire, elle peut avoir un fond unifié qui dessert les pièces de chaque artistes.

Le « street art » proprement dit: Ce sont les pochoirs, les interventions sur mobilier urbain, les détournements publicitaires, les stickers, les affiches, les collages, et les placements d’objets.

Les « Throw ups » : type de graffiti se situe entre le tag et la pièce. Le flop est fait pour être réalisé rapidement avec un minimum de traits et de couleur. Les lettres sont condensées, une couleur pour les contours, une pour le remplissage et éventuellement une autre pour les reflets.

Le personnage: Il représente une personne, un monstre, un super-heros, un animal, un portrait, une chimère, ou tout type de forme unifiée.

Le chrome : Graffiti réalisé avec une couleur dominante: le « chrome » (argenté). C’est une pièce basique dont les contours sont souvent réalisés en noir.




Quelques styles

Wildstyle : Graffiti dans lequel les lettres sont entremelées, fusionnées et extravagantes. Leur extrémités sont dynamiques et peuvent se transformer en flèches ou pointes. Les lettres sont tellement travaillées et déformées avec style qu’il est difficile de déchiffrer pour les non-initiés.

3D : Graffiti créant l’illusion de 3 dimensions.

Bubble : Style de lettres en forme de bulles.

Old School : Style issu des premières vagues de graffiti (années 70 et 80).

Bloc : Ce style fait intervenir des formes en bloc dans le travail des lettres. Les formes sont carrées ou rectangulaires ce qui donne un effet de lourdeur, de solidité à la pièce.

Ignorant : Ce style de graffiti se veut une réaction au styles stylisés, techniques, et compliqués (wildstyle, 3D…). Basique, enfantin mais innovant. Ne pas confondre un graffiti raté et un graffiti au style ignorant dont la simplicité cache parfois un grande technique.

Hardcore : Ce style qualifie tous les tags, flop, pièces et vandal particulièrement violentes, agressives, dégoulinantes.

Réaliste: Personnages ou paysages sont réalisés de façon à rester le plus fidèle possible à la réalité.

Fat cap : Tags, flops ou traits réalisés avec un Fat Cap. Il existe différent cap (valve par laquelle sort le spray de peinture), le fat cap permet de réaliser des trait épais.

etc.




Type: stencil (style réaliste)
Type: Throw ups, style: bubble
Type: street art (affiche)
Technique mixte
Type: chrome
Type: street art
Type: affiche (style: 3D)
Type: stencil (style réaliste)
Type: fresque, (style: 3D)
Type: street art (style: affiche détournement publicitaire)
Type: fresque (style réaliste)
inclassable...

De 1933 à 1939, un million d’Allemands ont été appréhendés et 275.000 condamnés pour activité antifasciste à 600.000 années de prison ; il y avait en permanence entre 150 et 300.000 Allemands dans les camps de concentration — sans compter les Allemands détenus pour motifs racistes. En 1939 par exemple, il y avait 112.000 personnes en prison après une condamnation politique, 27.000 « politiques » en attente de jugement, et 160.000 autres enfermés sans jugement dans les camps de concentration. Avec la guerre, le nombre des détenus allaient augmenter encore : Résistants, familles de résistants, travailleurs déportés indisciplinés, otages, allaient rejoindre les camps de concentration.

Dans les camps de concentration et d’extermination, les SS employaient un grand nombre de détenus comme auxiliaires : chefs de chambrée, employés de bureau, chefs d’équipe dans les ateliers, personnel d’entretien, etc. Occuper une de ces places augmentait considérablement les chances d’échapper à la mort. C’est d’abord aux prisonniers allemands de droit commun que les SS confièrent ces postes, mais leurs vols et leurs trafics perturbaient l’ordre des camps. Les militants communistes noyautèrent peu à peu l’administration des camps. Ils parvinrent, grâce à une utilisation centralisée et rationnelle des possibilités ainsi offertes, à donner aux SS l’apparence d’une « bonne administration » tout en développant un vaste réseau de solidarité et de lutte. Partout où ils purent infiltrer l’appareil des camps, la condition des déportés s’améliora, tandis que les droits communs volaient la nourriture des détenus et que les organisations chauvines polonaises et ukrainiennes rivalisaient avec les SS dans la persécution des Juifs et des Russes.

Les communistes allemands constituèrent dans tous les camps une organisation clandestine, mais c’est à Buchenwald, près de Weimar, qu’elle fut la plus développée et la plus efficace. Buchenwald était l’un des plus grands camps de concentration sur le territoire de l’Allemagne. 239.000 personnes y ont été détenues à partir de 1937. 56.000 prisonniers de 18 nationalités y ont trouvé la mort.

Au printemps 1942, l’organisation clandestine avait pris le contrôle de presque toutes les fonctions « civiles » du camp. Elle sauva la vie de nombreux condamnés à mort. Un des procédés consistait à échanger l’identité du condamné avec celle d’un détenu ordinaire qui venait de mourir : on enlevait au détenu condamné le morceau de peau tatoué de son numéro et on lui retatouait le numéro du détenu décédé. Un autre procédé consistait à déclarer le condamné atteint du typhus et à l’affecter dans les locaux de quarantaine où les SS n’osaient pénétrer. L’organisation de Buchenwald réussit à monter le système médical équipé de matériel volé aux SS ; elle assurera la solidarité alimentaire envers les malades et les prisonniers de guerre soviétiques privés de nourriture, mit au point un service d’information alimenté par une radio clandestine.

Elle fut à l’origine de la création d’un Comité international (ILK) en aidant à la constitution d’une organisation clandestine par nationalité (onze organisations nationales furent finalement membres de l’ILK). Elle obtint de remarquable succès dans le sabotage la production de guerre dans les usines employant la main d’œuvre déportée. A Dora (qui dépendait de Buchenwald et où on produisait les fusées « V 2 »), 80% de la production étaient mis au rebut ; à l’usine Gustloff, la production chuta de 55.000 fusils à quelques milliers avec le début du travail concentrationnaire, et les trois quarts de la production fut par la suite renvoyés par la Wehrmacht comme inutilisables. Il était prévu de produire 10.000 pistolets par mois, mais la production resta « à l’essai » pendant deux ans, et dans l’intervalle, une quantité incroyable de matières premières et d’énergie avait été délibérément gaspillée.

L’organisation clandestine constitua une branche militaire, l’Organisation Militaire Internationale (IMO), dans la perspective d’une insurrection armée. Le service « armement », dirigé par Franz Bera, avait réunis et caché 91 fusils avec 2500 cartouches, une mitrailleuse avec 2000 cartouches, vingt armes de poing, 200 cocktails molotov, des grenades artisanales, des couteaux, des cisailles, etc. Certaines armes avaient été construite au camp à partir de pièces volées une à une dans les usines d’armement. Pour protéger le secret de toute cette activité, elle développa au plus haut point l’espionnage des autorités SS et liquida discrètement de nombreux mouchards.

Aux derniers jours du camp, l’organisation de Buchenwald parvint à empêcher le départ de 21.000 de détenus dans les « marches de la mort ». Le 11 avril 1945, à 11 heures du matin, les troupes américaines approchent (on entend le grondement de la canonnade) et les unités SS des casernes jouxtant le camp reçoivent l’ordre d’évacuation. Le massacre de tous les prisonniers restant est à craindre et, dans le même moment, la désorganisation de la garnison est à son comble. Le moment est choisi par l’IMO pour déclencher l’insurrection armée. Chaque groupe national reçoit ses instructions et ses armes. Les miradors et les bâtiments clés sont pris d’assaut.

Voici le témoignage de Pierre Durand, un des combattant français :
« Au pas de course, Henri Guilbert revient de l’état-major international. Le signal est donné : on passe à l’attaque ! Le colonel Manhès et Marcel Paul transmettent leurs directives : « Ordre est donné au commandant de la compagnie de choc de se rendre au Block 50 accompagné de dix hommes pour prendre livraison des armes destinées aux unités françaises. »  Dans une course effrénée, nous descendons les rues du camp pour aboutir rapidement au lieu indiqué. Un camarade allemand nous indique du doigt notre destination. Nous pénétrons dans une immense cave remplie de charbon. Deux détenus allemands, munis de pelles, avec une énergie rageuse, écartent le charbon et dégagent le mur du fond, Puis à l’aide de gros marteaux, sur toute la longueur du mur, font voler en éclats une mince cloison derrière laquelle nous découvrons un petit arsenal : fusils, revolvers, munitions, grenades. Rapidement nous sont remises les armes destinées aux forces françaises. Quelques minutes plus tard, nos quatre compagnies reçoivent leur contingent d’armes. Le colonel Manhès, Marcel Paul me transmettent les ordres. Notre unité rejoint rapidement le secteur indiqué et dix minutes plus tard les 120 hommes de la compagnie de choc, fusils et grenades en main, montent au pas de course à cette immense place d’appel… La compagnie de choc atteint son objectif : la porte, le Bunker, les locaux administratifs sont investis. Les SS surpris, en proie à la panique, décampent à toute vitesse.» 

A 14H30, les 850 combattants de l’IMO ont libéré le camp dans un bref mais violent combat contre des SS démoralisés et rapidement débandés. 150 gardes SS avaient été capturés, 1.500 fusils, 180 lances-fusée antichar « Panzerfaust » et 20 mitrailleuses récupérés.
A 16H les premiers soldats américains entrent dans le camp. Le premier officier allié à pénétrer à Buchenwald témoigne : « Nous entrons dans le camp : aucune trace de combat ; il n’y a pratiquement aucune résistance des S.S. (…) Ça et là, dans le camps, nous apercevons certains hommes qui ont perdu déjà l’aspect de déportés politiques. Ils portent des grenades accrochées à la ceinture, des fusils, des Panzerfaust ; ils donnent l’impression de vouloir constituer une force révolutionnaire dans le camp. »

Une semaine plus tard, le 19 avril 1945, les déportés rassemblés sur la place d’appel prêtèrent le serment suivant:

« Nous, les détenus de Buchenwald, nous sommes venus aujourd’hui pour honorer les 51.000 prisonniers assassinés à Buchenwald et dans les Kommandos extérieurs par les brutes nazies et leurs complices. 51.000 des nôtres ont été fusil lés, pendus, écrasés, frappés à mort, étouffés, noyés, empoisonnés et tués par piqûres. 51.000 pères, frères, fils sont morts d’une mort pleine de souffrances, parce qu’ils ont lutté contre le régime des assassins fascistes. 51.000 mères, épouses et des centaines de milliers d’enfants accusent. Nous, qui sommes restés en vie et qui sommes des témoins de la brutalité nazie, avons gardé avec une rage impuissante la mort de nos camarades. Si quelque chose nous a aidés à survivre, c’était l’idée que le jour de la justice arriverait.
AUJOURD’HUI NOUS SOMMES LIBRES
Nous remercions les armées alliées, les Américains, les Anglais, les Soviétiques, et toutes les armées de libération qui luttent pour la paix et la vie du monde entier. Nous rendons hommage au grand ami des antifascistes de tous les pays, à l’organisateur et initiateur de la lutte pour un monde nouveau, que F.D. Roosevelt
[qui venait de mourir]. Honneur à son souvenir. Nous ; ceux de Buchenwald, Russes, Français, Polonais, Tchécoslovaques et Allemands, Espagnols, Italiens et Autrichiens, Belges et Hollandais, Luxembourgeois, Roumains, Yougoslaves et Hongrois, nous avons lutté en commun contre les SS, contre les criminels nazis, pour notre libération.
Une pensée nous anime
NOTRE CAUSE EST JUSTE, LA VICTOIRE SERA NOTRE.
Nous avons mené en beaucoup de langues la même lutte dure et impitoyable. Cette lutte exigeait beaucoup de victimes et elle n’est pas encore terminée. Les drapeaux flottent encore et les assassins de nos camarades sont encore en vie. Nos tortionnaires sadiques sont encore en liberté. C’est pour ça que nous jurons, sur ces lieux de crimes fascistes, devant le monde entier, que nous abandonnerons seulement la lutte quand le dernier des responsables sera condamné devant le tribunal de toutes les nations : L’écrasement définitif du nazisme est notre tâche.
NOTRE IDEAL EST LA CONSTRUCTION D’UN MONDE NOUVEAU DANS LA PAIX ET LA LIBERTE.
Nous le devons à nos camarades tués et à leurs familles. Levez vos mains et jurez pour démontrer que vous êtes prêts à la lutte. »

La torture des prisonniers politiques à Buchenwald
Quelques un des 60.000 déportés tués à Buchenwald
Quelques un des 60.000 déportés tués à Buchenwald
Les armes de l'organisation clandestine de Buchenwald
L'insurrection de Buchenwald

En Amérique comme en Europe, le début des années ’20 sont des années de crise et de luttes sociales. Les grèves tournent en affrontements violents dans plusieurs grandes villes des États-Unis, comme à Boston. En 1920, de nombreux attentats anarchistes frappent les responsables politiques. Les bureaux de la banque Morgan à Wall Street sont soufflés par un attentat à la charrette piégée qui fait 38 morts et 200 blessés. Une vague de répression s’abat sur les anarchistes mais aussi sur les communistes, les socialistes et les syndicalistes américains.

Deux braquages ont lieu à ce moment dans le Massachusetts : le premier contre une fabrique de chaussures à Bridgewater le 24 décembre 1919, l’autre à South Braintree le 15 avril 1920. Durant ce dernier braquage, le caissier de la manufacture et son garde du corps sont tués. La police soupçonne immédiatement les anarchistes italiens et opère plusieurs arrestations dans ce milieu, dont Nicolas Sacco et Bartolomeo Vanzetti.

Nicolas Sacco, né en 1891 dans un village d’Italie du Sud, émigre aux États-Unis en 1908 ; ouvrier cordonnier à Boston, il se rend au Mexique en 1917 pour éviter la mobilisation. D’abord républicain, Sacco devient socialiste, puis anarchiste militant. Bartolomeo Vanzetti, né en 1888 dans l’Italie du Nord, d’une famille bourgeoise, s’intéresse très tôt au socialisme puis à l’anarchisme. À vingt ans il émigre à New York où il exerce toutes sortes de métiers. C’est un militant syndicaliste actif et influent. Ils sont arrêté près d’une voiture volée « appartenant » à un autre anarchiste italien et que la police va affirmer être celle du braquage. Sacco et Vanzetti refusent de collaborer avec la police.

Le premier procès débute le 22 juin 1920. Un certain nombre de témoins à charge qui n’ont vu le braquage que de loin affirment avoir « reconnu » des Italiens. Les témoins à décharge, des immigrés italiens sont ignorés bien qu’ils leur fournissent un alibi à Vanzetti. Le 16 août 1920, Vanzetti est condamné pour le premier braquage de 12 à 15 ans de prison, Nicola Sacco ayant pu prouver qu’il avait pointé à l’usine ce jour là.

C’est au second procès qui a lieu à Dedham du 31 mai au 14 juillet 1921 que Sacco et Vanzetti sont condamnés sans preuve à la peine capitale pour le braquage meurtrier de South Braintree. Le juge Thayer qui préside le tribunal affirme que « Leurs principes comportent le crime » et que « la preuve qui condamnait ces accusés était [leur] conscience d’avoir fait le mal ». Les amis des condamnés, des dirigeants syndicaux et des démocrates bourgeois Boston lancent une campagne qui aura un écho immense. Des comités de défense se mettent en place dans le monde entier pour sensibiliser l’opinion sur cette injustice. Ce sera une des premières grande campagne du Secours Rouge International.






Voir le film d’une manifestation à Paris, au Bois de Vincennes, le 7 juillet 1927

En novembre 1925, un bandit avoue de sa prison être l’auteur, avec des membres d’un autre gang, du braquage de South Braintree, mais le juge Thayer refuse de rouvrir le dossier, ce qui relance la vague de protestation internationale. En 1926 la condamnation à mort est confirmée. Malgré la mobilisation internationale intense et le report à plusieurs reprises de l’exécution, Nicola Sacco, Bartolomeo Vanzetti et Celestino Madeiros sont exécutés par chaise électrique dans la nuit du 22 au 23 août 1927, à la prison de Charlestown, suscitant une indignation générale. Le 23 août 1977, le gouverneur du Massachusetts absout les deux hommes et les réhabilite officiellement.

De nombreuses oeuvres (dont un livre d’Howard Fast, l’auteur de Spartacus) ont été consacrée à l’affaire, mais la plus célèbre est la chanson Here’s to you de Joan Baez, sur une musique d’Ennio Morricone, pour la bande originale du film Sacco et Vanzetti de Giuliano Montaldo (1971). La chanson reprend les paroles mêmes de Vanzetti: « Here’s to you Nicola and Bart / Rest forever here in our hearts / The last and final moment is yours / That agony is your triumph. »

A sa condamnation, Vanzetti, avait en effet écrit au juge Thayer : « Si cette chose n’était pas arrivée, j’aurais passé toute ma vie à parler au coin des rues à des hommes méprisants. J’aurais pu mourir inconnu, ignoré : un raté. Ceci est notre carrière et notre triomphe. Jamais, dans toute notre vie, nous n’aurions pu espérer faire pour la tolérance, pour la justice, pour la compréhension mutuelle des hommes, ce que nous faisons aujourd’hui par hasard. Nos paroles, nos vies, nos souffrances ne sont rien. Mais qu’on nous prenne nos vies, vies d’un bon cordonnier et d’un pauvre vendeur de poissons, c’est cela qui est tout ! Ce dernier moment est le nôtre. Cette agonie est notre triomphe. »

Sacco et Vanzetti
Manifestation Sacco et Vanzetti
Manifestation Sacco et Vanzetti
Manuifestation Sacco et Vanzetti
Manifestation Sacco et Vanzetti
Les funérailles de Sacco et Vanzetti

28/07/2005

Le Bloody Sunday

À la fin des années 1960, dans le Nord de l’Irlande resté sous la domination britannique, la discrimination contre la minorité catholique amène l’Association nord-irlandaise pour les droits civiques à mettre en place une campagne non-violente pour l’égalité de droits entre catholiques et protestants. Cette campagne est réprimée par la police (presque exclusivement protestante) et par les paramilitaires unionistes protestants.

Le 12 août 1969, la quartier catholique du Bogside, à Derry [alors officiellement Londonderry], s’insurge suite à une provocation protestante: les habitants lèvent des barricades et font face à la police. Les affrontements, appelés la Bataille du Bogside, durent plusieurs jours, provoquant la mort de dix civils et cent cinquante blessés ainsi que l’incendie d’une centaine d’habitations. Le 14 août, elles s’étendent à Belfast, la capitale. La police est dépassée et l’armée britannique intervient; un premier bataillon est déployé à Derry puis un autre à Belfast. Au 1er septembre, il y a 6.000 soldats sur le territoire, 11.000 au printemps 1970. Le 30 mars 1970, une première manifestation catholique est organisée pendant trois jours contre l’armée. Du 3 au 5 juillet 1970, l’armée impose un couvre-feu et une fouille dans un secteur sensible de Belfast. Cinq civils sont tués dans cette opération et dix-huit militaires y sont blessés.

En 1971, l’IRA prend pour cible les troupes britanniques et le 6 février 1971, le premier soldat britannique est tué à Belfast. Le 8 juillet 1971, deux manifestants sont abattus dans le Bogside par des soldats. Le 9 août, l’emprisonnement sans procès (dit « internement administratif ») est établi, une immense rafle de suspects a lieu, et l’usage de la torture se répend. Cela provoque de nombreuses manifestations de masses, toutes interdites, qui tournent aux affrontements: trois manifestants sont tués. Les paramilitaires protestants ciblent les catholiques (quinze morts dans un bar catholique, le 4 décembre) tandis que la campagne de l’IRA s’intensifie: une trentaine de soldats britanniques tués dans les derniers mois de 1971. Des quartiers entiers de Derry sont alors barricadés, sous le contrôle de l’IRA, interdits à l’armée et à la police.

En janvier 1972, l’Association nord-irlandaise pour les droits civiques planifie, malgré l’interdiction de toute manifestation, un défilé pacifique à Derry le 30 janvier 1972 pour protester contre l’internement. Les autorités finissent par autoriser la manifestation. L’armée déploie un bataillon de parachutistes (SAS) à Derry avec pour mission d’arrêter les possibles émeutiers. Lors de la marche, quelques jeunes manifestants lancent des pierres contre un barrage de l’armée britannique qui réplique avec un canon à eau, des lacrymogènes et des balles en caoutchouc. Deux civils sont blessés par balle par des soldats un peu plus tard.


Le commandement de l’armée, pensant qu’un sniper de l’IRA opérait dans la zone, donne la permission aux SAS d’aller dans le Bogside et de tirer à balles réelles. Plus de cent cartouches furent tirées contre les manifestants qui fuyaient. Treize manifestants et un passant furent tués, quatorze autres furent blessées, douze par des tirs de soldats et deux renversées par des blindés. Les militaires ont prétendu avoir vu des armes mais tous les témoignages et toutes les images le démente. Un manifestant sera abattu d’une balle dans l’arrière de la tête alors qu’il aidait un manifestant touché en agitant un mouchoir blanc. Un autre sera abattu alors qu’il levait les bras en criant « Ne tirez pas ! ».


Après le Bloody Sunday, l’IRA allait connaître une croissance spectaculaire, et les organisations pacifistes un discrédit durable. Une enquête bidon blanchit l’armée britannique en concluant qu’elle répondait aux tirs de l’IRA, alors qu’aucune arme n’a été retrouvée sur les lieux, et qu’aucun soldat n’a été tué ou blessé ce jour-là. Une nouvelle enquête ouverte en 29 janvier 1998 fera apparaitre que les militaires avaient menti lors de leurs dépositions. Le rapport final reconnaît la responsabilité des militaires qui, sans être menacé ont tiré sans avertissement sur une foule désarmée.

Le Bloody Sunday reste un événement majeur dans la conscience nationale irlandaise, et pas seulement dans les milieux républicains, comme en témoigne la chanson du groupe pacifiste sud-irlandais U2. En 2002, un film de Paul Greengrass restitue cette journée en se basant sur le rapport de la commission d’enquête de 1998.

Le Bloody Sunday
Le Bloody Sunday
Le Bloody Sunday
Le Bloody Sunday
Le Bloody Sunday
Le Bloody Sunday
Le Bloody Sunday
Le Bloody Sunday

Victor Serge, de son vrai nom Viktor Kibaltchitch est né en Belgique en décembre 1890 de parents russes émigrés politiques. Dès l’âge de quinze ans, alors qu’il était apprenti photographe, il milita dans la Jeune Garde socialiste, à Ixelles. Très anti-militariste et anti-colonialiste, il commence en 1906 à fréquenter les milieux anarchistes de Bruxelles. Tout en vivotant de métiers variés il écrivait dans diverses publications libertaires et participait aux manifestations contestataires qui finissaient en bagarre avec la police, ce qui lui valut perquisitions et arrestations.

En 1909, il quitte la Belgique pour Paris, où il continue à écrire dans la presse anarchiste et à tenir des conférences de tendance anarchiste-individualiste. Pour avoir hébergé les principaux membres de la bande à Bonnot et refusé de les dénoncer, il fut condamné en 1912 à cinq ans de réclusion, qu’il effectua de 1912 à 1916. Il évoqua plus tard cette expérience dans son roman, Les Hommes dans la prison.

Expulsé à l’issue de sa peine, il rejoint Barcelone, y devint ouvrier-typographe, écrivit pour le périodique anarchiste Tierra y Libertad (où il adopte le pseudonyme de Victor Serge) et participe en juillet 1917 à une tentative de soulèvement anarchiste avant de revenir clandestinement en France, où il fut à nouveau emprisonné. Pendant son internement, il tente de rejoindre la Russie révolutionnaire, est arrêté et emprisonné. En janvier 1919, il fut échangé avec d’autres prisonniers dans le cadre d’un accord franco-soviétique et put gagner la Russie soviétique. Il évoqua cette période dans son livre Naissance de notre force.

Victor Serge adhéra au parti communiste russe en mai 1919. Son passage de l’anarchisme au marxisme, considéré comme un reniement par certains libertaires, l’amena à beaucoup écrire pour défendre le régime soviétique vis-à-vis de ses anciens camarades. Tout en expliquant ce qu’il considérait comme des erreurs de la part des anarchistes russes, il s’efforçait d’atténuer la répression à leur encontre. Mobilisé à Pétrograd au moment de l’offensive des armées blanches de Youdenitch (épisode qu’il raconta dans La Ville en danger), c’est pendant le siège de la ville qu’il se voit confier la garde des archives de la police politique tsariste, l’Okhrana. Il est chargé de les évacuer vers Moscou ou, le cas échéant, de les dynamiter pour empêcher les Blancs victorieux de récupérer leurs fichiers. Après la défaite des blancs, il exerça diverses fonctions pour le parti.

En 1920 et 1921, il assista aux congrès de l’Internationale communiste et collabora dans les années suivantes à l’Exécutif de l’Internationale. Dans les années vingt, il écrivit des articles pour la presse communiste internationale, et notamment une série de trois articles est publiée en novembre 1921 à Paris sur les méthodes de l’Okhrana.

Ces trois articles formeront la première partie (chapitres 1, 2 et 3), la plus longue, de Ce que tout révolutionnaire devrait savoir sur la répression. Victor Serge les a écrit à Moscou, où il travaille au commissariat des Affaires étrangères. C’est d’abord une longue description du fonctionnement de l’Okhrana. Ses archives révèlent, outre des techniques classiques – filatures, écoutes téléphoniques, interceptions de courrier, procédés anthropométriques –, une utilisation extraordinaire de l’infiltration et de la provocation. C’est sur cette base que se fondent les conseils de Serge aux révolutionnaires internationaux, conseils gardant une grande actualité

En 1921, Serge part pour l’Europe centrale. A Berlin, où il travaille à la rédaction de l’Inprekorr (l’agence de presse de l’internationale communiste), il assiste à l’écrasement de l’insurrection communiste d’octobre 1923, en Saxe, en Thuringe et à Hambourg. C’est à Vienne que Victor Serge rédige en 1925 la seconde partie (le chapitre 4) de ce qui deviendra de Ce que tout révolutionnaire devrait savoir sur la répression. Intitulée Le problème de la répression révolutionnaire, elle sera publiée à Paris. Le livre complet sera publié dans son ensemble en 1926. Immédiatement publié à 3.000 exemplaires, cet ouvrage devenu un grand classique de l’anti-répression sera réédité plusieurs fois réédité, parfois à des tirages astronomiques.

En 1923, il devient membre de « l’opposition de gauche » dans le parti et dénonce la politique staliniste en URSS et dans l’Internationale communiste. Cela entraîna en 1928 son exclusion du parti pour « activités fractionnelles ». Placé sous surveillance, sa situation matérielle se dégrada. L’autorisation d’émigrer lui est refusée et, en 1933, Victor Serge fut condamné à trois ans de d’exil sous surveillance dans l’Oural. Une campagne internationale fut menée en sa faveur, animée par les trotskistes. C’est finalement grâce à une intervention directe de Romain Rolland auprès de Staline qu’il est libéré, déchu de sa nationalité soviétique et banni d’URSS en 1936. Depuis la Belgique, puis la France, Victor Serge continua de dénoncer l’URSS de Staline (notamment dans le journal socialiste de Liège, La Wallonie). Il passa la guerre réfugié au Mexique et y mourut dans le dénuement en 1947.

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« Ce que tout révolutionnaire doit savoir de la répression »
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« Ce que tout révolutionnaire doit savoir de la répression »

Après le coup d’État au Brésil en 1964, la gauche révolutionnaire allait développer une résistance armée qui sera anéantie par une contre-guérilla d’une brutalité extrême : les prisonniers sont abominablement torturés, les exécutions sommaires visent militants et sympathisants, les militants en exil étaient poursuivis et assassinés par les services secrets. Au début des années 1970, la Bolivie, l’Uruguay et le Chili, deviennent des dictatures militaires, alors que le Brésil, l’Argentine et le Paraguay l’étaient depuis des années.

Dès le coup d’État de Pinochet, les services secrets chiliens commencèrent à collaborer avec des services étrangers, notamment argentins et paraguayens. En mai 1975, Jorge Fuentes, membre du Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR, Chili) est arrêté avec Amilcar Santucho, membre de l’armée révolutionnaire du peuple (ERP, Argentine), alors qu’ils tentaient de passer d’Argentine au Paraguay. L’interrogatoire et la torture des deux militants par les services paraguayens furent effectués en coordination avec les services argentins et chiliens, tandis que l’agent du FBI Robert Scherrer suivait l’affaire. Ce sont les prémisses de l’opération Condor.

Le 25 novembre 1975, une réunion des responsables de la police secrète des différents pays, inaugurée par Pinochet, officialise l’opération Condor. Sont présents le général Manuel Contreras (Chili), Jorge Casas (Argentine), le major Carlos Mena (Bolivie), le colonel Benito Guanes Serrano (Paraguay), le colonel José A. Fons (Uruguay) ainsi que deux vétérans brésiliens de la contre-guérilla : le lieutenant-colonel Flávio de Marco, et le major Thaumaturgo Sotero Vaz. Il semblerait que la communication des chefs de services d’espionnage d’Amérique latine qui animaient l’opération Condor, transitaient par un centre de communication de la CIA.

L’opération visait d’abord les militants révolutionnaires : militants du MLN-Tupamaros en Uruguay, du MIR au Chili, de l’ERP et des Monteneros en Argentine, de l’E.L.N. en Bolivie. Le MIR, l’ERP, l’E.L.N. et les Tupamaros avaient créé en 1973 (peu avant le coup d’état de Pinochet) une Junte de Coordination Révolutionnaire, structure de liaison entre différents mouvements guérilleros du Cône Sud. Beaucoup de militants politiques fuyant les dictatures s’étaient réfugiés en Argentine entre la fin 1973 et 1976. Ils seront la première cible de l’opération Condor. Fin 1975, 119 militants chiliens du MIR réfugiés en Argentine sont tués par un escadron de la mort l’« Alliance anticommuniste argentine ». La presse présenta ce massacre comme un affrontement entre révolutionnaires. Plusieurs militants argentins, uruguayens et boliviens sont également assassinés en Argentine cette année là.

L’opération Condor élargira rapidement son actions aux organisations d’opposition non-armée (partis communistes officiels, socialistes, chrétiens-démocrates), syndicalistes, religieux proches des causes populaires, etc. Un ex-président de la Bolivie, un ancien sénateur et l’ancien président de la chambre des députés de l’Uruguay, un ex-commandant de l’armée chilienne, hostiles aux dictatures militaires sont également assassinés, ainsi que deux jeunes diplomates cubains (enlevés en août 1976, torturés puis assassinés, – un rapport du FBI de septembre ’76 contient le rapport de l’interrogatoire).

Henry Kissinger, conseiller à la sécurité nationale US, se rend à Santiago, le 8 juin 1976, pour la conférence annuelle de l’Organisation des États Américains. Il fait un discours public en faveur des droits de l’homme, mais en privé, il prévient Pinochet que le soutien US est complet (le contenu de la conversation fut déclassifié en 1998). Une semaine plus tard, se tient une réunion au plus haut niveau des représentants de Condor, avec onze délégués. Après leur succès contre la gauche révolutionnaire dans le cône sud, les services secrets décident de passer à la « phase 3 » de Condor : des assassinat en-dehors des pays membres. Des tueurs issus d’organisations fascistes locales sont commandités en France, Italie, Portugal, Espagne. C’est ainsi qu’un commando dirigé par le fasciste italien Stefano Delle Chiaie essaie d’assassiner à Rome Bernardo Leighton, ancien vice-président du Chili et l’un des fondateurs du Parti démocrate-chrétien le 6 octobre 1975.

Le coup d’état militaire en Argentine va donner encore plus d’ampleur à cette répression. 30.000 personnes mortes ou disparues en 1975 et juillet 1978. Plus de 140 Urugayens, militants, sympathisants supposés des Tupamaros sont enlevés à Buenos Aires le 29 septembre 1976 par les militaires argentins assassinés ou remis aux services secrets uruguayens. En 1978, l’Équateur et le Pérou se joignent à la coalition. En juin 1980 a lieu la dernière opération connue de l’opération Condor avec l’enlèvement de militants argentins des Montoneros au Pérou.

C’est le scandale lié à l’assassinat de l’ancien ministre des affaires étrangères du Chili, Orlando Letelier, à Washington, le 21 septembre 1976, qui mettra fin à Condor. Les Américains enquêtent pour découvrir les commanditaires de cette opération. Le chef d’antenne du FBI à Buenos Aires émet un rapport décrivant Condor et sa « phase trois », dont certains extraits sont repris par la presse américaine.

L’opération Condor a été une étape très importante dans l’évolution des méthodes de répression et de contre-insurrection. L’un des aspects les plus novateurs est le secret entourant l’opération : la répression s’est organisée dans une discrétion absolue, aucune information ne devait filtrer des centres clandestins de torture et de détention, les victimes étaient achevées et leurs dépouilles éliminées, par exemple en les jetant d’avions dans la mer.

L’Opération Condor
L’Opération Condor
L’Opération Condor
L’Opération Condor
L’Opération Condor
L’Opération Condor

28/07/2005

Z

Le film Z est un chef d’oeuvre de Costa-Gavras, un classique du cinéma politique et du cinéma en général. Le film, qui a été tourné en 1969 est un réquisitoire contre la dictature des colonels instaurée le 21 avril 1967 en Grèce. Ζ (zêta) est l’initiale du mot grec ζει/zi, qui signifie « il vit » ou « il est vivant ». Les opposants inscrivaient cette lettre sur les murs pour protester contre l’assassinat de Lambrakis. Le film adapte en effet le roman éponyme de Vassilis Vassilikos fondé sur un fait réel : l’assassinat du député grec Grigoris Lambrakis en 1963.

La Grèce des années ’50 est dans la continuité de l’écrasement de la Résistance (dont la force principale est le Parti Communiste) par la coalition des monarchistes, des anciens collaborateurs des nazis, et du corps expéditionnaire britannique : interdiction du Parti communiste, camps de concentration pour condamnés et « suspects » politiques, etc.

Le Parti de la Gauche démocratique Unie (Eniaia Dimokratiki Aristera, EDA) créée en 1951, qui est au départ une émanation du PC interdit et clandestin, devient progressivement autonome par l’adhésion de nombreux non-communistes. En 1958, l’EDA atteint 25 % des suffrages, mais retombe à 14 % en 1961. Grigóris Lambrákis, un médecin qui avait participé à la Résistance et qui avait été un athlète célèbre, est élu député de l’EDA en 1961, dans la circonscription du Pirée.

Son mandat est marqué notamment par la marche de Marathon à Athènes le 21 avril 1963, au départ prévue comme manifestation en faveur de la paix ; mais le gouvernement l’ayant interdite (la campagne pour la paix, pour le désarmement atomique, était jugée pro-soviétique), la police intervient pour l’empêcher, arrêtant entre autres le jeune compositeur grec Mikis Théodorakis. Lambrakis, protégé par son immunité parlementaire, l’effectue seul.

Le mercredi 22 mai 1963, à la sortie d’un meeting du mouvement pour la paix tenu à Thessalonique, Lambrákis est renversé par un triporteur sur lequel se trouvent deux hommes. Gravement touché à la tête, Lambrakis est hospitalisé dans le coma et meurt au bout de cinq jours, le lundi 27. Les funérailles ont lieu le 28. Le trajet de l’église au cimetière s’étend sur 6 km, le long desquels se presse une foule immense dans ce qui est une manifestation anti-gouvernementale de grande ampleur. Les participants ont proclamé Lambrakis « Immortel » en criant : Athanatos. Peu après, apparaîtront sur les murs les « Z », « Il est vivant ». L’instruction du juge Sartzetakis, établit la responsabilité du chef de la gendarmerie de Thessalonique et du commandant de la gendarmerie de la Grèce du Nord, provoquant un scandale politique. Les hommes de mains étaient des collaborateurs des nazis, amnistiés et remobilisés pendant la guerre civile, ils seront à nouveau amnistiés suite au coup d’état des colonels en 1967.

Au tout début du film on peut lire : « Toute ressemblance avec des événements réels, des personnes mortes ou vivantes n’est pas le fait du hasard. Elle est VOLONTAIRE ». Même si le nom du pays n’est pas expressément mentionné, des références évidentes à la Grèce apparaissent dans le film, par exemple les panneaux publicitaires pour la compagnie aérienne Olympic ou la bière Fix.

Un député opposant au régime en place (Yves Montand) est gênant. Des hommes de mains déterminés perturbent sa réunion politique, puis l’agressent à la fin de celle-ci, dans l’indifférence des responsables de la police. Le coup porté est fatal. Un simple juge d’instruction intègre et motivé (Jean-Louis Trintignant) conduit une enquête minutieuse qui établit un vaste réseau de complicités ; il le démantèle en inculpant pour assassinat des cadres importants du régime. L’espace d’un moment plane un semblant de justice, mais se profile alors le coup d’état des colonels (1967).

Costa-Gavras avait proposé le livre de Vassilis Vassilikos à United Artists et obtenu une avance, mais United Artists se retire à la lecture du scénario, qu’elle juge trop politique. Pour le financement, il s’adresse à Eric Schlumberger et à Jacques Perrin qui utilisent leurs contacts en Algérie. En pleine dictature des colonels, il était impossible de tourner le film en Grèce. C’est donc en Algérie, durant l’été 1968, que Costa-Gavras tourna Z, car la ville d’Alger, par son architecture, ressemble beaucoup à Athènes. Par amitié et solidarité, Jean-Louis Trintignant accepte un cachet faible, Yves Montand accepte de jouer en participation, et Mikis Theodorakis, alors emprisonné par le régime des colonels, à qui Costa-Gavras demande d’écrire la musique du film, lui fait passer ce mot : « Prends ce que tu veux dans mon œuvre. » La distribution est remarquable, qui compte aussi Irène Papas, Charles Denner, Jacques Perrin, Julien Guiomar et quelques autres.

Le film rencontre en France un énorme succès. La critique unanime le salue comme le premier grand film politique français. Le film a été récompensé par le Grand Prix de l’Académie du Cinéma, par le Prix du Jury pour Costa-Gavras (à l’unanimité) et le prix d’interprétation masculine (pour Jean-Louis Trintignant) au Festival de Cannes, par l’Anthony Asquith Award de la meilleure musique de film pour Mikis Theodorakis, par le Golden Globe du meilleur film étranger et d’autres prix encore. C’est le premier volet de la trilogie politique de Costa-Gavras, avant L’Aveu (1970) et État de siège (1973).

Z
Z
Z

Le dimanche 7 septembre 1986, à 18 heures, le convoi du général 
Pinochet (huit véhicules au total) tombe dans une embuscade. Une vingtaine de guérilleros bloque le convoi et ouvre le feu au fusil d’assaut et au lance-roquette. La garde de Pinochet, surprise, réagit faiblement: cinq agents sont tués, certains détalent, quelques uns répliquent. Deux véhicules blindés sont détruits, mais la roquette qui touche la voiture de Pinochet fonctionne mal: le chauffeur peut dégager la Mercedes et repartir en sens inverse. Aucun des guérilleros ne fut blessé ; certains furent cependant capturés, torturés et assassinés plus tard, au Chili et même à l’étranger.


Cette action avait été menée par le Front patriotique Manuel-Rodriguez (FPMR), qui avait été fondé comme bras armé du Parti Communiste du Chili en janvier 1983. Il prendra sont autonomie ultérieurement et continuera la lutte armée alors que PC officiel misait sur une « transition démocratique ». Le FPMR a réalisé des opérations de grandes envergures (occupations de médias, enlèvements) qui culminèrent avec cette embuscade contre Pinochet, l’«Operación Siglo XX». La répression était naturellement terrible: la plupart des militants du FPMR furent arrêtés et torturés, ou tués (dont 12 abattus de sang froid en représailles à l’embuscade contre Pinochet dans ledit « massacre de Corpus Christi »).

Regroupés en 1987 dans la prison de Santiago, transformée pour l’occasion en «prison de haute sécurité», les militants du FPMR songent à s’évader. Seule solution: un tunnel qui devra passer sous la prison, profiter plus loin de la cavité existant entre le tunnel du métro et la chaussée, pour enfin terminer de l’autre côté de la rue, au pied de la station Mapocho, derrière un mur abrité du regard des gardes, mais situé à un pâté de maisons d’un des sièges de la police politique, la CNI.

Dans la galerie 7/8 de la prison, ils sont d’abord quatre à échafauder les plans. Premier casse-tête : que faire de la terre et des gravats ? Les prisonniers exploitent les combles entre le toit de zinc de la prison et le plafond des cellules: en étalant la terre, tous les gravats devraient tenir, mais il faudra travailler à plat ventre sous des tuiles de zinc qui, en été, dégagent une chaleur de plus de 50 °C… Pour camoufler l’ouverture, ils fabriquent une sorte de bloc de plâtre, avec de la chaux… et des oeufs, récupérés en cantinant. Dès lors, le creusement du tunnel peut commencer. Dans la cellule du rez-de-chaussée, l’entrée du tunnel est camouflée. Dans la cellule du premier étage, on évacue les gravats (l’équivalent de 10 camions!). Entre les deux, il y a encore un mini-tunnel par lequel on passe la terre préalablement entassée dans des jambes de pantalon transformées en sac.

Le « non » à Pinochet au référendum d’octobre 1988 déclenche de vastes discussions. Des élections sont prévues un an après: faut-il interrompre l’évasion et attendre un nouveau régime et une éventuelle amnistie? Les partis politiques décident que les prisonniers politiques arrêtés en vertu de la loi antiterroriste seront exclus de toute amnistie. La plupart des prisonniers du FPMR sont dans ce cas: décision est donc prise de continuer à creuser.

A la fourchette, à la cuillère, avec ce qui leur tombe sous la main, ils sont bientôt dix-neuf à travailler jour et nuit, tous du FPMR, selon une discipline militaire, au rythme des 3 x 8. 420 bouteilles en plastique sont récupérées pour le tuyau d’aération. Le tunnel est consolidé, électrifié. Il fait 60 cm de diamètre, mais comprend quelques ouvertures plus larges, éclairées, où l’on peut se retourner. Les frayeurs ne manquent pas : mini tremblement de terre, effondrement du tunnel, fouilles un peu corsées… Sous les combles, l’été, les hommes se déshydratent. Dans le tunnel, l’air est rare. Un jour, les détenus tombent sur des ossements, un charnier et… des pelles !
Le 14 décembre 1989, le démocrate chrétien Patricio Alwyn est élu président de la République. Il doit prendre ses fonctions en mars, mais annonce déjà que les prisonniers politiques accusés de «crimes de sang» ne seront pas amnistiés et que Pinochet reste commandant en chef des armées…

Ce samedi 27 janvier 1990, on injecte de la peinture verte à l’extrémité du tunnel: un contact extérieur vérifie sa position. Il manque encore quelques mètres. Le grand jour est donc reporté au lundi. A 21 heures, un premier groupe de 24 hommes, âgés d’une vingtaine d’années, est à plat ventre, dans l’ordre convenu, dans le tunnel de 60 mètres. Pas un de plus, question de sécurité. Les observations des camarades à l’extérieur ont montré que des officiers de la CNI ont l’habitude de faire un jogging certains soirs. Les détenus en fuite vont donc les imiter pour ne pas attirer l’attention des gardes postés sur le mirador.


Il est 22 h 30 ce 29 janvier lorsque retentit le signal tant attendu. «Salmon !». Un à un, les évadés s’extirpent du trou, se débarrassent de leurs habits souillés et commencent à courir, par petits groupes et à petites foulées. Au coin de la rue, un bus, un colectivo comme il y en a tant dans la capitale chilienne, les attend. Ils montent, regardent s’éloigner l’ombre de la prison. Pendant ce temps, dans la prison, la rumeur de l’évasion des 24 court les galeries. Un second groupe de prisonniers politiques profite de l’aubaine. Les détenus aux peines les plus lourdes partent en premier, sans avoir préparé leur fuite, sans savoir où aller. Certains ne connaissent même pas Santiago ! Quand l’alerte est donnée, vers 3 heures du matin, 49 détenus ont réussi à se faire la belle. Six seront repris.

Quinze ans après, la majorité des acteurs de cette spectaculaire évasion n’en a pas terminé avec la justice chilienne qui les considère encore comme des fugitifs. Certains vivent clandestinement au Chili, d’autres sont morts dans l’anonymat. D’autres encore connaissent un exil sans fin en France, en Suède, au Mexique, dans les pays qui les ont accueillis à l’époque comme réfugiés politiques, quelques uns ont réussi à faire classer leur cas par la justice.

Pour en savoir plus: « Les Evadés de Santiago » de Anne Proenza et Téo Saavedra – éditions du Seuil, Paris, 2010.

La grande évasion de Santiago
La grande évasion de Santiago
La grande évasion de Santiago
La grande évasion de Santiago
La grande évasion de Santiago
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